Festival international de la bande dessinée d'Angoulême
Le Festival international de la bande dessinée d'Angoulême, plus communément appelé festival d'Angoulême ou FIBD, est le principal festival de bande dessinée francophone et le deuxième plus important d'Europe en termes de notoriété et de taux de participation après le Salon international des bandes dessinées de Lucques, en Italie.
Ne doit pas être confondu avec Festival du film francophone d’Angoulême.
Festival international de la bande dessinée d'Angoulême | |
L'Espace Franquin, une exposition, le monde des bulles, le Musée de la BD, un stand d'éditeur et un auteur en dédicace. | |
Type | festival de bande dessinée |
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Pays | France |
Localisation | Angoulême |
Coordonnées | 45° 38′ 56″ nord, 0° 09′ 21″ est |
Date de la première édition | 1974 |
Fréquentation | 200 000 visiteurs |
Prix d'entrée | Adulte 4 jours : 40 euros Adulte 1 jour : 19 euros Adulte 1 jour (samedi) : 25 euros Tarifs 2018 en achat sur place |
Site web | www.bdangouleme.com |
Il a lieu tous les ans en janvier depuis 1974 et associe expositions, débats, rencontres et nombreuses séances de dédicace, les principaux auteurs francophones étant présents. De nombreux prix y sont décernés, dont le grand prix de la ville d'Angoulême, qui récompense un auteur pour l'ensemble de son œuvre, et le Fauve d'or, récompensant un album paru l'année précédente.
De sa création à 1996, il s'appelait Salon international de la bande dessinée d'Angoulême.
Histoire
Origines du festival
Ville industrielle sur le déclin, Angoulême n'a aucune relation particulière à la bande dessinée dans les années 1960[1]. À cette époque, la bande dessinée commence à avoir une image plus adulte, les grands médias se mettent à en parler et les premières expositions consacrées à ce support apparaissent[2], à l'instigation de clubs d'amateurs de bande dessinée comme le Celeg (1962-1967) ou la Socerlid (1964-1977)[1]. Parmi les figures de ce fandom naissant figurent les Charentais Francis Groux, Pierre Pascal ou Michel Baron[3]. En 1969, Groux, impliqué dans le tissu associatif local, organise dans deux Maison des jeunes et de la culture de la région angoumoisine une « Semaine de la bande dessinée »[4]. Dans les mois suivants, il continue à animer des soirées débat consacrées à la bande dessinée dans des MJC[5]. Devenu après les élections municipales de 1971 président des commissions des Affaires culturelles et des Affaires sociales d'Angoulême, il se rapproche du maire-adjoint à la culture, Jean Mardikian[6]. Tous deux organisent en juin 1972 une manifestation culturelle pluridisciplinaire, Angoulême Art Vivant[7], à l'occasion de laquelle Groux fait présenter à Claude Moliterni devant une salle comble « un montage audiovisuel à base de reproduction de cases sur fond musical et son exposition à succès « 10 millions d'images », centrée sur l'âge d'or américain[8]. ».
En novembre 1972, Groux et Mardikian organisent en concertation avec les librairies d'Angoulême et toujours grâce à l'aide de Moliterni une « Quinzaine de la bande dessinée » où plusieurs auteurs célèbres (de Franquin à Gotlib) viennent dédicacer au musée d'Angoulême les jeudi et samedi[9]. Face au succès public et aux réactions positives des auteurs, Groux suggère à Moliterni de mettre en place à Angoulême un festival inspiré par celui de Lucques, que Moliterni avait co-fondé en 1965[9] et qui était alors le principal festival de bande dessinée d'Europe[10]. Moliterni accepte et fait inviter Groux et Mardikian à l'édition suivante du festival de Lucques, prévue pour le début de l'automne 1973[11]. Bien qu'entre temps des passionnés regroupés derrière Jean-Paul Tibéri aient organisé à Toulouse le premier Salon national de la bande dessinée[12], Groux et Mardikian se rendent bien à Lucques où ils obtiennent des organisateurs du festival l'autorisation d'en fonder un à Angoulême sur le modèle du leur[11]. De retour en France, ils se lancent alors avec Moliterni dans la préparation de la première édition, prévue quelques semaines plus tard, en janvier.
Un succès rapide malgré des difficultés ponctuelles (1974-1980)
La première édition du salon international de la bande dessinée se déroule du 25 au 27 janvier 1974 dans l'aile désaffectée d'une partie du musée d'Angoulême. L'association organisatrice est présidée par Groux, Mardikian en est le secrétaire général, tandis que le festival lui-même est dirigé par Pierre Pascal. Hugo Pratt signe la première affiche et Burne Hogarth, Harvey Kurtzman, Maurice Tillieux, André Franquin, Claire Bretécher, Gotlib, Fred, Tibet, Peyo, Jean Roba, Jean Giraud sont présents. Cette première édition est un succès immédiat et accueille dix mille visiteurs[13]. L'édition suivante accueille 15 000 personnes[14].
Au fur et à mesure des années, le festival multiplie les « choix souvent judicieux[1] » : ouverture à toutes les bandes dessinées, décentralisation des activités, multiplication des colloques et conférences. À partir de 1976, chaque édition a un thème, idée aux résultats mitigés, ceux-ci étant trop restreints ou trop larges. L'édition de 1977 marque la consécration du festival avec la présence d'Hergé, qui accepte de présider le salon et d'en réaliser l'affiche[15]. L'arrivée d'Hergé, le samedi 22 janvier, déplace les foules et donne une couverture médiatique nationale au festival.
En 1977, à la suite du changement d'équipe municipale, les subventions ne sont pas renouvelées[1]. Le festival craint pour sa survie mais finalement le député-maire Jean-Michel Boucheron, amateur de bande dessinée soucieux d'améliorer l'image de sa ville sinistrée par la désindustrialisation apporte à partir de l'édition de 1979 tout son soutien au festival ; néanmoins, l'entrée devient payante[14]. La même année, à la suite d'un conflit entre Pascal et l'administrateur du festival Mardikian, Groux se retire. Alain Beauregard est président par intérim de l'édition de 1980 avant que Boucheron ne le devienne courant 1980[14], ce qui suscite les critiques de Groux.
Professionnalisation (années 1980)
En 1981, deux ministres sont présents, Boucheron voulant montrer que le festival a dépassé le stade de l'amateurisme[1]. Il veut également qu'Angoulême devienne une « capitale permanente de l'image en France », au-delà de la seule bande dessinée. Ainsi, un atelier-école de bande dessinée et la Maison de la bande dessinée (centre de documentation et de recherche) sont ouverts en 1982, le dépôt légal des bandes dessinées à la bibliothèque municipale est instauré en juillet de la même année. En mai 1983, le musée des Beaux-Arts municipal ouvre la Galerie Saint-Ogan afin d'exposer une sélection des planches qu'il a acquise depuis le milieu de la décennie précédente. Lors du festival 1984, Jack Lang annonce la création d'un Centre national de la bande dessinée et de l'image, à la fois musée, médiathèque et centre de recherche. Rapidement, les retombées économiques à long terme se font ressentir : en 1983, deux sociétés de dessin animé et de vidéopostes s'installent, créant 300 emplois[16].
Cette professionnalisation est accompagnée d'une hausse du budget (quatre millions de francs en 1984[17], soit 1 130 000 € de 2017[18]). Elle implique également une certaine marchandisation du festival, qui se marque dans la croissance du nombre d'éditeurs présents et la diminution des conférences et tables rondes (de 20 en 1975 à 2 en 1984), tandis que le nombre d'expositions reste stable autour de la vingtaine[16].
Consécration
En 1988, Jacques Glénat soutient Pierre Pascal pour déplacer le salon à Grenoble, où se trouve le siège de sa maison d'édition[19]. Craignant qu'Angoulême perde son festival, le maire Boucheron décide d'augmenter le budget de l'édition 1989[19]. En 1989, le successeur de Boucheron, Georges Chavanes, tranche en proposant d'alterner chaque année entre Angoulême et Grenoble malgré les protestations de Francis Groux[19]. La subvention du salon à Angoulême est alors divisée en deux mais le financement est complété par un partenariat avec E.Leclerc[19].
En 1996, le salon international de la bande dessinée change de nom pour devenir le festival international de la bande dessinée (FIBD).
Expositions notables
En 2016, le festival organise une grande exposition consacrée à l'artiste Hugo Pratt, et notamment son œuvre principale Corto Maltese[20].
Récompenses décernées
Dès sa première édition, le festival d'Angoulême a constitué un jury pour remettre différents prix à des auteurs de bande dessinée. Le seul prix remis depuis les débuts du festival est le grand prix de la ville d'Angoulême qui récompense un auteur pour l'ensemble de son œuvre. D'abord remis par le jury, il l'a ensuite été de 1989 à 2012 par les anciens lauréats regroupés en Académie. À partir de 2013, le vote de l'ensemble des auteurs ayant publié un album en français est progressivement imposé. Régulièrement entouré de polémiques, le grand prix a récompensé quasi-exclusivement des hommes, et surtout des auteurs de langue française, bien qu'une internationalisation prononcée ait été entamée depuis 2011.
Les prix remis par le jury officiel, actuellement appelé « grand jury[21] », ont récompensé au fil des années auteurs et albums dans de nombreuses catégories et ont régulièrement changé d'appellation[22]. Jusqu'en 1980, ce sont principalement des auteurs qui ont été récompensés pour leur travail récent, sans mention d'album en particulier, sauf entre 1976 et 1978. En 1981, la refonte du festival entraîne un renommage des prix qui deviennent les « Alfred », en hommage au pingouin d'Alain Saint-Ogan dans Zig et Puce, et ne récompensent plus que des albums[23]. À partir de cette date, le jury est présidé ex officio par le grand prix de l'année précédente. En 1989, alors que le jury perd le choix du Grand Prix, les prix sont rebaptisés les « Alph-Art », en hommage à Tintin et l'Alph-Art, histoire inachevée d'Hergé[23]. De 2004 à 2006, les prix n'ont plus de nom particulier, deviennent des « Essentiels » de 2007 à 2009. En 2007, le président Lewis Trondheim crée le « Fauve », nouvelle mascotte du festival, qui conduit à appeler le meilleur album le « Fauve d'or » à partir de 2008. Tous les prix officiels deviennent ensuite des « Fauves d'Angoulême » à partir de 2010. Depuis 2015 et le refus de Bill Watterson de s'impliquer dans le festival le jury n'est plus présidé par le grand prix en exercice mais par l'un des membres du jury. En 2016, Hermann obtient le Grand Prix, après l'avoir manqué en 2015[24] et ne l'espérant plus étant donné "ses propos au sujet du Jury du Grand Prix"[25].
Ces prix maintiennent un équilibre en distinguant à la fois des œuvres élitistes, plus expérimentales et bandes dessinées plus accessibles au grand public[26]. Si ces changements permanents ont pu limiter leur lisibilité et diminuer leur impact, notamment sur les ventes, ce procédé d'attribution de prix, à l'imitation des grandes manifestations cinématographiques, a participé à la légitimation de la bande dessinée[27]. En 2018, ces prix sont le Fauve d'or : prix du meilleur album, le plus ancien et le plus prestigieux, le prix spécial du jury, le prix de la série, le prix Révélation et le prix du patrimoine.
Parallèlement aux prix remis par le jury, divers prix officiels non décernés par le « grand jury » sont également remis dans le cadre du festival, notamment par ses partenaires. En 2018, ces prix sont le prix du public Cultura, remis par un vote public, « suspendu » fin 2018 faute de sponsor[28] ; le prix jeunesse, remis par un jury d'enfants ; le Fauve Polar SNCF, remis par un jury de personnalités et le prix de la bande dessinée alternative, remis par un jury d'acteurs de la scène alternative.
D'autres prix sont également décernés durant le festival par des institutions locales ou par diverses entités profitant du fait que la période du festival d'Angoulême est l'une des seules où les médias généralistes évoquent la bande dessinée. En 2018, entrent dans cette catégorie le prix du Jury œcuménique de la bande dessinée, remis depuis 1990 à une œuvre pour ses valeurs humaines et esthétiques, le prix Tournesol, remis depuis 1997 à un album défendant des valeurs proche de l'écologie, le prix de l'École de l'image, remis par l'école des Beaux-Arts d'Angoulême depuis 1995, ou encore le prix Schlingo, récompensant depuis 2009 une œuvre dans l'esprit de Charlie Schlingo.
Équipe opérationnelle du Festival
Liste des présidents
- 1991 - 1996 : Dominique Brechoteau[29]
- 1996 - 1998 : Yves Poinot[29]
- 1998 - 2005 : Jean-Marc Thévenet
- 2005 - 2006 : Dominique Brechoteau
- 2006 - ? : Francis Groux[30]
- 2010 - 2013 : Gérard Balinziala[31],[32]
- 2013 - 2017 : Patrick Ausou[33]
- 2017 - 2020 : Delphine Groux (fille de Francis Groux)[34]
Autres
- Délégué général : Franck Bondoux
- Directeur artistique :
- Benoît Mouchart (2003-2013)
- Stéphane Beaujean, Nicolas Finet et Ezilda Tribot (2013[35]-2016)
- Stéphane Beaujean seul (2016 - 2020)[36],[37]
- Sonia Déchamps, Frédéric Felder et Stéphane Ferrand (depuis 2020) [38]
- Directeur technique : Jean-Luc Bittard
Notes et références
Notes
Références
- Groensteen 1984, p. 41.
- Pascal 1993, p. 49-51.
- Cannet 1992, p. 5.
- Groux 2011, p. 21-22.
- Groux 2011, p. 25-26.
- Groux 2011, p. 22.
- Groux 2011, p. 23.
- Groux 2011, p. 25.
- Groux 2011, p. 26.
- Groux 2011, p. 28.
- Groux 2011, p. 27.
- Pascal 1993, p. 53.
- Catherine Meton, Festival de la BD à Angoulême : 40 ans d'histoire, Sud Ouest, 31 janvier 2013, (page consultée le 8 février 2013).
- Philippe Peter, « Festival d'Angoulême : l'instinct de survie », dBD, no 70, , p. 14-23.
- Olivier Delcroix, Angoulême : quand Hergé adoube le festival de BD, Le Figaro, 15 janvier 2013, (page consultée le 10 février 2013).
- Groensteen 1984, p. 43.
- Groensteen 1984, p. 42.
- INSEE, Pouvoir d'achat de l'euro et du franc, janvier 2010
- Grenoble et Paris, tentatives avortées, Sud Ouest, 2 février 2013, (page consultée le 8 février 2013).
- Yann Blake, « Hugo Pratt le voyageur, à l’honneur au FIBD 2016 d’Angoulême », Ederweld, (lire en ligne)
- Les prix du festival sur bdangouleme.com, accédé le 23 janvier 2016.
- Groensteen 2003, p. 8.
- Groensteen 2003, p. 9.
- Yann Blake, « Trois auteurs pour le Grand Prix d’Angoulême », Ederweld, (lire en ligne)
- Yann Blake, « Hermann se confie sur l’édition 2017 du Festival d’Angoulême », Phylacteres TV, (lire en ligne)
- Olivier Delcroix, « Au Festival d'Angoulême, les récompenses visent juste », Le Figaro, 31 janvier 2013, (page consultée le 23 janvier 2016).
- Pierre Christin, « Comment Angoulême est devenue “La Mecque de la bande dessinée” », Le Monde, 21 janvier 1998.
- Didier Pasamonik, « Angoulême 2019 : Mais où donc est passé le prix du public ? », sur Actua BD,
- « Dominique Brechoteau (Président du FIBD) : « Nous sommes prêts (...) - ActuaBD », sur www.actuabd.com (consulté le )
- « Francis Groux élu Président du FIBD d’Angoulême. », sur Livres Hebdo (consulté le )
- « Angoulême : Changement de Président pour l’association du FIBD », sur Bande Dessinée Info, (consulté le )
- « Angoulême : fin de mandat pour Gérard Balinziala, président du FIBD », sur www.actualitte.com (consulté le )
- « Festival de la BD d’Angoulême : Ausou remplace Balinziala à la présidence », sur SudOuest.fr (consulté le )
- « Angoulême : l’association du FIBD en première ligne », sur SudOuest.fr (consulté le )
- John Kay, Festival d’Angoulême : Beaujean, Tribot et Finet succèdent à Benoît Mouchart, 13 mai 2013, sur wartmag.com, accédé le 23 janvier 2016.
- « Angoulême : le Festival de la BD se sépare de son spécialiste de l'Asie », sur sudouest.fr, (consulté le ).
- « Départ du directeur artistique du FIBD, Stéphane Beaujean », sur www.actualitte.com (consulté le )
- « Angoulême : un trio prend la direction artistique du Festival de la BD », sur www.sudouest.fr (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- Nicolas Albert, « Angoulême dans le retro : la genèse d’un monument », sur Case départ, (consulté le ).
- Hervé Cannet (dir.) (préf. Will Eisner), Le Grand 20e, Angoulême, La Charente libre, .
- Hervé Cannet (dir.), Le Grand 20e : Chapitre 21, Angoulême, La Charente libre, .
- Thierry Groensteen, « À quoi sert Angoulême », Les Cahiers de la bande dessinée, no 57, , p. 41-43 (ISSN 0759-2221).
- Thierry Groensteen (dir.), Primé à Angoulême : 30 ans de bandes dessinées à travers le palmarès du festival, Angoulême, Éditions de l'An 2, , 103 p. (ISBN 2-84856-003-7).
- Thierry Groensteen, « Festival », sur Dictionnaire esthétique et thématique de la bande dessinée, Neuvième Art 2.0, .
- Francis Groux (préf. Thierry Groensteen, ill. Jean Claval et Kkrist Mirror), Au coin de ma mémoire, Montrouge, PLG, coll. « Mémoire vive », , 207 p. (ISBN 978-2-917837-09-2).
- Pierre Pascal, BD Passion : dessins de Danard et Pierre, Bordeaux, Les Dossiers d'Aquitaine, , 142 p. (ISBN 2-905212-15-2, lire en ligne).
Presse
- (en) Seb Emina, « In France, Comic Books Are Serious Business », The New York Times, (lire en ligne)
- Yaël Eckert, « Dossier. Bande-dessinée. Le Festival d'Angoulême, 30e ! », La Croix, (lire en ligne).
Liens externes
- Site officiel
- Site professionnel du festival
- « Festival d'Angoulême », sur Encyclopédie Larousse (consulté le )
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