Distribution tempérée

Une distribution tempérée est une forme linéaire continue sur l'espace de Schwartz . L'espace des distributions tempérées est donc le dual topologique de Par densité de dans , il s'identifie à un sous-espace vectoriel de l'espace de toutes les distributions : le sous-espace (propre) des distributions qui s'étendent continûment à

Par exemple, les fonctions continues bornées, comme la fonction constante 1, définissent des distributions tempérées, ainsi que toutes les distributions à support compact, comme la distribution de Dirac.

Les distributions tempérées ont été introduites par Laurent Schwartz, mais initialement sous l'appellation « distributions sphériques »[1], ce qui explique l'emploi de la lettre S par Schwartz lui-même.

Définition

Une distribution tempérée sur est une forme linéaire continue sur La continuité d'une forme linéaire sur peut s'exprimer de deux façons équivalentes :

Toute distribution tempérée se restreint donc en une distribution d'ordre fini et par densité de dans , une distribution T se prolonge en une (unique) distribution tempérée si et seulement si elle vérifie une telle inégalité pour tout

Caractérisation des distributions tempérées[2],[3]  Les distributions tempérées de sont exactement les distributions de la forme :

est un multi-indice, est un entier naturel et est une fonction continue et bornée sur , et où la dérivation s'entend au sens des distributions.

« Cette caractérisation [est] très utile en pratique, mais […] sa démonstration [est] un peu délicate[4]. »

Topologie

On munit de la topologie faible-* ; est alors un espace localement convexe (et son dual topologique s'identifie à ). Plus explicitement, la collection de tous les ensembles de la forme

(où et )

est une base de voisinages de 0.

La convergence dans est donc, comme dans , la convergence simple : dire que la suite de tend vers T signifie que pour toute fonction , on a

Exemples de distributions tempérées

Distributions à support compact

Toute distribution à support compact est tempérée et s'injecte continûment dans

Mesures tempérées

Toute mesure bornée et plus généralement, toute mesure de Borel μ (signée, voire complexe) sur ℝN, représente une distribution Tμ, définie via l'injection linéaire T :

pour toute fonction

Pour que cette distribution soit tempérée, il suffit que la mesure μ le soit, c'est-à-dire vérifie les conditions équivalentes suivantes, où la mesure positive |μ| est la variation de μ :

  • il existe un entier naturel p tel que la mesure à densité (1 + ║x2)p|μ| soit finie ;
  • il existe un entier naturel p tel que |μ|(B(0, R)) = O(Rp) (quand le rayon R de la boule B(0, R) tend vers l'infini).

Remarque : cette condition suffisante n'est pas nécessaire. Par exemple sur ℝ, la fonction x ↦ sin(ex) est la densité, par rapport à la mesure de Lebesgue λ, d'une mesure tempérée, qui définit donc une distribution tempérée, donc sa dérivée x ↦ excos(ex) définit aussi une distribution tempérée, bien qu'elle soit à croissance exponentielle.

Distributions tempérées régulières

Pour toute fonction localement intégrable f, les considérations précédentes s'appliquent à la mesure à densité μ = f λ.

La distribution Tf λ, dite régulière, est donc tempérée par exemple si :

  • f est (localement intégrable et) à croissance polynomiale (i.e. en O(║xc) pour un certain réel c, au voisinage de l'infini) ;
  • f appartient à un espace de Lebesgue Lp(ℝN), avec 1 ≤ p ≤ ∞.

Plus précisément, Lp(ℝN) s'injecte continûment dans

Distributions tempérées à support dans ℤN

Les considérations précédentes s'appliquent également à toute mesure μ à support dans ℤN, canoniquement associée à une suite multi-indexée a = (ak)k∈ℤN de complexes par la relation ak = μ({k}). La distribution Tμ associée, qui s'écrit alors est donc tempérée dès que la suite a est à croissance polynomiale.

Distributions périodiques

Une distribution sur est dite périodique de période si désigne la translation de

Sur ℝN, toute distribution périodique est tempérée.

Les exemples les plus simples sont le peigne de Dirac Ш1 — qui est à la fois périodique et à support dans ℤ — et les distributions régulières périodiques, c'est-à-dire associées à des fonctions localement intégrables périodiques.

Opérations sur les distributions tempérées

On montre ce qui suit[5] :

  • Si alors, pour tous multi-indices le produit (avec un abus de langage) et la dérivée appartiennent à . De plus, la multiplication et la dérivation sont des applications linéaires continues de dans

Soit une distribution tempérée de Alors

  • La multiplication avec est compatible. Pour toute fonction à dérivées à croissance polynomiale , la distribution
  • Le produit de convolution avec est compatible. Pour toute distribution à support compact

Transformée de Fourier des distributions tempérées

Définition

On appelle transformation de Fourier de dans la transposée de la transformation de Fourier de dans . On la note de nouveau , autrement dit on pose

Note : on retrouve la transformée de Fourier usuelle si T s'identifie à une fonction de L1 ou L2, ou à une fonction localement intégrable périodique (cf. article détaillé).

Inversion de Fourier

On définit de même l'opérateur sur comme le transposé de celui sur  :

On déduit des propriétés des opérateurs sur les propriétés analogues pour leurs transposés :

Formule d'inversion de Fourier sur    La transformée de Fourier est un automorphisme du -espace vectoriel des distributions tempérées, dont l'automorphisme réciproque est où l'opérateur antipodie est défini pour toute distribution S sur par

Remarque : cette formule dépend de la convention choisie pour la transformation de Fourier dans l'espace des fonctions. Elle est valide pour une transformation de Fourier exprimée dans l'espace des fréquences, dont la définition utilise

Autres propriétés

La transformée de Fourier dans hérite de ses propriétés dans

  • est un automorphisme de période 4 (i.e. 4 est le plus petit entier positif k tel que ), bicontinu ( est aussi continue).
  • En particulier hérite de la continuité séquentielle. Pour toute suite de distributions tempérées,
  • Dans , la transformation de Fourier échange l'espace des convoleurs et l'espace des multiplicateurs et échange le produit convolutif et le produit multiplicatif. Autrement dit, soit et alors on a

Exemples de transformées de Fourier de distributions

Les formules dépendent de la convention choisie pour la transformation de Fourier dans l'espace des fonctions. Elles sont valides pour une transformation de Fourier exprimée dans l'espace des fréquences, dont la définition utilise

Opérations usuelles

Soit T une distribution tempérée sur Les opérations alors utilisées dans les cas des fonctions sont maintenant valides sans hypothèse supplémentaire.

  • Dérivation : pour tout ,
  • Multiplication par un polynôme : pour tout ,
  • Translation : pour tout
  • Modulation : pour tout

Transformées usuelles

  • Transformées des sinusoïdes

  • Transformées des masses de Dirac. Pour tout et tout multi-indice

  • Transformées des polynômes : pour tout multi-indice

Distributions périodiques

La transformée de Fourier d'une distribution U T-périodique sur est la distribution en somme de Diracs

c'est-à-dire un signal, échantillonné à la fréquence , dont les échantillons sont données par

pour toute fonction test vérifiant

Cas des distributions à support compact

Dans cette section, T est supposée à support compact.

Transformée de Fourier

On démontre que l'application f définie sur ℝN par

est de classe C, avec donc (en utilisant la continuité de T en termes de semi-normes et la compacité de son support) à croissance polynomiale. Elle définit donc une distribution tempérée régulière Tf, et l'on vérifie que

Transformée de Fourier-Laplace

Donnons maintenant la définition de la transformée de Fourier-Laplace de T, extension à ℂn de sa transformée de Fourier :

On montre (théorème de Paley-Wiener) que cette fonction est entière.

Ainsi, la transformée de Fourier d'une distribution à support compact est analytique.

Cette remarque est cohérente avec la propriété d'échange entre décroissance à l'infini et régularité. Comme la compacité du support est la plus grande vitesse de décroissance à l'infini, il est prévisible que cette propriété s'échange avec celle de régularité extrême, c'est-à-dire la propriété d'être une fonction entière.

Notes et références

  1. L. Schwartz, « Théorie des distributions et transformation de Fourier », Annales de l'université de Grenoble, vol. 23, 1947-1948, p. 7-24 (lire en ligne).
  2. L. Schwartz, Théorie des distributions, Hermann, (1re éd. 1950-1951), chap. VII, § 4, p. 239-241.
  3. (en) G. Friedlander et M. Joshi, Introduction to the Theory of Distributions, CUP, (lire en ligne), p. 97-98.
  4. Schwartz 1966, p. 223.
  5. Schwartz 1966.
  • Portail de l'analyse
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.