Roger Cazala

Roger Cazala (1906-1944) est un médecin-biologiste français, résistant et reconnu Juste parmi les nations.

Roger Cazala
Rue Roger Cazala à Châteauroux.
Nom de naissance Roger Antoine Félix Cazala
Naissance
Beaumont-sur-Sarthe
Décès (à 38 ans)
Camp de Flossenbürg
« Mort en déportation »
Nationalité française
Profession
Activité principale
pharmacien
dirigeant de laboratoire
Autres activités
Formation
Distinctions

Installé pharmacien et dirigeant de laboratoire à Châteauroux en 1933, il va, avec son épouse Marie-Antoinette Cany (1907-1974), rapidement s'indigner du sort des Juifs lors du début de la Seconde Guerre mondiale, au point d'engager des actions pour aider les clandestins. Puis il va résolument entrer dans la résistance en étant notamment l'un des fondateurs et le président du Front national de l'Indre.

Arrêté sur dénonciation en 1944, il est déporté et meurt quelques mois plus tard au Camp de concentration de Flossenbürg.

Biographie

Famille et formation

Roger Antoine Félix Cazala, dit Roger Cazala, est né le [1] à Beaumont-sur-Sarthe. Ses parents, Antonin Cazala (1872-1942) et Jeanne Zélia Lascaux (1883-1968), se sont mariés à Paris en 1905. Son père dirige une pharmacie et le « laboratoire du Vigogénol » qu'il a créés à Châteauroux en 1905[2]. Son grand-père Gaston Cazala (?-1926) était chef d'études à la Compagnie des chemins de fer d'Orléans[3].

Le jeune Roger Cazala effectue sa scolarité à Châteauroux avant d'aller à Paris pour faire ses études supérieures de médecine. Entrée à la Faculté de médecine il réussit le concours de l'internat des hôpitaux. Il se spécialise en biologie en suivant un cursus de formation à l'Institut Pasteur[2].

Ses fiançailles, avec Marie-Antoinette Cany, fille du docteur Georges Cany (1875-1953) médecin consultant à La Bourboule[alpha 1] et petite-fille de feu le docteur Élie Percepied (1850-1919) médecin consultant du Mont-Dore, sont annoncés dans la presse parisienne (Le Temps) le [4]. Leur premier enfant, Jean-François, nait à Chamalières le et y reste, sans doute avec ses parents[alpha 2], jusqu'à l'arrivée de sa famille à Châteauroux[5].

C'est en 1933 que le médecin-biologiste Roger Cazala s'installe à Châteauroux avec sa famille pour ouvrir un laboratoire d'analyses médicales en lien avec la pharmacie de son père[5]. Cette même année, il est reçu à la Société française d'archéologie, présenté par son beau-père le docteur Cany et J. Hubert[6]. En 1935, Roger, bactériologiste rue Porte-Thibault, et son père Antonin, pharmacien 33 place Voltaire, sont membres de la Société botanique du Centre-Ouest[7]. En 1940, Roger et Antonin sont membres de la section locale du Rotary[8].

Il reprend l'officine familiale à la mort de son père en 1942.

Notable et résistant

Après le début de la Seconde Guerre mondiale et l'invasion allemande à l'issue de la Bataille de France, l'armistice du 22 juin 1940 signé en forêt de Compiègne place Châteauroux en Zone libre à proximité de la ligne de démarcation. En le gouvernement de Vichy publie ses premières ordonnances sur le statut des Juifs[9]. Ce même automne, Roger Cazala, reçoit chez lui l'écrivain antinazi Albert Béguin venu de Suisse pour « dénoncer les illusions du pétainisme et prêcher la résistance », puis s'indigne lorsque son fils ainé Jean François, en sixième au lycée Jean-Giraudoux, lui raconte que son professeur de philosophie, Pierre Morhange, est exclu de l'établissement du fait de ses origines juives[10].

Avec son ami l'ingénieur Georges Dreyfus[11], il cherche à aider les familles juives d'Europe orientale réfugiées dans l'Indre, organise avec lui à Subtray un atelier de fabrication de fausses cartes d'identité et se lie avec les Amitiés Chrétiennes du cardinal Gerlier qui s'occupent aussi de ces familles. Il aide de nombreux juifs qui passent la ligne de démarcation pour se réfugier dans la zone libre. Il accueille ainsi le pianiste Vlado Perlemuter, le Dr Joseph Fraiman, Georges Mas, président de la Fédération nationale de la chemiserie, le jeune médecin O.R.L. Pierre Samuel.

À partir de la fin de l'année 1942 la famille Cazala est l'une des familles non juives amie et soutien financier du Comité juif clandestin de Châteauroux,qui a été créé par la famille Goutmann, des fourreurs parisiens arrivés en 1939.Il utilise son établissement situé au numéro 21 de l'avenue de la gare, pour récupérer les clandestins arrivant en train[12].

En , Roger Cazala est un des fondateurs du Front national de l'Indre, dont la réunion constitutive se tient chez lui, et en devient président en . Ce même dernier mois, il est membre du Comité départemental de libération dont la première réunion a lieu chez lui.

La Gestapo arrête Roger Cazala le [2] avec quelques autres membres de la résistance locale, notamment Robert Masset, chef du bureau du cabinet du préfet, Louis Sirvent, secrétaire générale de la préfecture, et Louis Pichené, colonel des pompiers et commandant de la force passive. Cela ne passe pas inaperçu, car Roger Cazala est une personnalité connue et appréciée par les habitants de Châteauroux[13]. Le , il part du camp de Compiègne-Royallieu dans le convoi 7909, dit train de la mort en raison des très nombreux décès survenus pendant le voyage (au moins 510) pour Dachau[14], où se trouve déjà son ami Edmond Michelet. Il est envoyé le au Kommando de Hersbruck, où il est blessé, puis au camp de concentration de Flossenbürg où il meurt le [15], à l'âge de 38 ans.

Madame Roger Cazala et ses enfants

La famille Cazala n'est pas au courant de la mort de Roger et, comme nombre de familles, elle est dans l'attente de nouvelles. Mais il n'y en a pas lors de libération du camp au printemps 1945, ni lorsque les premiers déportés libérés vivants rentrent. Elle est sur le quai de la gare lorsqu'un train arrive avec Robert Masset[alpha 3], qui avait pris le même train que Roger pour Dachau. Mais le survivant méconnaissable n'a pas de réponse à donner sur les visages qu'on lui montre. Ce n'est que plus tard qu'ils apprendront qu'il ne reviendra pas et les circonstances de sa mort[16].

Marie-Antoinette Cazala se retrouve seule avec six enfants en bas âge, Jean François, l'aîné a 14 ans, Marie-Jeanne, Élie, Pierre, Isabelle et Paul. Elle décide de reprendre ses études en commençant par passer le baccalauréat, ce qui lui permet d'accéder à la Faculté de pharmacie de Limoges pour devenir pharmacienne. Elle s'engage ensuite dans la préparation d'une thèse de doctorat à la Faculté de pharmacie de Paris. En 1953, elle soutient avec succès un sujet sur l'histoire de la pharmacie, « Contribution à l'histoire du matériel pharmaceutique : les mortiers et les porphyres »[17], préparé avec l'aide de M. Bouvet, devant un jury de l'université de Strasbourg. Docteur en pharmacie n'étant pas suffisant pour diriger un laboratoire d'analyse, elle passe des certificats en sérologie, bactériologie et immunologie. Ce travail intense lui a permis de conserver la pharmacie, créée par Antonin, et le laboratoire créé par son mari[18].

En 2016, la pharmacie vendue en 1985 a conservé le nom d'origine.

En 1960, Jean-François Cazala (1929-1999)[alpha 4] est médecin-biologiste, quand il revient à Châteauroux après un parcours universitaire à la Faculté de médecine de Paris[5], cela lui permet de reprendre le laboratoire. En 1965, c'est le deuxième fils Élie Cazala (?-1985), qui revient également de Paris avec un diplôme de pharmacien, et reprend l'officine familiale[alpha 5]. Plus tard le dernier enfant de la fratrie, Paul Cazala (?-1998)[alpha 6] s'installera à Châteauroux comme médecin radiologue. Les autres enfants ne retourneront pas vivre à Châteauroux : Marie-Jeanne s'installe à Paris, Pierre Cazala (1936-2001) fait Polytechnique et l'École des mines de Paris[19], et Isabelle devient pédiatre à Lyon[18].

En 1974, à 67 ans, Marie-Antoinette Cazala[alpha 7] est adjointe du maire de Châteauroux lorsqu'elle décède victime d'une agression sur l'île de La Réunion[18].

Hommages posthumes

Distinctions

Reconnaissances

  • « Juste entre les nations », le [1],
  • « Mort en déportation » est apposé sur les actes et jugements déclaratifs de décès, arrêté du [20].

Lieux mémoriaux

  • Rue Roger Cazala à Châteauroux
  • Plaque dans la cour du musée Bertrand de Châteauroux[21].

Notes et références

Notes

  1. Alexandre Joseph Georges Cany est né le à Toulouse, docteur en médecine de la faculté de médecine de Toulouse (thèse en 1899) il est médecin à La Bourboule depuis 1902. Il est fait chevalier de la Légion d'honneur le 9 septembre 1923 (voir dossier Cany Alexandre Joseph Georges sur Leonore).
  2. C'est une supposition car nous n'avons pas trouvé de sources sur un domicile ou une fonction de son père à Chamalières ou à proximité.
  3. Robert Masset est l'auteur de A l'ombre de la croix gammée : (de l'Indre au Neckar via Dachau) : « 21630 », Argenton-sur-Creuse, Langlois, , 261 p. (présentation en ligne).
  4. Jean-François Cazala, a reçu en 1992 la médaille des justes de ses parents. C'était une personnalité locale décoré de l'Ordre national du Mérite par Michel Aurillac en 1979 puis de la Légion d'Honneur. Il a notamment été président de : la Berrichonne handball, l'association de la Maison des enfants de Clion, l'association pour le développement de l'enseignement supérieur dans l'Indre, de la Prévention routière de l'Indre (voir l'article Jean-François Cazala n'est plus).
  5. La pharmacie est vendue après son décès survenu en 1985 car ni sa femme ni sa fille n'ont les diplômes pour la reprendre (voir en bibliographie Hommage à Roger Cazala prononcé par Henri Bonnemain).
  6. Suivant les sources utilisées dans l'article, Paul Cazala est né après 1936 (naissance se Pierre).
  7. Marie Antoinette Marcelle Cazala, née Cany le à Paris, a été nommée chevalier de la légion d'honneur (voir base Léonore notice c-149767).

Références

  1. (en) « Cazala Roger (1906 - 1944 ) », sur Yad Vashem : the world holocaust remembrance center, (consulté le ).
  2. Bonnemain 1995, p. 184.
  3. « Dernière Heure : avis de décès », L'Express du Midi - édition de Toulouse, no 12037, , p. 4 (lire en ligne, consulté le )
  4. « Fiançailles », Le Temps, no 24011, , p. 4 (lire en ligne, consulté le )
  5. La Nouvelle République du Centre-Ouest, 1999, p. 1
  6. Bulletin monumental, vol. 92, Société française d'archéologie, (lire en ligne), p. 108
  7. « Liste des membres par département et par ordre alphabétiques », Bulletin de la Société botanique du Centre-Ouest : anciennement Société botanique des Deux-Sèvres, , p. 9 (lire en ligne, consulté le )
  8. Claude Malbranke, Le Rotary-club en France sous Vichy, L'Harmattan, , 394 p. (ISBN 978-2-7384-4177-5, lire en ligne), p. 143
  9. Josse 1994, p. 1.
  10. de Boisdeffre 1994, p. 1.
  11. Mort pour la France le 30 août 1944 dans les combats contre la colonne Täglishbeck
  12. Ostermann 2008, p. 39.
  13. Scarpetta 2014, p. x2.
  14. Matricule 79626 au KL Dachau
  15. Mort pour la France, AC 21 P40195, SHD, Caen
  16. Scarpetta 2014, p. x5.
  17. « Contribution à l'histoire du matériel pharmaceutique : les mortiers et les porphyres [Texte imprimé] / Marie-Antoinette Cazala », sur sudoc.fr/ (consulté le ).
  18. Bonnemain 1995, p. 185.
  19. Bernard Estambert, « Pierre Albert Jean Cazala (1936-2001) », Association des anciens élèves et diplômés de l'École polytechnique#La Jaune et la Rouge, (lire en ligne, consulté le )
  20. « Arrêté du 1er février 2013 portant apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes et jugements déclaratifs de décès : JORF n°0056 du 7 mars 2013 page 4162 texte n° 57 », sur legifrance.gouv.fr, (consulté le ).
  21. « Châteauroux : Plaque commémorative 1939-1945 Roger CAZALA (Relevé n° 59156) », sur memorialgenweb.org, (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • « Ne quittons pas nos morts si vite : A Roger Cazala, mort en octobre 1944 au camp d'Erzbruck », Fontaine, no 45, , p. 904- (lire en ligne),
  • Pierre de Boisdeffre, « Mort et survie d'un juste », La Croix, ,
  • Pierre Josse, « La médaille des justes : La longue traque en échec », La Nouvelle République du Centre-Ouest, (lire en ligne). ,
  • Pierre de Boisdeffre, « Un berrichon, un grand Français au secours des Juifs : Roger Cazala », L'Écho du Berry, (lire en ligne). ,
  • Georges Chatain, « Les familles Cazala et Rouzeau honorées de la médaille des Justes », La Marseillaise, (lire en ligne),
  • Henri Bonnemain, « Hommage à Roger Cazala prononcé par Henri Bonnemain à la séance du 4 décembre 1994 », Revue d'histoire de la pharmacie, vol. 83, no 305, , p. 184-185 (lire en ligne). ,
  • « Nécrologie : Jean-François Cazala n'est plus », La Nouvelle République du Centre-Ouest, (lire en ligne),
  • Maurice Nicault, Résistance et Libération de l'Indre : les insurgés, Paris, Royer, coll. « passé simple », , 288 p. (ISBN 2-908670-85-2),
  • Christine Méry-Barnabé, « Roger Cazala », dans Célèbres en Berry : les personnalités de l'Indre, Saint-Cyr-sur-Loire, Éditions Sutton, coll. « Provinces mosaïques », (ISBN 2-84910-358-6), p. 184-185,
  • Simon Ostermann, « La clandestinité des Juifs dans les villes de province sous Vichy. L'exemple de Châteauroux (1940-1944) », dans Sylvie Aprile (dir.), Emmanuelle Retaillaud-Bajac (dir.), Clandestinités urbaines : Les citadins et les territoires du secret (XVIe-XXe), Rennes, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 9782753531307, lire en ligne), Troisième : Topographies et géographies de la clandestinité urbaine, p. 255-275. ,
  • Guy Scarpetta, Guido (Roman et récit, tout à la fois chronique familiale, documentaire historique, essai sur la mémoire et roman), Paris, Gallimard, coll. « Blanche », , 416 p. (ISBN 978-2-07-014334-4, présentation en ligne, lire en ligne). .

Articles connexes

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