Lac Tana

Le lac Tana (transcrit parfois Tsana) est le plus grand lac d'Éthiopie (3 630 km2 environ 70 km en largeur et 80 km en longueur). C'est le plus septentrional du pays, il est situé à une altitude moyenne de 1 800 m. Il s'est élevé à l'ère tertiaire, avec la surrection du bouclier arabo-éthiopien (unité tectonique entre l'Afrique de l'Est et la péninsule arabique).

Pour les articles homonymes, voir Tana.

Lac Tana

Le lac Tana
Administration
Pays Éthiopie
Subdivision Amhara
Subdivision région Amhara
Géographie
Coordonnées 12° 00′ 00″ N, 37° 15′ 00″ E
Origine volcanique
Superficie
 · Maximale
2 156 km2
3 500 km2
Longueur 84 km
Largeur 66 km
Altitude 1 788 m
Profondeur
 · Maximale

14 m
Volume 28 km3
Hydrographie
Bassin versant 16 500 km2
Alimentation Reb, Gumara, Gilgel Abay
Émissaire(s) Nil Bleu
Durée de rétention 8,9 années
Îles
Nombre d’îles 30
Île(s) principale(s) Tana Qirqos, Daga, Dek, Meshralia
Géolocalisation sur la carte : Afrique
Géolocalisation sur la carte : Éthiopie

Présentation

Le lac ne s'est pas formé dans un cratère ou le long d'une faille comme nombre de ses frères des hauts plateaux ou de la vallée du Rift, mais dans une dépression constituée de deux types de laves : Aden Lava series et Trappean Lava series[1].

Celle-ci s'est progressivement affaissée lorsque des chaînes de montagnes importantes se sont soulevées à ses côtés : la chaîne du Semien au nord (la plus haute d'Éthiopie avec le mont Ras Dashen : 4 620 m), les monts Guna (4 231 m) à l'est, et les montagnes de Choke (4 154 m) au sud, cœur de l'ancienne province du Godjam. Voilà pourquoi la profondeur du lac est relativement faible, avec seulement 9 m en moyenne, ce qui lui confère une certaine fragilité quant aux variations climatiques et à l'utilisation de l'eau par l'homme.

Le régime pluviométrique est en effet extrêmement irrégulier, selon un régime tropical de mousson. Aussi le seul tributaire du lac Tana, le Nil Bleu (ou Abbay pour les Éthiopiens) possède une force colossale en saison des pluies (de juin à septembre) où le milieu se transforme. Plusieurs grandes plaines côtières connaissent alors des inondations et les voies de circulation sont coupées par les nombreux (une soixantaine) affluents du lac.

L'un de ses affluents, le Gilgel Abay, est considéré comme étant la source du Nil Bleu[2]. À 36 km après sa sortie du lac, le Nil Bleu chute brusquement à Tessessat (ou Tis Esat), puis s'engage pour une longue percée sur plus de 900 km à travers les roches volcaniques éthiopiennes, formant parfois des canyons gigantesques. Lorsqu'il passe la frontière soudanaise, il s'assagit. Le Nil bleu représente environ deux tiers des eaux du Nil à Khartoum, où il rejoint son grand frère, le Nil Blanc.

Histoire

Déjà connu de Ptolémée (IIe siècle) qui le baptisa Pseboe (en latin : Choloe Palus, « marais creux »), puis identifié par le père Manuel de Almeida en 1624 comme appartenant au peuple de chasseurs Wayt'o, le lac Tana entrera dans l'histoire lorsque James Bruce, le , identifiera avec précision les sources du Nil Bleu à Gish Abay (100 km au sud-ouest du lac).

Pourtant, dès le XIIIe siècle, le lac joue un grand rôle dans la préservation et la consolidation de l'empire chrétien d'Abyssinie, grâce notamment au Nil Bleu, barrière naturelle protectrice contre les invasions musulmanes et que seuls les bateaux de papyrus tankwa permettent de franchir jusqu'à la construction du pont portugais d'Alata en 1626.

Terre chrétienne, la région du Choa a très tôt accueilli des moines qui, en temps de péril, se sont réfugiés sur le lac comme lors des raids des jihads musulmans du Gragñ, au XVIe siècle.

Les restes d'anciens souverains éthiopiens et des objets précieux ecclésiastiques sont gardés aujourd'hui encore sur les îles isolées du monde extérieur.

À partir du XVIe siècle, le lac Tana devient même un très important centre d'échange pour les caravaniers qui viennent alimenter le célèbre marché de Baher Dar à pied ou en tankwa. Les tracés de ses voies d'échanges relient jusqu'au XXe siècle, les anciennes provinces du Begemder au nord, et du Godjam, au sud. La façade est du lac Tana est notamment jonché d'anciens centres caravaniers. Le lac Tana était donc un relais important entre le nord et le sud de l'Éthiopie.

Environnement

Lac Tana vu par le satellite Spot.

Aujourd'hui le lac Tana reste le pivot central du territoire de la nouvelle région-État Amhara, instaurée par le nouveau gouvernement fédéral en 1991. Le contrôle du lac relève d'abord du niveau fédéral, tandis que les tâches et responsabilités du niveau régional quant à la gestion du lac Tana et de ses ressources naturelles, restent à définir.

En 2003, le lac Tana a subitement perdu m d'eau, ce qui a considérablement gêné les populations locales et perturbé les écosystèmes sur ses berges[réf. souhaitée].

Cette baisse des eaux a entraîné par répercussions une perte massive des peuplements de papyrus (Cyperus Papyrus), qui est un des rouages de l'économie locale, sensible au niveau du lac. La plante sert entre autres à la confection d'embarcations traditionnelles - les tankwas - spécialité du peuple Nagadés, les habitants des îles. Ces pirogues sont fabriquées à l'identique depuis plusieurs milliers d'années. Une plante invasive, la jacinthe d'eau, originaire d'Amérique du Sud, prolifère depuis 2011 sur les rives du lac, couvrant en moyenne de 20 000 à 30 000 hectares[3].

Une tankwa du lac Tana.

Les activités de navigation ont aussi été gênées, et la circulation du Tananesh, le plus important ferry de la « lac Tana Transport Company » a été perturbée par des écueils nouvellement émergés.

Aujourd'hui les autorités éthiopiennes comprennent la nécessité de porter une attention vigilante aux écosystèmes, pour la préservation, mais aussi la compréhension d'un tel site naturel. Malheureusement, les projets de protection et de classement ne coïncident pas toujours avec les impératifs urgents de développement et de réduction de la pauvreté, et le gouvernement donne la priorité aux projets d'exploitation massive des eaux, notamment afin d'intensifier les productions agricoles et hydroélectriques.

Situé à 540 km d'Addis-Abeba, le lac est riche de 67 espèces de poissons, dont 70 % sont endémiques[4]. L'activité des pêcheurs permet de fournir la capitale en poisson frais, tandis que d'autres lacs de la vallée du Rift, tel le lac Chamo, ont déjà épuisé leurs ressources piscicoles[réf. souhaitée].

En 2015, le lac Tana est reconnu Réserve de biosphère par l'Unesco[5].

Les îles

Le nombre d'îles que compte le lac varie en fonction du niveau de l'eau, donc des précipitations. Ce niveau a régressé d'environ 1,8 mètre en 400 ans. Manuel de Almeida, missionnaire portugais, décomptait 21 îles au début du XVIe siècle, dont sept ou huit abritaient des monastères assez importants. Quand James Bruce visita la région à la fin du XVIIe siècle, il rapporta que 45 îles étaient occupées selon les habitants. Un géographe plus récent a dénombré 37 îles portant des noms, parmi lesquelles 19 accueillaient ou avaient accueilli un monastère.

Les principales îles abritant des monastères sont :

  • Nerga Sellassié
  • Dega Estefanos
  • Tana Cherqos
  • Kebran Gabriel
  • Debré Maryam

Notes et références

  1. (en) Paul A. Mohr, The Geology of Ethiopia, Addis Abeba, University College of Addis Ababa Press, , 268 p.
  2. (en) « Lake Tana, source of the Blue Nile », sur ESA.int (consulté le )
  3. « En Ethiopie, le lac Tana rongé par les jacinthes d’eau », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  4. (en) « Traditional fishing with papyrus boats » (consulté le )
  5. « 20 nouveaux sites ajoutés au Réseau mondial des réserves de biosphère de l’UNESCO », sur Unesco.org (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Berhanou Abebe, Histoire de l'Éthiopie : d'Axoum à la révolution, CFEE, Maisonneuve et Larose, , 238 p.
  • Claire Bosc-Tiessé, « L'histoire et l'art des églises du lac Ṭana », Annales d'Éthiopie, vol. 16, no 16, , p. 207-270 (lire en ligne)
  • Claire Bosc-Tiessé, Les Îles de la mémoire. Fabrique des images et écriture de l'histoire dans les églises du lac Tana, Éthiopie, XVIIe – XVIIIe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, .
  • (en) Col. Robert. E. Cheesman, Lake Tana and the Blue Nile, Londres, .
  • Alain Gascon, « Le partage des eaux du Nil et les politiques éthiopiennes. Le Nil est un don de l’Éthiopie. Un Mythe hydropolitique », 14e festival international de géographie de Saint-Dié, Géographie de l’eau, sur CNDP.fr, 2-5 octobre 2003 (consulté le ).
  • Alain Gascon, Sur les hautes terres comme au ciel. Identités et territoires en Éthiopie, Publications de la Sorbonne, , 335 p.
  • Paul B. Henze (trad. Robert Wiren), Histoire de l'Éthiopie. L'œuvre du temps [« Layers of Time : A History of Ethiopia »], Paris, Moulin du Pont, (ISBN 2-84586-537-6)
  • Maxime Lachal, Les Tankwa du lac Tana en Éthiopie, une histoire d’amour et de papyrus qui touché à sa fin : le processus de disparition du savoir-faire des ‘tankwa’ et ses répercussions sur l’espace du lac Tana, université de Rennes-II Haute-Bretagne, , 227 p.
  • Maxime Lachal, Les Conflits d’usage de l’espace à Baher Dar (Éthiopie) : géographie sociale et développement durable, université Rennes-II Haute Bretagne, , 142 p.
  • (en) Paul Mohr, The geology of Ethiopia, Addis Abeba, Haile Selassie I University Press, .
  • (en) Jacobus Vijverberg et al., The composition of fish communities of nine Ethiopian lakes along a north-south gradient : threats and possible solutions, (DOI 10.1163/157075611X618246, lire en ligne [PDF]).

Liens externes

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