Lied
Un lied (littéralement un chant, pluriel : lieder[1] ou quelquefois lieds, sans prononcer le s)[2] est un poème germanique chanté par une voix, accompagné par un piano ou un ensemble instrumental.
Un lied étant une pièce musicale courte, le genre lied est considéré comme faisant partie de la petite forme, par opposition avec des genres tels que la symphonie qui eux sont désignés sous le nom de grande forme.
Histoire
À l’origine, les lieder étaient des chants ecclésiastiques allemands populaires (source du choral luthérien lors de la Réforme luthérienne au XVIe siècle). On trouve d’abord trois ou quatre voix en polyphonie fondées sur des mélodies populaires ou de cours existantes. Les voix inférieures de cette polyphonie sont très souvent confiées à des instruments, tandis que seule la voix supérieure demeure chantée. C’est à partir de 1530 que l’on trouve des lieder à une seule voix, de forme strophique (alternance couplet/refrain) et qui ressemblent à la canzonetta italienne, tout en gardant un texte en allemand.
Ce genre musical est l’équivalent allemand de la mélodie française, bien qu’il y ait de nombreuses différences. Tout d’abord, dans le temps ; le lied est à son apogée alors que la mélodie française balbutie encore et peine à acquérir ses lettres de noblesse. On peut considérer qu'Emmanuel Chabrier, Gabriel Fauré, Henri Duparc, Ernest Chausson, Claude Debussy, Reynaldo Hahn (et d'autres, dont accessoirement Gabriel Dupont) en sont les principaux représentants. À la même époque, en Allemagne, Mahler et Richard Strauss composent depuis longtemps. Une autre différence est le fait que le lied soit d’origine populaire (Volkslied) avant de s'académiser. A contrario, la mélodie est un genre savant dès le départ. Le fait que l’on utilise le terme allemand lied souligne bien le développement et l’importance qu’a eue ce genre en Allemagne et en Autriche, depuis les grands cycles de Schubert[3] jusqu’aux Gurre-Lieder d'Arnold Schönberg qui totalisent presque deux heures de musique et monopolisent un orchestre gigantesque.
Parmi les compositeurs de lieder célèbres, on trouve notamment : Franz Schubert (environ 650 lieder[4]), Robert Schumann, Richard Wagner, Johannes Brahms, Hugo Wolf, Gustav Mahler, Richard Strauss, Arnold Schönberg, Alban Berg (et accessoirement Othmar Schoeck).
Formes
- Le lied strophique simple : le lied est dit strophique quand il respecte la structure en strophes du poème. Dans le lied strophique simple, la musique pour chaque couplet est identique. Cela implique une plus grande concentration, mais peut induire un caractère monotone. Comme la même musique se répète pour chaque strophe, le rythme ainsi que la prosodie des strophes suivantes peuvent se combiner moins bien avec une musique composée généralement pour la première. Il est donc adapté à des poèmes à la prosodie très régulière. Exemples : Wiegenlied (Berceuse) de Brahms ou Auf dem Wasser zu singen (À chanter sur l’eau) de Schubert. Les lieder strophiques simples de Schubert se caractérisent par une mélodie qui sait s’adapter à l’expression de sentiments variés.
- Le lied strophique varié : la structure du poème est respectée mais des modifications sont induites dans la ligne mélodique ou dans l’accompagnement. Cela s’éloigne de l’esprit du Volkslied mais permet une cohésion plus fine entre la musique et les différentes strophes comme dans Das Rosenband de Richard Strauss. Les grandes ballades de Carl Loewe utilisent fréquemment la forme strophique variée.
- Le lied à composition continue (en allemand : durchkomponiert) : la musique se renouvelle à chaque strophe, contrairement à la rigidité de la forme strophique. Il y a donc deux distinctions à faire : le renouvellement constant de la musique et une homogénéité à travers l’œuvre. C’est le cas d'Erlkönig (Le Roi des Aulnes) de Schubert.
- Les formes tripartites ou Barform : la Barform AAB, serait issue du choral luthérien et serait un héritage direct des poètes du Moyen Âge par exemple : Die Forelle (La Truite) ou Die Stadt (La ville) de Schubert. On trouve également la forme lied ABA : sa période initiale est reprise après un épisode central contrastant.
- La forme Rondo : cette forme est bâtie sur l’alternance couplet/refrain. Comme dans la forme strophique, on note une même musique pour les refrains, mais une interprétation différente ainsi qu’une ritournelle pianistique entre chaque strophe qui fait office de couplet, comme : Gretchen am Spinnrade (Marguerite au rouet) de Schubert.
- La forme symétrique ABCB'A' : elle permet d’obtenir une unité globale très forte, ainsi qu’une liberté plus importante. Cette forme est par contre assez peu utilisée dans le lied. Un exemple est Schäfers Klagelied (la Plainte du berger) de Schubert.
Sources littéraires
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Grands thèmes littéraires romantiques
Nuit
La nuit est un des thèmes des plus utilisés au romantisme européen. Il prend en Allemagne une dimension très importante. Le culte de la nuit va être très développé chez les poètes ainsi que chez les compositeurs comme Schubert qui est une éminence dans le domaine. Prenons comme exemple Nacht und Träume, ce lied est doué d’une profonde émotion et également très méditatif. Mais c’est avec Mondnacht (Nuit au clair de lune) d’Eichendorff, composé par Robert Schumann, que nous avons le sommet sur le thème de la nuit avec l’utilisation du procédé clair/obscur.
Voyage
Ce thème est typiquement germanique. Le terme voyage n’est pas tout à fait la bonne acception, car il est impossible de traduire son sens véritable. Das Wandern, pour le préciser davantage, voudrait dire que c’est le fait « d’être habité par un désir inassouvi qui vous pousse à partir, à fuir ; ce peut être un pèlerinage »[9]. Il y a donc deux sentiments qui s’en dégagent ; d’une part, le goût de l’aventure, de la curiosité, de l’inconnu et d’autre part, la douleur de quitter les siens. La notion de « Wanderer » se retrouve dans le Volkslied ainsi que dans le Kunstlied. Il peut être abordé d’un ton joyeux, les textes parleront donc de la difficulté du jeune homme qui doit quitter sa famille, sa bien-aimée et également la naïveté du voyageur qui doit se débrouiller tout seul devant les obstacles. Or, le voyage n’est pas forcément un plaisir, il peut pareillement être une soif inassouvie, un désir de changement, d’où une certaine mélancolie propre au romantisme. Le thème du voyage peut aussi être fantastique. Il aborde des rencontres surnaturelles et maléfiques. Le voyage peut être en soi : plus subtil, plus mystérieux, comme une recherche spirituelle. Schubert, dans son voyage psychologique : Winterreise (le Voyage d’hiver), nous en montre une illustration quasi religieuse (mais sans aucune allusion qui soit réellement de cet ordre).
Amour
L’amour est le thème le plus utilisé au romantisme. L’amour dans le lied allemand est rarement sensuel et frivole ; il est plutôt sentimental. L’amour peut être tout simplement une chaleur bienfaisante, réconfortante, douée d’un très grand lyrisme avec son principal représentant : Schumann. Par exemple dans Der Nussbaum (Le Noyer). L’amour peut être plus fort, puissant. C’est ce que l’on retrouve chez Schubert dans Marguerite au rouet. Mais chez les romantiques, l’amour peut avoir des pouvoirs plus importants encore. Dans Nachthymne (Hymne à la nuit) de Schubert, qui nous parle à la fois d’amour, de mort et de nuit. En conclusion, nous pouvons constater que tous ces thèmes littéraires peuvent être groupés et agencés au gré des compositeurs.
Lieder ou cycles de lieder notables
- Franz Schubert :
- Le Roi des aulnes
- Die Forelle (en français, La Truite)
- Gretchen am Spinnrade (Marguerite au rouet)
- Der Wanderer (Le voyageur)
- Auf dem Wasser zu singen
- Les 24 lieder de Winterreise (Voyage d'hiver), une des dernières compositions de Schubert
- Die Stadt, un lied de son recueil posthume Schwanengesang;
- Robert Schumann :
- Gustav Mahler :
- Richard Strauss :
- Les Quatre derniers Lieder pour soprano et orchestre.
Notes et références
- Prononcer : lideur
- En allemand : « das Lied » ; pluriel : « die Lieder ». La forme du pluriel lieds est parfois employée, comme le recommandent les rectifications de l’orthographe de 1990.
- Franz Schubert : La Belle Meunière (1823), Voyage d’hiver (1827), Le Chant du cygne (1828).
- Christophe Mory, Le Mystère Schubert, Paris, Buchet/Chastel, , 164 p. (ISBN 2-283-02177-4), p. 18
- (Gut, 1994; 16).
- (Combarieu, 1998; 5).
- (Gut, 1994; 17).
- (Gut, 1994; 21).
- (Gut, 1994; 50).
Bibliographie
- Hélène Cao et Hélène Boisson (trad. de l'allemand), Anthologie du Lied, Paris, Éditions Buchet/Chastel, coll. « Musique », , 672 p. (ISBN 978-2-283-02374-7)Édition bilingue français/allemand
- Dietrich Fischer-Dieskau (traduit de l’allemand par Christophe Ghristi préface d’André Tubeuf), Hugo Wolf, Tallandier éditions, Paris, 2003, (ISBN 978-2847340846)
- Jacques Chailley. Le Voyage d’hiver de Schubert, Alphonse Leduc & cie, Paris, 1975, (ISBN 9782856890134)
- Serge Gut, Aspects du lied romantique allemand, Actes Sud, 1998, (ISBN 978-2742700981)
- Christophe Combarieu, Le Lied, Puf Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 1998, (ISBN 978-2130488736)
- Franz Schubert, Trente mélodies, Édition Durand & cie, Paris, 1983
- Mariette Crochu, L’Atelier du lied romantique : poétique de la ballade de la Goethezeit, 2020. Lire en ligne
Liens externes
- Catégorie « Lieder », partitions libres sur l’International Music Score Library Project.
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