René-Nicolas de Maupeou

René-Nicolas-Charles-Augustin de Maupeou[1] est un magistrat et homme d'État français né le à Montpellier et mort le au Thuit.

René-Nicolas de Maupeou

Portrait en pied, en robe de chancelier de France, la main ouverte devant la cassette des sceaux posée sur une table.

Titre
Autres fonctions
Biographie
Naissance
Montpellier
Décès
Le Thuit
Père René de Maupeou
Mère Anne-Victoire de Lamoignon

Chancelier de 1768 à 1790, garde des sceaux de 1768 à 1774 et principal ministre d'État sous le règne de Louis XV, il est célèbre pour sa réforme de la justice et des parlements en 1771.

Biographie

Origines familiales et jeunesse

René de Maupeou, cinquième du nom, descend de la branche de Bruyères des Maupeou. Dans cette famille anoblie au XVIe siècle, si les aînés sont « de robe » — héritant des charges parlementaires, les cadets sont volontiers « d'épée » ou « d'Église »[2]. Fils aîné de René IV de Maupeou et d'Anne Victoire de Lamoignon, il naît le [3] à Montpellier, grandit à Paris, habitant auprès de ses parents l'hôtel de Châtillon. Il fait de solides études au collège Louis-le-Grand. Son père remplit la charge de président à mortier dont il va, par la suite, hériter. Son frère Louis (1716-1800), fera carrière dans l'infanterie jusqu'au grade de lieutenant général des armées.

Débuts au parlement de Paris

À 19 ans, il est reçu conseiller à la 3e chambre des enquêtes du parlement de Paris (), puis est nommé président à mortier en survivance de son père, en 1737. Il occupe effectivement cette charge lorsque ce dernier, en 1743, est élevé à la première présidence[4].

Le , il épouse Anne Marguerite Thérèse de Roncherolles, fille de Charles Michel François, marquis de Roncherolles, et d'Angélique Marguerite de Jassaud. Fille unique, orpheline de père, jouissant immédiatement d'une grande fortune, la jeune mariée appartient à une maison chevaleresque remontant au Xe siècle. Ce mariage n'est pas de longue durée, Anne étant morte le après lui avoir donné deux fils[5]. Pour instruire son fils aîné, Maupeou désigne un jeune homme du nom de Charles-François Lebrun, futur troisième consul, archi-trésorier de l'Empire et duc de Plaisance[6].

Durant les années qui suivent son veuvage, René de Maupeou affirme peu à peu son caractère. S'il est ambitieux, il n'est pas disposé pour autant à faire la moindre concession pour parvenir. Il a des opinions bien arrêtées qui ne sont pas celles de la plupart de ses collègues du parlement[6]. Bientôt ceux-ci commencent à se méfier de lui et, en 1755, ils préfèrent retarder leurs vacances plutôt que de le laisser présider la chambre des vacations car ils le savent favorable aux jésuites et craignent qu'il ne facilite l'enregistrement des déclarations de l'assemblée du clergé, qui n'est pas close et où doit prévaloir l'influence ultramontaine[6].

Lit de justice tenu par Louis XV à la Grand'Chambre du Parlement de Paris.

Face aux protestations des parlementaires contre la bulle Unigenitus, il prend part aux négociations entre le ministère et le premier président et met au point la déclaration du [7], qui tend à restreindre les droits politiques du Parlement de Paris. Lors de son enregistrement par le roi en lit de justice, les parlementaires démissionnent collectivement, interrompant le cours de la justice. Louis XV, craignant de nouvelles difficultés, se voit contraint de la retirer[8]. Son père, le premier président, soupçonné alors d'avoir trahi sa compagnie, est contraint de donner sa démission devant l'hostilité du Parlement (). René de Maupeou commence à penser que les réclamations des magistrats, leurs remontrances et leurs refus d'enregistrer certains édits gênent l'exercice du pouvoir royal et compromettent la marche même de l'État[6].

Premier président du Parlement de Paris (1763-1768)

Profitant de la démission du premier président Molé, Louis XV se décide à changer tous les chefs de la magistrature. Il retire les sceaux à Feydeau de Brou. Le vieux chancelier Lamoignon, qui refuse de démissionner, est exilé à sa terre de Malesherbes. L'ex-président Maupeou est nommé vice-chancelier et garde des Sceaux. Il a 75 ans et le roi, estimant sans doute que son âge réclame un collaborateur, nomme son fils, René de Maupeou, premier président du Parlement de Paris ().

Durant sa présidence, il eut notamment à connaître de la révision du procès Calas et de l'affaire Lally-Tollendal.

Chancelier de France (1768-1790) et garde des Sceaux (1768-1774)

Lorsque le chancelier Guillaume de Lamoignon de Blancmesnil démissionna de ses fonctions le , il fut convenu que René-Charles de Maupeou serait désigné pour lui succéder mais renoncerait aussitôt à son office pour prendre sa retraite avec le titre de Chancelier de France. Il ne fut donc chancelier qu'un jour, et son fils lui succéda dès le [9].

Maupeou disposait ainsi, dans les matières judiciaires, d'une marge de manœuvre encore accrue par la confiance de Louis XV. « Alors âgé de cinquante-quatre ans, écrit Michel Antoine, c'était un homme petit, avec de gros yeux proéminents sous d'épais sourcils noirs, un front assez bas, un nez long et terminé en carré, une grande bouche relevée sur le côté, le teint jaune et bilieux. Il était sévère, pénétré de ses devoirs, infatigable au travail, abattant en se jouant une besogne considérable, capable de conduire une entreprise sans dévier, l'esprit toujours tendu sur les affaires. Ses défauts étaient l'excès de chaleur et la précipitation[10]. »

On a prétendu que Maupeou devait sa nomination à Choiseul. Il est certain que ce dernier, qui avait alors une grande influence sur le roi, ne dut pas s'y opposer, mais rien ne prouve qu'il l'ait favorisée.[réf. nécessaire] Dans un premier temps, Maupeou sembla d'ailleurs suivre une ligne de modération qui convenait au parti de Choiseul dans ce qui était la grande affaire du temps : la fronde parlementaire et, en particulier, l'affaire La Chalotais, qui agitait alors le Parlement de Bretagne.[non neutre]

Après la démission d'Étienne Maynon d'Invault, le chancelier put affermir sa position en faisant nommer au contrôle général des finances, le , un de ses proches, l'abbé Terray. De plus, depuis 1769, la comtesse du Barry est la nouvelle favorite du roi. Maupeou, son protégé, obtient le le renvoi de Choiseul[11]. Cette disgrâce fait du chancelier le principal ministre d'État.

La « réforme Maupeou »

Gravure satirique de l'époque :
Maupeou, nouveau Samson, ébranle les colonnes du temple de l'État.

Maupeou avait d'ores et déjà fait preuve de fermeté face au Parlement de Bretagne[non neutre]. Pour mettre un terme à la guerre ouverte menée par les Parlements au pouvoir royal, il impose une série d’édits qui remodèlent le système judiciaire[12]. Alors que le Parlement de Paris réitère le son refus de siéger pour entériner les décisions royales, Maupeou convainc le roi de briser cette opposition systématique[11].

Les parlementaires parisiens sont arrêtés et exilés (arrêt du Conseil du ), leurs charges confisquées puis rachetées par l'État (édit d'). L'immense ressort du Parlement de Paris fut divisé en six circonscriptions avec au sein de chacune un Conseil supérieur, nouvelle juridiction souveraine, le Parlement de Paris subsistant mais à la tête d'une circonscription plus réduite (édit du ). Pour ces nouvelles juridictions, la vénalité des offices est abolie et la justice rendue gratuite, les magistrats étant désignés par le roi et rétribués par l'État[11].

La réforme fut vivement combattue par l'ancienne magistrature ainsi que par la noblesse – dont les Parlements défendaient alors les privilèges – avec à leur tête les Princes du sang[11], et par les jansénistes et gallicans, puissants dans les milieux parlementaires. Certains philosophes comme Beaumarchais se moquent des nouveaux Parlements[11], d'autres dénoncent aussi ce « coup d'État » qui porte atteinte à la constitution de la monarchie. Elle fut soutenue par Voltaire dans un premier temps[11], Arthur Young et d'autres personnalités qui détestaient les parlements, impliqués dans des affaires de corruption et responsables d'erreurs judiciaires retentissantes comme l'affaire Calas.

À son avènement, Louis XVI, veut se défaire du « triumvirat » composé par le duc d'Aiguillon, ministre des Affaires étrangères et de la Guerre, par l'abbé Terray, Contrôleur général des finances, et par Maupeou à qui il reproche son impopularité et sa proximité avec l'ancienne favorite du roi Louis XV[11]. Sur les conseils de Maurepas, il renvoie Maupeou en lui retirant les sceaux le (), rappelle les anciens magistrats et rétablit les Parlements dans leur état antérieur, anéantissant la réforme du chancelier à qui on prête ces paroles : « J'ai fait gagner au Roi un procès qui durait depuis trois cents ans. Il veut le reperdre ; il en est le maître. »[13].

Bien qu'étant privé des sceaux et vivant en retraite jusqu'à sa mort, René-Nicolas de Maupeou garde le titre de chancelier jusqu'au [14], date de suppression de l'office ; il est donc le dernier chancelier de l'Ancien Régime[2]. Il meurt au Thuit (Eure) le [15].

Généalogie

Ascendance

Descendance

Du mariage entre René Nicolas de Maupeou et Anne Marguerite Thérèse de Roncherolles, sont issus deux fils[5] :

  • René Ange Augustin de Maupeou, marquis de Bully, conseiller puis président à mortier au Parlement de Paris (1764), puis officier, mestre de camp du régiment Bourgogne-cavalerie (1771), brigadier des armées du Roi (1784), maréchal de camp (1788). Né le , mort le à la prison de la Force. Il épouse le Anne Justine Feydeau de Brou ;
  • Charles Victor René de Maupeou (1750-1789 en Angleterre), chevalier de Malte de minorité, conseiller au Parlement de Paris (1767). De sa relation avec Marguerite Trouillet de La Roche, il eut postérité.

Bibliographie

  • Jules Flammermont, Le Chancelier Maupeou et les Parlements, A. Picard, (lire en ligne). 
  • Jacques de Maupeou, Le Chancelier Maupeou, Champrosay, (lire en ligne). 
  • Arnaud de Maurepas et Antoine Boulant, Les Ministres et les Ministères du siècle des Lumières (1715-1789),
  • Jean de Viguerie, Histoire et dictionnaire du temps des Lumières (1715-1789), Paris, Robert Laffont, , 1730 p. (ISBN 2-221-04810-5)
  • Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, Paris, Perrin, , 1116 p. (ISBN 978-2-262-06404-4)
  • (it) Francesco Di Donato, L’ideologia dei robins nella Francia dei Lumi : Costituzionalismo e assolutismo nell’esperienza politico-istituzionale della magistratura di antico regime (1715-1788), ESI, Naples, 2003 (ISBN 88-495-0755-0)
  • (en) Durand Echeverria, The Maupeou Revolution : A Study in the History of Libertarianism, France, 1770-1774, Louisiana State University Press, 1985
  • (en) Julian Swann, Politics and the Parlement of Paris under Louis XV, 1754-1774, Cambridge University Press, 1995 (ISBN 0-521-48362-X)
  • Vincent Guffroy, Le Vilain Petit Homme noir : La réforme du Chancelier de Maupeou et la bataille de l'Opinion, Université Charles-de-Gaulle, Lille III, 2013.

Références

  1. La lettre « e » est muette.
  2. Pierre-Yves Beaurepaire, La France des Lumières (1715-1789), Belin, 2014 (lire en ligne).
  3. acte Baptême AD34 (p. 145/148)
  4. La Chenaye-Desbois, Dictionnaire de la noblesse, t. IX, (lire en ligne)
  5. Généalogie de René-Nicolas de Maupeou sur geneanet.org
  6. Jacques de Maupeou, Histoire des Maupeou, , 72-87 p. (notice BnF no FRBNF32431990)
  7. [[<span class="nowrap">Louis <abbr class="abbr" title="15" ><span class="romain" style="text-transform:uppercase">XV</span></abbr></span>|Louis XV]], Déclaration du Roi, pour la discipline du Parlement, Versailles, , sur books.google.fr (lire en ligne).
  8. « Chronologie de la seconde crise parlementaire (1749-1759) » [sur unigenitus.over-blog.org], .
  9. René-Nicolas de Maupeou, « Le Maire du Palais », sur google books, Paris, , p. 4.
  10. Michel Antoine, Le Conseil du Roi sous le règne de Louis XV, Librairie Droz, 2009.
  11. Camille Vignolle, « 20 janvier 1771 : Louis XV et Maupeou exilent le Parlement », sur herodote.net, (consulté le ).
  12. [Swann 2011] Julian Swann, « Un monarque qui veut « régner par les lois » : le Parlement de Paris et le roi dans la France de Louis XV », Parlement(s), Revue d'histoire politique, vol. 2011/1, no 15, , p. 44-58 (lire en ligne [sur cairn.info], consulté le ).
  13. Norbert Rouland, L'État français et le pluralisme. Histoire politique des institutions publiques de 476 à 1792, Paris, éd. Odile Jacob, , 376 p. (ISBN 978-2-7381-4039-5, lire en ligne).
  14. René-Nicolas de Maupeou, Journal historique du rétablissement de la magistrature : pour servir de suite à celui de la révolution opérée dans la constitution de la monarchie française, t. VII, Londres, (lire en ligne).
  15. Inhumation AD27 (p. 488/492)
  16. Charles d'Hozier, Armorial général de France, t. XXIII (lire en ligne), p. 514
  17. Charles d'Hozier, Armorial général de France, t. XXIV (lire en ligne), p. 1165

Liens externes

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