Sublime
Sublime (latin : sublimis, « qui va en s'élevant » ou « qui se tient en l'air »[1]) désigne dans le langage quotidien une chose grandiose et impressionnante (renversante), qui ne peut néanmoins être perçue ou comprise qu'avec une sensibilité très fine.
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Comme concept esthétique, le sublime désigne une qualité d'extrême amplitude ou force, qui transcende le beau. Le sublime est lié au sentiment d'inaccessibilité (vers l'incommensurable). Comme tel, le sublime déclenche un étonnement, inspiré par la crainte ou le respect.
Esthétique du sublime
Origines
La notion de sublime est d'origine antique, un traité de rhétorique du Pseudo-Longin y est consacré. Elle est reprise par Nicolas Boileau et fait partie intégrante de l'esthétique du classicisme, avant sa réinterprétation radicale par Burke et Kant.
En Angleterre
Le concept d'esthétique du sublime apparaît en particulier en Angleterre, avec le développement du Grand Tour, où les splendeurs immenses de la Nature que contemplent les voyageurs les amènent à décrire leur sensation en faisant appel au sens du sublime.
C'est en particulier le cas de Joseph Addison, qui part effectuer son Grand Tour en 1699, et écrit dans ses Remarks on Several Parts of Italy etc. que « les Alpes remplissent l'esprit d'un plaisant sentiment d'horreur[2]. ». Dans ce sens, le sublime apocalyptique en est un sous-genre.
La signification du concept du sublime d'Addison est que les trois plaisirs de l'imagination qu'il a identifiés, la grandeur, la singularité et la beauté, proviennent d'objets visibles (c'est-à-dire de la vue, plutôt que de la rhétorique). Il est également à noter qu'en écrivant sur le « sublime dans la Nature du dehors », il n'a pas recours au terme « sublime », mais à des termes qui peuvent être compris comme des superlatifs absolus, tels que « sans bornes », « sans limites », ou encore « vaste », « grandeur », voire à l'occasion des termes dénotant l'excès[3].
Pour Addison, la grandeur, le grandiose, fait partie intégrante du concept de « sublime ». Un objet d'art peut être beau sans atteindre à la grandeur. L'œuvre d'Addison Pleasures of the Imagination peut, aux côtés du Pleasures of the Imagination (1794) de Mark Akenside et des Night Thoughts d'Edward Young, être considérée comme le point de départ de l'analyse du sublime développée par Edmund Burke.
Edmund Burke puis Kant estiment que la beauté n’est pas l’unique valeur esthétique. On peut lier leur réflexion à l'essor du préromantisme à partir du milieu du XVIIIe siècle. Devant une tempête déchaînée ou une symphonie de Beethoven, c’est le sentiment du sublime, plus que du beau, qui dominerait. Né de la volonté d’exprimer l’inexprimable, le goût du sublime détrône celui du beau.
Exposition
- Sublime : les tremblements du monde, centre Pompidou-Metz, juin-septembre 2016.
Bibliographie
- Sources anciennes
- Aristote, Τέχνη ῥητορική = Rhétorique, env. 329-323 av. J.-C.
- Pseudo-Longin, Περὶ ὕψους = Du sublime, env. Ier siècle ap J.-C.
- Démétrios d'Alexandrie, Περὶ ἑρμηνείας = Du Style [Traité de l'élocution], env. Ier siècle av. J.-C.
- Cicéron, De Oratore = L'Orateur, 55 av. J.-C.
- Quintilien, De institutione oratoria = De l'institution oratoire, 95 ap. J.-C.
- Giambattista Vico, Scienza Nuova = La Science nouvelle, 1725.
- Edmund Burke, A philosophical Enquiry into the Origin of our Ideas of the Sublime and Beautiful = Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau, 1757 et 1759.
- Kant, Beobachtungen über das Gefühl des Schönen und Erhabenen = Observations sur le sentiment du beau et du sublime, 1764 et Kritik der Urteilskraft = Critique de la faculté de juger, 1790.
- Friedrich von Schiller, Ueber das Erhabene = Fragment sur le sublime, 1793 et Das Erhabene = Du Sublime, 1798.
- Johann Gottfried Herder, Kalligone, 1800.
- Hegel, Phänomenologie des Geistes = Phénoménologie de l'esprit, 1807.
- Wilhelm Worringer, Abstraktion und Einfühlung = Abstraction et empathie, 1908.
- et aussi Boileau, Schopenhauer…
- Synthèses récentes
- Robert Doran, The Theory of the Sublime from Longinus to Kant, Cambridge: Cambridge University Press, 2015.
- Umberto Eco, Histoire de la beauté, 2008.
- Marc Fumaroli, L'Âge de l'éloquence, Paris, 1980 ; La Querelle des Anciens et des Modernes, Paris, 2001.
- Francis Goyet, introduction et notes au Traité du Sublime, Paris, 1995 (ISBN 2-253-90713-8).
- Philippe Lacoue-Labarthe, Sublime, dans Encyclopædia Universalis, Paris, 2004 [env. 1991].
- Didier Laroque, Sublime et architecture, Éditions Hermann, 2010.
- Baldine Saint Girons, Fiat lux, Une philosophie du sublime, Paris, 1993 [1992] (ISBN 2-87653-178-X) ; Le Sublime, de l'Antiquité à nos jours, Paris, 2005 (ISBN 2-84321-079-8).
- Marc Sherringham, Introduction à la philosophie esthétique, Paris, Payot, 1992.
- Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet, Mythe et tragédie en Grèce ancienne, I et II, Paris, 1972 et 1986 ; repr. 2001 (ISBN 2-7071-4619-6).
Notes et références
- Cf. Baldine Saint Girons, sublime (subst.), sublime(adj.), dans Vocabulaire européen des philosophies : dictionnaire des intraduisibles, dir. Barbara Cassin, Seuil, 2004 (ISBN 2-02-030730-8). Voir aussi Sublime dans la base du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
- Joseph Addison, Remarks on Several Parts of Italy etc. in the years 1701, 1702, 1703, édition de 1773 edition, imprimée pour T. Walker. Chapitre sur « Geneva and the Lake », p. 261
- Marjorie Hope Nicolson, « Sublime in External Nature », Dictionary of the History of Ideas, New-York, 1974
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