David Lloyd George
David Lloyd George, né le 17 janvier 1863 à Manchester (de parents gallois) et mort le 26 mars 1945 dans le Caernarfonshire, est un homme d'État britannique. Premier ministre du Royaume-Uni à la fin de la Première Guerre mondiale, du au , il est le dernier chef du gouvernement à appartenir au Parti libéral.
David Lloyd George | ||
David Lloyd George en 1919. | ||
Fonctions | ||
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Membre du Parlement du Royaume-Uni | ||
– (54 ans, 10 mois et 3 jours) |
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Élection | ||
Réélection | 26 juillet 1892 7 août 1895 24 octobre 1900 8 février 1906 10 février 1910 19 décembre 1910 14 décembre 1918 15 novembre 1922 6 décembre 1923 29 octobre 1924 30 mai 1929 27 octobre 1931 14 novembre 1935 |
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Circonscription | Caernarfon (en) | |
Prédécesseur | Edmund Swetenham (en) | |
Successeur | Seaborne Davies (en) | |
Doyen de la Chambre | ||
– (15 ans, 8 mois et 13 jours) |
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Prédécesseur | T. P. O'Connor | |
Successeur | Edward Turnour | |
Chef du Parti libéral | ||
– (5 ans et 21 jours) |
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Prédécesseur | Herbert Henry Asquith | |
Successeur | Herbert Samuel | |
Premier ministre du Royaume-Uni | ||
– (5 ans, 10 mois et 15 jours) |
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Monarque | George V | |
Gouvernement | Lloyd George I et II | |
Prédécesseur | Herbert Henry Asquith | |
Successeur | Andrew Bonar Law | |
Secrétaire d'État de la Guerre | ||
– (4 mois et 29 jours) |
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Monarque | George V | |
Premier ministre | Herbert Henry Asquith | |
Gouvernement | Asquith IV | |
Prédécesseur | Horatio Herbert Kitchener | |
Successeur | Edward Stanley | |
Ministre des Munitions | ||
– (1 an, 1 mois et 17 jours) |
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Monarque | George V | |
Premier ministre | Herbert Henry Asquith | |
Gouvernement | Asquith IV | |
Prédécesseur | Création du poste | |
Successeur | Edwin Samuel Montagu | |
Chancelier de l'Échiquier | ||
– (7 ans, 1 mois et 13 jours) |
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Monarque | Édouard VII George V |
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Premier ministre | Herbert Henry Asquith | |
Gouvernement | Asquith I, II et III | |
Prédécesseur | Herbert Henry Asquith | |
Successeur | Reginald McKenna | |
Biographie | ||
Nom de naissance | David Lloyd George | |
Date de naissance | ||
Lieu de naissance | Chorlton-on-Medlock, Angleterre, Royaume-Uni | |
Date de décès | (à 82 ans) | |
Lieu de décès | Tŷ Newydd (en), Pays de Galles, Royaume-Uni | |
Nature du décès | Pneumonie aiguë | |
Sépulture | Llanystumdwy (en), Pays de Galles, Royaume-Uni | |
Nationalité | Britannique | |
Parti politique | Parti libéral (1890-1922, 1924-1945) Parti national-libéral (1922-1923) |
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Enfants | Megan Lloyd George | |
Profession | Solliciteur | |
Religion | Non-conformisme | |
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Premiers ministres du Royaume-Uni | ||
Jeunesse et débuts politiques (1863-1905)
Enfance
Né le 17 janvier 1863, David est le fils de William George, enseignant, et d’Elizabeth Lloyd, gouvernante. Bien qu’il soit né à Manchester, il est gallois, et retourne rapidement dans le Pembrokeshire, d’où son père est originaire. À l’âge d’un an, il perd son père d’une pneumonie. David et son frère William partent vivre chez leur oncle, Richard Lloyd, à Llanystumdwy, Caernarfonshire. Richard Lloyd est un cordonnier non conformiste, très impliqué dans la « Nonconformist denomination of Campbellite Baptists »[1]. Ses engagements eurent une grande influence sur l’opinion politique de son neveu David. Lloyd George joua pendant toute sa carrière de ses origines sociales peu aisées, notamment pour redorer son image en période de crise, mais aussi pour appuyer certaines de ses politiques (notamment The People’s Budget)[1]. Il n’a jamais voulu être considéré comme faisant partie de l’élite britannique, qu’il appelle « The Dukes » (« Les Ducs »). En 1898 il confie à un journal[2] que son grand luxe, étant petit, était de manger un demi œuf le dimanche matin, laissant supposer qu’il venait d’une famille très modeste. En dépit de son appartenance au parti libéral, il informe le travailliste George Lansbury en 1931 qu’il « ne pourrait jamais trahir les intérêts des travailleurs parce que c’était la classe d’où il venait »[3]. Néanmoins, John Grigg a souligné l’exagération dont a fait preuve Lloyd George quant à son milieu d’origine. Notamment, des témoignages ont rapporté que les frères Georges étaient les mieux habillés du comté[4] et ont pu faire des études. David Lloyd George, en partie autodidacte[5] et son frère ont de très bons résultats à l’école. Il apprend le français et le latin et choisit le droit car c’est un secteur qui présente de nombreux avantages : il procure rapidement une indépendance financière[6], et peut mener à la politique. Il intègre un cabinet d’avocats en 1879 à Porthmadog, et acquiert rapidement la réputation d’un fervent défenseur des gens du peuple contre les « puissants »[7]. Lloyd George est ambitieux et déterminé[8] : il passe avec succès l’examen de droit (Law Society) en 1884. En 1885, il crée son propre cabinet à Criccieth. Le cabinet qu’il tient avec son frère à partir de 1887, prospère. Connu comme « l'avocat des braconniers » à la suite d’un procès qu'il remporta, il fonda un syndicat d'agriculteurs et, en 1887, le journal Udgorn Rhyddid (Les Trompettes de la Liberté) dans lequel il défendait l'idée d'une autonomie pour le pays de Galles. Parallèlement, il prêche à la Chapelle Baptiste, où il exerce ses talents d’orateur. Il acquiert une réputation de très bon prêcheur. En 1888 il se marie à Margaret Owen, fille d’un fermier aisé. Même si on ne sait pas exactement quand, il deviendra soudainement agnostique[9], et le restera toute sa vie.
Débuts en politique
Il entre au parti libéral local, et devient conseiller municipal du Conseil de Caernarfon en 1889. Il prend part à des campagnes politiques, et défend l’idée de faire disparaître les impôts versés à l’Église. Il était pour la réforme de la terre : ses références étaient Thomas Spence, John Stuart Mill, Henry George, ou encore les pamphlets de George Bernard Shaw et Sidney Webb sur la société fabienne. Tous ces auteurs étaient en faveur d’une prise en main du problème de la propriété terrienne. Également en 1888, il gagne un procès important pour les Gallois : il obtient le droit pour les non-conformistes d’être enterrés selon leurs propres rites. C’est ce procès, vécu comme une victoire dans tout le pays de Galles, qui a conduit Lloyd George le 27 décembre 1888 à être choisi pour représenter le parti libéral dans la circonscription de Caernarfon.
Député MP (Member of Parliament)
En 1890, il est le candidat libéral pour la circonscription de Caernarfon à la Chambre des Communes. Son programme[10] repose sur l’égalité religieuse au pays de Galles, la réforme de la terre (« Land Reform »), un veto local pour procurer des licences pour la vente d’alcool, un impôt graduel et plus de libre-échange. Il remporte l’élection avec 19 voix d’avance, et devient MP, Member of Parliament (député) de Caernarfon en 1890, à l’âge de 27 ans, ce qui en fait le plus jeune membre du parlement. Il gardera son siège jusqu’en 1945, cinquante-cinq ans plus tard.
Être membre du parlement n’étant pas rémunéré à l’époque, il poursuit ses activités d’avocat. Il est toujours en partenariat avec son frère à Criccieth, et ouvre un autre cabinet à Londres, qui fusionne en 1897 avec celui de Rhys Roberts pour donner le « Lloyd George, Roberts and Co ».
Très vite, il est craint et respecté à la fois dans la Chambre des Communes. Il s’est fait reconnaître comme un homme d’énergie, à l’apparence et au caractère peu conventionnels[5]. Il est fort impliqué dans les débats qui concernent le pays de Galles, qu’il essaie de soustraire à l’influence et l’autorité de l’Église anglicane. Lloyd George forme en 1894 la « Révolte des Quatre »[11] avec D.A.Thomas, Herbert Lewis et Frank Edwards pour demander davantage de représentation pour le Welsh Liberal Party. Il refonde aussi la même année le Cymru Fydd (« Ce que le pays de Galles doit être »), qui défend l’idée d’un Home Rule pour le pays de Galles, mais c’est un fiasco.
La seconde guerre des Boers divise le parti libéral en deux camps : les radicaux d’un côté et les impérialistes de l’autre. Ces derniers, qui comptent dans leurs rangs Herbert Henry Asquith, Richard Burdon Haldane, sont favorables à la guerre. Lloyd George et Chamberlain sont radicaux. En dépit de l’attention que lui attirait son art oratoire, on pariait que Lloyd George perdrait son siège aux élections de 1900 du fait de son opposition à la guerre des Boers (laquelle lui a pourtant procuré une notoriété nationale). Mais à Caernarfon, il était considéré comme la figure la plus importante du parlement, parce qu’il défendait les droits des Gallois : il fut réélu.
Les dirigeants du parti libéral désapprouvent également le rôle de Lloyd George dans son opposition à la réforme de l’éducation de 1902. Il encourageait dans ses discours le peuple à ignorer la loi et à soutenir John Clifford et son comité national de résistance passive. Environ 170 non conformistes sont envoyés en prison pour avoir refusé de payer leurs frais de scolarité.
New Liberal (Nouveau libéral) 1905-1914
President of the Board of Trade (Président du Bureau de Commerce)
En 1905, le premier ministre Campbell-Bannerman offre un poste au Cabinet à Lloyd George, qui en devient le membre le plus jeune. Il devient Président du bureau du Commerce (the Board of Trade). Son sérieux lui vaut davantage de notoriété et de reconnaissance. Il met en œuvre de nombreuses lois comme le Merchant Shipping Act (Loi sur le commerce de la pêche) au cours duquel il consulte les propriétaires de bateaux pour ne pas les prendre de court, le Patents Act (loi sur les brevets), le Port of London Act (Loi sur le Port de Londres) en 1908. Il évite même une grève ferroviaire en 1907 en s’interposant entre les patrons et les syndicats. Cela aide à effacer sa première réputation « d’homme sauvage »[12].
Chancelier de l'Échiquier (1908-1915)
En 1908, Campbell-Bannerman se retire, et Lloyd George peut espérer obtenir une promotion, que lui donne Herbert Asquith qui accède au poste de Premier ministre. Il devient chancelier de l'Échiquier (ministre des finances). Il innove en mettant pour la première fois en place des pensions d’État, et déclare la guerre à la pauvreté. Pour financer les grandes réformes sociales auxquelles il aspire, ainsi que pour étendre la marine britannique, il taxe les propriétaires fonciers. Si cela pourrait sembler paradoxal venant d’un libéral, lui préféra dénoncer vivement l’aristocratie et les riches propriétaires terriens. On peut citer deux de ses réformes majeures :
« The People’s Budget »
Lloyd George était un opposant farouche aux Poor Law (loi sur les pauvres). Il se disait déterminé à rendre la vie des pauvres « moins sombre ». Fortement influencé par les idées de Thomas Paine, il veut mettre en place un système de retraite, et prépare un Old Age Pensions Act (loi sur les retraites). Il s’agit de donner entre 1s et 5s par semaine aux plus de 70 ans. Pour financer cette réforme, il doit trouver 16 millions de livres par an. Pour ce faire, il annonce « Le Budget du Peuple » : ceux dont le revenu excède 3 000 £ devront payer plus d'impôts. Il ajoute un impôt supplémentaire pour ceux qui gagnent plus de 5 000 £ par an, augmente les droits de succession pour les riches, ainsi que les taxes prélevées sur les revenus de la propriété et de la vente de propriété[13]. Mais les conservateurs majoritaires à la Chambre des lords, dont la plupart font partie de la tranche la plus riche du Royaume-Uni, sont contre ce projet, et usent de leur veto pour empêcher la loi d’entrer en vigueur. Lloyd George fit alors campagne pour son budget en se rendant auprès des travailleurs, sur leurs lieux de travail, en dressant le portrait d’une noblesse usant de ses privilèges pour empêcher les pauvres de recevoir leur pension de retraite. Finalement, le gouvernement libéral décida de réduire les pouvoirs de la Chambre des lords, qui d’ailleurs était déjà très impopulaire. Il propose, en 1911, le Parliament Act. Henry Asquith demande au roi George V de rééquilibrer la Chambre des lords. Le roi accepte d’augmenter le nombre de Lords, en créant 250 nouveaux sièges de Lords, ce qui pourrait avantager les libéraux. Devant cette menace de renversement de la majorité à la Chambre des lords, celle-ci accepte de voter le Parliament Act. Le Parliament Act retire le veto que la Chambre des lords détenait jusqu’alors sur certains types de lois votées par la Chambre des Communes. Dès lors, les Lords ne peuvent plus empêcher le passage de lois de finances, et ne peuvent prolonger une autre loi au-delà des trois sessions du parlement. Le « Budget du Peuple » est voté.
Le National Insurance Act de 1911
Cette loi procure un système d’assurances maladie et chômage. Chaque personne âgée de 16 à 70 ans et touchant un salaire doit cotiser. Chaque travailleur paie 4 pence par semaine et l’employeur ajoute 3 pence, l’État 2 pence. En retour, les soins médicaux deviennent gratuits, et en cas de chômage n’excédant pas 15 semaines par an, 7 shillings par semaine sont versés.
À la suite de ces deux réformes, Lloyd George fut accusé d'être un socialiste par les conservateurs. Ce n’était d’ailleurs pas la seule critique faite à son endroit.
Critiques et scandales
Lloyd George aurait été critiqué par des politiciens comme James Keir Hardie, Fred Jowett et George Lansbury sur des questions économiques (budget trop bas, manque de moyens, etc.). En 1912, il est accusé de corruption par le journal hebdomadaire The Eye-Witness (« Le témoin oculaire »). Lloyd George aurait, avec la complicité de Herbert Samuel et de Rufus Isaacs, acheté des parts en se basant sur sa connaissance d’un contrat signé par le gouvernement avec la compagnie Marconi. C’est le « scandale Marconi ». Une enquête gouvernementale est lancée en janvier 1913 à la demande du journal : il fut en effet révélé au grand jour que Lloyd George avait acheté des parts à Isaacs, et qu’ils avaient tous deux profité de leur connaissance des politiques gouvernementales. Néanmoins, Lloyd George et Rufus Isaacs n’ont pas été jugés coupables de corruption pour autant.
Lloyd George et la Grande guerre
Du pacifiste au patriote
David Lloyd George, comme de nombreux libéraux anglais de cette époque-là se révèle être, à l’aube de la première guerre mondiale, un pacifiste convaincu (L’Angleterre de 1914-1915). En août 1914, il est le chancelier de l’échiquier (équivalent français du ministre des finances), et lorsque la guerre éclate, pour éviter le chaos financier, il décide de fermer les banques pendant trois jours, ce qui lui vaut les louanges de la City. Le 17 septembre 1914, dans un discours à Queens’ Hall, il appelle le peuple britannique à rallier cette guerre inévitable, et devient ainsi l’un des premiers libéraux à faire preuve d’un tel patriotisme.
Une ascension fulgurante
Il argumente auprès du cabinet que les décisions importantes concernant la guerre doivent être prises par les gouvernants, et non par les membres de l’armée « Cette guerre est trop importante pour être laissée aux mains des militaires », il prend donc une place de plus en plus importante aux côtés d’Asquith, le premier ministre de l’époque. Cette position lui valut le mécontentement[14] de nombreux conservateurs tels que Lord Balfour qui voyaient en l’armée l’incarnation de la nation. Le gouvernement de coalition d’Asquith, le chef des libéraux, bat de l’aile à partir de 1915, année durant laquelle Lloyd George devient ministre des munitions. En 1916, alors ministre de la guerre, il propose de former un cabinet restreint de guerre, dont le premier ministre ne ferait pas partie et qui aurait en charge la mobilisation de la nation. Cette initiative provoque la scission du parti libéral et, le 6 décembre, Lloyd George remplace Asquith au poste de premier ministre. Le 11 décembre 1916, il est invité à former un gouvernement[15]. Il remplace Herbert Asquith au poste de Premier Ministre. Il donne un souffle nouveau à l’effort de guerre et une grande impulsion à la Grande-Bretagne, en centralisant le fonctionnement du gouvernement. De 1916 à 1918, il persuade la Royal Navy d’utiliser le système du convoi et unifie les armées alliées sous le commandement du général français Foch[16]. Beaucoup considèrent qu’il a joué un grand rôle dans l’issue heureuse de la guerre. Le jour de l’Armistice, c’est-à-dire le 11 novembre 1918, il déclare : « Ce n’est pas un moment de paroles. Nos cœurs sont si pleins de gratitude qu’aucune langue ne pourrait l’exprimer réellement ». Il fut considéré comme l’homme qui avait gagné la guerre, de telle sorte que sa coalition gagna les élections de 1918. Par ailleurs, ces élections ont été les premières auxquelles les femmes, qui venaient d’acquérir le droit de vote, ont pu participer.
Premier ministre
Une nouvelle forme de gouvernance
En 1916, il devient donc le 53e Premier Ministre du Royaume-Uni, le premier originaire du pays de Galles. Sa conception de la gouvernance est claire dès le début : la personnalisation du pouvoir est poussée à l’extrême. Son gouvernement implique la formation immédiate, autour du premier ministre, d’un cabinet restreint de cinq membres. Lloyd George, directement ou à travers ses proches conseillers, intervient donc à tous les échelons. Le pouvoir est ainsi centré sur sa personne. En 1918, lors du premier vote auquel les femmes britanniques participent, il conserve la tête du gouvernement grâce à une coalition avec les conservateurs, ce qui le rend, en quelque sorte, dépendant de ces derniers[17].
Lloyd George, en sa qualité de premier ministre apparait, au sortir de la guerre, comme le chef d’orchestre de la transition entre une économie de guerre et une économie de paix. Il réaffirme le besoin de s’appuyer sur l’agriculture et augmente le protectionnisme de l’État, limite les importations pour relancer l’économie intérieure[18].
Lloyd George et le traité de Versailles
Il représente le Royaume-Uni à la Conférence de paix de Paris (1919) et au Traité de Versailles, se heurtant à la fois au président du conseil français Georges Clemenceau et au président des États-Unis Woodrow Wilson. Lloyd George veut punir l'Allemagne politiquement et économiquement, mais sans aller comme le souhaiterait Clemenceau jusqu'à anéantir sa puissance. Lorsqu'on lui demande ensuite comment il s'en est tiré à Versailles, il répond par un trait d'esprit : « Pas mal, si l'on considère que j'étais assis entre Jésus-Christ et Napoléon »[19]. Le traité de Versailles fut l’un des moments forts de la carrière de Lloyd George. Il n’a cessé de tenter de préserver les intérêts de la Grande-Bretagne tout en essayant de minimiser les réparations infligées à l’Allemagne pour que celles-ci soient abordables pour le grand perdant de la Grande Guerre.
Lloyd George et l'Irlande
Son temps à la tête du gouvernement fut également marqué par les velléités d’indépendance de l’Irlande. Dès le début des hostilités, Lloyd George ne prend pas réellement position[6] quant à la situation de l’Irlande et de l’Ulster tant il est tiraillé par les deux bords de sa coalition. Au milieu de l’année 1921, Lloyd George entame de sérieuses négociations avec les Irlandais. Il offre à l’Irlande l’indépendance avec un statut de dominion qui crée l’État indépendant Irlandais. L’Irlande continue néanmoins d’appartenir à l’Empire avec un gouverneur général et des bases militaires pour la British Navy. L’Ulster continue d’appartenir au Royaume-Uni, mais la question de ses frontières reste floue. Ces discussions confirment les qualités de fin négociateur, déjà perçues à Versailles, de Lloyd George et aboutissent à un traité avec l’Irlande en décembre 1921. Même si ce traité débouche ensuite sur la guerre civile en Irlande et sur de violents affrontements en Irlande du Nord, de nombreux historiens affirment que cette solution trouvée par Lloyd George était la moins mauvaise dans de telles circonstances.
De la fin de la guerre jusqu’en 1922 la position de Lloyd George ne dépendait que du bon vouloir d’entente de sa coalition. En 1922 il n’est plus soutenu par les conservateurs qui décident de le remplacer par Andrew Bonar Law au 10 Downing Street. Malgré les difficultés internes de sa coalition, Lloyd George est parvenu à mener le Royaume-Uni à une sortie honorable de la guerre, et elle voit sa position sur la scène internationale renforcée grâce à lui. Il a su gérer des crises qui auraient pu être bien pires comme la grande grève de 1921 ou l’accès à l’indépendance de l’Irlande[20].
Fin de carrière : 1922-1945
Pendant les années 1920 on continuait de penser que Lloyd George retournerait au pouvoir, mais cela n’est jamais arrivé[21]. En 1926 il succède à Asquith à la tête du Parti libéral. Depuis les désastreux résultats des élections de 1924 le Parti libéral n’est plus que le troisième parti. Pour regagner des voix, Lloyd George finance de sa poche des candidats et mise sur de nouvelles idées innovantes en matière de politiques d’emploi. Avec l’aide de John Maynard Keynes il écrit « We can Conquer Unemployment ». Mais les résultats de l’élection de 1929 sont toujours décevants. C’est la même année que Lloyd George devient le « Père de la Chambre », c’est-à-dire celui qui y a exercé le plus longtemps.
En 1931 son mauvais état de santé l’empêche d’entrer au Gouvernement National. À partir des années 1930 Lloyd George glisse à la marge de la vie politique britannique. Il n'est bien sûr pas le seul libéral dans ce cas. En effet, le Parti libéral perd de plus en plus de voix à mesure que le Parti travailliste monte. Néanmoins, par intermittence, Lloyd George revient sur le devant de la scène, notamment lorsqu’il publie ses Mémoires de Guerre. De 1934 à 1935, il préside le London Welsh Trust[22]. En janvier 1935 il annonce un programme de réformes économiques, qu’il appelle le « Lloyd George’s New Deal », sur le modèle du « New Deal » (nouvelle donne) américain. Il s’agit essentiellement des mêmes propositions de réformes keynésiennes qu’en 1929. En mars il soumet un mémoire de 100 pages au Cabinet. Après avoir été examiné d’avril à juin, son programme ne gagne pas la faveur de la Chambre de Communes. D’ailleurs, de nombreux conservateurs membres du gouvernement de coalition ont menacé de démissionner si Lloyd George y entrait[23].
En Lloyd George se rend en Allemagne pour discuter avec le dictateur Adolf Hitler. Ce dernier lui signa un autographe sur une photo de lui-même, et lui dit qu’il était ravi de rencontrer « l’homme qui avait gagné la guerre ». Lloyd George aurait été ému par cet acte et aurait répondu qu’il était honoré de recevoir un tel cadeau « du plus grand Allemand vivant »[24]. Quand il rentre au Royaume-Uni, il écrit un article dans le Daily Express du dans lequel il fait l’éloge de Hitler.
En , en pleine guerre mondiale, Lloyd George fait un discours à la Chambre. Son intervention est considérée comme la plus importante et la meilleure de sa carrière en ce qu’elle a permis de destituer Neville Chamberlain du poste de premier ministre, pour que Winston Churchill puisse finalement y accéder. Churchill offrit un poste au Cabinet à Lloyd George, qui refusa. Il pensait que la Grande-Bretagne allait perdre la guerre. Il écrivit par exemple au duc de Bedford en une lettre[25] dans laquelle il se disait en faveur d’une paix avec l’Allemagne après la bataille d'Angleterre[26]. Lorsqu’il fait un discours pessimiste le , Churchill le compare à Philippe Pétain.
Le il fait son tout dernier discours à la Chambre des Communes. Il vote pour la dernière fois le , pour défendre le Welfare state à la création duquel il avait participé.
Dans ses dernières années il est très affaibli physiquement ; il continue d’aller régulièrement à la Chapelle baptiste de Londres, pour finalement retourner au Pays de Galles. Depuis 1936 et sa visite à Hitler en Allemagne il se sentait trahi et blessé, car il ne pensait alors pas du tout que ce qui allait être la Seconde Guerre mondiale était si proche. Dupé par Hitler, c'était aussi le pacifiste profond qu'était Lloyd George qui était meurtri, car ses discussions et actions en 1936 n'avaient finalement pas débouché sur la paix. C'était pour lui comme une perte de crédibilité, plus qu'une humiliation face au peuple du Royaume Uni[réf. nécessaire]. Le il est fait Pair du Royaume et élevé au rang de comte Lloyd-George de Dwyfor et de Viscount Gwynedd, de Dwyfor dans le comté de Caernarvon.
Toutefois, bien qu’ayant été créé Lord, il ne vécut pas assez longtemps pour siéger à la Chambre des lords. Il meurt du cancer le , à l’âge de 82 ans, sa femme Frances et sa fille Megan à son chevet. Il est enterré le long de la rivière Dwyfor (en), à Llanystumdwy.
Non loin de là, se trouve le musée Lloyd George, qui a ouvert ses portes en 1963[27].
Vie personnelle
Lloyd George a eu une grande réputation de séducteur, d’où son surnom : « le bouc »[28].
Margaret, nommée GBE (1920), meurt le 20 janvier 1941[29]. À l’âge de 80 ans, en octobre 1943, et contre l’avis de ses enfants, il se marie à sa secrétaire et maîtresse Frances Stevenson, depuis 1945 la comtesse Lloyd-George de Dwyfor (1888-1972), leur liaison ayant commencé en 1913[30].
Il avait eu cinq enfants de sa première femme : Richard 2e comte (1889–1968), Mair (1890–1907, qui meurt d'une appendicectomie), Olwen (1892-1990), Gwilym 1er vicomte Tenby (1894–1967) et Megan CH (1902–1966), et peut-être une fille de Frances Stevenson, Jennifer (1929-2012)[31]. Gwilym et Megan ont suivi ses pas en politique. Tandis que Gwilym a fait carrière au Parti conservateur, sa sœur est quant à elle devenue Member of Parliament du Parti travailliste en 1957.
Publications
- Souvenirs de guerre, Éditions de la Nouvelle revue critique, 1937.
- Mémoires de guerre, traduction de Charles Bonnefon, A. Fayard, Paris, 1934-1935, 2 vol.
- My darling Pussy : the letters of Lloyd George and Frances Stevenson 1913-41, A.J.P. Taylor.
- La Vérité sur les réparations et les lettres de guerre, 1932, traduction Georges Blumberg, Gallimard, Paris.
Dans la fiction
- Dans la mini série britannique 37 Days (2014), il est incarné par Mark Lewis Jones.
- Dans le film Les Suffragettes (2015), il est incarné par Adrian Schiller.
Notes et références
- Ian Packer, Lloyd George, Macmillan press, Londres, 1998, p. 5.
- H. du Parcq, Life of David Lloyd George, Caxton, Londres, 1912, volume 1, page 14.
- Correspondance Lloyd George to Lansbury, 16 février 1931, Lloyd George MSS G/11/4/2(House of the Lords record office)
- William George, My brother and I, Faber & Faber, Londres, 1976, cité dans John Grigg
- http://www.number10.gov.uk/past-prime-ministers/david-lloyd-george/
- http://www.spartacus.schoolnet.co.uk/PRgeorge.htm
- Ibid.
- Ian Packer, Lloyd George, op. cit. p 8-9
- Frank Owen, Tempestuous Journey: Lloyd George, His Life and Times, Hutchinson, Londres, 1954, page 31
- Ian Packer, Lloyd George, op. cit., page 14
- Ian Packer, Lloyd George, op. Cit., pages 16-17
- Ian Packer, Lloyd George, op. Cit., pages 21-25
- Gilbert, "David Lloyd George: Land, The Budget, and Social Reform" in The American Historical Review Vol. 81, N°5, Décembre 1976, pages 1058–1066
- Marx, Roland, l’Angleterre de 1914 à 1945, Armand Colin, 2e édition, Paris, 1998, p 50-55.
- http://www.number10.gov.uk/past-prime-ministers/david-lloyd-george
- http://www.bbc.co.uk/history/historic_figures/george_david_lloyd.shtml
- Packer, Ian, Lloyd George, op. cit., pages 65-67
- Peden, G.C., British economic and social policy : Lloyd George to Margareth Thatcher, Atlantic Highlands Edition, Londres, 1985, page 63.
- Marx, Roland, L’Angleterre de 1914 à 1945, op. cit., pages 54-55
- Marx, Roland, L’Angleterre de 1914 à 1945, op. cit., page 69
- John Campbell, The Goat in the Wilderness, J. Cape, Londres, 1977, cité dans David Lloyd George
- http://www.londonwelsh.org/archives/1796.
- Thomas Jones, Lloyd George, Oxford University Press, Londres, 1951, pages 238-39.
- Thomas Jones, Lloyd George, op. cit., page 247.
- David Reynolds, From World War to Cold War: Churchill, Roosevelt, and the International History of the 1940s, Oxford University Press, Oxford, 2006, page 79.
- Paul Addison, The Road to 1945. British Politics and the Second World War, Pimlico, Londres, 1994, pages 224–225.
- (en) « The Lloyd George Museum », sur Gwynedd Council
- John Grigg, Lloyd George, the people's champion, 1902–1911, Eyre Methuen, 1978, page 146, cité dans David Lloyd George
- Ruth Longford, Frances, Countess Lloyd George: more than a mistress, Gracewing Publishing, 1996, page 6, cité dans David Lloyd George
- Ibid., pages 11–12
- Jennifer Longford, Memories of David Lloyd George, 2001, accessible sur le site internet http://lloydgeorgesociety.org.uk/en/article/2007/130322/memories-of-david-lloyd-george-by-jennifer-longford
Annexes
Bibliographie
- (en) Richard Lloyd George, Lloyd George, Londres, F. Muller,
- (en) Martin Pugh, Lloyd George, New York, Longman,
- (en) Constantine Stephen, Lloyd George, Londres, Routledge,
- (en) Hugh Purcell, Lloyd George, Londres, Haus publication, (ISBN 978-1-9049-5058-5)
- (en) Chris Wrigley, Lloyd George, Oxford, Blackwell,
- (en) Peter Rowland, Lloyd George, Londres, Barrie and Jenkins,
- (en) Kenneth O. Morgan, Lloyd George, Londres, Weidenfeld and Nicolson,
- (en) Thomas Jones, Lloyd George, Londres, Oxford University Press,
- (en) John Grigg, The young Lloyd George, Londres, HarperCollins,
- (en) John Grigg, Lloyd George, the people's champion, 1902–1911, Londres, Eyre Methuen,
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Article connexe
Liens externes
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