Ceiba pentandra

Le Ceiba pentandra, ou Fromager, Fwomajyé, mapou wouj aux Antilles françaises, Kapokier ou Arbre à kapok bois coton, est une espèce d'arbre géant de la famille des Bombacaceae selon la classification classique, ou de celle des Malvaceae selon la classification phylogénétique.

« Arbre à kapok » redirige ici. Pour les autres significations, voir Kapok (homonymie).

Il produit une fibre végétale imputrescible, nommée kapok.

Le terme de ceiba viendrait de la langue taïno parlée par les Amérindiens des Grandes Antilles, où il désigne cet arbre.

Le ceiba était un arbre très sacré pour les Mayas, durant la période classique (300-900). Il symbolisait l'axe du monde, l'axis mundi.

Étymologie

Il y a deux explications assez différentes à propos de l'origine du nom "fromager" :

  1. une première explication serait la déformation de l'expression « forme âgée » inspirée par les reliefs du tronc évoquant des rides.
  2. une autre explication serait liée au fait que leur bois était utilisé dans la fabrication de boîtes pour les fromages.

Ce nom est aussi utilisé pour des arbres proches biologiquement ou morphologiquement de ces derniers. Certains l'appellent encore Piroguier, pour son utilisation fréquente dans la construction de pirogues.

Répartition

Ceiba pentandra dans la région du cap Skirring au Sénégal.

C'est un grand arbre des zones tropicales, originaire d'Amérique du Sud, d'Amérique centrale, des Antilles et d'Afrique de l'Ouest pour la variété C. pentandra var. guineensis.

Aux Antilles, il pousse dans les forêts mésophiles de bas-fonds et sur le littoral.

En Afrique, on le trouve en forêt tropicale dense humide, particulièrement dans les formations secondaires.

Cet arbre est devenu maintenant pantropical.

Il est cultivé dans toutes les régions tropicales mais essentiellement en Asie du Sud-Est (Indonésie, Cambodge, Thaïlande) ; et il est considéré comme invasif dans les îles du Pacifique.

Synonymes taxinomiques

  • Ceiba caribaea (DC.) A. Cheval. 1937 ;
  • Eriodendron anfractuosum DC. caribaeum DC. 1824 ;
  • Eriodendron caribaeum (DC.) Don ex Loudon.

Description

Contreforts de fromager

Le fromager[1] est un arbre géant très imposant, un arbre dit émergent quand il domine la forêt et la canopée, pouvant atteindre 40 mètres de haut (voire 50 m en Asie du Sud-Est[2] ,60 m en Afrique et peut-être même 70 m[3]).

Son tronc lisse est couvert de grosses épines coniques et avec l'âge, il développe d'énormes contreforts épineux. Les branches horizontales sont en général étagées et très étalées.

Les feuilles palmées comportent 5 à 9 folioles, subsessiles, oblongues, de 10–18 cm de long.

Les fleurs blanc-jaunâtre comportent 5 colonnes de filets terminés par 1 à 3 anthères et 5 pétales de 35 mm, velus. Le style fait saillie au dehors avant l'ouverture du bouton floral.

Les fleurs apparaissent avant l'apparition des feuilles (en janvier-février aux Antilles). La pollinisation est faite par les chauves-souris.

Le fruit est une capsule elliptique, ligneuse, pendante, de 10 à 30 cm de long. Il s'ouvre par 5 valves et laisse apparaître un duvet blanchâtre, cotonneux, nommé le kapok et des graines brunes. Le vent entraîne au loin les flocons de kapok avec les graines.

Composition

Tronc.

L'écorce des branches contient des isoflavones : β-sitostérol, et son 3-O-β-D-glucopyranoside, pentandrine, un glucoside de pentandrine[4] ainsi que la vavaine et ses glucosides.

Les feuilles contiennent des substances mucilagineuses, des dérivés de la quercétine et du kaempférol, de l'acide caféique et des tanins (10 %)[5].

Il a été trouvé dans les racines des sesquiterpènes et des triterpènes capables d'induire une apoptose in vitro[6].

Les graines produisent de 11 à 28 %[pas clair] d'huile. Les principaux acides gras sont l'acide palmitique (10-16 %), l'acide stéarique (2-9 %), l'acide oléique (49-53 %) et l'acide linoléique (26-29 %). Mais cette huile contient des éléments nocifs pour la santé comme des acides gras cyclopropénoïdes : acide malvalique (7-8 %) et acide sterculique (3-4 %).

Utilisations

L'arbre est cultivé dans toutes les régions tropicales mais principalement en Asie du Sud-Est (Indonésie, Cambodge, Thaïlande).

La fibre végétale

Kapok

On utilise les poils fins et soyeux recouvrant ses graines pour la production d'une fibre végétale appelée kapok. Elle est composée de 64 % de cellulose, 13 % de lignine et 23 % de pentosane. Elle fournit[7] une bourre imperméable, isolante et imputrescible que l'on utilise pour rembourrer les coussins, les oreillers, les matelas ou les gilets. Mais son usage a connu un grand déclin après l'introduction de fibres synthétiques.

Le kapok fournit aussi une alternative biodégradable aux adsorbants d'huiles synthétiques ou d'hydrocarbures lors de pollutions, suite aux naufrages de pétroliers par exemple.

Au début du XXe siècle, les forestiers coloniaux ont planté des fromagers partout en Afrique de l'Ouest mais aussi en Afrique orientale et australe. Jusqu'aux années 1960, le kapok constituait une marchandise d'exportation intéressante mais aujourd'hui le négoce est centré sur le bois d'œuvre pour la production de contreplaqué.

Le bois d'œuvre

Pirogue en bois de fromager, Casamance, Sénégal

Ce bois léger, de couleur blanc crème, veiné de jaune et de rose, est actuellement surtout utilisé comme source de bois d'œuvre. Sous le nom de fuma ou ceiba, il sert à la fabrication de contreplaqué, de cageots, de caisses et en menuiserie légère[7].

Le peuple Taïno utilisait le fromager pour fabriquer les grands canots qui leur permettaient d'aller d'île en île.

En Afrique, les troncs évidés servent à la fabrication de pirogues. Le bois sert aussi à la fabrication de récipients, d'assiettes, d'instruments de musique et de sculptures. Les contreforts sont utilisés pour fabriquer des dessus de table et des portes.

Usages alimentaires

Les feuilles, les fleurs et les jeunes fruits se consomment cuits en sauce.

Les feuilles fournissent aussi du fourrage pour chèvres, moutons et bovins.

Les graines riches en huile fournissent un tourteau pour le bétail. Les graines grillées ou en farine sont consommées aussi par les humains mais elles sont réputées indigestes[7].

Les fleurs sont une source importante de nectar et de pollen pour les abeilles et les chauves-souris et certains apiculteurs produisent donc du miel de fromager.

Usage médicinal

La plante est largement utilisée en médecine traditionnelle dans les Caraïbes, en Afrique, Amérique du Sud, en Inde de l'ouest et du sud, au Sri Lanka et en Asie du Sud-est.

  • Aux Antilles[5], la racine était réputée apéritive, l'écorce diurétique et les feuilles vertes en friction contre la chute des cheveux. Actuellement, « le fromager est principalement employé en bain de feuilles, en association avec d'autres espèces médicinales, dans le traitement de la bourbouille et des troubles cutanés superficiels » (Longuefosse).
  • En Birmanie[6], les racines sont utilisées comme fortifiant et les feuilles pour traiter la gonorrhée. Au Cambodge, les racines sont réputées pour réduire la fièvre, l'écorce traite la gonorrhée, la fièvre et la diarrhée. En Indonésie, une décoction de feuilles est utilisée contre la syphilis.
  • En Afrique, cette plante est réputée pour traiter le mal de tête, les vertiges, la constipation, les troubles mentaux et la fièvre[4]. Au Nigeria, les feuilles, l'écorce, les pousses et les racines sont largement employées. Les herboristes utilisent cette drogue en combinaison avec d'autres plantes locales pour traiter l'hypertension et le diabète. Des biochimistes de ce pays[8] ont montré qu'un extrait d'écorce donné à des rats ayant un diabète (induit artificiellement) réduisait significativement leur niveau de glucose sanguin.

Histoire culturelle

Illustration dans Flora de Filipinas, par Francisco Manuel Blanco en 1880

Jadis, les Antillais[5] pensaient que le fromager était habité par des esprits appelés Soukougnan. Les Indiens Caraïbes préféraient éviter d'utiliser son coton car selon la légende leur sommeil en eut été hanté. Par contre, les premiers colons l'avaient largement adopté comme bourre pour les oreillers et les traversins.

Également appelé "arbre aux esclaves" aux Antilles, ou encore "arbre aux soucougnans" (créatures mythologiques). Le fromager servait a punir les esclaves récalcitrants : ils étaient attachés par des liens en cuir que l’on mouillait, les rayons du soleil se chargeant de les rétrécir provoquant ainsi l’entrée des épines dans les chairs du supplicié, lacérant la peau. La légende prétend que les soucougnans enlèvent leur enveloppe humaine (leur peau) à la nuit tombée, l’accrochent aux branches[9].

Il est toujours considéré comme sacré en Guyane, notamment chez les Alukus, comme en témoigne la découpe du fromager de Papaïchton qui nécessita des cérémonies purificatrices destinées à éloigner les mauvais esprits[10]. Il sert à fabriquer les ciel de case (ou maluana) chez les Wayana, élément traditionnel à la fois décoratif et spirituel placé juste sous la toiture des carbets de réunion[11].

Le Ceiba qui est un arbre majestueux et imposant est probablement le plus grand arbre de la région occupée par les Mayas. Ce peuple le vénérait comme arbre de vie sous le nom de Yaxche. Il était considéré comme un arbre d'abondance, apparu au moment de la Création au centre de la terre ou dans les quatre directions, pour pourvoir l'Homme en nourriture. Il fournissait une voie de passage aux esprits des morts qui pouvaient l'emprunter pour monter du niveau inférieur aux divers niveaux célestes[12]. Sa canopée représentait le monde supérieur où résidaient les 13 dieux supérieurs. Son tronc traversait le monde intermédiaire où vit l'homme et ses racines plongeaient dans le monde inférieur, royaume des neuf dieux de la douleur et du chagrin.

On le trouvait planté sur les places centrales des villes des Maya Tzotzil du Chiapas. Il était associé avec les lieux de pouvoir, politique ou religieux. Cet arbre sacré était parfois représenté sous forme d'une croix, ce qui a favorisé l'adoption du christianisme à l'arrivée des Espagnols. En certains endroits, une croix de couleur verte est encore adorée[13]. Il est représenté dans les sculptures surmonté par Quetzal.

C'est l'arbre national du Guatemala.

Références

  1. Jacques Fournet, Flore illustrée des phanérogames de Guadeloupe et de Martinique, Gondwana éditions, Cirad,
    Tome 1 (ISBN 2-87614-489-1) ; Tome 2 (ISBN 2-87614-492-1).
  2. Richard C. Vogt (trad. Valérie Garnaud-d'Ersu), La forêt vierge à la loupe [« Rain Forest »], Larousse, , 64 p. (ISBN 978-2-03-589818-0), p. Les étages de végétation page 8 et 9
  3. Collectif (trad. de l'anglais par Michel Beauvais, Marcel Guedj, Salem Issad), Histoire naturelle : plus de 5000 entrées en couleurs [« The Natural History Book »], Paris, Flammarion, , 650 p. (ISBN 978-2-08-137859-9), Fromager page 187
  4. (en) F.N.Ngounou, A.L.Meli, O.Lontsi, B.L.Sondengam, Atta-Ur-Rahman, M.IqbalChoudharyb, Shahid Malik,Farzana Akhtar, « New isoflavones from Ceiba pentandra », Phytochemistry, vol. 54, , p. 107-110
  5. Jean-Louis Longuefosse, 100 plantes médicinales de la Caraïbe, Gondwana Editions,
  6. (en) Christophe Wiart, Medicinal plants of Asia and the Pacific, CRC Taylor & Francis, , 306 p.
  7. Duvall, C.S., 2011. Ceiba pentandra (L.) Gaertn. In: Brink, M. & Achigan-Dako, E.G. (Editeurs). PROTA (Plant Resources of Tropical Africa / Ressources végétales de l’Afrique tropicale), Wageningen, Pays Bas. (lire en ligne)
  8. (en) Olusola Ladeji,Ikechukwu Omekarah,Mariam Solomon, « Hypoglycemic properties of aqueous bark extract of Ceiba pentandra in streptozotocin-induced diabetic rats », Journal of Ethnopharmacology, vol. 84, , p. 139-142
  9. LE FROMAGER « Ceiba pentandra » Habitation La chéry Le Diamant Martinique
  10. Cimonard Djaba, « La coupe du fromager de Papaïchton a débuté », France-Guyane (lire en ligne), no Jeudi 2 Mars 2017,
  11. « Ciel de case », sur www.guyane-guide.com (consulté le )
  12. (en) Merideth Paxton, The cosmos of the Yucatec Maya : cycles and steps from the Madrid Codex, University of New Mexico Press,
  13. (en) Kit Anderson, Nature, Culture, and Big Old Trees : Live Oaks and Ceibas in the Landscapes of Louisiana and Guatemala, University of Texas Press, , 199 p.

Liens externes

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