Nanni Moretti
Giovanni Moretti, dit Nanni Moretti [ˈnanni moˈretti][1], né le à Brunico dans le Trentin-Haut-Adige, est un réalisateur, scénariste et acteur de cinéma italien. Il est également producteur, distributeur et directeur de salle via ses sociétés Sacher Film, Sacher Distribuzione et son cinéma le Nuovo Sacher.
Pour les articles homonymes, voir Moretti.
Ne doit pas être confondu avec Nina Morato.
Nom de naissance | Giovanni Moretti |
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Naissance |
Brunico, Italie |
Nationalité | Italienne |
Profession | Réalisateur, acteur |
Films notables |
Palombella rossa Journal intime La Chambre du fils Le Caïman Habemus Papam |
Éminente personnalité du cinéma européen, Nanni Moretti a constitué une œuvre cohérente qui développe une forme personnelle d'autofiction et alterne drame, satire et militantisme. Il joue dans tous ses films. Ses longs métrages cherchent à concilier la tradition néoréaliste et les codes de la comédie à l'italienne et forment une chronique vaste et subjective de l'Italie politisée de l'après-mai 68 et du début du XXIe siècle.
Le cinéaste est lauréat de la Palme d'or du Festival de Cannes 2001 pour La Chambre du fils, et d'une trentaine d'autres prix internationaux.
Biographie
Nanni Moretti naît au sein d'une famille d'enseignants. Son père est l'épigraphiste Luigi Moretti. Sans que sa famille soit pauvre, elle est relativement modeste[2]. À l’adolescence, il se découvre deux passions : le cinéma et le water-polo. À cette époque il contracte une hépatite virale qui l'oblige pendant un temps à ne se nourrir que d'artichauts bouillis et de jambon cru[2]. Lorsqu'il est totalement guéri, il obtient, « de haute lutte » sa première Vespa[2]. Une fois ses études achevées, il se met en tête de devenir réalisateur et tourne en 1973 ses deux premiers courts métrages : Pâté de bourgeois et La Défaite (filmés en Super 8) qu'il tourne, interprète, monte et développe lui-même.
Il devient l'acteur principal de ses œuvres où il apparaît dans une série d'alter ego exubérants. D'emblée, ses premiers films dévoilent son style singulier, caractérisé par une ironie mordante et un sens aiguisé de l'observation psychologique et sociale. Ils affirment également sa force de caractère et mêlent éléments autobiographiques, questionnements intimes, considérations artistiques et préoccupations politiques. En 1976 sort Je suis un autarcique, son premier long métrage filmé en Super 8 et gonflé en 16 mm. Dans ce film, le réalisateur met en scène une troupe de théâtre avant-gardiste dont il se sert pour porter un regard ironique sur le gauchisme. En 1977, il tient un petit rôle dans Padre padrone des frères Taviani.
En 1978, il réalise Ecce Bombo qui raconte les rapports difficiles d’un étudiant avec son entourage. Ce film est présenté en sélection officielle au Festival de Cannes[3].
En 1981, Sogni d'oro, sa nouvelle réalisation, obtient le Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise. En 1983, il met en scène Bianca dans lequel il interprète un professeur amoureux de Laura Morante, une de ses actrices fétiches. En 1986, on le retrouve sous les traits d’un curé dans la comédie La messe est finie (Ours d'argent à Berlin) et dans la peau d’un militant communiste devenu amnésique dans le film Palombella rossa, en 1989.
Grâce à sa maison de production Sacher Film, qu’il fonde en 1986 au côté d'Angelo Barbagallo et qu'il nomme ainsi en hommage à sa pâtisserie préférée, la Sachertorte, il produit les œuvres de cinéastes débutants comme La Seconde fois de Mimmo Calopresti et Le Porteur de serviette de Daniele Luchetti, films dans lesquels il endosse le premier rôle. Il acquiert également, en 1991, le cinéma d'art et essai le Nuovo Sacher dans le quartier du Trastevere de Rome qui lui sert de base de diffusion à ses films et ses productions. Il y programme également les réalisations d'auteurs reconnus ou débutants.
À la fin de l'année 1990 il doit incarner le premier rôle masculin de La Double Vie de Véronique de Krzysztof Kieślowski[4]. Mais, alors qu'il a commencé à tourner dans ce film, son état de santé est trop mauvais pour qu'il puisse continuer (il se découvrira par la suite un cancer) et il doit être remplacé[4].
En 1991, il reprend une salle de cinéma, le Cinema Nuovo. Pour des raisons administratives, il ne peut en modifier le nom, mais il lui est possible d'y rajouter quelque chose : il l'appelle alors le « Cinema Nuovo Sacher »[4]. La salle ouvre en avec à l'affiche le film Riff-Raff de Ken Loach[4].
En 1994, il obtient le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes pour son film Journal intime, dans lequel il dévoile qu'il a été atteint de la maladie de Hodgkin, une forme de cancer. Ce prix à Cannes lui permet d'atteindre une notoriété internationale[5].
Nanni Moretti apprécie particulièrement le cinéma iranien[6]. Il participe au jury de la sélection officielle du Festival de Cannes 1997 et y fait tout pour qu'Abbas Kiarostami reçoive la Palme d'or avec son film Le Goût de la cerise (ex-aequo avec le film L'Anguille de Shōhei Imamura)[6]. La présidente du jury, Isabelle Adjani, se sentira trahie par son attitude (elle soutenait le film De beaux lendemains) et qualifiera dans la presse Moretti de « Machiavel[7] »
En 1998, dans Aprile, présenté à Cannes, il fait part de sa joie d’être père et de son contentement d'assister à la victoire de la gauche aux élections tout en dévoilant ses doutes sur l'avenir.
Moretti fonde ensuite, en 1998, la société Sacher Distribuzione, spécialisée dans la distribution de films d'auteur[8]. Celle-ci a notamment assuré, en Italie, la sortie d'Une séparation d'Asghar Farhadi, La guerre est déclarée de Valérie Donzelli, Angèle et Tony d'Alix Delaporte et César doit mourir des frères Taviani[9]. Moretti est également le créateur du Prix Sacher et du Sacher Festival, consacré aux courts métrages.
En 2001, à nouveau présent à Cannes, il obtient la Palme d'or pour La Chambre du fils, drame intimiste racontant la manière dont une famille de la classe moyenne anconitaise réagit après la perte de son fils adolescent[10].
Nanni Moretti a présidé le jury de la 58e Mostra de Venise, en 2001. Son jury a décerné le Lion d'or au Mariage des moussons de Mira Nair. En 2007 et 2008, il a par ailleurs assuré la présidence du Festival du film de Turin.
Moretti décide de sortir son film suivant, Le Caïman, au moment des campagnes législatives de 2006, car il est autant une satire de Silvio Berlusconi et de sa gouvernance qu'un portrait kaléidoscopique de l'Italie des années 2000. Le Caïman est par ailleurs présenté à Cannes[11]. En 2008, on le retrouve devant la caméra d'Antonello Grimaldi dans Caos calmo.
En 2011, sa comédie Habemus Papam, qui narre les déboires d'un pape français dépressif, incarné par Michel Piccoli, est présentée en compétition au 64e Festival de Cannes. Lors de sa sortie, elle remporte un large succès critique et public. Le film est classé comme le meilleur de l'année par Les Cahiers du cinéma.
Quinze ans après avoir été juré au 50e Festival de Cannes, sous la présidence d'Isabelle Adjani, il est nommé président du jury de la 65e édition cannoise par Thierry Frémaux, le [12]. Cette nomination concrétise une longue relation avec le festival : huit de ses réalisations furent sélectionnées, dont six en compétition. Son jury, composé des comédiens Diane Krüger, Ewan McGregor, Hiam Abbas et Emmanuelle Devos, des réalisateurs Alexander Payne, Andrea Arnold et Raoul Peck ainsi que du styliste Jean-Paul Gaultier, attribue la Palme d'or à Amour de Michael Haneke. Sa présidence est critiquée par les festivaliers, jugeant son palmarès décevant (avec l'absence de Holy Motors, Mud : Sur les rives du Mississippi et De rouille et d'os) et formulant un soupçon de copinage et de conflit d'intérêts[13],[14]. En effet, quatre films primés sur six ont le même distributeur français que Moretti (Le Pacte) et Ken Loach et Matteo Garrone, que le cinéaste compte parmi ses amis et dont il a distribué les précédents films en Italie, ont été récompensés pour des films jugés médiocres par plusieurs critiques[15],[16],[17],[18],[19]. Jean Labadie, distributeur de Moretti et Thierry Frémaux démentent cependant cette accusation de favoritisme[20].
En 2015, Moretti présente son nouveau film, Mia madre, avec Margherita Buy, portrait d'une réalisatrice en proie à des doutes créatifs et personnels. Le film, qui interroge le rapport entre fiction et réalité, est sélectionné en compétition au 68e Festival de Cannes où il reçoit le Prix du jury œcuménique pour « sa maîtrise et son exploration fine et élégante, imprégnée d’humour, de thèmes essentiels dont les différents deuils auxquels la vie nous confronte. »[21].
Il a été le compagnon de Silvia Nono, née en 1959, traductrice et mère de leur fils Pietro Moretti. Silvia est aussi la fille d'un des plus importants compositeurs italiens de musique contemporaine, Luigi Nono, musicien à l'inspiration clairement marxiste. Elle est aussi la petite-fille du compositeur autrichien Arnold Schoenberg, créateur d'un des plus importants courants de la musique du XXe siècle, le dodécaphonisme suivi du sérialisme.
Filmographie
Réalisateur
- Longs métrages
- 1976 : Je suis un autarcique (Io sono un autarchico)
- 1978 : Ecce Bombo
- 1981 : Sogni d'oro
- 1983 : Bianca
- 1985 : La messe est finie (La messa è finita)
- 1989 : Palombella rossa
- 1994 : Journal intime (Caro Diario)
- 1998 : Aprile
- 2001 : La Chambre du fils (La stanza del figlio)
- 2006 : Le Caïman (Il caimano)
- 2007 : Chacun son cinéma (segment Diario di uno spettatore)
- 2011 : Habemus papam
- 2015 : Mia madre
- 2018 : Santiago, Italia
- 2020 : Tre piani
- Courts métrages
Acteur
Nanni Moretti joue dans tous ses films, même ceux qui ne sont pas à caractère autobiographique.
- 1977 : Padre padrone des frères Taviani
- 1988 : Domani, domani de Daniele Luchetti
- 1991 : Le Porteur de serviette de Daniele Luchetti
- 1995 : La Seconde Fois de Mimmo Calopresti
- 2008 : Caos calmo d'Antonello Grimaldi
Producteur
- 1988 : Notte italiana de Carlo Mazzacurati
- 1988 : Domani, domani de Daniele Luchetti
- 1991 : Le Porteur de serviette de Daniele Luchetti
- 1995 : La Seconde Fois de Mimmo Calopresti
- 2002 : Zapaterra; court-métrage brésilien de Cesar Augusto Meneghetti et Elisabetta Pandimiglio
Distinctions
- 1978 : Ruban d'argent du meilleur sujet pour Ecce Bombo
- 1981 : Grand prix du jury à la Mostra de Venise pour Sogni d’oro
- 1986 : Ours d’argent au Festival de Berlin pour La messe est finie
- 1988 : Ruban d'argent du meilleur producteur pour Domani, domani, réalisé par Daniele Luchetti
- 1990 : Ruban d'argent du meilleur sujet pour Palombella rossa
- 1991 : David di Donatello du meilleur acteur pour Le Porteur de serviette, réalisé par Daniele Luchetti
- 1992 : Ruban d'argent du meilleur producteur pour Le Porteur de serviette, réalisé par Daniele Luchetti
- 1994 : Prix de la mise en scène au Festival de Cannes pour Journal intime
- 1994 : David di Donatello du meilleur film pour Journal intime
- 1994 : Ruban d'argent du meilleur réalisateur pour Journal intime
- 1996 : Grand officier de l'ordre du Mérite de la République italienne
- 1996 : Ruban d'argent du meilleur producteur pour La Seconde fois, réalisé par Mimmo Calopresti
- 2001 : Palme d'or et Prix FIPRESCI de la Critique internationale au Festival de Cannes pour La Chambre du fils
- 2001 : David di Donatello du meilleur film pour La Chambre du fils
- 2001 : Ruban d'argent du meilleur réalisateur pour La Chambre du fils
- 2004 : Carrosse d'or de la Quinzaine des réalisateurs pour l'ensemble de son œuvre
- 2006 : David di Donatello du meilleur film, du meilleur producteur et du meilleur réalisateur pour Le Caïman
- 2007 : Ruban d'argent du meilleur producteur pour Le Caïman
- 2011 : Rubans d'argent du meilleur producteur, du meilleur réalisateur et du meilleur sujet pour Habemus Papam
- 2012 : Commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres, remise de décoration par Aurélie Filippetti à Cannes, lors du 65e Festival :
« Vous connaissez l'estime et l'affection dans lesquelles le public français vous tient, vous et votre œuvre. Nous vous regardons avec cette même attention et ce même respect devant votre engagement et votre amour du cinéma. Vous êtes pour toujours une page vibrante de notre journal intime. »
- 2015 : Prix du jury œcuménique au Festival de Cannes pour Mia Madre
Notes et références
- Prononciation en italien standard retranscrite selon la norme API.
- Chatrian et Renzi 2008, p. 143.
- Thomas Sotinel, « « Habemus praesidentem » : Nanni Moretti préside le jury de Cannes », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- Chatrian et Renzi 2008, p. 131-133.
- Chatrian et Renzi 2008, p. 141.
- Chatrian et Renzi 2008, p. 134-135.
- Gilles Jacob, La Vie passera comme un rêve, Robert Laffont, , 385 p., p. 205-209.
- Nanni Moretti sur le site du Festival de Cannes, consulté le 24 janvier 2013.
- Catalogue de la Sacher Distribuzione, consulté le 25 janvier 2013.
- Nanni Moretti reçoit la Palme d'or à Cannes pour La Chambre du fils sur ina.fr
- "Le Caïman" de Nanni Moretti présenté à Cannes sur ina.fr
- Nanni Moretti présidera le jury du 65e Festival de Cannes dans Le Figaro du 20 janvier 2012.
- Soupçon de "conflit d'intérêt" sur le palmarès du 65e Festival de Cannes sur le site http://www.ozap.com le 29 mai 2012.
- « Les internautes soulignent un conflit d'intérêts pour Nanni Moretti » dans Le Monde du 29 mai 2012.
- « Les goûts de Nanni Moretti », dans Paris Match du 14 mai 2012
- « Cannes 2012 : quel président peut être Nanni Moretti ? » sur evene.fr 30 avril 2012
- « Bonne compète, mauvais palmarès » dans Les Inrocks du 28 mai 2012
- « Festival de Cannes 2012 : un terne palmarès pour une édition sinistre » par Vincent Malausa dans Le Nouvel Observateur du 28 mai 2012
- « RFI - Festival de Cannes 2012 : la presse partagée sur le palmarès »
- « Palmarès cannois : Frémaux dément tout favoritisme » dans Le Figaro du 6 juin 2012.
- « Festival de Cannes 2015 : Nanni Moretti prix du Jury œcuménique pour Mia madre », RTL, (consulté le )
Annexes
Bibliographie
- Carlo Chatrian et Eugenio Renzi (trad. de l'italien), Nanni Moretti : Entretiens, Paris/Locarno, Cahiers du cinéma - Festival international du film de Locarno, , 256 p. (ISBN 978-2-86642-531-9)
- Jean Gili, Nanni Moretti, Gremese International, , 128 p.
Articles connexes
- Résistance civique à Berlusconi dans les médias italiens
- Viva Zapatero! de Sabina Guzzanti
- Le Caïman de Nanni Moretti
- (it) Silvio Forever (it), « autobiographie non autorisée », par Gian Antonio Stella et Sergio Rizzo
- Videocracy d'Erik Gandini, première partie sur le phénomène des veline
Liens externes
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