Histoire du Monténégro

Le Monténégro, bien qu'étant le dernier État à avoir obtenu en Europe son indépendance[1], possède une longue histoire de plusieurs siècles.

Préhistoire

Les Balkans. Leur limite au nord est fixée par les fleuves Danube-Save-Kupa, excluant de facto la Slavonie croate et la Voïvodine serbe des Balkans.
Europe du Sud-Est : cultures au néolithique

Le Monténégro abrite un ensemble de dessins préhistoriques dans la baie de Kotor. Appelés communément les dessins préhistoriques de Lipçi, ils sont situés dans le village du même nom. Ils représenteraient une scène de chasse au chevreuil ainsi que plusieurs svastikas. Ces dessins ont été faits sur la paroi d’un rocher. Pour les observer, il faut monter une petite route étroite accessible depuis la route principale longeant la mer jusqu'à un parking où un panneau rouillé indique le chemin de la paroi rocheuse où se trouvent les dessins. Découverts en 1957, les chercheurs s’accorderaient à dire que les dessins ont été réalisés entre 1600 et 1200 avant J.-C. donc l’Âge de Bronze. Cependant les recherches les plus récentes montreraient des similitudes avec d’autre dessins situés dans les Alpes italiennes et qui eux dateraient du Xe siècle av. J.-C.

Sources : panneau explicatif situé devant le site

Routes romaines au Monténégro

Antiquité

Illyrie romaine au Ier siècle av. J.-C.
Prévalitaine, Dalmatie et Mésie au IVe siècle
Dalmatie indépendante 450-480, et Empire byzantin

Des colonies grecques s'établissent sur la côte du Monténégro au cours des VIIe et VIe siècles av. J.-C.. Puis, au IVe siècle av. J.-C., les Celtes s'y installent.

Le Monténégro est peuplé par des tribus illyriennes dès le IIIe siècle av. J.-C. et un royaume illyrien se développe autour de Skadar, sa capitale.

Les Romains mènent plusieurs expéditions punitives contre les pirates de la côte monténégrine puis en font la conquête vers 168 apr. J.-C. Plus tard, en 297, le territoire fut rattaché à la province de Dalmatie supérieure. En 395, il est rattaché à l'Empire romain d'Orient. Aux Ve et VIe siècles le Monténégro est ravagé par les invasions avars et goths.

Des tribus slaves (qui se mélangent par ailleurs aux tribus précédentes) commencent à affluer, tout en s'organisant politiquement, dans la région dès la fin du VIIe siècle.

Moyen Âge

Continuum linguistique et définitions politiques (statistiques) des langues slaves méridionales
Le Monténégro sous la dynastie des Balšićs.
Le Monténégro sous la dynastie des Crnojevićs.
Blason de la dynastie des Balšićs.

Bien que les Monténégrins soient issus, sur le plan anthropologique, de peuplements serbes, ils se distinguent tôt dans l'histoire des Serbes actuels, tant sur le plan politique que culturel[2].

Après que des populations serbes, sous la tutelle byzantine, se furent installées dans les Balkans, une confédération se créa à la faveur du déclin temporaire de Byzance et sous la menace de l'Empire bulgare. Ce fut la première principauté serbe, connue sous le nom de Rascie et qui comprenait le territoire diocléen. Cette principauté autonome déclina et Byzance reprit ces territoires temporairement émancipés.

Vers 1040, à la suite de soulèvements, la Dioclée obtient son indépendance vis-à-vis de Byzance. En 1077, le pape Grégoire VII la reconnaît comme un État indépendant et son roi montenegrin Mihailo Vojislavljević comme rex Diocleæ (roi de Dioclée). Le royaume paye néanmoins un tribut à l'Empire byzantin et plus tard à l’Empire bulgare. La puissance de la Dioclée diminue et devient sujet des grands princes de la Rascie au XIIe siècle, cette dernière vient de s'émanciper formellement de la tutelle byzantine.

La Zeta — l'appellation Crna Gora (montagne noire) apparaissant sous Stefan Uroš II Milutin pour désigner un territoire plus petit que l'actuel Monténégro —, ne retrouva son indépendance qu'à la suite de la division de l'Empire serbe en 1356 sous la dynastie Nemanjić. Le Zeta est alors gouverné à partir de 1360 par la Balšić. Il est ensuite sous la tutelle du despotat de Serbie (un des États serbes issu de la dislocation de l'Empire) de 1421 à 1456. Une autre famille noble de la Zeta, les Crnojević, redonne temporairement l'indépendance au pays avant que le territoire ne tombe sous la tutelle ottomane en 1479, à la suite des Guerres ottomanes en Europe.

En 1499 le Monténégro est officiellement sous l'autorité du sultan de la Sublime Porte.

Période ottomane

À partir de 1496 les Ottomans s’emparèrent formellement de la région et le Monténégro fut placé sous tutelle turque. Toutefois, le contrôle ottoman sur le Monténégro est compliqué par les caractères physiques de la région, rendant la tutelle ottomane lâche.

En 1516 le dernier prince séculier du Monténégro, Đurađ V Crnojević (en) abdiqua et transféra l’autorité civile au métropolite de Cetinje créant ainsi la fonction de prince-évêque. D’abord sujet à l'élection, cette fonction devint héréditaire et se transmit d’oncle à neveu à partir de 1697 sous la dynastie des Petrovitch.

En 1702, Daniel Ier Scepcev Petrovitch-Njegos déclara l'extermination de toutes les populations musulmanes du Monténégro[3], principalement des Musulmans, des Albanais et des Turcs ; cet événement restera dans l'Histoire sous le nom de Vêpres monténégrines. Après ce massacre, le tsar de Russie, Pierre le Grand conclut en 1711 une alliance avec le Monténégro pour lutter contre les Turcs, à qui il venait de déclarer la guerre lors de la campagne du Prout[3]. Après lui, Sava II Petrović-Njegoš (1735-1781) mais surtout Pierre Ier (1782-1830) et Pierre II (1830-1851) consolidèrent les institutions de la principauté.

En 1852 Daniel II (1851-1860) décida de la séparation entre l’Église et l’État abolissant ainsi la fonction de prince-évêque et devint monarque séculier. Grâce à l’aide de l’Autriche, il repoussa les attaques ottomanes et en 1859 une commission internationale délimita pour la première fois les frontières de la principauté.

Son successeur, Nicolas Ier (1860-1918), fut également confronté aux attaques des troupes ottomanes et en 1862 le Monténégro fut de nouveau soumis à la suzeraineté ottomane. Nicolas Ier réussit néanmoins à reconstituer son armée. À partir de 1876 les Turcs furent battus à plusieurs reprises et finirent par reconnaître l’indépendance et les frontières du Monténégro au congrès de Berlin en 1878.

La monarchie monténégrine (1878-1918)

Extension du territoire monténégrin de 1830 à 1944.
Chapeau traditionnel monténégrin

En 1905 Nicolas Ier décrète la fin du gouvernement autocratique et octroie une constitution libérale, mettant sur place un régime parlementaire. Après l'indépendance reconnue internationalement de la principauté du Monténégro par le congrès de Berlin, il proclame en 1910 l'établissement du royaume du Monténégro et prend le titre de roi.

En 1912, le royaume du Monténégro s’allie à la Grèce, à la Bulgarie et à la Serbie contre l'Empire ottoman. En octobre, symboliquement, le nouveau royaume donne son congé au chargé d'affaires ottoman à Cettigné, provoquant une panique financière chez les grandes puissances, car la guerre devient probable[4].

À la fin de la Seconde Guerre des Balkans, le pays a presque doublé de superficie. Le traité de Bucarest de 1913 lui octroya la moitié du Sandjak de Novipazar ainsi que la région de Peć.

Le royaume du Monténégro combat au côté des Alliés durant la Première Guerre mondiale. Le Monténégro fut occupé du à octobre 1918 par les troupes austro-hongroises. Après la guerre, alors que les troupes serbes stationnaient au Monténégro, une nouvelle assemblée se constitua. Le roi, toujours en exil en France, fut démis de ses fonctions, interdit de retour et l'assemblée, lors d'un vote très contesté, décida d'unifier le Monténégro à la Serbie le [5]. Le Monténégro devint un territoire du royaume de Serbie le .

Le Monténégro dans l'ensemble des Slaves du Sud

Au lendemain du conflit mondial, le 1er décembre 1918, le Monténégro, alors au sein du royaume serbe, rejoignit le royaume des Serbes, Croates et Slovènes, devenu en 1929 le royaume de Yougoslavie. Lors du vote sur l'union avec la Serbie en 1918, le nom de ceux qui étaient en faveur de ce rattachement figurait sur des listes de papier blanc ; celui de leurs adversaires sur des listes de papier vert, d'où leur nom de « Blancs » et de « Verts »[6]. Après le rattachement, les Verts se soulevèrent et le , ils occupèrent la ville de Cetinje. L'insurrection fut écrasée par les troupes alliées présentes dans la région, sous le commandement du général français Venel[7]. Les Verts recoururent alors à une guérilla, impitoyablement réprimée par les Blancs. La lutte dura jusqu'en 1924. Ceux des Verts qui avaient renoncé à la lutte armée formèrent alors un parti fédéraliste monténégrin.

Le Monténégro durant la Seconde Guerre mondiale

Après l'invasion de la Yougoslavie, l'Italie occupe le Monténégro et tente de créer un nouveau « royaume ». Confrontés à l'insurrection, ils doivent cependant y renoncer et font du territoire un gouvernorat. En septembre 1943, l'Allemagne nazie occupe le pays après la capitulation italienne. En décembre 1944, les Allemands se retirent du Monténégro, dont les Partisans communistes prennent alors le contrôle.

La République yougoslave du Monténégro (1945-2002)

La République socialiste du Monténégro constitua une des républiques fédérées de la République fédérative populaire de Yougoslavie à l’époque communiste, puis en 1963 sous Tito, de la République fédérative socialiste de Yougoslavie. Sous le régime de Milošević et à la suite de l'effondrement du communisme, le Monténégro fut l'une des deux républiques constitutives de la troisième Yougoslavie.

Vers l'autodétermination

En 2002, sous la pression de l’Union européenne, la Serbie et le Monténégro sont arrivés à un accord sur une union réorganisée pour au moins trois ans. Ce compromis, dit « accord de Belgrade », prévoyait, entre autres changements, de renoncer définitivement au nom de Yougoslavie pour celui de la communauté d’États de Serbie-et-Monténégro (avec un « -et- » entre les deux noms). Cet accord entra en vigueur en 2003.

À l'issue de cette période moratoire, un référendum sur l’indépendance du Monténégro fut organisé le [8],[9], 55,5 % des voix se sont portées sur l’indépendance (motivée par le désir d’une intégration plus rapide dans l’Union européenne et l'OTAN), cet événement annonçant donc la dissolution définitive de ce qui restait de l’ancienne Yougoslavie (dont ne subsisterait que les provinces autonomes serbes de Voïvodine et celle du Kosovo, cette dernière étant placée sous administration de l’ONU en quasi-« protectorat »). Le président monténégrin a déjà annoncé vouloir transférer la capitale actuelle de la république de Podgorica vers Cetinje (l’ancienne capitale royale historique).

La Serbie et la Russie ont pris acte des résultats du référendum. Ces deux gouvernements, ainsi que l’UE et l’ONU, ont cependant attendu la proclamation des résultats pour se prononcer officiellement. Dans un communiqué, l’UE (qui avait exigé que l'indépendance soit approuvée par une majorité de 55 % au moins) a constaté la régularité du scrutin.

Le Monténégro depuis son indépendance

Carte du Monténégro.

À la suite du référendum du , le Parlement du Monténégro adopte dans la soirée du une résolution proclamant officiellement l'indépendance du pays, celle-ci entrant immédiatement en application.

Deux jours plus tard, le 5 juin, la Serbie proclame son indépendance en tant qu'État successeur de l'Union serbo-monténégrine. Ce faisant, elle reconnaît de facto l'indépendance du Monténégro.

Le 9 juin, le ministre islandais des Affaires étrangères Geir Haarde a annoncé avoir reconnu le Monténégro comme un pays indépendant et souverain, faisant ainsi de l’Islande le premier pays au monde à reconnaître l’indépendance monténégrine[10]. La Russie lui emboîte le pas le 11 juin, devenant ainsi la première grande puissance à le faire. Elle est suivie dès le 13 juin par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France qui ont adopté la même attitude. Le gouvernement serbe reconnaît officiellement l'indépendance du Monténégro le 15 juin.

Le 22 juin, le Monténégro devient le 56e État membre de l'OSCE. Puis le 28 juin, il est admis en tant que 192e État membre de l’ONU.

Le , le Monténégro signe un accord de stabilisation et d'association avec l’Union européenne : les signataires sont Olli Rehn, commissaire européen à l'élargissement, et Zeljko Sturanovic, le Premier ministre monténégrin. Le le Monténégro dépose officiellement sa demande de candidature à l'Union européenne[11]. En 2009 l'OTAN ouvre ses portes au Monténégro en lui concédant un plan d'action en vue de sa future adhésion[12],[13]. Le statut de pays candidat est officiellement reconnu au Monténégro le .

Le , le Monténégro est invité à devenir le 29e pays de l'OTAN[14]. Alors que le sujet génère des tensions avec la Russie[15], une tentative de coup d'état est éventée en . Le pays intègre l'organisation le .

Notes et références

Annexes

Évolution de la région des Balkans
660 avant notre ère
530 avant notre ère
430 avant notre ère
330 avant notre ère
150 avant notre ère
Époque du Christ
200 de notre ère
400 de notre ère
500 de notre ère
550 de notre ère
680 de notre ère
800 de notre ère
865 de notre ère
965 de notre ère
1200
1150
1250
1300
1350
1375
1400
1500
1600
1700
1730
1750
1810
1850
1890
1914
1918
1919
1922
1940
1942
1945
2015
Langues en 2015
Traditions religieuses en 2015

bibliographie

  • Catherine Lutard, Géopolitique de la Serbie-Monténégro, Paris, éditions Complexe, coll. « Géopolitique des États du monde », , 143 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-87027-647-8) (notice BnF no FRBNF36997797).
  • Thierry Mudry, Guerre de religions dans les Balkans, Ellipses, .

Articles connexes

Liens externes

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