Livres sibyllins

Les livres sibyllins sont un recueil d'oracles grecs conservé à Rome dans l'Antiquité. Selon une tradition ancienne[1], ils furent achetés à une sibylle par le roi Tarquin le Superbe.

Ne doit pas être confondu avec Oracles sibyllins.

La sybille de Cumes présente les livres sibyllins au roi Tarquin (illustration d'un livre scolaire anglais, 1912).

Les livres sibyllins ne sont consultés qu'à la suite d'un prodige (ou présage) grave. Ils suggèrent des expiations extrêmement diverses, sur lesquels statuent les pontifes[2]. Il s'agit de savoir quel dieu apaiser et par quels rites. Ils furent d’abord confiés à un collège de deux prêtres, nombre qui s’accrut par la suite pour atteindre quinze membres sous l’Empire, qu'on appela alors les quindecemviri sacris faciundis. La réponse était d'abord lue au Sénat, qui statuait ensuite sur l'opportunité de sa publication[3].

Pendant la guerre sociale (entre 91 et 89 av. J.-C.), un incendie au Capitole détruisit les exemplaires des livres sibyllins. Pour les reconstituer, on fit rechercher les prophéties de la sibylle enregistrées à Samos, à Ilion, à Érythrée, dans les colonies grecques d’Italie, en Afrique et en Sicile. Les prêtres firent ensuite un tri pour ne retenir que celles qui leur paraissaient véritables[4].

À la fin de l’Empire romain d'Occident, probablement lors des mesures antipaïennes promulguées par Honorius à partir de 404, les chrétiens s’emparèrent des livres sibyllins et les brûlèrent[5]. Rutilius Namatianus, préfet de Rome en 417, dénonce Stilicon comme l’instigateur de cette action sacrilège[6]. Cependant aucun autre auteur antique n'accuse Stilicon, y compris les auteurs les plus hostiles au christianisme tels que Zosime[7].

Liste (non exhaustive) des consultations de livres sibyllins

  • 399 av. J.-C. : À un hiver glacial succède un été chaud et malsain qui fait beaucoup de victimes. Le Sénat fait consulter les livres sibyllins, qui préconisent des lectisternes pour apaiser la colère des dieux. Ce furent les premiers lectisternes organisés à Rome, en l’honneur d'Apollon, Latone, Diane, Hercule, Mercure et Neptune[8].
  • 348 av. J.-C. : Tandis qu'une épidémie frappe Rome, la consultation des livres sibyllins préconise des lectisternes[9].
  • 295 av. J.-C. : On annonça qu'il avait plu de la terre et que, dans l'armée d'Appius Claudius, un très grand nombre d'hommes avaient été foudroyés. Pour cela on consulta les livres. Un temple fut construit pour Vénus près du Circus Maximus[10].
  • 293 av. J.-C. : Une peste ravagea à la fois la ville et la campagne. Ce désastre tenait du prodige et l'on consulta les livres sibyllins pour savoir quelle fin ou quel remède les dieux indiquaient à ce fléau. On trouva dans ces livres qu'il fallait faire venir Esculape d'Épidaure à Rome, mais les consuls étant occupés par la guerre on ne fit rien, sauf un jour de prières publiques à Esculape[11].
  • Les Ludi Florales, ou Jeux de Flore, furent institués en 238 ou 240 av. J.-C. après consultation des livres sibyllins.
  • 216 av. J.-C. : Lors de la deuxième guerre punique, après le désastre de Cannes, on consulte les livres sibyllins et on tente d'apaiser les dieux par un sacrifice extraordinaire, en enterrant vivants au forum Boarium un couple de Gaulois et un couple de Grecs[12].
  • 204 av. J.-C. : Interprétant les indications des livres sibyllins, une ambassade romaine rapporte de Pessinonte une représentation de Cybèle et installe son culte à Rome.
  • 193 av. J.-C. : Des tremblements de terre répétés amènent à consulter les Livres, qui préconisent trois jours de supplications[13].
  • 63 av. J.-C. : Croyant à une prédiction des livres sibyllins selon laquelle trois Cornelius domineraient Rome, P. Cornelius Lentulus Sura prend part à la conjuration de Catilina[14].
  • Vers 55 av. J.-C. : Alors que les Romains débattaient sur l'éventuel soutien à apporter pour rétablir le roi d'Égypte Ptolémée XII sur son trône, la statue de Jupiter des Monts Albains fut touchée par la foudre. La consultation des Livres indiqua : « Si le roi d'Égypte vient vous demander du secours, ne lui refusez pas votre amitié ; mais ne lui accordez aucune armée : sinon, vous aurez à supporter des fatigues et des dangers. » Toutefois, le Sénat refusa toute assistance, craignant que Pompée n'en profite pour accroître son influence[3].
  • 44 av. J.-C. : Une prédiction des livres sibyllins affirmant que seul un roi pourrait triompher des Parthes accrédite la rumeur d'aspiration de Jules César à la royauté[15].
  • Auguste consacra un temple à Apollon sur le Palatin et y fit déposer les livres sibyllins, après avoir fait opérer une collecte et un tri parmi les diverses prophéties connues à Rome. Ce tri se comprend aisément vu les précédents d'influence politique fâcheuse de certaines prédictions.
  • Après d’importantes inondations du Tibre, submergeant les parties basses de Rome, un des prêtres proposa la consultation des livres sibyllins, mais Tibère refusa, préférant, selon Tacite, garder secrètes les choses divines[16].
  • 38 : Après divers prodiges[17], on consulta les livres sibyllins qui ordonnent de porter la statue de Cybèle à la mer pour la purifier.
  • En 64 pendant le grand incendie de Rome, au vu des livres sibyllins, on procéda à des supplications adressées à Vulcain, à Cérès et Proserpine, et à Junon[18].
  • 270 : Consultation des livres sibyllins après la défaite romaine à Plaisance contre les Alamans. Ils recommandent des cérémonies expiatoires.
  • 312 : Maxence consulte les livres sibyllins, avant d’affronter Constantin Ier.
  • 363 : Julien, qui prépare en Orient son expédition contre les Perses, fait consulter les livres sibyllins. La réponse reçue par courrier depuis Rome « défendait manifestement de franchir la frontière cette année-là »[19].

Notes et références

  1. Rapportée par Aulu-Gelle, Nuits attiques [détail des éditions] (lire en ligne), I, 19.
  2. Albert Grenier, Le Génie romain dans la religion, la pensée et l'art, Albin Michel, 1969, p. 174.
  3. Dion Cassius, Histoire romaine [détail des éditions] [lire en ligne], XXXIX, 15.
  4. D'après Tacite, Annales [lire en ligne], VI, 12.
  5. André Piganiol, Ve siècle, le sac de Rome, Albin Michel, Collection Le mémorial des siècles, Paris, 1964, p. 94-95.
  6. Rutilius Namatianus, De reditu suo, II, 39-60.
  7. Catherine Virlouvet (dir.) et Claire Sotinel, Rome, la fin d'un empire : De Caracalla à Théodoric 212 apr. J.-C - fin du Ve siècle, Paris, Éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 687 p. (ISBN 978-2-7011-6497-7, présentation en ligne), chap. 9 (« L'illusion théodosienne (382-410) »), p. 479.
  8. Tite-Live, Histoire romaine [détail des éditions] [lire en ligne], V, 13.
  9. Tite-Live, VII, 27.
  10. Tite-Live, X, 31.
  11. Tite-Live, V, 47.
  12. Tite-Live, Histoires, XXII, 57.
  13. Tite-Live, XXXIV, 55.
  14. Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne], Cicéron, XVII.
  15. Suétone, Vie de César, 79.
  16. Tacite, I, 72.
  17. Dion Cassius, XLVIII, 43, 5.
  18. Tacite, XV, 44.
  19. Ammien Marcellin, Histoire de Rome, XIII, 7.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de la Rome antique
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.