Organisation territoriale de l'État islamique

Cet article présente le découpage territorial revendiqué par l'État islamique, une organisation armée terroriste islamiste, d'idéologie salafiste djihadiste.

La stratégie « califale » de l'EI n'est pas uniquement le résultat d'un concours de circonstances mais elle vient aussi d'une réflexion sur le long terme née de l'histoire des mouvements djihadistes. Par exemple, un ouvrage apparu en 2004 sur les forums djihadistes, signé d'un certain Abou Bakr al-Naji et intitulé Gestion de la barbarie[1], où est détaillée une stratégie grâce à laquelle les groupes djihadistes seraient en mesure de s'imposer territorialement face aux régimes arabes et musulmans, d'une part, et face aux Américains et aux Occidentaux, d'autre part. Pour leur permettre d'atteindre leur objectif ultime, la restauration du califat, il formule à leur intention des propositions et il leur suggère la marche à suivre pour contrôler le ressentiment des populations, la violence et la propagande[2].

Selon l’ancien diplomate Ignace Leverrier (alias Wladimir Glasman[3]), progressivement, l'EI cherche à se construire une autorité, et à démontrer qu'il fonctionne en 2015 non pas comme un groupe, une jamâ'a, mais bien comme un État[2] ; l'ancien diplomate lui-même parlant plutôt de « proto-État »[4].

Une gestion tribale

D'après Ignace Leverrier, ancien diplomate et auteur d'études sur les mouvements islamistes[5], suivant les recommandations élaborées, notamment, dans le texte d'Abou Bakr al-Naji et intitulé L'administration de la sauvagerie : l'étape la plus critique à franchir par la Oumma, l'EI a cherché à retourner à son profit la notion de sahwa, nom donné à la méthode américaine durant la guerre d'Irak pour s'associer militairement aux tribus irakiennes par un engagement monnayé.

Des clans tribaux ont toutefois accepté l'autorité de l'EI, à Alep, à Raqqa, à Deïr al-Zor et à Hassaké. Pour d'autres tribus syriennes, l'EI en a neutralisés les plus puissantes par la division et a soumis par la violence celles qui s'étaient montrées réfractaires à son autorité. Par la suite, le groupe djihadiste a pu se désengager de certains territoires, administrés directement par les tribus qui les peuplent. Au niveau militaire, ces tribus lui apportent un soutien important, le groupe djihadiste parvenant à jouer des rivalités ethniques et tribales pour les mobiliser en sa faveur, comme à Tall Hamis, contre les troupes du Parti de l'Union démocratique (PYD) kurde[2].

Liste des « provinces » revendiquées

Territoires dont le contrôle est revendiqué par l'État islamique (septembre 2017).

Les « provinces » sont soit des branches locales de l'organisation hors d'Irak et de Syrie, soit le nom donné à certains territoires contrôlés en Irak et en Syrie.

L'État islamique a revendiqué une organisation des territoires qu'il contrôle ou revendique en plusieurs provinces (wilayat en arabe) :


Nom en français Nom en arabe Correspondance et commentaires
Province d'IrakWilayat al-IraqCréée en 2018.
Province du LevantWilayat al-ChamCréée en 2018.
Province de BaghdadWilayat BaḡdādProvince de Bagdad, en Irak. Intégrée à Wilayat al-Iraq en 2018.
Province d'Al-AnbarWilayat al-ʾAnbārCorrespondant initialement à la province d'Al-Anbar en Irak, puis amputée d'une partie de son territoire pour constituer la province de l'Euphrate. Intégrée à Wilayat al-Iraq en 2018.
Province de DiyalaWilayat DiyālāProvince de Diyala, en Irak. Intégrée à Wilayat al-Iraq en 2018.
Province de Kirkouk[6]Wilayat KirkūkProvince de Kirkouk, en Irak. Intégrée à Wilayat al-Iraq en 2018.
Province de Salah al-DinWilayat Ṣalāḥ ad-DīnProvince de Salah ad-Din, en Irak. Intégrée à Wilayat al-Iraq en 2018.
Province de NiniveWilayat NīnawāProvince de Ninive, en Irak. Intégrée à Wilayat al-Iraq en 2018.
Une partie de la province de BabilWilayat BābilUne partie de la province de Babil, en Irak. Intégrée à Wilayat al-Iraq en 2018.
Province d'al-JazirahWilāyat al-JazīrahIrak. Intégrée à Wilayat al-Iraq en 2018.
Province du TigreDijlāhIrak. Intégrée à Wilayat al-Iraq en 2018.
Province de FallujahIrak. Intégrée à Wilayat al-Iraq en 2018.
Province d'Al BarakahWilāyat al-Barakah[7]gouvernorat d'Hassaké en Syrie. Intégrée à Wilayat al-Cham en 2018.
Province de RaqqaWilayat al-Raqqah[7]Gouvernorat de Raqqa en Syrie. Siège de la capitale Raqqa. Intégrée à Wilayat al-Cham en 2018.
Province d'HauranWilayat HauranGouvernorat de Deraa en Syrie. Intégrée à Wilayat al-Cham en 2018.
Province de HomsWilayat Homs[7]Gouvernorat de Homs, en Syrie. Intégrée à Wilayat al-Cham en 2018.
Province d'Alep[6]Wilayat al-Halab[7]gouvernorat d'Alep en Syrie
Province de HamahWilayat Hama[8](revendications à l'abandon)[7]
Province d'IdlibWilayat Idlib(revendications à l'abandon)[7]
Province de DamasWilayat al-Dimashq[7]Gouvernorat de Damas. Intégrée à Wilayat al-Cham en 2018.
Province de BadiyaWilayat al-Badiya[7]Intégré à la province de Homs depuis août (2014 ?)[7]
Province de LattaquiéWilayat al-LadhikiyahGouvernorat de Lattaquié en Syrie. Intégrée à Wilayat al-Cham en 2018.
Province d'Al KhayrWilayat al-Khayr[7]Correspond initialement au gouvernorat de Deir ez-Zor en Syrie, puis amputée d'une partie de son territoire pour constituer la province de l'Euphrate. Intégrée à Wilayat al-Cham en 2018.
Province du LittoralWilayat al-Sahel[7]Tartous. Intégrée à Wilayat al-Cham en 2018.
Province de l'Euphrate[9],[6]Wilâyat al-FurâtConstituée de part et d'autre de la frontière entre l'Irak et la Syrie à partir de territoires de la province de Deir ez-Zor (côté syrien) et de la province d'Al-Anbar (côté irakien). Intégrée à Wilayat al-Cham et Wilayat al-Iraq en 2018.
Province des Deux Sanctuaires[10],[11]Wilayat al-HaramaynArabie saoudite. Les deux sanctuaires (haram) sont La Mecque et Médine.
Province du Yémen[10],[11]Wilayat al-Yaman / Wilayat YemenYémen. Subdivisée ensuite en plusieurs provinces (voir juste en dessous).
Province de Sanaa[12]Wilayat Sana'a
Province de Chabwa[12]Wilayat Chabwa
Province de Lahj[12]Wilayat Lahij
Province d'al-Bayda[12]Wilayat al Bayda
Province du Hadramaout[12]Wilayat Hadramawt
Province d'Aden / d'Aden-Abyan[12]Wilayat Aden
Province de la Brigade verte[12]Wilayat ?Gouvernorats d'Ibb et de Ta'izz.
Province d'Ataq[12]Wilayat Ataq
Province du Sinaï[10],[13]Wilayat SinaïPéninsule du Sinaï, en Égypte.
Province de Cyrénaïque[10]Wilayat al-BarqahCyrénaïque, en Libye.
Province du Fezzan[10]Wilayat al-FizanFezzan, en Libye.
Province de Tripolitaine[10]Wilayat al-TarabulusTripolitaine, en Libye.
Province d'Algérie[10] (2014-2015)Wilayat al-JazaïrAlgérie.
Province du KhorassanWilayat al-KhurasanAfghanistan, Pakistan et « d'autres territoires proches ». Tire son nom de la région historique du Khorassan.
Province du Soudan occidental / Province de l'Afrique occidentale[14]Wilayat al Sudan al Gharbi / Wilāyat Gharb IfrīqīyyahNigeria.
Province du Caucase (en)Wilayah al-Qawqaz (ولاية القوقاز).
Province de Somalie (en)Wilayat al SomalSomalie .
Province d'Afrique de l'OuestWilāyat al-Sūdān al-GharbīBurkina Faso, Cameroun, Mali, Niger, Nigeria et Tchad.
Province d'Afrique centraleWilayat Wasat IfriqiyaRépublique démocratique du Congo et Mozambique.
Province du Grand SaharaAlgérie, Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger et Nigeria.

Le , l'État islamique annonce la formation en Syrie d'une dernière « province », la « Wilayat Hauran », qui concerne la zone tenue par l'Armée Khalid ibn al-Walid dans le sud-ouest du gouvernorat de Deraa, en Syrie[15]. Mais dix jours plus tard, l'État islamique, qui ne contrôle alors plus que quelques petites poches, change son organisation et utilise désormais les termes de Wilayat al-Cham pour la Syrie et Wilayat al-Irak pour l'Irak[15]. L'EI passe alors de 35 à six « wilayat », qui correspondent cette fois presque aux frontières internationalement reconnues : l'Irak, la Syrie, l'Asie de l'Est, le Tadjikistan, le Sinaï et la Somalie[16]. Les anciennes « provinces » sont transformées en « cantons ».

Références

  1. sur les sources dudit recueil, on téléchargera un son de 53 minutes Des frontières héritées au retour du Califat 22e Rencontres d’Averroès. Pour une introduction au recueil Cf. le temps de Genève
  2. L’État islamique, un État à part entière ? (2/3), par Ignace Leverrier, article du 6 mars 2015, sur le blog http://syrie.blog.lemonde.fr/ hébergé par lemonde.fr
  3. Wladimir Glasman (1942-2015) publiant sous le nom d'Ignace Leverrier : Disparition de Wladimir Glasman, compagnon de route de la révolution syrienne, article sur le site lemonde.fr, daté du 25 août 2015. Syrie: Cultiver l'espoir - Hommage à Wladimir Glasman, article sur le site lexpress.fr, daté du 10 septembre 2015.
  4. L’État islamique, un État à part entière ? (3/3), par Ignace Leverrier, article du 4 mars 2015, sur le blog http://syrie.blog.lemonde.fr/ hébergé par lemonde.fr
  5. Biographie d'Ignace Leverrier détaillée sur le site de France Inter et datée d'août 2012.
  6. Le piège Daech: L'État islamique ou le retour de l'Histoire, Pierre-Jean LUIZARD.
  7. The Washington Post : État islamique. Au-delà de l’Irak et de la Syrie
  8. « Desknote: The Growing Threat of ISIS in Yemen » (consulté le )
  9. Matteo Puxton, Syrie: l'Etat islamique vaincu par l'armée syrienne sur le Golan, France Soir, 7 août 2018.
  10. Le groupe État islamique est en pleine réorganisation administrative, L'Express avec AFP, 28 août 2018.
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