Passation des pouvoirs entre les présidents de la République française sous la Cinquième République

L'entretien de la passation des pouvoirs sous la Cinquième République est une étape majeure de l'investiture du président de la République. Entouré de secret, il est un instant de discussion entre l'ancien et le nouveau Président de la République française, qui dure entre trente minutes et deux heures.

Historique

1959

Charles de Gaulle est accueilli par René Coty le [1]. L'entrevue ne dure que quelques minutes[2]. Après la remise du collier de la Légion d'honneur et des discours brefs de l'ancien et du nouveau président, le général de Gaulle déjeune avec Coty. Ils se rendent ensuite à l'Arc de triomphe de l'Étoile[3].

1969

Georges Pompidou est élu au second tour de l'élection présidentielle française de 1969 face au président par intérim, Alain Poher.

S’ensuit la première passation de pouvoir du régime, après la réélection puis la démission de Charles de Gaulle. Elle est organisée le 20 juin 1969. Le président sortant ayant démissionné le 28 avril, c'est Alain Poher qui accueille Georges Pompidou à l'Élysée. Il lui transmet les codes nucléaires dans une enveloppe et sous la forme du médaillon du général de Gaulle[4].

1974

La mort de Georges Pompidou rappelle Alain Poher à l'Élysée en tant que président par intérim. Il accueille ainsi Valéry Giscard d'Estaing et lui transmet les codes nucléaires sous la forme du médaillon du général de Gaulle.

1981

Conduite par le socialiste Pierre Bérégovoy, une « antenne présidentielle » est chargée par François Mitterrand d'organiser la passation des pouvoirs à la suite de sa victoire à l’élection présidentielle de 1981 face au président sortant, Valéry Giscard d'Estaing[5].

Alors que le Conseil constitutionnel avait fixé l'échéance au à minuit, Pierre Bérégovoy et Jacques Wahl, secrétaire général de l'Élysée, se mettent d'accord sur la date du à 9 heures 30. Deux jours avant la cérémonie, le , Valéry Giscard d'Estaing prononce, sur les trois chaînes de télévision, une allocution qu’il conclut par un « Au revoir » qui restera célèbre. Le lendemain, démissionnaire depuis le , le gouvernement Barre se réunit pour un dernier Conseil des ministres[5].

Le , François Mitterrand entre au palais de l'Élysée après avoir été accueilli sur le perron par le président sortant. L’entretien dure au total quelque cinquante minutes[5].

Valéry Giscard d'Estaing explique à François Mitterrand la solitude qui pèse sur la fonction présidentielle. Il annonce à Mitterrand la mort prochaine de Léonid Brejnev et son remplacement par Konstantin Tchernenko. Il lui fait part des recherches menées par Elf Aquitaine sur des nouveaux procédés de prospection pétrolière (qui débouchera sur l'affaire des Avions renifleurs), ainsi que de l'attaque que Anouar el-Sadate prépare contre la Libye. Il lui donne les détails des diverses formes de coopération sur le nucléaire avec les États-Unis[6]. Il l'informe du dernier avis du Conseil supérieur de la magistrature concernant le recours en grâce d'un condamné à mort.

Il demande à son successeur de nommer le directeur du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, Alexandre de Marenches, au Conseil d'État, comme le président Pompidou s'y était engagé en le nommant en 1970[7]. Il demande également qu'il soit pris soin de Jacques Wahl et de Michel Mosser pour leurs services rendus à l’État[8].

François Mitterrand déclare notamment durant l'entretien : « Vous n'avez commis qu'une seule erreur dans votre campagne, celle de vous présenter »[9]. La presse présente l’entretien comme relativement tendu[5].

Le président sortant remet le médaillon en or qui contient les codes nucléaires nécessaire à l'activation de la sacoche nucléaire française et du PC Jupiter. François Mitterrand la glisse dans sa poche et l'oublie dedans ; le costume part chez le teinturier dans la soirée, et un motard de la police nationale part le récupérer[10].

Une fois l'entretien en tête à tête terminé, le président sortant convie le général Bertrand de Montaudoüin et son successeur, le général Jean Saulnier, pour que ce dernier reçoive de son prédécesseur les enveloppes qui contiennent les procédures complémentaires à celle du chef de l’État, indispensables pour activer la force nucléaire[8].

Rompant avec le protocole, c’est à pied, comme il l’avait fait sept ans plus tôt à son arrivée à l’Élysée, que Valéry Giscard d’Estaing quitte le palais, à 10 heures 15 : il est alors pris à partie par des militants socialistes, qui le sifflent et le huent, masquant les applaudissements de ses partisans[5],[11].

1995

La cérémonie se déroule le 17 mai 1995. François Mitterrand a préalablement fait réaménager le bureau du président de la République avec le mobilier Louis XV qui l'ornait du temps du général de Gaulle. Il transmet à Jacques Chirac des informations confidentielles sur des négociations internationales en cours[12].

Le président sortant demande au président élu de protéger les canards colverts qu’il a fait introduire dans le parc de l'Élysée quelques années auparavant, craignant que le labrador de Chirac ne les mange. Le président élu promet d'y faire attention, mais les palmipèdes mourront quelques mois plus tard[13].

L'entretien dure environ une heure[14].

2007

L'entretien entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy dure 36 minutes[15]. Il est tendu du fait des désaccords politiques et personnels importants entre les deux hommes de droite[16].

Jacques Chirac insiste sur la question du Liban, qu'il souhaite que la France continue d'aider[17]. Son interlocuteur accède à peu de ses requêtes, comme le maintien en fonction de Thierry Breton au ministère de l’Économie et de François Baroin au ministère de l'Intérieur ou la nomination d’Hubert Védrine plutôt que de Bernard Kouchner aux ministère des Affaires étrangères[18]. Nicolas Sarkozy montre à Jacques Chirac une photographie du premier congrès du RPR, où il s'est rendu et où ils apparaissent tous les deux[19].

2012

L'entretien entre l’ancien et le nouveau chef de l’État dure une quarantaine de minutes[20]. Les deux hommes, qui se tutoient, parlent notamment de l'opération Barkhane[21]. François Hollande propose à Nicolas Sarkozy de l'appeler s'il a besoin de quelque chose[22].

Le président sortant demande à ce que trois de ses anciens collaborateurs, dont au premier rang Xavier Musca, trouvent un point de chute honorable[22].

Parallèlement, les deux premières dames effectuent un entretien pour transmettre des informations sur le protocole et le rôle de la « première dame »[23].

2017

L'entretien dure une heure pleine, ce qui dépasse ce qui avait été prévu par le protocole. Une grande partie de la conversation est d'ordre personnel[24].

Voir aussi

Notes et références

  1. Max Gallo et Yves Guéna, De Gaulle, les images d'un destin, Cherche midi, (ISBN 978-2-7491-0777-6, lire en ligne)
  2. Solenn De ROYER et Alexis BREZET, Le Deuil du pouvoir, Place des éditeurs, (ISBN 978-2-262-07008-3, lire en ligne)
  3. Claude Dulong, La Vie quotidienne à l'Elysée au temps de Charles de Gaulle, Hachette, (ISBN 2-01-016506-3 et 978-2-01-016506-1, OCLC 22839128, lire en ligne)
  4. Guisnel, Jean, (1951- ...)., Le président et la bombe : Jupiter à l'Élysée, Odile Jacob, dl 2016, cop. 2016 (ISBN 978-2-7381-3387-8 et 2-7381-3387-8, OCLC 951250550, lire en ligne)
  5. Nicole Gauthier, « En 1981, une alternance plutôt crispée : le passage de relais entre Giscard et Mitterrand se fit dans un climat de méfiance », Libération, (lire en ligne, consulté le ).
  6. Attali, Jacques, (1943- ...).,, Verbatim, R. Laffont, impr. 2011 (ISBN 978-2-221-11710-1, 2-221-11710-7 et 978-2-221-11711-8, OCLC 758887836, lire en ligne)
  7. Notin, Jean-Christophe,, Le maître du secret : Alexandre de Marenches (ISBN 979-10-210-3129-6, 978-979-1021-03-6 et 979-1021-03-1, OCLC 1030779675, lire en ligne)
  8. Pierre Favier et Michel Martin-Roland, La Décennie Mitterrand : 1990-1999, Seuil (ISBN 2-02-014427-1, lire en ligne)
  9. Attali, Jacques., Verbatim, Fayard, ©1993-©1995 (ISBN 2-213-01928-2, 978-2-213-01928-4 et 2-213-03201-7, OCLC 28469117, lire en ligne)
  10. Solange Esteves, « La passation de pouvoir entre présidents en huit anecdotes », sur Ouest-France.fr, (consulté le )
  11. « Valéry Giscard d'Estaing quitte l'Elysée », sur ina.fr (consulté le ).
  12. Christophe Barbier, Les derniers jours de François Mitterrand Ned, Grasset, (ISBN 978-2-246-85954-3, lire en ligne)
  13. Chirac, Jacques, 1932-2019., Mémoires, Nil, ©2009-2011 (ISBN 978-2-84111-393-4, 2-84111-393-0 et 978-2-84111-519-8, OCLC 463623674, lire en ligne)
  14. « PrésidenScope - La passation des pouvoirs », sur www.presidenscope.fr (consulté le ).
  15. « Vidéos. Ces passations de pouvoir qui ont marqué la Ve République », sur SudOuest.fr (consulté le )
  16. Patrice Duhamel et Jacques Santamaria, Les Jours d'après, Humensis, (ISBN 979-10-329-0005-5, lire en ligne)
  17. Pierre Péan et Vanessa Ratignier, Une France sous influence: Quand le Qatar fait de notre pays son terrain de jeu, Fayard, (ISBN 978-2-213-67983-9, lire en ligne)
  18. Bruno D, LE DERNIER CHIRAC, Mareuil Éditions, (ISBN 978-2-37254-160-2, lire en ligne)
  19. Michèle Cotta, Le Rose et le Gris: Prélude au quinquennat de François Hollande, Fayard, (ISBN 978-2-213-67536-7, lire en ligne)
  20. « Passation des pouvoirs entre présidents : un rituel marquant de la Ve République », sur leparisien.fr, (consulté le )
  21. Xavier Panon, Dans les coulisses de la diplomatie française - De Sarkozy à Hollande, L'Archipel, (ISBN 978-2-8098-1716-4, lire en ligne)
  22. Sarkozy, Nicolas, 1955-, La France pour la vie (ISBN 978-2-259-24894-5 et 2-259-24894-2, OCLC 936652688, lire en ligne).
  23. Jacques Houriez, « Première Partie. Les drames de la conversion », dans L’inspiration scripturaire dans le théâtre et la poésie de Paul Claudel, Presses universitaires de Franche-Comté, (ISBN 978-2-251-60594-4, lire en ligne), p. 23–171.
  24. Bruno Dive, Crimes et renoncements. Quand la politique dépasse la fiction, Humensis, (ISBN 979-10-329-0224-0, lire en ligne)
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