Converso

Un converso, terme portugais et espagnol signifiant « converti », est un Juif converti au catholicisme, en Espagne ou au Portugal, en particulier aux XIVe et XVe siècles.

Menorah d'un judeo-convers, XVIe (Palacio de los Olvidados)

Histoire

Condamnés par l'Inquisition, tableau d'Eugenio Lucas Velázquez (1833-1836). Les condamnés sont coiffés du (es) coryza et portent un sambenito.

De nombreux Juifs d'Espagne ainsi que des Juifs Portugais (en) durent se convertir au christianisme après les pogroms de la fin du XIVe siècle. Ceux qui refusèrent et choisirent de demeurer fidèles au judaïsme furent l'objet, un siècle plus tard, du décret de l'Alhambra et de l'expulsion massive de 1492.

Les conversos qui n'étaient de « nouveaux chrétiens » qu'en apparence et continuaient à « judaïser » en secret étaient désignés sous le terme méprisant de « marranes »[1].

Ils étaient persécutés par l'antijudaïsme de l'Inquisition, jugés, parfois « réconciliés » mais le plus souvent condamnés à différentes peines allant jusqu'au bûcher. Une particularité était qu'ils pouvaient l'être jusqu'à plusieurs décennies après leur mort[2],[3] ; leur procès s'instruisait alors « en memoria y fama » et leur relaxation (un euphémisme pour « condamnation à être brûlé sur le bûcher » ) ou tout autre condamnation étaient obtenues « en effigie » (soit par contumace) dont l'exécution en effigie (où l'on pouvait déterrer et brûler leurs os) mais tous leurs biens étaient effectivement confisqués et leur famille ainsi ruinée, car les raisons économiques motivaient souvent ces procès post mortem[3],[2],[4].

Document administratif avec signatures de juifs conversos, XV-XIX s. (Palacio de los Olvidados)

À la fin du XVe siècle jusqu'à la moitié du XVIe siècle, les judéo-convers représentent 90 % des cas traités par la Congrégation du Saint-Office à Valence[2]. Dans cette documentation inquisitoriale, les conversos apparaissent également sous d'autres appellations en castillan ou en valencien : « tornadizo, judío, cristiano nuevo, que primero fue judío, novament convertit, cristiá novel »[5].

Marranos, (en) Moshe Maimon, 1893

Les historiens spécialistes des judéo-convers « tendent à penser que la grande originalité de la famille conversa réside dans son caractère nettement endogamique, alors que les mariages mixtes relèvent le plus souvent de l’exception »[6],[7]. Toutefois, contrairement à ce que soutient l'historien Revah[8], d’autres comme Pérez, (es) Márquez Villanueva ou encore (ca) Romano i Ventura dans le cas de Valence, « pensent qu’en marge des tendances hétérodoxes ..., on ne peut nier qu’il existe dans l’Espagne du XVe siècle une majorité de conversos qui ont embrassé sincèrement la cause du catholicisme »[9]

Cette partie des conversos, devenus sincèrement catholiques, désapprouvaient les marranes parce que ceux-ci, de leur point de vue, déshonoraient l'ensemble des « nouveaux chrétiens » dans la mesure où ce nouvel état était souvent synonyme de crypto-judaïsme. Plusieurs de ces conversos firent d'ailleurs partie de l'Inquisition, notamment parmi les franciscains et les dominicains.

Conversos et nouveaux chrétiens

Espagnes (Castille, Léon, Aragon et Andalousie)

  • Alexandre de Rhodes, jésuite et linguiste, est d’origine juive.
  • Pedro de Las Casas, père du dominicain Bartolomé de Las Casas, modeste marchand, appartenait, semble-t-il, à une lignée de nouveaux chrétiens[10].
  • Antoine de Louppes de Villeneuve, le grand-père maternel de (Michel Eyquem) Montaigne, aurait été authentiquement un converso (sa conversion au christianisme était, semble-t-il, sincère pour l'époque). Le père d'Antoine de Louppes, Juan Garcia Lopez de Villanueva, ne serait autre que Meyer Moshé Paçagon, riche grossiste de chiffons et d'étoffes de Calatayud (Espagne) et qui aurait changé de nom après son baptême au début du XVe siècle[11]. Cependant, l’origine juive de la mère de Montaigne est contestée ; avant les recherches du XIXe siècle, il n’a jamais été fait mention de cette « filiation »[12],[11].
  • Juan Sánchez (1440-1507), grand-père paternel de sainte Thérèse d'Avila issue d'une famille de Tolède, condamné en 1485 par l'Inquisition tolédane, pour cause de crypto-judaïsme, à porter le san-benito, s'installe ensuite à Ávila[13]. Son fils (père de la future sainte chrétienne), Alonso Sánchez de Cepeda, y épouse Beatriz Dávila y Ahumada.
  • Michel Servet, par sa mère, descend de la famille Zaporta, juifs espagnols convertis de la région de Monzón.
  • Joan Miró, peintre espagnol, porte un nom d'origine juive[14].
  • Selon certains auteurs, Christophe Colomb serait d'origine juive[15].
  • La famille de l'humaniste chrétien Juan Luis Vives doit se convertir en 1391 puis est poursuivie par l'Inquisition pour crypto-judaïsme ; ses parents sont brûlés, son père vif et les restes de sa mère après qu'ils ont été déterrés 21 ans après sa mort[16],[17],[3].

Portugal

Annexes

Bibliographie

  • Yosef Kaplan, Jews and conversos. Studies in society and inquisition, Jérusalem, 1985
  • Cecil Roth, A History of the Marranos, Philadelphie, 1932
  • Norman Roth, Conversos, Inquisition, and the expulsion of the Jews from Spain, Wisconsin (1995) 2002 (ISBN 0299142302)
  • Julio Valdeón Baruque, Judíos y Conversos en la Castilla medieval, Valladolid, 2004 (ISBN 84-8183-134-4)

Notes et références

  1. « Marrane » viendrait d'un mot signifiant « porc ». Cf. Gérard Nahon, « Marranes », Encyclopaedia Universalis.
  2. Patricia Banères, « Histoire d'une répression : les judéo-convers dans le royaume de Valence aux premiers temps de l'Inquisition (1461-1530) », LLAC, Université Paul Valéry - Montpellier III, , p. 120-121, 140 (lire en ligne, consulté le )
  3. Par exemple, Blanquina March Almenara (ex Xaprud avant sa conversion en 1491 au catholicisme) (1473-1508), la mère de l'humaniste Juan Luis Vives, est condamnée en effigie pour hérésie et apostasie par les inquisiteurs Arnaldo (Arnau ?) Alberti et Juan de Churruca, sa mémoire est anathématisée et ses restes sont déterrés 21 ans après sa mort pour être brûlés, en 1529. Tous ses biens faisant vivre ses descendants étant confisqués, ses deux filles Beatriz et Leonor ont tenté en vain de récupérer au moins la dot de leur mère. Tous les biens de leur père, Lluís Vives Valeriola (ex Abenfaçam avant sa conversion forcée), avaient précédemment été confisqués quand il avait été condamné et brûlé vif sur le bûcher en 1522. Lire sur Diccionari Biogràfic de Dones ; par María Jesús Espinosa de los Monteros ; par Marilda Azulay
  4. (en) Joseph Pérez, The Spanish Inquisition : A History, Yale University Press, , 248 p. (ISBN 0-300-11982-8, lire en ligne)
  5. Banères, op. cit., p. 144
  6. Banères, op. cit., p. 162
  7. Enric Porqueres i Gené, Lourde Alliance, mariage et identité chez les descendants de Juifs convertis à Majorque, 1435-1750, Paris, Kimé, 1995
  8. Israël Salvator Révah, « Les Marranes », Revue des études juives, Peeters, Paris, no 118, , p. 3-77 (ISSN 0484-8616)
  9. Banères, op. cit., p. 50
  10. (es) Semillas de industria: transformaciones de la tecnología indígena en las Américas, Mario Humberto Ruz, Centro de Investigaciones y Estudios Superiores en Antropología Social (Mexico), Smithsonian Institution, 1994, page 65
  11. Madeleine Lazard, Michel de Montaigne, Fayard, 1992, p. 24. Ce point a fait l'objet de controverses et n'est pas résolu. L'hypothèse retenue par les tenants de cette origine est que l'arrière-grand-père agnatique d'Antoinette Louppes de Villeneuve serait Meyer Moshé Paçagon, Juif de Calatayud (Espagne), baptisé au début du XVe siècle sous le nom de Juan Garcia Lopez (de Villanueva). Principales références : Sophie Jama, L'Histoire juive de Montaigne, Flammarion, 2001 ; Jean Lacouture, Montaigne à cheval, Seuil, 1998 Donald Frame Montaigne, a bibliography, 1975 ; Cecil Roth, Revue de Cours et Conférences 1937 ; Léon Berman (Grand-rabbin de Lille), Histoire des Juifs de France, Librairie Lipschutz, Paris, 1937 ; Théophile Malvezin, Michel de Montaigne, son origine, sa famille 1875 ; Paul Staffer (doyen de la faculté de Lettres de Bordeaux), La Famille et les amis de Montaigne, Hachette, 1896 rééd. BNF 2012, (ISBN 9782012680913).
  12. Voir à ce sujet : Roger Trinquet, La Jeunesse de Montaigne ; pour la thèse de l'origine juive de la mère de Montaigne, voir Sophie Jama, L'Histoire juive de Montaigne Flammarion.
  13. (es) Guillermo Serés, « Santa Teresa de Jesús / La autora: Biografía », sur cervantesvirtual.com, Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes (consulté le ).
  14. http://www.sefarad.org/lm/029/majorque.html.
  15. Voir page 357 in Klezmer America: Jewishness, Ethnicity, Modernity de Jonathan Freedman, Columbus University Press, 2008.
  16. (es) Henry Kamen, « "Procesos inquisitoriales contra la familia judía de Juan Luis Vives. I. Proceso contra Blanquina March, madre del humanista", ed. M. de la Pinta Llorente and J. M. de Palacio y de Palacio (Book Review) », Bulletin of Hispanic Studies, vol. 44, no 1, , p. 75 (ISSN 1475-3839 et 1478-3398, DOI 10.3828/bhs.44.1.75b, lire en ligne, consulté le )
  17. (es) « Biografia de Blanquina March Almenara - Mare de Joan Lluís Vives » (version du 6 septembre 2011 sur l'Internet Archive), sur web.archive.org,

Articles connexes

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