Diyarbakır
Diyarbakır (en turc ottoman transcrit Diyarbekir, en kurmandji Amed, en zazaki Diyarbekir, en syriaque ܐܡܝܕ Āmîḏ « Omid », en arménien Տիգրանակերտ, Dikranagerd[1]) est une ville du sud-est de la Turquie, préfecture de la province du même nom (autrefois Arménie occidentale). Elle était également appelée Amida sous l'Empire romain.
Diyarbakır (ku) kurde : Amed | |
Administration | |
---|---|
Pays | Turquie |
Région | Région de l'Anatolie du sud-est |
Province | Diyarbakır |
Maire Mandat |
Münir Karaloğlu 2019-2024 |
Préfet | Münir Karaloğlu 2020 |
Indicatif téléphonique international | +(90) |
Plaque minéralogique | 21 |
Démographie | |
Population | 1 635 048 hab. |
Densité | 108 hab./km2 |
Géographie | |
Coordonnées | 37° 54′ 38″ nord, 40° 14′ 03″ est |
Superficie | 1 516 200 ha = 15 162 km2 |
Localisation | |
Districts de la province de Diyarbakır | |
Liens | |
Site de la mairie | http://www.diyarbakir.bel.tr |
Site de la province | http://www.diyarbakir.gov.tr |
Sources | |
« Index Mundi/Turquie » | |
La ville, qui concentre la majorité de la population de la province, comptait 855 389 habitants en 2008, mais le nombre a ainsi doublé en sept ans, passant à 1 600 000 en 2015[2].
Les Kurdes constituent la majeure partie de la population de la ville[3],[4]. La ville est considérée comme la capitale historique, symbolique et culturelle de l’ensemble de la nation kurde[5],[6].
Toponymie
- Tigranakert
- Amida
- Martyropolis
Géographie
La ville est bâtie à côté de la vallée du Tigre[7].
Urbanisme
La morphologie urbaine est à la fois dense et étalée, avec aux abords immédiats des remparts en basalte des maisonnettes à toit plat construites de façon anarchiques, faisant l'objet d'un projet de réhabilitation en 2012, et des immeubles plus rares de trois ou quatre étages[7], organisés autour de multiples venelles et cours. La ville comporte quelques bâtiments de taille élevée, dont le Dedeman Diyarbakir Hotel et la cité administrative universitaire de Dicle, haute de 60 mètres et construite en 1970[8].
Découpages administratifs
Préfecture de la province du même nom, Diyarbakır constituait un district jusqu'en 2008, date de la transformation de la municipalité en métropole. Le district est alors scindé en quatre : Bağlar, Kayapınar, Sur et Yenişehir, chacun doté d'un gouverneur[9].
Histoire
Appelée Amida dans l'Antiquité, ce qui lui vaut son nom de Kara Amid, la « Noire Amida », elle fut la capitale du royaume araméen de Bet-Zamani à partir du XIIIe siècle av. J.-C., puis d'un royaume arménien appelé Cordyène ou Cardyène.
La région devint par la suite une province de l'Empire romain ; Amida était au IVe siècle la principale place-forte de Mésopotamie, dans la haute vallée du Tigre. Ammien Marcellin, au livre XIX[10], raconte en détail le siège et la prise d'Amida par les Perses de Shapur II (ou Sapor), du au [11].
َAprès sa conquete par les musulmans en 639, la tribu arabe des Bakr bin Wael s'y installa et c'est ainsi que l'appelation Diyar bakr (les tentes ou les maisons de la tribu des Bakr en arabe) turcisée Diyarbakir, s'imposa jusqu'a ce jour.
Amida fut un centre religieux lié au patriarcat syriaque-orthodoxe d'Antioche. De cette époque, jusqu'au génocide arménien de 1915, la région est fortement peuplée d'Arméniens. La région comportait également une minorité chaldéenne. La ville d'Amid fut le siège du patriarcat chaldéen de 1681 à 1828.
La dynastie kurde des Marwanides dirigea la région de Diyarbakır du XIe au XIIe siècles. Après la bataille de Manzikert, la ville passa sous l'autorité des Turcs oghouzes.
Elle fut disputée par les Houlagides et les Ayyoubides pendant plus d'un siècle avant d'être prise par les États turkmènes de Kara Koyunlu (le Mouton Noir), puis de Ak Koyunlu (le Mouton Blanc).
Diyarbakır fut intégrée à l'Empire ottoman en 1534. Elle est annexée à l'empire perse Séfévide sous Abbas Ier le Grand, en 1620, avant de repasser sous le contrôle de la Sublime Porte. Elle devint en 1864 le chef-lieu du vilayet de Diyarbekir.
En 1895, les massacres hamidiens font environ 25.000 morts parmi les arméniens[12].
XXe siècle
Pendant la Première Guerre mondiale en Orient, entre les mois de mai et juin 1915, dans le cadre du génocide arménien, la ville fut vidée de ses populations syriaque, assyrienne et arménienne (environ 60 000 fidèles, soit 30 % des habitants[13]) sous le prétexte qu'elles étaient trop proches du front russe. Elles furent déportées vers les camps d'extermination[14] de Rasalayn puis du désert du Deir ez-Zor.
À la chute de l'Empire ottoman, la ville fut occupée par les troupes françaises pendant la campagne de Cilicie avant de revenir sous contrôle de la nouvelle République turque.
En 1925, la ville fit l'objet d'un siège de la part d'insurgés kurdes menés par Cheikh Saïd qui visait à réinstaller le Califat dissous un an plus tôt. Les insurgés échouèrent cependant à prendre la ville avant l'arrivée massive de renforts de l'armée gouvernementale qui réprima l'insurrection.
En 1956, les États-Unis installent une base militaire de l'OTAN à Diyarbakır, renommée Pirinçlik Air Base (en) en 1970. Celle-ci abrite des radars anti-missiles, dont le AN/FPS-17 (en) développé par le Laboratoire de Rome dans l'État de New-York. La base fut fermée, en même temps que des bases en Allemagne, en [15].
D'abord sous l'effet de l'exode rural, puis en raison de réfugiés internes fuyant le conflit kurde, la population de Diyarbakır a explosé, passant de 30 000 dans les années 1930, à 65 000 en 1956, 140 000 en 1970, et 400 000 en 1990[16]. En 1997, sa population totale s'élevait à 641 616 habitants et 851 902 en 2008. Cette rapide augmentation démographique s'est accompagnée de constructions précaires (80 % insalubres[7]), les gecekondu, bâtis sans permis de construire et estimés à 4 000[7].
L'importance de la population kurde explique la présence récurrente de manifestations, voire d'émeutes pro-kurdes[réf. nécessaire] à Diyarbakır[3]. Le maire, Osman Baydemir, était kurde et membre du Parti de la société démocratique. En 2016, le gouvernement turc renvoie les autorités élues de la ville et les remplace par un administrateur judiciaire[17].
Une grande partie du centre historique de la ville est détruite durant les répressions militaires de 2016 et 2017. La moitié ouest de Diyarbakır est détruite à 70 % et la population soumise à un couvre-feu[18]. Le géographe Matthieu Gosse parle, à propos de la destruction matérielle et symbolique de quartiers entiers de la vieille ville, d'un urbicide[19].
Le co-maire HDP (Parti démocratique des peuples) de Diyarbakir élu en 2019, Adnan Selçuk Mizrakli, est démis de ses fonctions le .
Langues parlées
Outre le turc, la majorité des habitants de la ville parlent le kurmandji, un dialecte kurde, et le zazaki, une langue iranienne qui est considérée par une partie des linguistes et des kurdologues et par nombre de ses locuteurs comme un dialecte kurde[20],[21].
Patrimoine
Le quartier historique de la ville médiévale, entouré de remparts romains, est connu sous le nom de Sur. Il est fortement endommagé lors de combats avec l'armée turque au premier semestre 2016[22] et est partiellement vidé de ses habitants[23] ; il fait l'objet d'un décret de « confiscation » après que plusieurs bâtiments ont été rasés[24].
La ville comporte plusieurs édifices religieux :
- Grande Mosquée de Diyarbakır du XIe siècle ;
- Mosque « Ulu Cami »
- Pont « 10 gözlü köprü »
- Église arménienne Saint-Cyriaque (Sourp Guiragos) sise non loin du Tigre. Longtemps ruinée, elle est restaurée en 2012[25]. Cependant, à la suite de combats entre les forces turques et kurdes en 2016, elle est à nouveau gravement endommagée et reste partiellement ruinée. Les étrangers n'ont pas le droit de se rendre dans le quartier où elle se situe.
- Église chaldéenne (Keldani Kilisesi)
- Église syriaque orthodoxe (monophysite) Sainte-Marie (Meryem Ana Kilisesi)[26] en partie détruite lors des combats de 2016[22].
Enseignement
La ville est dotée d'un centre universitaire, l'Université de Dicle (en), dont le campus de 55 hectares est situé à l'Est de la ville, sur la rive opposée du Tigre. L'université, construite en 1974, accueille 30 000 étudiants et emploie 3 600 personnes[27]. Elle propose 13 facultés, 11 écoles professionnelles supérieures, 5 écoles supérieures, 1 conservatoire, 3 Instituts, 8 centres de recherche et un hôpital de 1 500 lits combinant recherche et soins[28].
Personnalités liées à la ville
- Gustave Meyrier, (1842-1930), diplomate français, vice-consul de France à Diyarbakir pendant les massacres hamidiens.
- Hélène Meyrier, (1866-1953), épouse de Gustave Meyrier, héroïne française pendant les massacres hamidiens.
Notes et références
- (en) Richard G. Hovannisian, Armenian Tigranakert/Diarbekir and Edessa/Urfa, Costa Mesa, California, Mazda Publishers, (ISBN 9781568591537), p. 2 :
« The city that later generations of Armenians would call Dikranagerd was actually ancient Amid or Amida (now Diarbekir or Diyarbakir), a great walled city with seventy-two towers... »
- Marie Jego, « Erdogan rattrapé par la question kurde », Le Monde, , p. 13 (lire en ligne, consulté le ).
- AFP, « L'armée turque affirme avoir tué 41 rebelles kurdes en Irak », (consulté le ).
- Répartition des populations kurdes sur globalsecurity.org
- Voir par exemple : Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, « Situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées kurdes dans le sud-est de la Turquie et le nord de l'Irak », 3 juin 1998, point 2.c.34.
- « Encyclopaedia Britannica en ligne : Diyarbakir » (consulté le )
- Xavier Debontride, « Diyarbakir veut réhabiliter ses bidonvilles », La Gazette, nos 4 / 2110, , p. 36 - 37 (ISSN 0769-3508).
- Dicle University Administration Building, sur Emporis.com, consulté le 8 septembre 2016.
- Loi no 5747
- Ammien Marcellin, Res gestae, XIX, 1-8.
- Ammien Marcellin, officier de la suite d'Ursicin, était dans Amida pendant le siège et put s'échapper à la faveur de la nuit au moment de la prise de la ville.
- Michael Angold, Cambridge History of Christianity: Volume 5, Eastern Christianity, Cambridge, Cambridge University Press, 2006.
- Le Temps, numéro du 12 avril 2015.
- Joël Kotek et Pierre Rigoulot, Le Siècle des camps : Détention, concentration, extermination : cent ans de mal radical, paris : éd. Jean-Claude Lattès, 2000 (ISBN 2-7096-1884-2)
- DoD news release, no. 058-97, 6 février 1997.
- (en) McDowall, David, A Modern History of the Kurds, 3E, (ISBN 9781850434160, lire en ligne), p. 403.
- Jérémie Berlioux, « La culture kurde au rancart - Le Courrier », Le Courrier, (lire en ligne, consulté le )
- « La sale guerre du président Erdoğan », Le Monde diplomatique, (lire en ligne, consulté le )
- Matthieu Gosse, « Paysage d’urbicide, la destruction de la vieille ville de Diyarbakir (Sud-Est de la Turquie) », Géoconfluences, (ISSN 2492-7775, lire en ligne)
- http://www.institutkurde.org/publications/etude_kurdes/pdf/etud3.pdf Études Kurdes octobre 2001 - L'Harmattan
- « OLAC resources in and about the Zaza language », sur www.language-archives.org (consulté le )
- Christophe Chaland, « Une église de Diyarbakir en Turquie sous le feu des forces armées », sur www.la-croix.com, (consulté le ).
- Matthieu Gosse, « La vieille ville de Diyarbakir broyée et remodelée par la guerre — Reprise en main étatique et dépeuplement sélectif — Photoreportage », sur orientxxi.info, (consulté le )
- « Turquie : Pas d'immunité pour les députés kurdes, mais immunité pour les exactions de l'armée au Kurdistan », Bulletin de liaison et d'information n°375, Institut kurde de Paris, (lire en ligne).
- Turquie : un clocher qui sonne à nouveau
- Sébastien Polet, « Visiter la région de Diyarbakir, en Turquie de l'Est », sur scribium.com (consulté le ).
- (tr) « Tarihce (Histoire) », sur dicle.edu.tr (consulté le )
- (tr) « Akademik Birimler », sur dicle.edu.tr (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (tr) Site officiel de la municipalité de Diyarbakır
- (tr) Site officiel de la préfecture de Diyarbakır
- Ressource relative à la géographie :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Portail de la Turquie
- Portail du Kurdistan
- Portail de l’Arménie