Forêt de Charnie

La Charnie est une forêt située aux confins des départements de la Mayenne (Saint-Léger, Sainte-Suzanne-et-Chammes, Thorigné-en-Charnie...) à l'ouest, et de la Sarthe (Parennes, Chemiré-en-Charnie, Joué-en-Charnie...) à l'est.

Forêt de la Grande Charnie

La forêt à Viviers-en-Charnie
Localisation
Coordonnées 48° 05′ 02″ nord, 0° 15′ 57″ ouest
Pays France
Pays de la Loire
Altitude
 · Maximale

285 m
Compléments
Protection ZNIEFF, type II
Statut Forêt privée
Essences Chêne sessile
Géolocalisation sur la carte : Pays de la Loire
Géolocalisation sur la carte : Sarthe
Géolocalisation sur la carte : Mayenne

Forêt de la Petite Charnie
Localisation
Coordonnées 48° 05′ 02″ nord, 0° 10′ 08″ ouest
Pays France
Pays de la Loire
Géographie
Superficie 736 ha[2]
Altitude
 · Maximale
 · Minimale

186 m
117 m
Compléments
Protection ZNIEFF, type I
Statut Forêt domaniale
Essences Chêne sessile
Géolocalisation sur la carte : Pays de la Loire
Géolocalisation sur la carte : Sarthe
Géolocalisation sur la carte : Mayenne

Situation

On distingue la forêt de la Grande-Charnie à l'ouest et la forêt de la Petite-Charnie à l'est. Ce sont des éléments de l'ancienne forêt du Mans, dans laquelle le le roi Charles VI fut pris d'une crise de démence.

L'ancien canton de Sainte-Suzanne occupe à peu près le centre de la Charnie, qui comprenait, d'après François-Augustin Gérault, en outre :

La partie septentrionale est occupée par un relief collinaire (alt. 290 m au-dessus de Torcé-Viviers-en-Charnie), séparées des buttes plus élevées encore des Coëvrons par une vallée large et profonde. De ces reliefs s'écoulent quelques affluents de la Vègre, le Treulon, affluent de l'Erve, et la Vaige. La partie méridionale de la Charnie, sillonnée par ces cours d'eau, est encore accidentée, mais non montagneuse, plus fertile que la première, couverte de bois et de landes. Ces terrains incultes ou boisés s'étendaient autrefois bien plus loin.

Toponymie

Attestations anciennes

Le nom de Charnie est attesté à partir du IXe siècle sous les formes suivantes :

  • Villa sita in pago Carnicence, nomine Bonalla en 838[3]
  • Fecti in sylva Carnida quinque mansionilia en IXe siècle[4]
  • Carneia en 989[5]
  • Sylva de Salgia que est in Charnia en 1050[6]
  • Boscum Charneie, circa 1090[7]
  • Locum sancti Nicolai in sylva Carneta en 1109[8]
  • Eccl. Sancti Nicolai in Charnia en 1197[9]
  • Conventus de Charneia..., Vicus de Charneia en 1198[10]
  • Olca que est ultra Carneriam in terra B.-M. en 1202[11]
  • Joeyacum in Charneia en 1238[12]

Étymologie

« La forêt de la baronnie de Sainte-Suzanne n'était autre que la Charnie, forêt immense, dont la ville et le château de Sainte-Suzanne occupaient à peu près le point central. Le nom de "Sainte-Suzanne" ne saurait remonter au-delà de notre première race. Il n'en est pas fait mention avant le XIe siècle[13]. Le nom de la "Charnie" est d'une date bien antérieure. Le mot carneia ou ses dérivés, est fréquent dans les pays de l'ancienne Celtique, en Angleterre et en France. On lui donne plusieurs significations. Il semble que l'on y voit ordinairement attachée une idée de consécration, comme on le trouve à Carnack en Bretagne, dans le pays Chartrain, Carnutes, etc.[14] »

Selon certains[Qui ?], le nom de Charnie est issu du gaulois *carn (cf. Carnac, Charnay) qui signifie « pierre », suivi du suffixe gaulois à sens collectif -eta > Carn-ic- (le c de cette forme ancienne doit noter t, chose courante au début du Moyen Âge, c'est-à-dire *Carn-it-, -ensi est le suffixe latin localisant ajouté pour les besoins du texte rédigé dans cette langue), [Carn]-ida > -ie ou du suffixe gaulois [Carn]-ica > -ie, qui admettait la substantivation. Les formes anciennes en -eia s'expliquent par des formes françaises en -eie, latinisées maladroitement en -eia au Moyen Âge. Le sens global est donc « lieu où il y a des pierres » ou « lieu des pierres » . On y trouve en effet de nombreux monuments mégalithiques.

Toponymes en -Charnie

Plusieurs communes et lieux-dits portent le nom de Charnie :

Forêt domaniale de la Petite-Charnie

D'une superficie de 716 ha, la forêt domaniale de la Petite-Charnie s'étend sur les communes de Saint-Symphorien, Neuvillette-en-Charnie, Parennes, Tennie, Ruillé-en-Champagne, Chemiré-en-Charnie... On y trouve des feuillus, (chênes, charmes, hêtres, trembles, châtaigniers…), et des résineux (douglas, sapins de Nordmann, pins maritimes, pins Laricio…). L'ensemble de la forêt est inventoriée en Zone Naturelle d'Intérêt Ecologique Floristique et Faunistique, du fait d'une faune très riche, notamment en ce qui concerne l'ornithologie.

Forêt de la Grande-Charnie

Cette forêt s'étend notamment sur les communes de Torcé-Viviers-en-Charnie, Saint-Denis-d'Orques, Blandouet, Chammes, Saint-Jean-sur-Erve, Saint-Léger, Livet (Bois des Vallons) et Sainte-Suzanne. Points culminants : Signal de Viviers, 290 m., Saint-Nicolas, 269 m., le Mont-Noir, 222 m.

Un projet de carrière dans cette forêt est abandonné en 2009 à la suite d'une mobilisation.

Histoire

  • Saint Aldric, évêque de 832 à 856 ou 857, est le premier qui défricha la forêt de la Charnie en y créant 5 établissements agricoles. À partir du XIe siècle, les grands seigneurs favorisèrent par des concessions de droits ou de domaines les paroisses ou les familles religieuses qui se fondèrent dans leurs vastes possessions : Guy donne à l'église de Saulges son bois de Saulges dans la Charnie, avec droit de panage et la cire, en 1050 ; Patrice de Sourches permet de prendre dans la Petite-Charnie le bois vif pour construire l'église de Bernay et les bâtiments des moines, et le bois mort pour ceux de leurs hommes, 1080-1090; Raoul VII de Beaumont-au-Maine , seigneur de Sainte-Suzanne, témoin des grands exemples de vertus de saint Alleaume, l'autorisa à fonder un couvent de religieuses qu'on appela indifféremment Abbaye de la Charnie ou d'Étival-en-Charnie (1109).
  • Pour exercer leurs droits seigneuriaux et veiller à leurs intérêts dans la forêt de Charnie, les vicomtes de Beaumont avaient un segrayer[16], qui était lui-même un riche seigneur. Patry de Montgiroul exerçait, en 1406, cette fonction qui, par alliance, passa aux seigneurs de La Chapelle-Rainsouin. Georges de Préaux en était pourvu en 1565. Le segrayer devait « faire bon à son seigneur les deux tierces parties des avoynes, gélines et deniers de la recepte à ses propres coustz et despens ». Il avait « les masles des oyseaux de proie qui procédoient de la forest, faucons, autours, éperviers, laniers »; toutefois, le baron de Sainte-Suzanne, René d'Alençon , prétendait (1480) que le segrayer devait les lui garder à ses dépens. Personnellement le seigneur de La Chapelle prenait dans la forêt tout le bois nécessaire pour la réparation de ses domaines, à condition que ses sujets aidassent à faire les haies et fossés et à « huer », quand le vicomte de Beaumont voulait chasser.
  • Louis Gruau captura 67 loups dans la région de la Charnie[17] sur sa paroisse en un court espace de temps, ce qui lui valut d'être présenté à Louis XIII par Hercule de Rohan, grand veneur de France, et de publier chez Pierre Chevalier en 1613 un ouvrage sur la capture des loups : Nouvelle invention de chasse pour prendre et oster les loups de la France, comme les tables le démonstrent, avec trois discours aux pastoureaux françois[18].
  • Ce fut aussi l'asile des réfractaires en 1811-1812, qui reconnaissaient Morin pour leur chef. En prévision du retour de ces actes de rébellion, le gouvernement fit percer, en 1813, de longues allées dans la Grande-Charnie, et engagea le marquis de Sourches de Tourzel à exécuter des travaux analogues dans la Petite-Charnie.

La légende de la Dame verte

Le château et son étang au crépuscule

Éléonore-Renée de Bouillé, seule héritière d'une immense fortune, épousa en 1644 Henry de Daillon, marquis d'Illiers, fils du comte du Lude, dont elle n'eut pas d'enfants. Éléonore (†1681) est l'une des plus célèbres figures de la famille de Bouillé. Elle est célèbre pour ses excentricités masculines allant peu à la cour elle passait son temps au château de la Meute, ne s'occupant que de chasse, de chevaux et de chiens. Ayant hérité de son père d'immenses terres et d'une autorité qui l'avait fait surnommer le grand roi de la Charnie.

Mentionnée dans la correspondance de Madame de Sévigné, elle paraît cependant peu à la Cour et préfère se consacrer à sa passion, la chasse, en forêt de Charnie. Elle a fait l'objet de légendes mettant en scène sa cruauté.

On dit que son spectre, celui de la "Dame verte", hantait les murs du château du Rocher à Mézangers, propriété de la famille de Bouillé à partir de 1624[19].

D'après la légende, le Château du Rocher serait le cadre d'apparitions régulières d'une belle dame habillée de vert. Il s'agirait d'Éléonore de Bouillé, duchesse du Lude, qui reviendrait périodiquement visiter son domaine. De son vivant, elle avait été une belle femme, chasseresse impénitente, au point d'avoir un jour pénétré à cheval et avec ses chiens dans la chapelle de l'abbaye d'Étival-en-Charnie, ce qui lui vaudrait peut-être cet éternel purgatoire… Voici ce qu'en dit l'Abbé Angot :

« La Dame verte, comme les Dames blanches qu'on connaît ailleurs, préside aux destinées du château, montrant par des manifestations mystérieuses l'intérêt qu'elle prend aux évènements de la famille qui l'habite. »

La commune de Mézangers a donné le nom de « La Dame verte » à la rue qui mène au château.

Exploitation industrielle

Les richesses minérales du sol avaient permis l'établissement de deux industries :

Voir aussi

Notes et références

  1. INPN
  2. [1]
  3. Gesta Aldrici.
  4. Testam. de saint Aldric.
  5. Cartulaire d'Évron
  6. Cartulaire de la Couture au Mans, p.20.
  7. Ibid. p.31.
  8. Ménage, Histoire de Sablé, p. 22.
  9. Bilard, Archives de la Sarthe, no 640.
  10. Ibid., no 641.
  11. Cartulaire d'Évron.
  12. Bilard, no 654.
  13. Le mémorial de la Mayenne s'interroge si le château serait-il une érection normande des vicomtes de Blois, seigneurs par conquête d'une portion considérable du Maine, comme on le voit par les chartes de restauration de l'abbaye d'Évron, en 987 et années suivantes ? Cette hypothèse est mise en défaut par l'abbé Angot pour qui la restauration de l'abbaye d'Evron repose sur une supercherie historique.
  14. La forêt de Charnie pourrait avoir été la forêt sacrée, ce qui dans la circonstance s'allierait bien avec l'idée qu'entraîne presque involontairement le nom du peuple ou de la tribu qui se trouvait en arrière de cette forêt. Les Diablintes ou Diaoulites, que l'on fasse venir leur nom de la racine gréco-latine dia ou de la racine celtique diaou, diou, présenteront toujours à l'esprit l'idée de démons ou de génies, ie pays des démons ou des génies.Ref : G.D., « Anciennes forêts du département de la Mayenne », dans Mémorial de la Mayenne, 1843, t. 2, p. 126-146. Archives départementales de la Mayenne.
  15. Actuellement Saint-Denis-d'Orques, lieu-dit Les Chartreux.
  16. Le segrayer est le seigneur qui a droit pour une portion dans un bois commun, soit dans l'exploitation soit dans le prix de la vente. On entend aussi quelquefois par segrayer, celui qui fait la recette de ce droit pour le roi, ou pour quelqu'autre seigneur.
  17. Louis Gruau prouve l'efficacité de son invention en disant qu'il a pris ou fait prendre depuis peu de temps, soubs l'étendue d'une lieue, soixante-sept loups.
  18. Le théâtre de ses exploits devait être situé au nord, nord-est de Saulges, près de Saint-Pierre-sur-Erve, Thorigné-en-Charnie et de Bannes. On assomme un loup à coup de bâtons à la Verrerie, entre Chemiré-en-Charnie et Étival. Un loup malicieux pénètre dans la cour du monastère de la Chartreuse du Parc, située à l'entrée des bois de Charnie, étranglant les oies des moines et s'échappant.
  19. Ses goûts l'éloignèrent toujours de la cour, où son rang lui donnait entrée. Elle ne se plaisait que dans ses terres, avec ses chevaux et ses chiens à courre les cerfs et les chevreuils de la Charnie; elle y mourut le 22 janvier 1681, dans sa résidence de la Meute, et fut inhumée dans le caveau de l'église de Torcé.

Sources et bibliographie

« Forêt de Charnie », dans Alphonse-Victor Angot et Ferdinand Gaugain, Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, Laval, Goupil, 1900-1910 [détail des éditions] (lire en ligne)

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