Raoul du Gardier

Raoul du Gardier né le à Wiesbaden (Allemagne), mort le à Pornic, est un peintre français.

Peintre voyageur, son œuvre est constituée de nombreuses marines et scènes orientalistes.

Biographie

Sa jeunesse

Raoul du Gardier est l'aîné d'une famille de cinq enfants de la noblesse de province[1] apparentée au peintre et architecte Félix Thomas, ainsi qu'au compositeur Gaston Serpette. Il passe une enfance paisible en dépit d'une tuberculose pulmonaire qui lui aurait été transmise par sa nourrice. À l'adolescence, sa famille déménage à Paris où il se fait soigner. Ces « soins » amènent le corps médical à pratiquer une opération de castration destinée - selon les connaissances médicales de l'époque - à éradiquer sa tuberculose. En 1888, le bac obtenu, il décide de se consacrer à la peinture et rejoint les beaux-arts[2].

Le peintre

Élève de Théobald Chartran, de Jules-Elie Delaunay, d'Albert Maignan et de Gustave Moreau, Raoul du Gardier expose au Salon des artistes français à partir de 1893 (Œdipe et le Sphinx), est distingué par une mention honorable en 1897 et en devient sociétaire à partir de 1900. Quelques-unes de ses œuvres intègrent alors la collection de Charles Hayem, un proche de Gustave Moreau[3]. Il installe son atelier au 12 boulevard du Montparnasse et accumule alors les distinctions en tant que peintre et graveur. En 1897, à l'occasion d'un voyage en Algérie où sa famille possède des vignobles[4], il se lie d'amitié avec le peintre belge Henri Evenepoel, lequel souffre comme lui d'une maladie pulmonaire l'obligeant à effectuer des séjours réguliers dans des pays chauds. Une médaille de bronze lui est décernée à l'Exposition universelle de 1900 pour son tableau Les Femmes kabyles. Comme d'autres anciens élèves de Gustave Moreau, il participe au Salon d'automne créé en 1905 en tant que membre fondateur du Salon[5] et y expose deux portraits[6]. En 1911, il se rend en Turquie.

En 1914, il s'engage dans l'armée et sera notamment le chauffeur du général Foch ainsi que du maréchal Franchet d'Espérey[7].

La fin de la guerre marque ses premiers succès commerciaux. Raoul du Gardier collabore à de nombreuses revues qui publient ses tableaux et ses aquarelles. En 1920, son frère, Pierre-Charles du Gardier, est nommé Consul général de France à Suez[8] puis à l'Île Maurice. De 1920 à 1930, Raoul du Gardier entame alors une série de voyages en Égypte et dans l'Océan Indien. Il fournit à cette époque à Pierre Mille des aquarelles pour illustrer ses articles relatifs à l'Égypte destinés à L'Illustration.

La qualité de son travail lui permet d'être nommé peintre de la Marine le [9]. Ce statut, ainsi que des moyens financiers le mettant à l'abri du besoin, l'amènent à réaliser alors deux tours du monde qui seront autant de sources d'inspiration. En , il embarque à Marseille sur le croiseur Général Duquesne[10] pour un périple de trois mois jusqu'à l'Île Maurice. Il illustre avec le peintre et illustrateur Charles Fouqueray (1872-1958) Les Belles Croisières Françaises de Paul Chack en 1929 et participe en 1932 à la décoration du Normandie (paquebot). En 1933, la Marine Nationale le sollicite afin de décorer le bâtiment Vauban du Cercle naval de Toulon. Charles Fouqueray fait également partie des artistes travaillant aux décors de ce bâtiment. En 1936, il devient peintre de l'Air.

Outre l'Égypte, il découvre également les colonies françaises, l'Algérie française, le Maroc, Djibouti, le Liban, l'Île Maurice (ancienne colonie), La Réunion et les Comores notamment. Sa peinture orientaliste témoigne alors de l'expansion de la France dans le monde et lui assure une importante notoriété et une grande prospérité. Il vit à Paris, au numéro 2 de la rue Rosa-Bonheur et y mène une vie mondaine. L'été, il rejoint son frère Pierre-Charles qui possède une imposante demeure à Pornic, le long de la côte, la Villa Magdalena. Il y installe un atelier dans une dépendance[11] face à la mer où il produit de nombreuses scènes marines évoquant la douceur de vivre de l'entre-deux-guerres (promenades en bateau dans la baie de Bourgneuf, élégantes sur la plage, enfants jouant dans la mer, luxueux paquebots, scènes portuaires…). Certains artistes, tels que le peintre orientaliste Fernand Lantoine (1876-1955), ou son ami Edgar Maxence y séjournent.

Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale marque le déclin de sa santé. Il n'est désormais plus en mesure de se déplacer de manière autonome, ni de peindre ; sa gouvernante, victime d'un accident de la circulation à Paris, n'est plus en mesure de l'assister. Très diminué, sans revenus, il quitte son atelier de l'avenue de Tourville à Paris pour rejoindre Pornic, qu'il ne quittera désormais plus. À la Villa Magdalena, il héberge à partir de 1940 son ami Charles Fouqueray qui a dû fuir Brest, après avoir échappé aux Allemands[12]. Son frère, Pierre-Charles, avec qui il entretenait une grande complicité[13], meurt en 1950.

Devenu impotent, il est placé en 1952 dans un hospice où il meurt le . Il est enterré, avec son frère, au cimetière de Sainte-Marie-sur-Mer.

L'œuvre du peintre

Après la guerre, une vente des œuvres de Raoul du Gardier est organisée[14]. À sa mort en 1952, faute de descendance et de galeriste pour le défendre, son œuvre tombe dans un relatif oubli, comme tant de petits maîtres. Pendant plus d'un demi-siècle, aucune monographie, aucune exposition ne lui sont consacrées. La redécouverte des œuvres de Raoul du Gardier n'est due qu'au retour en grâce à la fin du XXe et au début du XXIe siècle des peintres orientalistes et à l'émergence du concept de « peintres voyageurs ». On redécouvre en Raoul du Gardier le simple plaisir de peindre, la joie de la couleur, de la lumière, de sujets traités sans préciosité, de scènes prises sur le vif, sans chercher à paraître moderne mais avec un sens du cadrage photographique[15]. Ses œuvres lumineuses et élégantes évoquent le bonheur de vivre de l'entre-deux-guerres. « Il a su rendre le reflet doux et tranquille d'une époque suspendue aux dernières lueurs d'une société en sursis »[16]

Les toiles de Raoul du Gardier sont généralement signées indifféremment en bas à droite ou à gauche « R. du GARDIER ». Il s'agit, le plus souvent, de petits formats qu'on pouvait aisément glisser dans une malle de voyage.

Quelques œuvres

Expositions

Illustrations

Musées

Élèves de Raoul du Gardier

Sources

  • Pierre Chaigne, « Un peintre à Pornic, Raoul du Gardier (1871-1952)», in Bulletin de la Société des Historiens du Pays de Retz, no 16
  • Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs - E.Bénézit, Éditions Gründ, Paris
  • Lynne Thornton, Les orientalistes : peintres voyageurs, Paris, ACR Édition Poche Couleur, , 192 p. (ISBN 978-2-86770-060-6, lire en ligne)
  • Gérald Schurr et Pierre Cabanne, Dictionnaire des petits maîtres de la peinture 1820-1920, Éditions de l'Amateur
  • Charles Saunier, "Anthologie d'art français - La peinture au XXe siècle", bibliothèque Larousse, 1912
  • Catalogue de l'exposition "L'Echappée belle, sites et monuments de Loire-Atlantique" à la Bibliothèque Nationale et au musée Dobrée rédigé par Claude Cosneau, Éditions ACL, 1987 (ISBN 2.901409.OA.6) édité erroné
  • Dictionnaire des peintres français de la mer de la marine, de Jean-Noël Marchand, Éditions Arts & Marine, Paris, 1997
  • (en) Hollis McCullough, Telfair Museum of Art : collection highlights, University of Georgia pres, (ISBN 0-933075-04-9 et 978-0933075047)

Notes et références

  1. Il est le fils d'Alfred-Antoine-Marie-Romain, vicomte Robert du Gardier, originaire d'Arc-en-Barrois (Haute Marne)
  2. Il quitte les beaux-arts en 1893 avec une mention honorable au concours trimestriel d'esquisses (1892) ainsi qu'une mention pour la peinture
  3. Article consacré à Charles Hayem, par Léonce Bénédite, conservateur du Musée du Luxembourg - article paru dans La Revue du Bien dans la Vie et dans l'Art du 1er juillet 1902
  4. Domaine de Saint-Léon à Ament el-Aïn, à côté d'Alger, propriété de Gaston Serpette
  5. Liste des membres fondateurs du Salon d'Automne, page 7 du catalogue de l'exposition
  6. 608 : Portrait de Melle D. et 609 Portrait de M. G. de G. in catalogue du Salon d'Automne 1905, page 80
  7. Il sera d'ailleurs distingué en recevant, au rang de chevalier, la Légion d'honneur en 1920
  8. Pierre-Charles du Gardier sera consul de France à Suez du 10 décembre 1920 au , information tirée de l'Historique de la représentation diplomatique et consulaire de la France en Égypte du XIVe siècle à nos jours, de Pierre Fournié
  9. Il sera nommé peintre honoraire de la Marine le 7 mars 1942
  10. Le Général Duquesne était un croiseur lourd, dit de première classe d'une longueur de 191 mètres qui navigua de 1925 à 1950. Ce bâtiment dérivait du Duguay-Trouin dont il conservait les bonnes qualités nautiques
  11. Dépendance de l'actuelle villa Nausicaa
  12. Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, Fouqueray est nommé responsable des services de camouflage de la flotte
  13. Henry de Monfreid (1879-1974) écrivain français, décrit longuement cette amitié dans son roman La Croisière du hachich - Éditions Bernard Grasset, publié en 1933. "Du Gardier me présente son frère. Il est peintre, peintre des ministères ; il vient tous les ans peindre une série de tableautins de dimensions faciles à expédier dans la valise. C'est le portrait de son frère, moins les bésicles… Ces deux vieux garçons s'adorent avec tendresse, sous l'œil sévère de leur vieille gouvernante. On dirait qu'elle les débarbouille le matin, tant elle les traite en enfants irresponsables… L'artiste venait de rentrer de sa séance du matin, de dix heures à midi, comme il sied à un homme ponctuel qui a ses heures de bureau. il fut vertement admonesté à cause de ses chaussures encore mouillées et dut nous quitter pour aller en changer sur le champ… Comme son frère, il est décoré et, comme lui, très officiel. il a des médailles aux Artistes français, et collabore à L'Illustration. Il se permet seulement une cravate lavallière, comme insigne de sa profession, mais là se bornent ses « excentricités », comme dit la gouvernante, très suffisantes, aux yeux du ministère pour rappeler la tradition du rapin romantique et proclamer l'esprit d'avant-garde de nos administrations… Un peu de violet dans les ombres de ses narines en fait un peintre moderne, mais là aussi se borne son audace « impressionniste ».
  14. vente aux enchères de Chantilly (1948)
  15. Son point de vue par rapport au sujet nous apparaît aujourd'hui très contemporain, il se positionne à hauteur d'œil ou en plongée, comme un photographe choisirait le cadrage en fonction du rapport exprimé avec son sujet, à la manière de Gustave Caillebotte. Certains dessins préparatoires à ses œuvres en témoignent : à partir d'un plan d'ensemble au crayon, il se rapproche de son sujet en apposant des touches de couleur à l'aquarelle ou à la gouache sur une partie du dessin initial, comme un cadrage resserré sur le sujet principal. Le tableau découle alors de la partie aquarellée du dessin.
  16. Gabrielle du Gardier, nièce de Raoul du Gardier, dans la correspondance à Pierre Chaigne
  17. Figurait au catalogue de la 81e exposition de la Société des amis des beaux-arts de Bordeaux en 1937, no 212 et proposé pour la somme de 2 000 anciens francs
  18. Œuvre acquise en 1939
  19. Œuvre acquise en 1932
  20. no 660 & 661 du catalogue illustré
  21. no 795 du catalogue illustré
  22. no 872 du catalogue illustré
  23. no 698 et 699 du catalogue illustré
  24. no 875 et 876 du catalogue illustré
  25. salle XXVI - catalogue du Salon no 834
  26. no 169 du catalogue
  27. no 561 du catalogue illustré
  28. n° du catalogue illustré
  29. no 686 du catalogue illustré
  30. no 750 du catalogue illustré
  31. Au salon de 1904, il reçoit une médaille de 3e classe et une mention honorable pour la gravure
  32. Œuvre acquise par l'État et conservée initialement au Musée du Luxembourg jusqu'à ce qu'en 1937, les collections soient transférées au nouveau musée d'art moderne. En dépôt depuis le 13 avril 1961 au musée Petiet (Limoux)
  33. no 787 du catalogue illustré
  34. no 673 du catalogue illustré
  35. no 667 et 668 du catalogue illustré
  36. Œuvre acquise en 1909 par Gari Melchairs pour les collections permanentes du musée (Collection highlights catalogue Telfair Museum, p. 152-153)
  37. no 277 du catalogue de l'exposition
  38. no 2408 du catalogue illustré. Actuellement en dépôt à la préfecture des Yvelines, Versailles
  39. Publié dans l'Illustration, no 3976 du 17/05/1919
  40. Publié dans la revue l'Illustration du 8 mai 1926, p. 43
  41. Publié dans la revue l'Illustration du 13 mai 1933
  42. Publié dans l'Illustration, no 5019 du 13/05/1939
  43. Œuvre acquise par l'État, fonds historique du Musée national des arts d'Afrique et d'Océanie transféré au musée du quai Branly, Paris
  44. Œuvre acquise par l'État, Musée du Luxembourg
  45. Il y exposa la toile Matinée d'été (A Summer Morning dans le catalogue de l'exposition) qui avait été présentée au Salon des Artistes Français de 1910. Participaient notamment à cette exposition Emile Bourdelle, Maurice Denis, Jean Gabriel Domergue, Charles Fouqueray, Paul Gauguin, Maximilien Luce, Albert Marquet, Maxime Maufra, Mathurin Méheut, Claude Monet, Auguste Rodin, Pierre-Auguste Renoir, Paul Signac, Henri de Toulouse-Lautrec, Edouard Vuillard…
  46. Cette compétition se déroulait du 30 juillet 1932 au 14 août 1932 pendant les épreuves traditionnelles et récompensait les artistes dont les œuvres originales avaient un lien avec le sport. En 1932, plus de 1100 œuvres d'art furent exposées, représentant 31 nations. L'exposition attira 384000 visiteurs.
  47. correspond aux ex-collections du Musée des arts africains et océaniens transférées au Musée du Quai Branly

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