Raymond Queneau

Raymond Queneau, né au Havre le et mort à Paris 13e le , est un romancier, poète, dramaturge français, cofondateur du groupe littéraire Oulipo.

Pour les articles homonymes, voir Raymond et Queneau.

Biographie

Raymond Queneau grandit dans une famille de commerçants[1]. Il passe ses deux premières années d'existence chez une nourrice[2]. Ce désamour parental le marque et rend son enfance plutôt solitaire : il se réfugie dans les livres[3]. A 17 ans[2], il rejoint Paris pour faire des études de philosophie à la Sorbonne et à l’École pratique des hautes études où il suit notamment les cours d’Alexandre Kojève sur Georg Wilhelm Friedrich Hegel.

Il fréquente le groupe surréaliste auquel il adhère en 1924. À la suite de son exclusion en 1930, il participe au pamphlet Un cadavre contre André Breton avec un texte intitulé « Dédé ». Raymond Queneau a relaté de façon satirique son expérience du surréalisme dans Odile, où Breton apparaît sous les traits du personnage d’Anglarès.

Après la rupture avec le surréalisme, Raymond Queneau se lance dans l’étude des « fous littéraires » et travaille à une Encyclopédie des sciences inexactes. Refusée par les éditeurs, cette encyclopédie lui servira pour le roman Les Enfants du Limon (1938).

Son service militaire en Algérie et au Maroc (1925-1927) lui permet de s’initier à l’arabe. Au cours d’un voyage en Grèce en 1932 (Odile), il prend conscience du danger de laisser la langue littéraire s’éloigner de la langue parlée. Rapprocher ces deux extrêmes deviendra son grand projet littéraire. Dans cet esprit, il jettera les bases du néo-français caractérisé par une syntaxe et un vocabulaire typiques du langage parlé et par une orthographe plus ou moins phonétique. Dans les dernières années de sa vie, il reconnaîtra l’échec de ce projet. Il admettra aussi que la télévision, par exemple, ne semblait pas avoir eu l’effet négatif sur la langue écrite qu’il craignait. Il collabore à la revue La Critique sociale de Boris Souvarine (ainsi qu'au Cercle communiste démocratique fondé par ce dernier[4]), puis au quotidien L'Intransigeant.

En 1933, il publie son premier roman, Le Chiendent, qu’il construisit selon ses dires comme une illustration littéraire du Discours de la méthode de René Descartes. Ce roman lui vaudra la reconnaissance de quelques amateurs qui lui décernent le premier prix des Deux Magots de l'histoire. Suivront quatre romans d'inspiration autobiographique : Les Derniers Jours, Odile, Les Enfants du limon et Chêne et Chien, ce dernier entièrement écrit en vers.

Après avoir été journaliste pendant quelques années et avoir fait plusieurs petits métiers, Queneau entre en 1938 aux éditions Gallimard où il devient lecteur, traducteur d'anglais, puis membre du Comité de lecture. Il est nommé en 1956 directeur de l'« Encyclopédie de la Pléiade ». Parallèlement, il participe à la fondation de la revue Volontés et commence une psychanalyse.

C’est avec Pierrot mon ami, paru en 1942, qu'il connaît son premier succès. En 1947 paraît Exercices de style, un court récit décliné en une centaine de styles, dont certains seront adaptés au théâtre par Yves Robert. Ces Exercices de style lui furent inspirés par L'Art de la fugue de Jean-Sébastien Bach, lors d’un concert auquel il avait assisté, en compagnie de son ami Michel Leiris, et qui avait fait naître en lui l'envie de développer différents styles d’écriture. La même année il publie On est toujours trop bon avec les femmes, sous le pseudonyme de Sally Mara afin d'éviter la censure[5]. Et en 1950 un second ouvrage sous le même pseudonyme, le Journal intime, pour lequel il reçoit le prix Claire Belon[réf. nécessaire].

En 1946 est publiée sa traduction du roman de George du Maurier Peter Ibbetson.

À la Libération, il fréquente Saint-Germain-des-Prés. Son poème Si tu t’imagines, mis en musique par Joseph Kosma à l’initiative de Jean-Paul Sartre, est un des succès de la chanteuse Juliette Gréco. D’autres textes sont interprétés par les Frères Jacques. Il écrit des paroles pour des comédies musicales, des dialogues de films dont Monsieur Ripois, réalisé par René Clément, et aussi le commentaire du court métrage d’Alain Resnais Le Chant du styrène. Il réalise et interprète le film Le Lendemain.

Il publie de nouvelles chroniques fantaisistes de la vie de banlieue : Loin de Rueil (1944), Le Dimanche de la vie (1952), dont le titre est emprunté à Hegel. Un roman plus expérimental, Saint-Glinglin (1948), rassemble des textes publiés séparément depuis 1934.

Amoureux des sciences, Raymond Queneau adhère à la Société mathématique de France en 1948. Il s’évertue à appliquer des règles arithmétiques à la construction de ses œuvres, à la façon de la méthode lescurienne « S + 7 » : prendre un texte, n'importe lequel, prendre un dictionnaire, n’importe lequel, généraliste ou thématique, et remplacer tous les substantifs dudit texte par d’autres substantifs trouvés dans le dictionnaire choisi et situés sept places plus loin ou sept places avant par rapport à la place initialement occupée par le substantif à remplacer (ou qu’il aurait occupée s’il y figurait). En 1950, il publie un texte d’inspiration scientifique, Petite cosmogonie portative. Il publie également cette année-là un recueil d’études critiques, Bâtons, chiffres et lettres.

Toujours en 1950, il entre comme Satrape du Collège de 'Pataphysique, et est élu à l’Académie Goncourt en 1951.

En 1959 paraît Zazie dans le métro qui s'ouvre par l’expression « Doukipudonktan ! » Le succès de ce roman surprit Queneau lui-même et fit de lui un auteur populaire. Une adaptation au théâtre par Olivier Hussenot et au cinéma par Louis Malle suivront.

À la suite d’un colloque en (une décade de Cerisy intitulée « Raymond Queneau et une nouvelle illustration de la langue française »), dirigé par Georges-Emmanuel Clancier et Jean Lescure, il fonde en décembre 1960, avec François Le Lionnais, un groupe de recherche littéraire, le Séminaire de littérature expérimentale (Selitex) qui allait très vite devenir l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle). L'Oulipo fut dans un premier temps une sous-commission du Collège de 'Pataphysique. Sa soif de mathématiques combinatoires s'étanchera aussi à la coupe de l’Ouvroir qui accueille, entre autres, le « père » de la théorie des graphes, Claude Berge. Raymond Queneau publie également deux articles de recherche mathématique en combinatoire, une note en 1968 aux Comptes rendus de l'Académie des Sciences de Paris[6], et un article sur le même sujet en 1972 dans le Journal of Combinatorial Theory[7]. Quant à l'Oulipo, il aura une grande descendance, plus ou moins sécessionniste, avec d’autres ouvroirs comme l’Oupeinpo, l'Ouvroir de tragécomédie potentielle (Outrapo), l'Oubapo

Avec Cent mille milliards de poèmes (1961), Raymond Queneau réussit un exploit tant littéraire qu’éditorial. C’est un « livre-objet » qui offre au lecteur la possibilité de combiner lui-même des vers de façon à composer des poèmes répondant à la forme classique du sonnet régulier : deux quatrains suivis de deux tercets, soit quatorze vers. « Cent mille milliards » est le nombre de combinaisons possibles calculé par Queneau : « C’est somme toute une sorte de machine à fabriquer des poèmes, mais en nombre limité ; il est vrai que ce nombre, quoique limité, fournit de la lecture pour près de deux cents millions d’années (en lisant vingt-quatre heures sur vingt-quatre). »

Le roman Les Fleurs bleues (1965), nouveau succès public, illustre l’apologue du penseur taoïste chinois Tchouang-tseu se demandant s’il est Tchouang-Tseu rêvant d’un papillon ou un papillon rêvant qu’il est Tchouang-Tseu… Il poursuit son œuvre poétique avec Courir les rues, Battre la campagne, Fendre les flots.

Raymond Queneau meurt le d'un cancer du poumon. Il est inhumé au cimetière ancien de Juvisy-sur-Orge (Essonne). Son épouse Janine est décédée en 1972.

Une partie importante des manuscrits de Raymond Queneau est aujourd'hui conservée par la Bibliothèque municipale du Havre. Ce fonds, constitué à partir de 1991, contient de nombreux manuscrits, des œuvres romanesques et poétiques, des correspondances, des peintures de l'auteur.

Influence

L'influence de René Guénon sur Raymond Queneau

Raymond Queneau était un lecteur assidu et attentif de l'œuvre de René Guénon, qu'il avait découvert en lisant en 1921 l'Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues[8]. À partir de cette date et jusqu'à la fin des années 1920, Queneau avait lu tous les livres et les articles de Guénon[9], et a eu aussi une brève correspondance avec lui.

Œuvres

Les Œuvres complètes sont éditées aux éditions Gallimard dans la collection « Bibliothèque de la Pléiade ».

Romans

Poésies

  • Chêne et chien, 1937.
  • La leçon de choses[Quand ?].
  • Les Ziaux, 1943.
  • Analyse logique, 1947.
  • L'Instant fatal, 1948.
  • Maigrir, 1948.
  • Petite cosmogonie portative, 1950.
  • Si tu t'imagines, (reprenant les trois premiers recueils), 1952.
  • Cent mille milliards de poèmes, 1961.
  • Le Chien à la mandoline, 1965.
  • Courir les rues, 1967.
  • Apprendre à voir, 1968.
  • Battre la campagne, 1968.
  • Fendre les flots, 1969.
  • Morale élémentaire, 1975.
  • La limace, 1968.

Essais et articles

Divers

Traductions

Correspondances

  • Correspondances Raymond Queneau - Élie Lascaux, Verviers, Temps Mêlés, (126 p.)
  • Une correspondance Raymond Queneau - Boris Vian, Les Amis de Valentin Brû, no 21, 1982 (48 p.)
  • Raymond Queneau et la peinture, Jean Hélion, Les Amis de Valentin Brû, no 24-25, 1983 (100 p.)
  • Raymond Queneau et la peinture, II, Enrico Baj, Les Amis de Valentin Brû, no 26, 1984 (50 p.)
  • Raymond Queneau et la peinture, IV, Élie Lascaux, Les Amis de Valentin Brû, 1985 (88 p.)
  • 30 lettres de Raymond Queneau à Jean Paulhan, Revue de l'association des amis de Valentin Brû, 1986 (102 p.)

Filmographie

Adaptations de son œuvre

Au cinéma

À la télévision

Notes et références

  1. « Je naquis au Havre un vingt et un février / en mil neuf cent et trois. / Ma mère était mercière et mon père mercier : / ils trépignaient de joie. », Raymond Queneau, Chêne et chien, Gallimard, 1969, p. 31. L'acte de naissance de Raymond Queneau indique, quant à lui, que le père est comptable, et la mère sans profession.
  2. Editions Alex et rines, « Raymond Queneau au Havre », sur Editions Alexandrines, (consulté le )
  3. Laurence Rauline, Nancy Oddo, Johan Faerber et Alain Couprie, Bescherelle Chronologie de la littérature française : du Moyen Âge à nos jours, Hatier, , 384 p. (ISBN 978-2-401-06053-1, lire en ligne)
  4. Présentation, sur le site de la Bibliothèque nationale de France.
  5. Thierry Clermont, « Ces écrivains pour lesquels « je » est un ou plusieurs autres », Le Figaro Littéraire, no 22116, , p. 2 et 3 :
    « (...) Parfois, le nom d'emprunt se justifie par la commande d'un éditeur, en général pour un roman passible de censure. Ce fut le cas de (...) Raymond Queneau avec trois livres plutôt salaces parus sous le nom de Sally Mara (...). »
  6. Raymond Queneau, « Sur les suites s-additives », C. R. Acad. Sci. Paris Sér. A-B, vol. 266, , A957-A958.
  7. Raymond Queneau, « Sur les suites s-additives », Journal of Combinatorial Theory, Series A, vol. 12, no 1, , p. 31-71 (ISSN 0097-3165).
  8. Evert van der Starre, Couriosités de Raymond Queneau, 2006, p. 35.
  9. «Raymond Queneau médita la pensée de René Guénon, au point de reconnaître à la fin de sa vie, devant son fils Jean-Marie: j’ai trop lu René Guénon», Michel Lécureur, Raymond Queneau. Biographie, p. 60
  10. Béchard Stéphane, « Un conte à votre façon », sur planete-ldvelh.com (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

  • Edmond Dune, Raymond Quenau et la cosmogonie, in Critique, N° 49, 1951.
  • Denise Bourdet, Raymond Queneau, dans: Encre sympathique, Paris, Grasset, 1966.
  • Jean Queval, Raymond Queneau, Paris, collection Poètes d'aujourd'hui, éditions Seghers, 1960; renouvelé en 1971 (172 p.)
  • Claude Simonnet, Queneau déchiffré (Notes sur « le Chiendent », Paris, Dossiers des Lettres Nouvelles, Julliard, 1962; Genève, Slatkine, 1981 (190 p.)
  • Jacques Bens, Queneau, Bibliothèque idéale, Gallimard, 1962.
  • Andrée Bergens, Raymond Queneau, Genève, Librairie Droz, 1963 (236 p.)
  • Raymond Queneau, L'Arc, no 28, .
  • Paul Gayot, Raymond Queneau, Paris, éditions universitaires, 1967 (128 p.)
  • Raymond Queneau, cahier dirigé par Andrée Bergens, Paris, L'Herne, 1975 (394 p.)
  • Pascal Boulage, Aspects de la poétique romanesque de Raymond Queneau, Nanterre, 1975 (122 p.)
  • Raymond Queneau plus intime, Bibliothèque nationale, Gallimard, 1978 (96 p.)
  • Raymond Queneau, Paris, Europe, no 650-651, juin- (224 p.)
  • Raymond Queneau romancier, Actes du 1er colloque international Raymond Queneau, Verviers, Temps Mêlés, (150 p.)
  • Queneau aujourd'hui, Actes du colloque de Limoges, 1984, Paris, Clancier-Guénaud, 1985 (codirigé par Marc Bruimaud & Mary-Lise Billot).
  • Raymond Queneau poète, Actes du 2e congrès international Raymond Queneau, Verviers, Temps Mêlés, (318 p.)
  • Raymond Queneau et/en son temps, Actes du 3e colloque international Raymond Queneau, Verviers, Temps Mêlés, (383 p.)
  • Lectures de Raymond Queneau, no 1 : Morale élémentaire, Trames, Faculté des lettres et sciences humaines de Limoges, 1987 (162 p.) (ISBN 2-904949-09-7)
  • Jacques Jouet, Raymond Queneau, Paris, La manufacture, 1989 (188 p.) (ISBN 2-7377-0190-2)
  • Raymond Queneau au Havre, Cahiers Raymond Queneau, Revue de l'association des amis de Valentin Brû, no 14-15, 1991 (214 p.)
  • Colloque Raymond Queneau et la ville, Revue de l'association des amis de Valentin Brû, no 17-19, 1990 (160 p.)
  • Raymond Queneau encyclopédiste ?, Actes du 2e Colloque de Limoges, 1990, Montélimar, Éditions du Limon, 1991 (codirigé par Marc Bruimaud & Mary-Lise Billot).
  • Raymond Queneau et les langages, Colloque de Thionville 1992, actes édités par André Blavier et Claude Debon, Verviers, Temps Mêlés, 1993.
  • Raymond Queneau et les spectacles, sous la direction de Daniel Delbreil avec la collaboration d'Astrid Bouygues, numéro commun Association des amis de Valentin Brû no 28-31 et Formules no 8, Noésis 2003-2004 (406 p.) (ISBN 2-914645-49-X)
  • Remembrances de Claude Simonnet sur Raymond Queneau, revue de l'association des amis de Valentin Brû, N) 32-33, (96 p.)
  • Raymond Queneau en campagne, Le solennel emmerdement de la ruralité, édition établie par Christine Méry, revue de l'association des amis de Valentin Brû, no 40-42, éditions Regards (196 p.) (ISBN 2-914383-02-9)
  • Michel Lécureur, Raymond Queneau. Biographie, Les Belles Lettres, Paris, 2002.
  • Hela Ouardi, La littérature au miroir dans l’œuvre romanesque de Raymond Queneau, Presses Universitaires du Septentrion, 2003.
  • Jean-Pierre Longre, Raymond Queneau en scènes, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 2005.
  • Marie-Noëlle Campana, Queneau pudique, Queneau coquin, Limoges, Presses Universitaires de Limoges, 2007.
  • Queneau, Mode d'emploi, dossier du Magazine Littéraire no 523, , avec des contributions de Xavier Accart, Jacques Adam, Marie-Claude Cherqui, Claude Debon, Marc Décimo, Daniel Debreil, Rachel J.Galvin, Anne Marie Jaton, Jean-Pierre Longre, Jean-Pierre Martin, Philippe Normand, Laurent Nunez, Hela Ouardi, Jean-Yves Pouilloux, Philippe Rolland, Daniela Tononi, Tanka G. Tremblay (lire en ligne).

Discographie

Raymond Queneau mis en musique
  • Si tu t'imagines, musique Joseph Kosma, par Juliette Gréco, 1949.
  • Tant de sueur humaine, musique Guy Béart, par Guy Béart, 1965. (Disques Temporel)
  • Raymond Queneau mis en musique et chanté, par Jean-Marie Humel, Paris : Jacques Canetti, 1991, Jacques Canetti 107752.
  • François Cotinaud fait son Raymond Queneau, par l'ensemble Text'up 2002, Label Musivi.
  • 9 chansons sur des poèmes de Raymond Queneau, par Gilles Maugenest, 2002.
  • Les Fleurs bleues du pianiste Stéfano Bollani, 2004.
  • L'Instant fatal, musique Max Unger, 2010 (voir en ligne sur YouTube).

Articles connexes

Liens externes

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