Jean-Paul Alata

Jean-Paul Alata ( - ) est un guinéen d'origine française, membre de l'administration d'Ahmed Sékou Touré avant d’être envoyé au Camp Boiro puis d’être expulsé[1],[Note 1].

Pour les articles homonymes, voir Alata (homonymie).

Jean-Paul Alata
Fonctions
Directeur général des affaires économiques et financières à la Présidence
Biographie
Nom de naissance Jean-Paul-Marie Alata
Date de naissance
Lieu de naissance Brazzaville (Afrique Équatoriale Française)
Date de décès
Lieu de décès Treichville (Cote d'Ivoire)
Nature du décès Crise cardiaque
Nationalité Française (1924-1962)
Guinéenne (1960-1971)
Apatride (1971-1978)
Parti politique RPF
SFIO
PDG
Syndicat FO
CGT
Diplômé de Assas
Profession Expert-comptable, investisseur, fonctionnaire
Religion Islam

Enfance et éducation

Enfance

Alata est né à Brazzaville d'un père officier dans l'armée coloniale, et il fera plusieurs séjours au Congo, au Liban et en Syrie[1].

À la mort de ce dernier, il sera élevé par sa belle-mère à la "Ferme Alata" située à Foulakary, près de Brazzaville, qui abritait, en plus d'un élevage, une salle de réceptions ainsi qu'un cabinet de curiosités contenant des fœtus humains et animaux[1].

Études

Alata est étudiant en droit à Paris, résistant et il songera à entrer dans l'École militaire interarmes avant de démissionner et d'entrer aux Trésoreries d'Outre-Mer à Saint-Louis, au Sénégal[1].

Vie politique

Activisme

Au Sénégal, il militera successivement dans le RPF, la SFIO et en même temps à FO[1].

En mai 1955, après dix ans au Sénégal, il est muté en Guinée comme payeur-chef de service, où il se rapproche d'Ahmed Sékou Touré, qu'il avait rencontré deux ou trois ans auparavant, et travaille avec lui dans le cadre de la section africaine de la Confédération générale du travail (CGTA)[1],[2]

Démissionnant de la fonction publique après avoir été menacé de révocation, il devint expert-comptable[1].

Après l'indépendance de 1958, pour laquelle il milite, devenant l'un des rares Européens à le faire; parallèlement à cela, il crée une société de pêche, la "Société des Pêcheries guinéennes[1]."

Carrière politique en Guinée

En 1960, à l'invitation de son ami Touré, il vend son affaire et occupera plusieurs postes économiques importants dans l'état guinéen: inspecteur des affaires administratives et financières à la présidence puis, après 1963, des postes dans des cabinets ministériels; parallèlement à ces activités, il enseigne la comptabilité et l'économie politique à l'Institut Polytechnique Gamal Abdel Nasser de Conakry[1].

Un décret publié lui accorde la nationalité guinéenne[1]; le , Alata est déchu de la nationalité française à la suite de plusieurs initiatives dirigées contre la France[Note 2], telle qu'une proposition d'intervention aux côtés du FLN au cours de la guerre d'Algérie[1],[3],[4].

Dans ses attributions dans l'économie, il se fait beaucoup d'ennemis en menant une lutte implacable contre la corruption et les corrompus.

Le il se marie coutumièrement avec Ténin Kanté, professeur de sport; ce mariage n'aura jamais d'existence légale.

Lors de l'opération Mer Verte, le , il se bat à Conakry II aux côtés de Diop Alassane contre les troupes portugaises venues de Guinée portugaise pour combattre contre le PAIGC[5].

Détenu à Boiro

Arrestation

Le , Alata fut arrêté et accusé d’être un participant à un complot impliquant le SDECE, la CIA et un réseau nommé "SS-Nazi" dans le cadre de l'opération Mer Verte; quelques mois après, il apprend qu'il a été condamné à la prison à vie par un jugement du ; ce même jugement le condamne à la perte de la nationalité guinéenne[6],[7].

Vie au camp

Durant sa détention, il est victime de tortures, notamment à l'électricité, et de brimades de la part de ses gardiens; durant son séjour à Boiro, il est interrogé, comme les autres détenus, par une commission d’enquête et menacé de retour à la "cabine technique" ou de représailles à l'encontre de sa famille en cas d'aveux jugés non-satisfaisants, l'obligeant à dénoncer des gens ou à signer une liste de 'traitres" préparée par cette commission[8].

Il fut contraint d'aider aux travaux de cette commission, notamment en remettant en forme certaine de ces aveux[9],[10]; Sékou Touré, sachant jouer sur la fidélité de la plupart de ses victimes, ainsi que sur la volonté de certains de voir leurs familles, fait appel à leur dévouement patriotique et idéologique, et Alata ne fait pas exception[1].

Le , sa femme coutumière Tenin accouche de son fils, que le président nomme Ahmed Sékou Alata.

Libération

Il sera finalement libéré le après intervention d'André Lewin, alors ambassadeur de France en Guinée; durant le vol de retour à Paris, à bord d'un avion de la Sabena, il manque d’être frappé par ses anciens co-détenus qui ne lui ont pas pardonné d'avoir été un apparatchik du régime[1].

Les conditions de détention, telles que les coups, la torture et la sous-alimentation ont laissé des traces: pesant 96 kg à l'entrée, il a perdu 35 kg cinq ans après; de plus, il a perdu dix dents, est presque paralysé et souffre de paralysie partielle[1].

Exil et mort

À Paris : l'"affaire Alata"

De retour à Paris, il écrit Prison d'Afrique, où il décrit les cinquante-deux mois passés à Boiro, malgré le fait que son ancien codétenu, en tant que chargé de la représentation des prisonniers pour l'Association des familles des prisonniers politiques français en Guinée, lui ait demandé de surseoir à la publication afin de ne pas empêcher la libération de quatre Français encore prisonniers[11].

Dans le but d'améliorer les relations diplomatiques entre la France et la Guinée [12], il a été pris la décision d'interdire ce livre le en faisant appel aux dispositions légales qui autorisaient l'interdiction d'ouvrages de provenance étrangère en invoquant le fait que l'auteur n’était plus français depuis 1962 et était apatride depuis 1971[4],[13].

Malgré cela, le livre est publié partiellement dans la revue Africa et est traduit en portugais et en anglais[1].

Pour gagner sa vie, Alata collabora à plusieurs revues sur l'Afrique.

Sékou Touré demandera publiquement l'extradition d'Alata et enverra le une lettre à Giscard d'Estaing, qui lui répondit le qu'Alata avait quitté la France et qu'il serait refoulé s'il essayait d'entrer sur le territoire national.

Ce livre sera finalement autorisé le [14].

En Côte-d'Ivoire

Alata va s'installer en Côte d'Ivoire, à Treichville, où il meurt, début d'un infarctus du myocarde, bien que des opposants aient accusé Sékou Touré d'avoir procédé à un empoisonnement avec la complicité (forcée?) de son épouse[1].

Notes et références

Notes

  1. Aussi écrit "Nantenin"
  2. Sékou Touré prétendra à l'ambassadeur André Lewin que la plupart des initiatives anti-françaises qu'il a prises ont été inspirées par Alata.

Références

  1. Lewin (2010)
  2. Blancard (1982), p. 19
  3. Hamon et Rotman (1977), annexe 2  [lire en ligne]
  4. France. « Décret du 19 aout 1962 portant perte de la nationalité française » [lire en ligne (page consultée le 19 avril 2016)]
  5. Blancard (1982), p. 26
  6. Blancard (1982), p. 17
  7. Alata (1976), chapitre 5
  8. Blancard (1982), p. 28
  9. Blancard (1982), p. 29
  10. Alata (1976), chapitre 7
  11. Hamon et Rotman (1977), Correspondance de l'Association des familles des prisonniers politiques français en Guinée  [lire en ligne]
  12. Hamon et Rotman (1977), p. 84-85  [lire en ligne]
  13. Hamon et Rotman (1977), chapitre 1  [lire en ligne]
  14. Conseil d’État, 2/6 SSR, (lire en ligne), partie 26468

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Paul Alata, Prison d'Afrique : Cinq ans dans les geôles de Guinée, Le Seuil, , 255 p. (lire en ligne). 
  • Anne Blancard et Jean-Paul Alata, « Entretien avec Jean-Paul Alata », Politique africaine, no 7, , p. 17-39 (lire en ligne, consulté le )
  • André Lewin, Ahmed Sékou Touré (1922-1984) : Président de la Guinée de 1958 à 1984, vol. 2, L'Harmattan, , 263 p. (présentation en ligne, lire en ligne), chap. 76 (« 21 octobre 1976. Le ministre français de l'Intérieur saisit le livre de Jean- Paul Alata »). 
  • Hervé Hamon et Patrick Rotman (préf. Jean Lacouture), L'affaire Alata : Pourquoi on interdit un livre en France, Paris, Éditions du Seuil, , 103 p. (lire en ligne). 

Liens internes

Liens externes

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