Puritanisme

Le puritanisme est un courant spirituel du calvinisme qui désirait « purifier » l'Église d'Angleterre du catholicisme à partir de 1559 et en Nouvelle-Angleterre à partir de 1630.

Puritanisme
Repères historiques
Fondation 1559 en Angleterre
Fondateur(s) Plusieurs théologiens anglais
Fiche d'identité
Courant religieux Calvinisme
Localisation Monde

Cette doctrine des puritains a pris aujourd'hui le sens figuré, souvent péjoratif, de conduite de ceux qui professent un certain moralisme et rigorisme. « Dans le langage courant, un « puritain » est une personne austère, rigide, hostile à tous les plaisirs : « pureté » à laquelle on associe volontiers une teinte d'ostentation, voire d'hypocrisie, sans appartenance religieuse particulière[1]. »

Définition

Courant spirituel

Le puritanisme est un mouvement protestant de la fin du XVIe siècle au début du XVIIe siècle[2]. S’inspirant du calvinisme, des théologiens anglais ont commencé une réforme théologique, liturgique, vestimentaire et architecturale des pratiques religieuses. Ils n'utilisaient cependant pas ce terme pour s'identifier eux-mêmes. La plupart des puritains vivaient en Angleterre. Le mouvement théologique puritain déboucha sur l'émergence de l'Église presbytérienne.

Le diacre Samuel Chapin, statue connue sous le nom « The Puritan » (Le Puritain). Statue d'Augustus Saint-Gaudens située à Springfield, Massachusetts, 1887.

Courant politique

Selon Alexis de Tocqueville, il s'agit tout autant d'une théorie politique que d'une doctrine religieuse[3]. Selon lui, les puritains ont permis l'enchevêtrement de « l'esprit de religion » et de « l'esprit de liberté » qui étaient deux idées antinomiques. Cependant il ne faut pas confondre la « liberté politique » et la « liberté religieuse »[4].

Histoire

D'Henri VIII à Élisabeth Ire

Après sa rupture avec le pape en 1531 sur la question de son divorce avec Catherine d'Aragon, le roi Henri VIII sépara l'Église d'Angleterre de la tutelle de Rome en 1534. Cette rupture eut un effet qu'Henri VIII n'avait pas prévu : elle ouvrit une brèche aux chrétiens anglais qui voulaient réformer l'Église dans le sens des idées de Martin Luther[5].

De fait, la cause du protestantisme avançait rapidement sous Édouard VI. L'archevêque de Cantorbéry, Thomas Cranmer, publia le premier Book of Common Prayer (Livre de la prière commune) en , pour formaliser l'adaptation anglaise de la Réforme continentale : l'église primitive des premiers temps est prise comme modèle, l'accent est mis sur l'accessibilité des Écritures en langue anglaise, la communion pour tous par le pain et le vin.

Cependant, durant le règne de sa demi-sœur Marie Tudor (1554-1558), l'Angleterre revint au catholicisme romain. De nombreux protestants furent exécutés (Cranmer et d'autres grandes figures de la Réforme condamnés au bûcher), persécutés et contraints à l'exil en Europe. Ils entrèrent en contact avec des réformateurs calvinistes à Genève ou luthériens en Allemagne et radicalisèrent leurs positions. Deux des livres les plus populaires du temps — la Bible de Genève et le Livre des Martyrs de John Foxe — furent publiés à cette période.

La mort de celle qu'ils appelaient Bloody Mary (Marie la sanglante) et l'accession au trône d'Élisabeth Ire en 1558 fut donc saluée avec enthousiasme par ces protestants. Mais ses premières actions, quoique rétablissant le protestantisme, déçurent ceux qui aspiraient à une vaste réforme. Le puritanisme semble avoir alors surgi du mécontentement causé par le Elizabethan Religious Settlement de 1559 par lequel la reine réaffirmait l'indépendance de l'Église d'Angleterre à l'égard de Rome et détaillait la structure de cette Église : les protestants les plus radicaux y virent des concessions au « papisme ». Au contraire des mouvements protestants continentaux, la Réforme anglicane maintenait en effet l'Église sous le contrôle de la monarchie par l'intermédiaire d'une hiérarchie épiscopale, tout en laissant intactes beaucoup de pratiques catholiques, deux points inacceptables aux yeux des puritains. Ils refusèrent d'appliquer entièrement les directives et formules rituelles du Book of Common Prayer. La mise en œuvre forcée et tatillonne du nouvel ordre liturgique les repoussa dans une attitude d'opposition affirmée.

Galerie de théologiens puritains célèbres du XVIIe siècle : Thomas Gouge, William Bridge, Thomas Manton, John Flavel, Richard Sibbes, Stephen Charnock, William Bates (théologien), John Owen, John Howe (théologien), Richard Baxter.

Nombre de ces puritains — ainsi qu'ils furent appelés dans une controverse sur le vêtement de cérémonie aux alentours de 1560 où l'on moqua leur volonté de « purifier » les vêtements liturgiques — recherchèrent en vain l'appui du Parlement pour tenter d'instituer une forme de gouvernement de l'Église d'Angleterre proche du presbytérianisme. Le puritanisme anglais se tourna vers la prédication, publia pamphlets et libelles virulents, et accumula différentes expériences d'expression religieuse, de comportement social et d'organisation. Son succès croissant fut également l'œuvre de ses protecteurs dans la noblesse et au parlement et de son influence dans les universités d'Oxford et Cambridge.

La question de la hiérarchie de l'Église était délicate : Élisabeth apporta son soutien au théologien Richard Hooker, auteur « des lois de la politique ecclésiale » (Of the Laws of Ecclesiastical Policy) contrant les arguments presbytériens. Hooker énonça une réfutation directe des « frères de l'Église de Genève » et dessina les grandes lignes d'une via media pour l'Église d'Angleterre. Cette via media, dont on critiqua la faible substance doctrinale, constituait un ensemble de règles spécifiquement ordonnées qui devint « l'épine dorsale » de l'anglicanisme.

De Jacques VI à Olivier Cromwell

La bible de Genève.

Parallèlement à la Réforme anglicane, l'Église d'Écosse avait été créée sur un modèle calviniste presbytérien, que les puritains espéraient étendre en Angleterre. Le couronnement de Jacques VI d'Écosse comme roi d'Angleterre sous le nom de Jacques Ier réveilla leurs espoirs. Mais à la Conférence de Hampton Court en 1604, le roi, qui n'était pas puritain lui-même et qui se méfiait d'eux, rejeta leurs doléances d'une phrase : « pas d'évêque, pas de roi » (no bishop, no king). Il autorisa cependant la publication de la King James Bible, en langue vernaculaire, notamment pour renforcer l'orthodoxie anglicane contre la Bible de Genève. Celle-ci était devenue populaire chez les puritains alors même qu'elle possédait des traductions anti-royalistes et contenait des notes révolutionnaires.

La pression assimilatrice de l'Église d'Angleterre augmenta encore sous Charles Ier sous l'influence de son archevêque William Laud, la via media élisabéthaine étant appliquée partout avec force. Les puritains étaient vus comme des fauteurs de trouble mettant en péril l'unité de la monarchie et de l'Église et, à ce titre, toujours sujets à une répression parfois féroce. Les peines d'emprisonnement étaient lourdes, accompagnées de la confiscation des biens et de châtiments corporels : notamment, on marquait au fer rouge le front des condamnés de la mention « S. S. » (sower of sedition - semeur de sédition). L'exil des puritains vers l'Europe se poursuivait, les premiers mouvements d'émigration vers l'Amérique commencèrent en 1620 , où ils fondèrent la colonie de la baie du Massachusetts, mais les idées puritaines continuaient à gagner du terrain en Angleterre.

Un foyer puritain idéal.

Lorsque le conflit entre le Parlement et Charles Ier dégénéra en véritable guerre civile en 1640, les puritains se hâtèrent de saisir l'occasion d'exhorter la nation à renouveler son contrat avec Dieu. Le Parlement convoqua une assemblée d'ecclésiastiques et de laïcs, tous d'obédience calviniste, connue sous le nom de « Westminster Assembly » qui ne parvint pas à réformer totalement le gouvernement de l'Église. Cependant l'armée d'Olivier Cromwell, qui avait défait les forces royales, porta au pouvoir son général. Cromwell favorisa largement le mouvement puritain et ne concéda qu'un faible pluralisme. Le grand défenseur du puritanisme de l'époque fut le poète John Milton. Différentes tendances puritaines apparurent, parmi lesquelles seul le groupe des quakers connut une prospérité durable. En 1644, les puritains prennent le contrôle du parlement anglais et bannissent la célébration du jour de Noël dans le pays, en raison des origines « papistes » de la fête, jusqu’en 1660, où elle est rétablie par Charles II [6].

Grande persécution et Nouveau Monde

Chapelle puritaine à Salem.

La restauration de la monarchie en 1660 restaura également l'anglicanisme dans le strict modèle de William Laud et le clergé puritain fut expulsé de l'Église d'Angleterre. Ceux qui refusèrent l'intégration furent catalogués comme nonconformists. Le puritanisme anglais entra alors dans la période appelée la Great Persecution et fut contraint de reporter sur les colonies puritaines qui prospéraient en Amérique l'espoir de réaliser ses objectifs.

En Nouvelle-Angleterre, en 1648, les paroisses séparatistes des Pères pèlerins de la colonie de Plymouth et les paroisses puritaines de la colonie de la baie du Massachusetts fondèrent, sous l'impulsion de John Cotton, une seule Église congrégationaliste sur la base de la plateforme de Cambridge, Église officielle dans les 2 colonies. La charte de la colonie de la baie du Massachusetts, accordée aux puritains, est suspendue en 1689. Elle devient une colonie de la couronne. Les anglicans et les quakers sont reconnus. De 1725 à 1750, le Grand réveil affecta la Nouvelle-Angleterre. De nombreux descendants des puritains quittèrent l'Église congrégationaliste et rejoignirent les Églises méthodiste ou baptiste. L'Église congrégationaliste comptait un courant conservateur (calviniste) et un courant libéral (arminien, unitarien et/ou déiste). En 1833, le Massachusetts sépara l'Église et l'État. Au début du XIXe siècle, les congrégations les plus libérales devinrent officiellement unitarienne, réunies au sein de l'Association Unitarienne Américaine à partir de 1825, les autres demeurant trinitaires et conservant la dénomination congrégationaliste[7]. Les paroisses fondées par les puritains sont aujourd'hui membres de l'Église unie du Christ (congrégationaliste, issue de la fusion de quatre Églises protestantes en 1957) ou de l'Association Unitarienne Universaliste (issue de la fusion de l'Association Unitarienne Américaine et de l'Église Universaliste d'Amérique en 1961) — 25 paroisses sont membres des deux ensembles[8]. La première paroisse séparatiste et la première paroisse puritaine d'Amérique fondées respectivement en 1620 à Plymouth et en 1630 à Boston sont aujourd'hui des paroisses unitariennes universalistes. De nos jours, l'Église puritaine évangélique d'Amérique[9] à San Diego, Californie, et la Puritan Fellowship[10] à Manchester, Angleterre, se réclament du puritanisme.

Influence

Littérature

Ce mouvement a inspiré l'ouvrage de John Bunyan The Pilgrim's Progress, écrit alors qu'il était emprisonné pour ne pas avoir respecté le Conventicle Act, qui punissait les personnes coupables d'avoir organisé des services religieux non autorisés et sans supervision de l'Église anglicane [11].

Influence aux Pays-Bas

Le puritanisme anglais se répercute aux Pays-Bas dans le mouvement dit de la Nadere Reformatie[12].

Mythes

Des historiens, comme le Dr Harry S. Stout de l'université de Yale, se sont intéressés aux puritains américains derrière les mythes forgés pendant la prohibition (1919-1933) par les opposants où le puritanisme tente de ne pas être qualifiable antonyme de l'hédonisme[13].

  • Les puritains aimaient les couleurs vives. Leurs vêtements et leurs maisons étaient colorées. C'est le cinéma qui a propagé l'idée qu'ils s'habillaient en noir.
  • Les puritains n'étaient pas prudes. L'activité sexuelle, au sein du mariage, n'était pas condamnée et même encouragée. Des puritains pouvaient être punis pour chasteté.
  • Les puritains n'étaient pas sobres. L'alcool était consommé. Les puritains buvaient du vin, de la bière, du cidre, du rhum… car l'eau douce était souvent impropre à la consommation.
  • Les puritains aimaient la poésie (Anne Bradstreet ou Edward Taylor).
  • Les puritains n'étaient pas opposés aux fêtes et aux jeux.

Références

  1. Michel Duchein, « Puritanisme et puritains », sur clio.fr, .
  2. Samuel S. Hill, Charles H. Lippy, Charles Reagan Wilson, Encyclopedia of Religion in the South, Mercer University Press, USA, 2005, p. 642
  3. De la démocratie en Amérique I, 1 partie, chapitre II. Alexis de Tocqueville.
  4. Denis Licorne, De la religion en Amérique : Essai d'histoire politique, Paris, Folio Essai, , 446 p. (ISBN 978-2-07-044924-8), page 76
  5. Hans J. Hillerbrand, Encyclopedia of Protestantism: 4-volume Set, Routledge, USA, 2016, p. 328.
  6. Stephen C. Manganiello, The Concise Encyclopedia of the Revolutions and Wars of England, Scotland, and Ireland, 1639-1660, Scarecrow Press, USA, 2004, p.
  7. http://www25.uua.org/uuhs/duub/articles/unitariancontroversy.html.
  8. Pascal Acker, « Paroisses unies, Eglises locales fédérées », sur blog.org, Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU), (consulté le ).
  9. http://puritanchurch.com.
  10. http://www.puritanfellowship.com.
  11. Robert McCrum, The 100 best novels: No 1 – The Pilgrim's Progress by John Bunyan (1678), theguardian.com, UK, 23 septembre 2013
  12. (en) Anthony Milton, The Cambridge Companion to Puritanism, Cambridge, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-139-82782-9, lire en ligne), p. 118–119.
  13. (en) http://www.christianitytoday.com/holidays/halloween/features/puritans.html.

Filmographie

  • La Lettre écarlate, version fr. Der Scharlachrote Buchstabe, drame de Nathaniel Hawthorne, du réalisateur Wim Wenders, de BAC Films, Allemagne, 1972.

Voir aussi

Bibliographie

  • Bernard Cottret, Monique Cottret et Marie-José Michel, Jansénisme et puritanisme, Nolin, , 237 p.
  • Nicole Bacharan, Du sexe en Amérique. Une autre histoire des États-Unis, Robert Laffont, , 469 p. (lire en ligne)

Article connexe

Liens externes

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