Louise de La Vallière
Françoise-Louise de La Baume Le Blanc, demoiselle puis duchesse de La Vallière et de Vaujours, est une aristocrate française née le à Tours et morte le à Paris. Première maîtresse officielle de Louis XIV[1], elle le quitte pour se retirer au Carmel.
Pour les articles homonymes, voir Vallière (homonymie).
Biographie
Enfance
Née le à l'hôtel de la Crouzille, à Tours, Françoise-Louise de La Baume Le Blanc est la fille de Laurent de La Baume Le Blanc, gouverneur du château d'Amboise et frère de Mgr Gilles de La Baume Le Blanc de La Vallière, qui meurt en 1651, et de Françoise Le Provost, veuve d'un premier mariage de Pierre-Bernard de Bezay, conseiller au Parlement de Paris. Elle a passé son enfance à l'hôtel de la Crouzille à Tours et au château de la Vallière à Reugny, possessions de sa famille[2].
Le , en la chapelle de la Vallière de l'église de Reugny, sa mère se remarie avec Jacques de Courtarvel, chevalier et seigneur de Saint-Rémy, premier maître d'hôtel de la duchesse d'Orléans, Marguerite de Lorraine, épouse de Gaston d'Orléans[3]. À cette époque, Gaston, frère de Louis XIII est exilé à Blois. Ce mariage, outre le comblement des dettes familiales, conduit toute la famille à Blois auprès du duc. Le duc a trois filles, Marguerite-Louise, Françoise et Élisabeth qui ont sensiblement le même âge que Louise. Louise sert de compagne à leurs jeux et est éduquée avec les princesses.
Discrète, modeste, si elle n'est pas une beauté éclatante ni un esprit brillant, Louise est une charmante jeune fille aux cheveux blonds et aux doux yeux clairs, affligée d'un boitillement[4] qui ne l'empêche ni de danser avec grâce ni d'être une cavalière émérite.
En 1660 le duc d'Orléans, oncle du roi, s'éteint. Sa veuve, née Marguerite de Lorraine quitte le Blésois pour Paris et s'installe avec ses filles et leur suite au Palais du Luxembourg. Le roi, son neveu, loge au Palais du Louvre. Il a épousé l'infante d'Espagne Marie-Thérèse d'Autriche, fille aînée du roi Philippe IV et son héritière potentielle.
La cour de France négocie ensuite le mariage du frère cadet du roi avec la princesse Henriette d'Angleterre, sœur du roi Charles II d'Angleterre âgée de 17 ans à laquelle il faut constituer une Maison digne de son rang. Louise en fera partie. Elle est la contemporaine de la princesse et entre en tant que demoiselle d'honneur dans la Maison de Madame (Henriette d'Angleterre), épouse de Monsieur, duc d'Orléans et frère unique du roi.
Rencontre avec le Roi
Le retour de la paix, la mort du cardinal Mazarin et la prise du pouvoir par le roi, le mariage des princes parachèvent le rajeunissement de la cour qui bruisse du désir de se divertir après tant d'années de guerre et de misères. Le roi et la reine, qui est déjà enceinte, ont 22 ans, le duc d'Orléans, 21, la duchesse 17. Le roi se détache très vite d'une épouse docile mais sans éclat, tandis que sa belle-sœur se morfond auprès d'un mari jaloux subjugué par son amant, le chevalier de Lorraine.
Le Roi et sa belle-sœur, qui sont aussi cousins germains, ont de nombreux goûts en commun et ébauchent une idylle qui alarme la Reine et le duc d'Orléans et ne plaît guère à la reine-mère Anne d'Autriche, mère du Roi et du Duc d'Orléans et tante de ses brus. Le Roi et sa belle-sœur cherchent donc un paravent pour dissimuler leur liaison. C'est Mademoiselle de La Vallière. François Honorat de Beauvilliers, comte de Saint-Aignan, sert d'entremetteur et pousse la douce Louise dans les bras du roi.
Louise, qui ignore le stratagème, croit en la sincérité du Monarque et s'en trouve ravie. Cependant, le Roi est rapidement pris à son propre jeu : conquis par les talents d'écuyère et de Diane chasseresse du « paravent », son goût pour la musique et le chant, sa façon de danser, ses connaissances livresques et littéraires et, sans doute, son innocence et sa sincérité, il tombe sous le charme de la jeune fille candide et en fait sa maîtresse officielle[5]. Une source[5] indique que le Roi aurait été séduit par une phrase que la jeune fille aurait exprimée après leur première rencontre « Ah ! s'il n'était pas le Roi… ». Phrase qui aurait laissé penser au roi qu'elle l'aimait pour lui-même et non pour son titre[5].
La liaison, bien que discrètement entretenue, est rapidement connue et provoque la colère des dévots et des ecclésiastiques, comme Bossuet, ainsi que les sarcasmes de la Duchesse d'Orléans. Le Roi, très croyant, se refuse à communier dès 1663.
Elle symbolisait, selon Sainte-Beuve, l'« amante parfaite », celle qui aime pour aimer, sans orgueil ni caprice, sans ambition ni vanité, et dont la sensibilité ne cache pas la fermeté de cœur.
La maîtresse du Roi
Cependant, le Roi veut éviter le scandale et ménager sa mère, Anne d'Autriche. Il installe alors Louise dans un petit château servant de relais de chasse que Louise apprécie particulièrement, et qui est situé non loin de Saint-Germain-en-Laye, dans la forêt du village de Versailles[5]. Le roi y donne en 1664 une fête splendide Les Plaisirs de l'île enchantée. Molière y donne La Princesse d'Élide, Les Fâcheux et Tartuffe. Lully a composé les ballets. La Reine et la Reine-mère en sont les dédicataires officielles. Louise en est la dédicataire officieuse. La cour n'est pas dupe et les ragots vont bon train. Louise reçoit la terre de Carrières-Saint-Denis, où elle fait bâtir un château. Les jardins sont ordonnés par André Le Nôtre.
Louise a - au moins - cinq enfants[6] du roi, dont seuls les deux derniers survivent et sont légitimés :
- Charles (1663- mort jeune[7]) ;
- Philippe (1665- mort jeune[7]) ;
- Louis (1665-1666[8]) ;
- Marie-Anne (1666-1739), dite Mademoiselle de Blois, qui épousa Louis-Armand Ier de Bourbon-Conti ;
- Louis, comte de Vermandois (1667-1683).
Après la mort de sa mère Anne d'Autriche en 1666, Louis XIV affiche publiquement sa liaison, ce qui déplaît beaucoup à Louise qui, aux fastes d'une liaison publique avec le Roi, préfère les démonstrations de tendresse en aparté.
C'est à ce moment que la Cour voit le retour de la splendide Françoise-Athénaïs de Rochechouart de Mortemart, devenue marquise de Montespan à la suite de son mariage. Le Roi, subjugué par cette « triomphante beauté à montrer à tous les ambassadeurs » (selon Madame de Sévigné [9]), cherche à en faire sa maîtresse. Devenu plus sûr de lui, prétextant que la dot de sa femme n'a pas été payée, Louis déclare la guerre à son beau-frère, le Roi d'Espagne qui n'a que six ans et règne sous la régence de sa mère. Avant de partir en campagne, en , un an après la mort de la reine-mère Anne d'Autriche, Louis confère à Louise le titre de duchesse de La Vallière et de Vaujours et légitime leur fille Marie-Anne[5]. Aux yeux de tous, c'est le cadeau de la disgrâce. Le début de sa liaison avec Mme de Montespan, que l'on situe habituellement lors de la campagne des Flandres de 1667, pendant la guerre de Dévolution, marque le commencement d'un déclin sans retour pour Louise. Enceinte du roi pour la quatrième fois, elle est priée de rester à la cour. Prise d'angoisse et peut-être de jalousie, elle rejoint le roi sans sa permission. Madame de Montespan, la première, dénonce hypocritement le scandale. Cependant, Madame de Montespan étant mariée et son mari fort peu arrangeant, le roi garde Louise auprès de lui à la cour et dans sa « fonction » de favorite « officielle ». De nouveau, Louise sert de paravent pour couvrir l'adultère royal.
Louise lui écrit le Sonnet au roi :
Tout se détruit, tout passe, et le cœur le plus tendre
Ne peut d'un même objet se contenter toujours ;
Le passé n'a point eu d'éternelles amours,
Et les siècles suivants n'en doivent point attendre.
La constance a des lois qu'on ne veut point entendre ;
Des désirs d'un grand Roi rien n'arrête le cours :
Ce qui plaît aujourd'hui déplaît en peu de jours ;
Cette inégalité ne saurait se comprendre.
Louis, tous ces défauts font tort à vos vertus ;
Vous m'aimiez autrefois, mais vous ne m'aimez plus.
Mes sentiments, hélas ! diffèrent bien des vôtres.
Amour, à qui je dois et mon mal et mon bien,
Que ne lui donniez-vous un cœur comme le mien
Ou que n'avez-vous fait le mien comme les autres !
Cinq mois plus tard, en , Louise donne naissance à Louis, le dernier fils qu'elle donne au Roi.
Une longue période de cohabitation débute alors entre les deux favorites. Encore une fois, Louise est un « paravent » devant dissimuler au public les amours du Roi avec une femme mariée, ce qui n'empêche pas le Roi de s'enticher plus tard de la splendide Mme de Ludres. Dans l'espoir de regagner le cœur du Roi qu'elle n'a pas cessé d'aimer, Louise essuie toutes les humiliations que lui inflige la nouvelle favorite sans que cette stratégie ne porte ses fruits[5].
Le Roi ne légitime qu'en 1669, deux ans après la fin de leur liaison, leur fils Louis. Il confère à l'enfant le titre de comte de Vermandois et lui donne la charge de surintendant de la marine. L'enfant n'ayant pas deux ans, le roi conserve ainsi son autorité sur la marine Française.
En 1670, après une longue maladie – peut-être une fausse couche – qui lui fait entrevoir la mort, Louise se tourne vers la religion, rédigeant d'émouvantes Réflexions sur la miséricorde de Dieu. Toutefois, comme le souligne Monique de Huertas, « ces Réflexions sont un appel mystique de conversion, plutôt qu'une vraie conversion », laquelle vient quelques années plus tard. Elle s'y prétend « une pauvre créature encore attachée à la terre, et qui ne fait que ramper dans le chemin de la vertu…[11] ». Pour le moment, elle fait le choix de rester dans « le monde » (à la Cour) pour affronter l'épreuve qui consisterait à y mener une vie désormais exemplaire, et aussi dans l'espoir d'inspirer d'autres âmes. Son amour pour le Roi n'est pas encore mort : elle admet qu'elle ne peut prétendre être « morte à ses passions, pendant que je les sens vivre plus fortement que jamais dans ce que j'aime plus que moi-même »[12].
Entrée au Carmel
Sur les conseils de Bourdaloue, du Maréchal de Bellefonds (Premier maître d'hôtel du roi) et de Bossuet, elle décide de quitter la Cour pour entrer au très strict couvent des Carmélites du faubourg Saint-Jacques. Obligée de solliciter l'autorisation de Louis XIV pour se retirer, Louise rejette toute solution de couvent « plus douillet ». Afin de la dissuader, Madame de Montespan incite le Roi à présenter officiellement Mademoiselle de Blois à la cour. En donnant un statut officiel à sa fille, le Roi pense contraindre la duchesse de La Vallière à rester et à servir de paravent au double adultère avec Madame de Montespan. La nouvelle favorite, qui craint le scandale, lui fait également dépeindre, par la voie de Madame Scarron (qui deviendra plus tard Madame de Maintenon), les privations et les souffrances auxquelles elle s'exposerait en entrant au Carmel, ainsi que le scandale que ne manquerait pas de susciter une telle décision. Mais ces tentatives resteront vaines et l'austère Madame Scarron la quittera édifiée. Avant de se retirer, Louise tient même à faire des excuses publiques à la reine Marie-Thérèse, ce qui fait grand bruit.
Le [13], elle prononce ses vœux perpétuels, prenant le nom de Louise de la Miséricorde. Au couvent, elle reçut plusieurs fois la visite de la reine, de Bossuet, de la marquise de Sévigné et de la duchesse d'Orléans, belle-sœur du Roi à qui elle avait confié l'éducation de son fils, le comte de Vermandois.
Elle mourut le à l'âge de 65 ans, après 36 ans de vie religieuse. Elle fut inhumée dans le cimetière de son couvent, loin de son duché-pairie, où rien n'atteste qu'elle soit venue un jour.
Saint-Simon écrit[13] « elle mourut […] avec toutes les marques d'une grande sainteté » et encore[14] : « Heureux [le roi] s'il n'eût eu que des maîtresses semblables à Mme de la Vallière… ». Sainte-Beuve estime que, des trois plus célèbres favorites de Louis XIV, c'est elle « de beaucoup la plus intéressante, la seule vraiment intéressante en elle-même. »
La famille laisse son nom à une reliure de couleur feuille morte dite maroquin lavallière, du duc de La Vallière, célèbre bibliophile, neveu de la duchesse (1708-1780).
Postérité
Littérature
- Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore, Lettre de la duchesse de La Vallière à Louis XIV, précédée d’un abrégé de sa vie (1773).
- Félicité de Genlis, La Duchesse de La Vallière (1804), roman historique à succès.
- Alexandre Dumas, Le Vicomte de Bragelonne (1847), le dernier roman de sa trilogie des Mousquetaires.
- Marcelle Vioux, Louise de La Vallière (1938)[15].
- Noboru Yamaguchi, Zero no tsukaima (2004-), série de romans fantastiques et mangas.
- Yves Jégo, 1661 (2005).
- Anne-Marie Desplat-Duc, Marie-Anne, fille du roi (2009-2014), série de romans pour enfants.
Peinture
Les peintres de genre anecdotique, Fleury François Richard, Jean-Louis Ducis et Pierre Révoil, y trouvent l'inspiration de plusieurs tableaux et dessins.
Vêtement
Au temps de sa splendeur, selon certaines sources (à retrouver), Louise de La Vallière portait une cravate à large nœud flottant, souple, et d'étoffe grise. En 1875, le terme de La Vallière (ou lavallière) fut associé à cette cravate lorsque les peintres de cette époque peignirent cet élément vestimentaire[5].
Film et télévision
- Si Versailles m'était conté... (1954)
- Le Château perdu (1973)
- Zero no tsukaima (2006-2012)
Elle fait également partie des figures féminines traitées dans le cadre de l'émission Secrets d'histoire, intitulée Elles ont régné sur Versailles[16].
Notes et références
- « Louise de la Vallière (1644-1710) », sur loire-france.com (consulté le )
- Gustave Braux, Louise de La Vallière : de sa Touraine natale au Carmel de Paris, C.L.D., , p. 17
- Archives départementales d'Indre-et-Loire, Registre des mariages de la paroisse de Reugny (1633-1668)
- Louis Bertrand, La Vie amoureuse de Louis XIV, Frédérique Patat, , p. 24
- « Ah ! s'il n'était pas le roi, Louise de la Vallière », Les petites phrases qui ont fait la grande histoire, Vuibert, , p. 84-85 (ISBN 978-2311-10216-1).
- « Louise de La Vallière, l'amoureuse sincère de Louis XIV », sur Histoire et Secrets, (consulté le )
- François Bluche, Dictionnaire du Grand Siècle
- Père Anselme, Grands officiers de la couronne, t. 1, , p. 75
- Lettre à Madame de Grignan du , no 563 dans l'édition de M. Monmerqué, page 564, « Gallica » (consulté le )
- Sonnet cité dans Jules-Auguste Lair, Louise de La Vallière et la Jeunesse de Louis XIV, Plon, Paris, 1907.
- Monique de Huertas, Louise de La Vallière, éditions Pygmalion/Gérard Watelet, Paris, 1998, p. 135.
- Monique de Huertas, Louise de La Vallière, op. cit., pp. 134-135.
- Saint-Simon, Mémoires, t. 5, Paris, Librairie L. Hachette et Cie, , « XXIII », p. 303-304
- Saint-Simon, Mémoires, t. 8, Paris, Librairie de L. Hachette et Cie, , « VI », p. 77
- Marcelle Vioux, Louise de La Vallière, Fasquelle, , 263 p..
- « Secrets d'Histoire - S02E19 - Elles ont régné sur Versailles », sur Télérama Vodkaster (consulté le )
Annexes
Articles connexes
Liens externes
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- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
Bibliographie
- Les confessions de Mme de La Vallière repentante, écrites par elle-même et corrigées par Bossuet, éd. Romain Cornut, Didier, 1855.
- Catherine Valogne, Louis XIV et Louise de la Vallière à Versailles, Payot, Lausanne, 1964.
- (en) John J Conley, « Mademoiselle de la Vallière: The Logic of Mercy », The Suspicion of virtue : Women Philosophers in Neoclassical France, Ithaca, Cornell University Press, 2002 (ISBN 978-0-8014-4020-5)
- Jean-Christian Petitfils, Louise de La Vallière, Perrin, Paris, 2002.
- Jean-Christian Petitfils, Louis XIV, Perrin, Paris, 2002.
- Revue Historia no 459,
- Monique de Huertas, Louise de la Vallière, De Versailles au Carmel, Pygmalion, 1998.
- Antonia Fraser, Les Femmes dans la vie de Louis XIV, Flammarion, 2007.
- Jules Lair, Louise de La Vallière et la Jeunesse de Louis XIV. , Plon, 1881.
- Fabrice Mauclair et Brigitte Maillard (dir.), La Justice seigneuriale du duché-prairie de La Vallière (1667-1790) : Thèse doctorante., Tours, Université François-Rabelais - Tours, , 798 p. (lire en ligne [PDF]).
- Claude Puzin, Louis de Bourbon ou le Soleil maudit. , T. G., 2007
- Simone Bertière, Les Femmes du Roi-Soleil, éditions de Fallois, 1998
- Stéphane Bern, Secrets d'Histoire, vol. 8, Paris, Albin Michel, , 368 p. (ISBN 978-2-226-43841-6), p. 152-165
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