Cours achilléen

Le Cours achilléen ou piste d'Achille, ὁ Ἀχιλλήιος δρόμος [’o Achilléios drómos] en grec ancien, Cursus Achillis en latin[1], est un cordon littoral du Pont-Euxin. Situé sur le littoral de la Scythie, dans l'actuelle Ukraine, à l'Ouest de la péninsule de Kinbourn, il s'étire, presque rectiligne, de la presqu'île de Tendra (de) à ce qui est désormais la presqu'île de Djarylgatch (de) sur cent trente kilomètres de long entre le golfe borysthénique (liman commun de l'Hypanis - actuel Boug méridional, et du Borysthène - actuel Dniepr) et le golfe carcinitique.

La piste d'Achille aujourd'hui.

Les navigateurs grecs, remarquant cette singularité géographique, l'ont associée au héros de l'Illiade réputé imbattable à la course, à qui il fallait au moins une telle piste pour qu'il s'exerçât avec ses compagnons[’ 1],[’ 2]. Dans l'Antiquité, une course de chars y était organisée par la colonie voisine d'Olbia pontique au cours des jeux achilléens.

Légende

Achille aborde ce rivage à la poursuite d'Iphigénie[’ 3]. Celle-ci était devenue prêtresse d'Artemis tauropolos, au service de Thoas, roi de Tauride, après s'être réfugiée ici pour échapper au sacrifice ordonné par Calchas afin d'obtenir des dieux les vents nécessaires à la flotte achéenne en partance pour Troie. C'est donc ici que le Myrmidon « aux pieds légers » (πόδας ὠκύς) instaure des jeux pour célébrer ses victoires navales[’ 4].

Histoire

Protohistoire (-900 - -648).

Descendant des mythiques Cimmériens ceux des marges », κυμή en grec), que les archéologues repèrent à partir de -900 dans la civilisation de Novotcherkassk, les habitants des rives du fleuve Axiaces ((la) Axiaces) et du cours inférieur du Borysthène, eux-mêmes appelés respectivement Axiaces ((la) Axiacae) et Borysthènes ((la) Borystheni)[’ 5], entrent au VIIe siècle av. J.-C. dans la sphère politique et culturelle des Scythes, dont le centre se trouve en amont de ce dernier fleuve. Ils accueillent sur leur côte à partir de -647 trois colonies milésiennes, filles d'Histria : Nikonion à l'embouchure du Tyras, Olbia pontique à celle de l'Hypanis, et Borysthènes (en) à celle du Borysthène, c'est-à-dire sur l'autre rive du golfe borysthénique, en face d'Olbia.

Achille, héros des colons grecs (-647 - -400)

La mémoire d'Achille, plus qu'une autre, est cultivée par les Milésiens. Tous apprennent à lire dans les récits versifiés que leur poète national, Arctinos, a fait des exploits du héros. Tous savent les réciter par cœur. L'Éthiopide, centrée sur la mort d'Achille et sur la question de savoir qui sera le plus digne d'honorer sa mémoire, fait intervenir dans le cycle troyen des personnages étrangers au monde grec susceptibles de flatter chez des colons le goût pour l'exotisme.

Histria et Olbia pontique entretiennent un temple dédié au héros dans l'île des Serpents, alors appelée Leukè ou Île blanche et censée abriter le tombeau d'Achille[’ 6] malgré Homère qui plaçait Leukè dans l'Hellespont (actuelles Dardanelles) et en parallèle avec le Royaume du Bosphore qui honorait également la mémoire d'Achille par une ville et son pays alentour : le pagus Achilleus, situé de l'autre côté de la presqu'île de Tauride, sur le Bosphore cimmérien, au sud du « marais méotide ». Toutefois, pour les historiens russes et ukrainiens, Leukè se situe dans le golfe borysthénique : ce serait l'île de Berezan, où des artefacts antiques ont été également été trouvés et qui était appelée au Moyen Âge Beloberejie c'est-à-dire Blanches rives.

Les jeux achilléens (-400 - -48).

Au IVe siècle av. J.-C., sinon à une période antérieure, la colonie d'Olbia pontique obtient de la Pythie un décret approuvant l'organisation des jeux achilléens[2]. C'est une course de chars qui se tiendra en l'honneur du héros sur la piste d'Achille au moins jusqu'en -48, date du sac de la ville par l'armée gète du général dace Burebista[2].

Les jeux ne sont pas annuels mais se tiennent vraisemblablement tous les quatre ans[3]. Ils se déroulent au moment de l'année où ont lieu les élections des archontes de la colonie[2], qui, elles, sont annuelles[3]. Des spectateurs viennent de nombreuses villes du Pont Euxin, de Milet ou de l'Hellade même[3]. La fête commence par une traversée du liman en horéïas, suivie d'une procession à travers un bois sacré[3].

Rivage barbare (-47 - 1240).

Le cours achilléen se termine à l'ouest en face du port d'Ordessos[’ 5], qui commande l'entrée du golfe borysthénique. Ce port a été anéanti par les Goths dans les années 240 ainsi que la prospère Olbia pontique qu'avait gouverné le roi des Scythes Scilouros.

De la fin XIe siècle au milieu du XIIe siècle, les rivages du cours achilléen, alors contrôlés par le khan des Coumans, Boniak, accueillent de nouveau des navires grecs pour une brève période, qui correspond au règne des grands princes Riourikides de la Russie kiévienne, Iziaslav et ses successeurs. Le port d'Oléchia (ru) fournit en poisson, qui y abonde, la ville de Kiev, qui devient pour quelques décennies la plus importante d'Europe après Constantinople, avant d'être détruite par l'invasion mongole.

La presqu'île d'aujourd'hui.

Aujourd'hui dans l'Ukraine moderne, et après plus de deux millénaires d'alluvionnement, le cours d'Achille comporte trois sections de longueur approximativement égale : à l'Ouest la presqu'île de Tendra (de), au centre une portion du rivage de la péninsule de Kınburun, et à l'Est la presqu'île, forêt et parc naturel de Djarylgatch (de) (56 km2). Administrativement, il se trouve dans l'oblast de Kherson.

En 2010, quatre ans avant l'annexion de facto de la Crimée par la Russie et le déclenchement de la guerre du Donbass, la piste d'Achille a été le lieu de manœuvres conjointes, surnommées Sea breeze, entre l'US Navy et les commandos ukrainiens. C'est aujourd'hui un spot de kitesurf.

Annexes

Bibliographie

Références

  1. P. Mela, De chorographia, II, 5.
  2. Hérodote, Histoires V, 55.
  3. Hérodote, Histoires, IV, 76.
  4. Strabon, Geographica, VII, 3.19.
    Pline l'Ancien, Histoire naturelle, IV, 26.
  5. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, XXIX.
  6. P. Mela, De chorographia, II, 7.

Sources

  1. C. Ch. de Peyssonnel, Observations historiques et géographiques sur les peuples barbares qui ont habité les bords du Danube et du Pont-Euxin, p. 147, N. M. Tilliard libr., Paris, 1765.
  2. B. Bravo, « Une lettre sur plomb de Berezan' : colonisation et mode de contact dans le Pont », in Dialogues d'histoire ancienne, p. 142, PUFC, Besançon, 1974.
  3. B. Bravo, « Une lettre sur plomb de Berezan' : colonisation et mode de contact dans le Pont », in Dialogues d'histoire ancienne, p. 144, PUFC, Besançon, 1974.
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