Curie romaine

La curie romaine est l'ensemble des dicastères et autres organismes du Saint-Siège qui assistent le pape dans sa mission de pasteur suprême de l'Église catholique. « La Curie romaine dont le Pontife suprême se sert habituellement pour traiter les affaires de l'Église tout entière, et qui accomplit sa fonction en son nom et sous son autorité pour le bien et le service des Églises, comprend la Secrétairerie d'État ou Secrétariat du Pape, le Conseil pour les affaires publiques de l'Église, les Congrégations, Tribunaux et autres Instituts ; leur constitution et compétence sont définies par la loi particulière »[1].

Pour les articles homonymes, voir Curie.

Ne doit pas être confondu avec Curie (Rome antique).

Histoire de la curie

Dérivé du volsque « covehria » (assemblée), le terme latin « curia » désigne depuis l'antiquité romaine une des divisions du corps civique romain (les « curies »), réparti en phratries et curies, puis le lieu de leur rassemblement, finalement le siège du Sénat romain et le Sénat lui-même. Ce terme signifie par extension, dans toute la société médiévale occidentale la cour ou l'ensemble d'une administration civile ou ecclésiastique (curie impériale, curie épiscopale, etc.)[2]. Ce n'est qu'en 1089 qu'apparaît pour la première fois l'expression de curie romaine dans un document du pape Urbain II[3]. Le sens du mot se restreint, dans la période moderne et contemporaine, pour désigner par excellence les dicastères et organismes au service de l'exercice du pouvoir pontifical romain.

Consistoires et congrégations temporaires

Comme tout évêque, le pape, évêque de Rome, est entouré d'un collège de prêtres. Il les réunit pour former des conseils pour diriger son diocèse. Sa fonction ayant aussi une vocation étendue à l'Église universelle, pour les sujets graves touchant à celle-ci, il s'entoure des conseils des cardinaux. En dehors de ces consistoires, qui traitent de sujets généraux, le pape met en place des réunions (congrégations) cardinalices spécialisées sur tel ou tel sujet. Ces congrégations, d'abord à mandat temporaire, prennent de plus en plus d'importance et de stabilité. Peu à peu, les consistoires perdent de leur efficacité et ne deviennent plus que des réunions d'apparat. Le vrai travail se fait au sein des congrégations.

Réformes permanentes

Depuis la papauté d'Avignon jusqu'au concile de Trente l'ensemble de la société civile et ecclésiastique a fait de la réforme de la curie romaine une question ouverte permanente. L'exigence de cette réforme devient l'enjeu de pratiquement chaque élection pontificale - sans parler des conciles de Bâle et de Constance - jusqu'au concile de Trente. À chaque élection, les candidats promettaient à leurs pairs (et aux puissances temporelles), souvent même par écrit, des réformes de la curie (surtout administratives et fiscales) qu'ils mettaient ensuite en œuvre avec plus ou moins de bonheur en nommant des commissions et ou en prenant des mesures qui n'ont jamais été considérées comme efficaces ou suffisantes[4].

Les congrégations romaines permanentes

Le 21 juillet 1542, par la bulle Licet ab initio, le pape Paul III créé la première congrégation romaine permanente, la Sacrée congrégation de l'inquisition romaine et universelle, ancêtre de l'actuelle congrégation pour la doctrine de la foi pour lutter contre le protestantisme et les autres hérésies. Puis, la suite du concile de Trente, d'autres congrégations sont créées sur ce modèle : congrégation pour l'interprétation du concile (1564), congrégation de l'Index (1571), congrégation du cérémonial (1572).

Le 22 janvier 1588, par la bulle Immensa aeterni Dei, le pape Sixte V organise l'ensemble de la curie romaine. Il crée quinze congrégations : six ont un champ d'action purement romain, les neuf autres ont une vocation universelle. Ces congrégations fonctionnent comme des ministères, chacune dans un champ d'action particulier, et sont titulaires de l'autorité déléguée par le pape.

Réforme du pape Pie X

Après trois siècles de fonctionnement sans changements majeurs, la perte des États pontificaux, en 1870, entraîne une grande réforme. En effet, tous les organes qui veillaient à l'administration temporelle de ces états perdent leur raison d'être. C'est ainsi que le 29 juin 1908, par la constitution apostolique Sapienti consilio, le pape Pie X réduit le nombre de congrégations de vingt à onze. Il conserve, en outre, trois tribunaux et cinq bureaux.

Réforme du pape Paul VI

Le second concile du Vatican avait souhaité, dans son décret Christus Dominus, une nouvelle organisation de la curie romaine : « Les Pères du saint concile souhaitent que ces dicastères [...] soient soumis à une nouvelle organisation plus en rapport avec les besoins des temps, des pays et des rites, notamment en ce qui concerne leur nombre, leur dénomination, leur compétence, leurs méthodes propres de travail et la coordination de leurs travaux »[5]. De plus, les Pères du concile précisent qu'ils souhaitent que des évêques diocésains et des laïcs soient appelés à participer aux travaux des dicastères[6]. Pour faire droit à ces demandes, le 15 août 1967, par la constitution apostolique Regimini Ecclesiae Universae[7], le pape Paul VI réorganise profondément la curie romaine. Les congrégations passent de douze à neuf et reçoivent toutes un nouveau nom. La secrétairerie d'État acquiert un rôle prééminent. La préfecture pour les affaires économiques du Saint-Siège est créée. De nouveaux organismes apparaissent : trois secrétariats (pour l'unité des chrétiens, pour les non-chrétiens, pour les non-croyants) ainsi que le conseil des laïcs et la commission pontificale « Justice et Paix ».

Réforme du pape Jean-Paul II

À son tour, le 28 juin 1988, par la constitution apostolique Pastor Bonus[8], Jean-Paul II réforme légèrement la curie romaine pour prendre surtout en compte la promulgation du code de droit canonique de 1983. Les conseils pontificaux deviennent des dicastères à part entière et des commissions pontificales deviennent autonomes. Par la suite, trois modifications ont été opérées par Jean-Paul II. Le 2 juillet 1988, le motu proprio Ecclesia Dei[9] crée la commission du même nom. Le 25 mars 1993, le motu proprio Inde a Pontificatus[10] réunit le conseil pontifical de la Culture et le conseil pontifical pour le dialogue avec les non-croyants. Le 30 septembre 1994, le bureau central du travail du Siège apostolique reçoit ses statuts définitifs[11].

Réforme du pape Benoît XVI

Le pape Benoît XVI modifie aussi l'organisation de la Curie romaine. Le 2 juillet 2009, par le motu proprio Ecclesiae unitatem[12], la commission pontificale Ecclesia Dei est rattachée à la congrégation pour la doctrine de la foi. Le 30 décembre 2010, l'autorité d'information financière est créée[13]. Le 30 août 2011, par le motu proprio Quaerit semper, certaines compétences sont transférées de la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements au tribunal de la Rote romaine[14]. Le 21 septembre 2012, par le motu proprio Ubicumque et semper[15], le conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation est créé. Et par les motu proprio Ministrorum institutio[16] et Fides per doctrinam[17] du 16 janvier 2013, Benoît XVI transfère les compétences sur les séminaires de la congrégation pour l’éducation catholique à la congrégation pour le clergé et pour la catéchèse de la congrégation pour le clergé au conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation.

Réforme du pape François

Après le pontificat de Jean-Paul II qui a vu l'appareil curial prendre du poids par rapport au pape malade pendant de longues années, on attend que le pape Benoît XVI, fin connaisseur de la Curie pour y avoir travaillé 24 ans, conduise une nouvelle réforme. Il n'en est rien[18]. C'est pourquoi, après l'affaire Vatileaks, les scandales liés à l'institut pour les œuvres de religion et le malaise des cardinaux face au gouvernement du cardinal Tarcisio Bertone, une demande de réforme s'exprime lors des congrégations générales qui précèdent le conclave de 2013.

Un mois après son élection et suivant l'une des recommandations importantes issues de ces congrégations générales, François constitue un groupe de travail collégial de cardinaux pour le conseiller dans le gouvernement de l’Église et, plus particulièrement, étudier un projet de réforme de la curie en révisant la constitution apostolique Pastor Bonus promulguée par Jean-Paul II en 1988[19].

Suivant les recommandations de ce conseil, François se livre, pas à pas, à une réforme des structures de la curie, touchant en premier lieu ses organes de gestions administrative et financières, ses moyens de communication, puis ses dicastères eux-mêmes dans une démarche devant aboutir à la promulgation d'une nouvelle constitution apostolique régissant la curie.

Dicastères de la curie romaine

Les plus importants et plus anciens organismes de la curie romaine sont les dicastères. L'annuaire pontifical en donne une liste répartie en quatre catégories. La première place revient à la secrétairerie d'État. Ensuite viennent les neuf congrégations romaines permanentes qui ont succédé, à l'époque du concile de Trente, aux consistoires et aux congrégations cardinalices temporaires. Puis, il y a trois tribunaux. Ensuite, les douze conseils pontificaux créés par les papes Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI. Enfin différents bureaux ayant une compétence économique ou financière.

S'il est habituel d'utiliser des métaphores politiques pour décrire les rôles au sein de la curie, il ne faut pas oublier que « l'Église est une institution religieuse : l'immense majorité des questions que traitent la secrétairerie d'État ou les dicastères sont donc des questions purement religieuses »[20].

2 700 personnes en tout travaillent au Vatican, mais le gouvernement de l'Église stricto sensu se limite à un peu plus de quatre cents personnes (dont cent soixante pour la seule secrétairerie d'État).

La secrétairerie d'État

Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État, reçoit le président des États-Unis Barack Obama.

La secrétairerie d'État est le dicastère le plus proche du pape. C'est le seul dont les bureaux sont situés au sein du palais apostolique. Le cardinal secrétaire d'État travaille et habite lui-même dans la même aile du palais apostolique que le pape, au premier étage de l'aile orientale de la cour Saint-Damase. Il est le « premier collaborateur du pape dans le gouvernement de l’Église universelle »[21] et aussi le représentant du gouvernement civil de l’État de la Cité du Vatican[22]. Il coordonne l'action des autres dicastères et la diplomatie pontificale.

La secrétairerie d'État est constituée par la section pour les Affaires générales, la section pour les Relations avec les États qui gère la diplomatie pontificale et les ambassades du Saint-Siège (appelées nonciatures apostoliques), ainsi que depuis 2017 par la section pour le Personnel diplomatique du Saint-Siège.

Depuis le 15 octobre 2013, le secrétaire d’État est le cardinal Pietro Parolin. Il est aidé par le substitut pour les Affaires générales, Mgr Edgar Peña Parra et le secrétaire pour les Relations avec les États, Mgr Paul Richard Gallagher.

Congrégations

Tribunaux

Conseils pontificaux

Anciens conseils pontificaux

Autres dicastères

Bureaux

Autres organismes de la Curie romaine

Bien que n'ayant pas rang de dicastère, d'autres organismes appartiennent de droit à la Curie romaine. L'annuaire pontifical en donne une liste qui distingue quatre organismes plus ou moins anciens, différentes commissions ou comités, la garde suisse pontificale et l'ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem.

Commissions ou comité pontificaux :

Institutions rattachées au Saint-Siège

Différents organismes, bien que n'appartenant pas à la Curie romaine, sont rattachés au Saint-Siège :

L’État de la Cité du Vatican est une structure particulière qui comprend entre autres :

Il existe aussi onze académies pontificales :

Responsables

Les chefs de dicastères sont actuellement :

Dicastère Chef du dicastère Pays
Secrétairerie d'ÉtatPietro Parolin Italie
Congrégation pour la doctrine de la foiLuis Ladaria Ferrer Espagne
Congrégation pour les Églises orientalesLeonardo Sandri Argentine
Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrementsvacant
Congrégation pour les Causes des saintsMarcello Semeraro Italie
Congrégation pour les évêquesMarc Ouellet Canada
Congrégation pour l'évangélisation des peuplesLuis Antonio Tagle Philippines
Congrégation pour le ClergéBeniamino Stella Italie
Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostoliqueJoão Braz de Aviz Brésil
Congrégation pour l'éducation catholiqueGiuseppe Versaldi Italie
Pénitencerie apostoliqueMauro Piacenza Italie
Tribunal suprême de la signature apostoliqueDominique Mamberti France
Tribunal de la Rote romainePio Vito Pinto Italie
Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiensKurt Koch Suisse
Conseil pontifical pour les textes législatifsFilippo Iannone Italie
Conseil pontifical pour le dialogue inter-religieuxMiguel Ángel Ayuso Guixot Espagne
Conseil pontifical pour la cultureGianfranco Ravasi Italie
Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisationRino Fisichella Italie
Dicastère pour les laïcs, la famille et la vieKevin Farrell États-Unis
Dicastère pour le service du développement humain intégralPeter Kodwo Appiah Turkson Ghana
Dicastère pour la communicationPaolo Ruffini Italie
Secrétariat pour l'économieJuan Antonio Guerrero Alves Espagne
Administration du patrimoine du siège apostoliqueNunzio Galantino Italie

Les autres principaux responsables de la Curie sont actuellement :

Notes et références

  1. Code de droit canonique, canon 360.
  2. http://ducange.enc.sorbonne.fr/curia "1-12 curia » (par les Bénédictins de St. Maur, 1733–1736), dans du Cange, et al., Glossarium mediae et infimae latinitatis, éd. augm., Niort : L. Favre, 1883‑1887, t. 2, col. 665a.
  3. Christophe Dickès (dir.), Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1120 p. (ISBN 978-2-221-11654-8 et 2-221-11654-2), p. 358
  4. Louis Pastor, Histoire des papes depuis le Moyen-Âge, Paris, 1925, t. 1-11 passim
  5. Décret Christus Dominus, n°9.
  6. Décret Christus Dominus, no 10.
  7. (la) Constitution apostolique Regimini Ecclesiae Universae sur le site du Vatican.
  8. (la) Constitution apostolique Pastor bonus sur le site du Vatican.
  9. Motu proprio Ecclesia Dei sur le site du Vatican.
  10. Motu proprio Inde a Pontificatus sur le site du Vatican.
  11. (it) Motu proprio La Sollecitudine sur le site du Vatican.
  12. Motu proprio Ecclesiae unitatem sur le site du Vatican.
  13. Motu proprio du 30 décembre 2010 sur le site du Vatican.
  14. motu proprio Quaerit semper sur le site du Vatican.
  15. Motu proprio Ubicumque et semper sur le site du Vatican.
  16. Motu proprio Ministrorum institutio sur le site du Vatican.
  17. Motu proprio Fides per doctrinam sur le site du Vatican.
  18. Sandro Magister, « Curie romaine : la réforme qui n'a pas lieu », 28 juin 2007 sur le blog chiesa.espresso.repubblica.it.
  19. Sébastien Maillard, « Le pape lance la réforme de la Curie », La Croix, (lire en ligne)
  20. Jean Sévillia, « Comment le Vatican est gouverné », Le Figaro magazine, 9 mai 2009.
  21. « La secrétairerie d’État », sur vatican.va
  22. (it) Chirographe Le Sollecitudini crescenti sur le site du Vatican.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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