Démétrios de Phalère

Démétrios de Phalère (en grec ancien Δημήτριο ὀ Φαληρεύς), né vers 360 av. J.-C. et mort en 282 av. J.-C., fut un orateur et homme d'État athénien. Philosophe aristotélicien, péripatéticien et écrivain fécond, il fut élève et disciple d'Aristote et de Théophraste, et ami de Ménandre. C'est l’un des fondateurs de la bibliothèque d'Alexandrie. Il mourut vers 282 av. J-C, selon Diogène Laërge[réf. nécessaire], d'une morsure de vipère aspic.

Pour les articles homonymes, voir Démétrios.

Biographie

Né à Phalère, en Attique, vers 360, il était le fils d'un certain Phanostratos, peut-être apparenté aux généraux Timothée et Conon. Il reçut sa formation au Lycée auprès d'Aristote et de son successeur Théophraste, dont il devint par la suite le protecteur[1].

Proche de Phocion, il participa en 322 à l'ambassade envoyée auprès d'Antipatros pour négocier la fin de la guerre lamiaque ; au moment de la chute de Phocion en 318, il se réfugia auprès de Nicanor, représentant de Cassandre roi de Macédoine à Athènes[2]. Après la reprise en main de la ville, il fut nommé gouverneur d'Athènes par Cassandre en 317. En philosophe péripatéticien, ses mesures portent clairement la marque de l'enseignement de l'école d'Aristote, qui l'avait nommé curateur de ses possessions ; les liturgies (chorégie et triérarchie) furent abolies sous son gouvernement. Démétrios de Phalère conserva un régime censitaire, tout en affaiblissant l'ecclésia ainsi que la boulè. D'autre part il créa les gynéconomes[Note 1] qui avaient pour fonction moralisante de surveiller les femmes.

Athènes connut une certaine prospérité et une certaine stabilité, sa politique extérieure étant subordonnée à celle de Cassandre. Il gouverna de manière favorable aux riches et fut très impopulaire.

Athénée rapporte que Démétrios vivait dans le luxe. D'après Diogène Laërce[3], il avait une concubine du nom de Lamia, Athénienne de haute naissance, alors qu'il prescrivait l'austérité à ses concitoyens.

Chassé d'Athènes par Démétrios Poliorcète en 307 av. J.-C., il se réfugie à Alexandrie après s'être rendu à Thèbes. Il fonde la bibliothèque et le Mouseîon avec le soutien de Ptolémée Ier[4] dont il devient le conseiller. Il fut, selon la lettre d'Aristée, à l'initiative de la Septante auprès de Ptolémée II. Il voulut persuader ce dernier de choisir comme héritier un fils de son premier lit (probablement Ptolémée Kéraunos). Néanmoins, le roi choisit finalement le futur Ptolémée II Philadelphe, qui l'exila en Haute-Égypte. Héraclide Lembos raconte dans l’Abrégé des Successions de Sotion, que Ptolémée avait songé à se démettre de la royauté en faveur de Ptolémée Philadelphe, mais que Démétrios l’en avait détourné en lui disant : « Si tu la donnes, tu ne l’auras plus ».

Liste des œuvres

Diogène Laërce fit un catalogue des écrits de Démétrios en déclarant : « Par la quantité de livres et le nombre de lignes, il dépasse presque tous les péripatéticiens de son temps, tout en étant doté plus que quiconque d'une bonne éducation et d'une vaste expérience. Parmi ses livres il y en a d'historiques, d'autres politiques, d'autres sur les poètes, d'autres rhétoriques, rassemblant des discours prononcés tant à l'Assemblée qu'à l'occasion d'ambassades sans compter des recueils de fables à la manière d'Ésope et beaucoup d'autres. ». Il y eut un problème de relecture car le nombre de livres est très inférieur à celui d'Aristote ou de Théophraste. Il semble que ce catalogue soit composé à partir de deux listes, d'où la répétition de certains titres. Il n'est pas complet dans la mesure où d'autres auteurs antiques lui attribuent des œuvres philosophiques, des discours judiciaires et fictifs, une liste des archontes, un livre sur l'interprétation des rêves, une collection des apophtegmes des sept sages, ainsi que l'Aristarchmos et le Boeotiakos[5].

Des œuvres qu'il avait composées ne nous sont parvenus que des fragments. Il nous reste sous son nom un Traité de l'élocution [Du Style], dont il n'est cependant pas l'auteur, et qui est l'œuvre du grammairien Démétrios d'Alexandrie. Un autre traité sur les Types épistolaires, plus tardif, lui a encore été attribué.

Comme orateur, celui qu’Adolphe Hatzfeld qualifia de « dilettante opportuniste » a été jugé par Cicéron représentatif du genre tempéré, intermédiaire entre le style sublime et le style simple : « Démétrios fut le premier qui abaissa le ton de l'éloquence ; il lui ôta son nerf et sa vigueur ; il aima mieux paraître agréable que puissant, et il le fut en effet »[6]. À l'époque de Démétrios de Phalère, au moment où Athènes a perdu son indépendance, la grande éloquence était déjà finie.

Notes et références

Notes

  1. Source : dictionnaire grec-français, le "gynéconome" était le magistrat chargé de surveiller la conduite des femmes.

Références

  1. Habicht 2000, p. 71-72.
  2. Habicht 2000, p. 72.
  3. Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres [détail des éditions] (lire en ligne), V, 76.
  4. Édouard Will, Claude Mossé et Paul Goukowsky, Le Monde grec et l'Orient, tome II, Le IVe siècle et l'époque hellénistique, PUF. 1975, p. 569-570.
  5. Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, Le livre de poche, coll. « La Pochothèque », , p. 636-638 (numérotation : V, 80-82)
  6. Cicéron, Brutus, 38.

Bibliographie

  • Christian Habicht (dir.) (trad. de l'allemand par Denis Knoepfler), Athènes hellénistique. : Histoire de la cité d'Alexandre le Grand à Marc Antoine [« Athen. Die Geschichte der Stadt in hellenistischer Zeit »], Les Belles Lettres, coll. « Histoire » (1re éd. 2006), 608 p. (ISBN 978-2-251-38077-3). 

Fragments

  • F. Wehrli, Die Schule des Aristoteles, t. IV : Demetrios von Phaleron, Bâle et Stuttgart, 2° éd. 1968.
  • Fortenbaugh, W., Eckart Schütrumpf, (1999), Demetrius of Phalerum, Text Translation and Discussion. Transaction Publishers, (ISBN 0-7658-0017-9) .
  • Philalete.net

Éditions modernes

  • Pseudo-Démétrios de Phalère, Du style, éd. P. Chiron, Paris, Les Belles Lettres, « collection des Universités de France », 1993
  • Types épistolaires dans P.-L. Malosse, Lettres pour toutes circonstances, Paris, Les Belles Lettres, 2004 (traduction commentée seulement).

Études

  • P. Chiron, « Introduction », dans l'édition de 1993 Du style.
  • Raphaële Mouren, « Le photocopillage au temps de l’imprimerie artisanale : Piero Vettori, Bernardo Giunti et le traité Du style », dans F. Barbier, dir., Le Berceau du livre : autour des incunables. Études et essais offerts au professeur Pierre Aquilon par ses élèves, ses collègues et ses amis, Revue française d’histoire du livre, 118-121, 2003, p. 409-420.
  • Lara O'Sullivan, The Regime of Demetrius of Phalerum in Athens, 317-307 BCE: A Philosopher in Politics, Leiden, Brill, 2009, 344 p.
  • Peter Green, D’Alexandre à Actium : Du partage de l’Empire au triomphe de Rome, 1997, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1997, chapitre III : « Démétrios de Phalère », p. 39 à 57.

Voir aussi

  • Portail de la Grèce antique
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.