Yahya Jammeh
Yahya Jammeh, né le à Kanilai, est un officier et homme d'État gambien. Au pouvoir à partir du après un coup d'État, il est président de la République de Gambie à partir du . Le , il proclame l'islam comme religion d'État et la Gambie comme une république islamique. Il est battu à l'élection présidentielle de novembre 2016. Il refuse de céder le pouvoir, proclame l'état d'urgence et obtient la prolongation de trois mois de son mandat par l'Assemblée nationale. Néanmoins, devant la pression internationale, il quitte le pouvoir le .
Pour les articles homonymes, voir Yahya.
Yahya Jammeh يحيا جمح | |
Yahya Jammeh en 2014. | |
Fonctions | |
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Président de la République de Gambie[N 1] | |
– [N 2] (22 ans, 5 mois et 30 jours) |
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Élection | |
Réélection | |
Vice-président | Isatou Njie-Saidy |
Prédécesseur | Dawda Jawara |
Successeur | Adama Barrow |
Biographie | |
Nom de naissance | Yahya Abdul-Aziz Jemus Junkung Jammeh |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Kanilai (Gambie) |
Nationalité | Gambienne |
Parti politique | Alliance patriotique pour la réorientation et la construction |
Conjoint | Tuti Faal (1994-1998) Alima Sallah (2010-2011) Zeinab Soumah (1999-) |
Entourage | Dawda Jawara (beau-père) |
Profession | Militaire |
Religion | Islam sunnite |
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Présidents de la République de Gambie | |
Biographie
Origines
Il naît le dans une famille de paysans.
Prise du pouvoir
Lieutenant de l'armée, il accède au pouvoir à la faveur d’un coup d’État le , qui renverse Dawda Jawara qui dirigeait le pays depuis l'indépendance. Jammeh prend alors la tête d'un Conseil dirigeant provisoire des Forces armées qui est dissous le . À cette date, il prend brièvement le titre de chef de l'État.
Élections
Il fonde alors l'Alliance patriotique pour la réorientation et la construction. Élu une première fois dans un scrutin douteux le , il est réélu dès le premier tour de l’élection présidentielle du avec près de 53 % des suffrages.
Il obtient sans difficulté un troisième mandat, le avec 67,33 % des voix contre 26,6 % à son principal opposant, l'avocat défenseur des droits de l'homme Ousainou Darboe. Selon la CEDEAO, le vote a été juste, mais les moyens de la campagne électorale inégaux[réf. nécessaire].
Il est encore réélu pour un quatrième mandat de cinq ans le en obtenant 71,5 % des voix, de nouveau devant Ousainou Darboe qui doit se contenter de 17,4 %, Hamat Bah, le troisième candidat réunissant quant à lui un peu plus de 11 %[1].
Avant les élections législatives de 2012, il menace d'« isoler » les régions où son parti ne remporterait pas le scrutin — menace qu'il avait prononcée et mise en application lors de précédentes élections[2].
Un rapprochement avec les pays arabes
En , il change la langue officielle de la Gambie de l'anglais à l'arabe. Cette décision est interprétée comme un futur rapprochement avec les pays arabes, avec à terme la possibilité de faire du pays une république islamique[3].
Le , alors qu'il est en déplacement officiel à l'étranger, son régime est victime d'une tentative de coup d'État manquée, perpétrée par un ancien capitaine de l'armée gambienne, Lamine Sanneh[4].
Le , malgré les dispositions constitutionnelles[5],[6], il déclare la Gambie république islamique[7].
Défaite à l'élection présidentielle de 2016 et crise post-électorale
En , Yahya Jammeh annonce qu'il se présente à l'élection présidentielle pour un cinquième mandat successif. Il est cependant confronté à une opposition de plus en plus importante à l'intérieur de la Gambie, notamment dans les deux grandes villes du pays, la capitale politique Banjul et la capitale économique Serrekunda[8]. Le , il est battu par son opposant Adama Barrow et reconnaît sa défaite dès le lendemain[9]. Cependant, lors d'une allocution télévisée, une semaine après sa précédente déclaration, Jammeh conteste sa défaite et dénonce une erreur dans le comptage des voix par la Commission électorale indépendante[10]. Le , alors à la tête de son pays depuis 22 ans, il annonce son intention de garder le pouvoir après le , date prévue de la fin de son mandat, estimant que « nul ne peut [le] priver de la victoire, à l'exception d'Allah le Tout-Puissant ». Il condamne la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest qui veut qu'Adama Barrow accède au pouvoir, conformément au choix des urnes[11].
Il refuse, lors de la médiation de la CÉDÉAO, de quitter le pouvoir, et propose que sa vice-présidente, Isatou Njie-Saidy, assure l'intérim jusqu'en [12].
Le , il instaure l'état d'urgence[13]. Le 18 janvier, le Parlement prolonge son mandat de trois mois, jusqu'au [14]. Le , Adama Barrow prête serment comme président de la République à l'ambassade de Gambie au Sénégal, tandis que des États d'Afrique de l'Ouest (Sénégal, Nigeria et Liberia) pressent Yahya Jammeh de lui céder le pouvoir. Devant le refus de ce dernier, l'armée sénégalaise pénètre alors en territoire gambien dans le courant de l'après-midi. Le soir même, le chef de l’armée gambienne, le général Ousman Badjie, déclara à des ressortissants occidentaux qu'il n'ordonnerait pas à ses hommes de résister en cas d'intervention des troupes africaines mandatées par la CÉDÉAO[15].
Selon Jean-Claude Marut, membre du laboratoire des Afriques dans le monde, le refus de Jammeh de quitter le pouvoir avant l'examen de son recours par la Cour suprême serait cependant juridiquement légal[16].
Le , il accepte de quitter le pouvoir[17]. Il part en exil le lendemain soir pour Conakry, avant de rejoindre la Guinée équatoriale[18]. Il conserve cependant le droit de revenir en Gambie, ainsi que la propriété de ses biens, mais n'est pas amnistié[19]. Il est par ailleurs soupçonné d'avoir dérobé 11 millions de dollars des caisses de l'État avant son départ[20].
Après la présidence
Après son départ en exil en Guinée équatoriale, et alors qu'il est accusé de détournement de fonds en Gambie, il fait part de son intention de se lancer dans l'agriculture[21]. La justice gambienne a gelé ses comptes bancaires[22].
En , une Commission vérité et réconciliation est mise en place pour enquêter sur les crimes présumés du régime de Jammeh durant ses 22 ans de pouvoir[23], ainsi que durant une tentative de coup d’État antérieure à sa prise de pouvoir au début des années 1990[23]. La TRRC enquête ainsi sur l'assassinat d'un ministre et de plusieurs militaires durant cette tentative de coup d’État[23] ; sur des cas de tortures systématiques d'opposants et de journalistes, d'exécutions extra-judiciaires, de détentions arbitraires et de disparitions forcées[23], et en particulier sur l'assassinat du journaliste Deyda Hydara en 2004 et sur la mort en détention de l'opposant Solo Sandeg en 2016[23] ; et sur des viols que Jammeh aurait commis lui-même sur 3 Gambiennes[23]. Le , la TRRC fait arrêter un ancien ministre de Jameh, Yankuba Touray, car il refusait de répondre aux questions sur les meurtres durant la tentative de putsch du début des années 1990[23]. Au cours de l'année 2017, les membres du commando des Jugulars, les escadrons de la mort du régime de Jammeh, suspectés d'avoir tué Deyda Hydara sont identifiés au cours de l'enquête sur son assassinat, deux d'entre-eux sont arrêtés et deux sont en fuite[23] ; le , l'un des membres, le lieutenant Malick Jatta, reconnaît son implication et celle de la plupart des autres membres du commando dans le meurtre - précisant qu'il est l'un des trois militaires à avoir tiré sur Hydara - et accuse le président Jammeh d'avoir commandité l'assassinat[23].
En , les États-Unis annoncent l'interdiction faite à Yahya Jammeh d'entrer sur leur territoire, du fait de forts soupçons de corruption[24].
Un rapport publié en par une commission d’enquête créée par le président Barrow fait état d'un détournement de près d'un milliard de dollars par Jammeh pendant sa présidence[25].
Le , il demande dans un enregistrement à rentrer au pays[26]. Le , des milliers de ses partisans réclament son retour[27].
Yahya Jammeh et Adama Barrow scellent en septembre 2021 une alliance pour la présidentielle à venir[28].
Critiques
Restrictions à la liberté de la presse
En 2002, le premier journal francophone de Gambie (L'Écho du baobab) voit le jour. Mais, un seul exemplaire sort des presses et plusieurs des journalistes sont emprisonnés par la police secrète gambienne (la NIA), qui enferme également un journaliste congolais dans un cachot pendant deux semaines. Le rédacteur en chef, un Européen, est expulsé du pays et le journal est censuré.
Jammeh est classé comme un prédateur de la liberté de la presse par l'organisation Reporters sans frontières, depuis la promulgation de deux lois, en 2004 et 2005, restreignant cette liberté, ainsi que depuis l'assassinat (non élucidé) du journaliste Deyda Hydara, opposant à Jammeh, en . Il sera accusé, en , par un des membres du commando qui a tué Hydara d'avoir été le commanditaire de l'assassinat[23].
Violations des droits de l'homme
Le , Yahya Jammeh menace de mort les défenseurs des droits de l'homme, lors d'un entretien à la télévision d'État, accusant ceux qui aideraient ces derniers de vouloir « déstabiliser le pays »[29].
Alors qu'elle en était membre depuis 1965, la Gambie annonce le son retrait du Commonwealth[30], le pays refusant les injonctions du Royaume-Uni au sujet des droits de l'homme alors que le régime du président Jammeh se fait plus autoritaire[31].
En 2016, en réponse à la demande d'Amnesty International et de Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, que soit ouverte une enquête sur la mort de l'opposant politique Solo Sandeng, Yahya Jammeh déclare[32] : « Ban Ki-moon et Amnesty International peuvent aller en enfer ! Qui sont-ils pour exiger cela ? […] Où est le problème ? Des gens qui meurent en détention ou pendant un interrogatoire, c’est très commun. Personne ne me dira que faire dans mon pays ».
Connaissances médicales et académiques
En , Yahya Jammeh déclare qu'il peut traiter le sida et l'asthme à base d'herbes médicinales[33],[34]. Puis, le suivant, pendant une émission d'informations diffusée par l'agence de presse contrôlée par l'État, Jammeh prétend également qu'il a développé un remède (toujours à base de plantes) pour soigner l'hypertension artérielle pouvant guérir la maladie avec une seule dose. Il justifie ses assertions en présentant plusieurs déclarations de certains de ses ministres qui affirment avoir été guéris grâce à ce médicament. Yahya Jammeh a obtenu le baccalauréat. Pourtant, il se présente comme « Professeur El Hadj Docteur Yahya Abdul-Aziz Jemus Junkung Nasiru Den Jammeh »[35].
Quelque 9 000 personnes séropositives sont contraintes de participer au « programme de traitement alternatif présidentiel ». Durant ce traitement, aucun médicament conventionnel n'est autorisé et les malades sont séquestrés. Les experts internationaux expriment en vain leur scepticisme et leur indignation. Le nombre de personnes décédées lors de la mise en œuvre de ce traitement n'est pas dévoilé[36],[37].
Opinion sur l'homosexualité
Le , Yahya Jammeh exige que tous les homosexuels quittent le pays[38]. Il ajoute dans son discours que ceux qui protégeaient les homosexuels s'exposeront à des « conséquences terribles ». Le , il dit vouloir égorger tous les homosexuels qui souhaiteraient se marier[39].
Peine de mort
Bien que la peine de mort reste légale, il n'y avait pas eu d'exécutions en Gambie depuis 1985. En , Jammeh annonce qu'il souhaite « vider » les couloirs de la mort de leurs occupants, et neuf prisonniers sont exécutés en septembre. Selon Amnesty International, les exécutés sont pour la plupart des prisonniers politiques.
Cette reprise des exécutions est condamnée notamment par l'Union africaine ; le Bénin, qui assure la présidence tournante de l'Union, dépêche son ministre des Affaires étrangères pour « avertir M. Jammeh de ne procéder à aucune autre exécution ». Le président prononce alors un moratoire, indiquant toutefois que celui-ci serait levé si le taux de crimes violents dans le pays augmentait[40],[41].
Vie privée
Son épouse, Zineb Jammeh (en), est née de mère marocaine et de père guinéen[42].
Sa mère meurt le en Guinée équatoriale[43].
Notes et références
Notes
- Il dirige d'abord la République de Gambie avec le titre de président du Conseil des Forces armées du 22 juillet 1994 au 28 septembre 1996, puis de chef de l'État, du 28 septembre 1996 au 18 octobre 1996, avant d'être élu président de la République.
- À partir du , il conteste le pouvoir à Adama Barrow, en exil à Dakar et reconnu par la communauté internationale.
Références
- « Yahya Jammeh réélu président de la Gambie », Le Monde, 25 novembre 2011.
- (en) « Gambia votes in parliamentary polls », AFP, 31 mars 2012.
- Fouâd Harit, « Gambie : Yahya Jammeh choisit l’arabe comme langue officielle », afrik.com, 25 mars 2014.
- « En Gambie, le palais présidentiel attaqué en l'absence du chef de l'État », lemonde.fr, 30 décembre 2014.
- US Department of State, « 2015 Report on International Religious Freedom - The Gambia » sur ecoi.net, 10 août 2016.
- (en) Article 100 de la Constitution en ligne.
- « La Gambie est désormais un État islamique » sur lefigaro.fr, 12 décembre 2015.
- « Après 22 ans de règne, élection à risque pour le président de la Gambie », Le Temps, (lire en ligne).
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- Dépêche AFP du 21 septembre 2009.
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- « Le Monde.fr du 24 septembre 2006 »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)
- « SeneWeb du 2 février 2007, avec photos »(Archive • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)
- « Que 2016 préserve les Gambiens de Yahya Jammeh ! », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
- « Gambie. Le président charlatan qui « soignait les malades du sida » », Courrier International, traduit de Bhekisisa, Johannesburg, no 1438, , p. 32
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- « Washington fustige ldes propos anti-homosexuels attribués au président gambien », bfmtv.com, 17 mai 2015.
- (en) « The darker side of sunny Gambia », BBC, 13 septembre 2012.
- (en) « Gambia's President Jammeh halts executions amid outcry », BBC, 15 septembre 2012.
- Alain Barluet, « L'ex président gambien sommé de quitter le pays », Le Figaro, samedi 21 / dimanche 22 janvier 2017, page 8.
- AfricaNews, « En exil, Yahya Jammeh perd sa mère en Guinée Équatoriale », sur Africanews (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Simon Ademola Ajayi, Yahya Jammeh and the Gambian revolution, 1994-2001, Stirling-Horden Publishers, Ibadan (Nigeria), 2003, 138 p. (ISBN 9789780320720).
- (en) Assan Jallow, Jammeh- The Nation Builder: A Testament of Jammeh's Achievements, Author House, 2011, 172 p. (ISBN 9781456770778).
- (en) Pa Nderry M'Bai, The Gambia: The Untold Dictator Yahya Jammeh's Story, iUniverse, 2012, 182 p. (ISBN 9781475961553).
- (en) David Perfect, « Jammeh, Dr. Yahya Abdul Aziz Jemus Junkung (1965-) », in Historical Dictionary of The Gambia, Rowman & Littlefield, 2016 (5e éd.), p. 228-231 (ISBN 9781442265264).
- (en) The Gambia: violations of press freedom by the government of President Yahya Jammeh, 1994-2006, Media Foundation for West Africa, Accra, Ghana, 2007, 63 p. (ISBN 978-9988-09971-8).
Articles connexes
Liens externes
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