Grès (géologie)

Le grès est une roche sédimentaire détritique, issue de l’agrégation de grains de taille majoritairement sableuse (0,063 mm à mm) et consolidé lors de la diagenèse. Les grains constituant le grès sont issus de l'érosion de roches préexistantes qui déterminent en grande partie sa composition, principalement constitué de quartz et feldspath. Selon le degré de cimentation et sa composition, il peut s'agir d'une roche très friable à cohérente[1]. Il se rencontre dans une grande variété de milieux de dépôt depuis le domaine continental (rivière, plage) au domaine marin (turbidites). Son équivalent non consolidé est généralement appelé sable.

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Grès
Morceau de grès (taille : 4 cm)
Catégorie Roche sédimentaire
Sous-catégorie Roche détritique terrigène
Composition chimique
variable
Minéraux principaux
variable
Texture Sable consolidé
Couleur variable (rouge, ocre, rose, vert, gris, blanc, jaune, marron, violet, doré ou argenté)
Utilisation
  • pavage
  • pierre de construction
  • pierre à meule
  • sculpture
Dureté roche très friable à cohérente

Étymologie

Le mot grès dériverait du bas latin gressius, gresum, du haut allemand griez, grioz, de l'ancien bas francique greot ou de l'allemand moderne gries qui signifient « sable, gravier »[2].

Formation

Les grès peuvent être d'origine éolienne (caractéristique : stratification éolienne oblique), marine (sédimentation en mer agitée ou grès de plage caractérisé par des rides de courant) ou d'origine mixte (avec un faciès gréseux éolien ou marin dominant).

La cimentation des grains se fait par précipitation et cristallisation des sels (notamment les sels de fer oxydés par l'eau de pluie) dissous dans l’eau interstitielle. Ce processus s'appelle la « grésification »[3].

Les grains (donnant un toucher granuleux à la roche[4]), et le ciment entre ces grains peuvent avoir une composition différente selon l’origine et l’histoire de ce grès. Les dépôts successifs de sable se retrouvent dans la stratification du grès.

Le ciment et les éléments accessoires donnent à la roche sa couleur : la teinte jaune, orange, brun, rouge est fonction de la présence d'oxyde de fer (limonite, hématite ; la teinte verdâtre tient à la présence de chlorite, la teinte noire à des oxydes de manganèse ou à de la matière organique, la teinte grise provient de débris de roches sombres[5],[6].

Grès définis par leur ciment

Une distinction s'opère entre grès suivant le ciment qui unit les grains[7].

Selon la qualité de la cimentation, le grès est plus ou moins dur et poreux. Les carriers définissent la qualité d’un grès par le son que produit le marteau sur la roche. Un grès « PIF » (son aigu) est de bonne qualité, bien cimenté et idéal pour l’utilisation. Un grès « POUF » (son creux, évoquant l’effondrement du matériau sous le marteau) a un ciment poreux et perméable. Ce grès plus friable n'est pas utilisé en construction mais pouvait fournir des pierres à filtrer[8]. Plus récemment les couches géologiques constituées de tels grès peuvent former de bons réservoirs d'eau, de pétrole ou de gaz. Un grès « PAF », intermédiaire, présente quelques risques de fissures mais est moins perméable qu’un grès « POUF », pouvant être utilisé en pavage[9].

Grès siliceux

Grès constitué de grains de quartz, en lumières polarisée et polarisée-analysée.

Grès à ciment d'opale, de calcédonite, de quartz (grès quartzitique).

  • Quartzite Grès, dont le grès de Fontainebleau qui servit à paver les rues de Paris avant qu'il ne soit supplanté par le granite breton
  • Un grès quartzeux est composé uniquement de quartz.
  • Un quartzite est un grès très siliceux à ciment siliceux, provient de la diagenèse ou du métamorphisme de sable quartzeux.

Dans l’ouest de la France, la roche connue sous l’appellation de grès armoricain est un sable marin littoral cimenté, généralement à granulométrie très fine, de teinte blanchâtre, souvent très pure, fréquemment recristallisé (recristallisation secondaire des vides situés entre les grains de sable), passant alors à de la quartzite, formant une des roches les plus résistantes du Massif armoricain[10]. Ce grès correspond en Bretagne à la première transgression marine qui a suivi l'érosion des chaînes de montagne cadomiennes (lesquelles devaient culminer à environ 4 000 m avant d'être fortement pénéplanées[11]) et s'est prolongée durant toute la période ordovicienne. Il constitue les hautes falaises déchiquetées de la presqu'île de Crozon, les lourdes croupes du Ménez-Hom ou de Ménez Kador[12], les rochers d'escalade de Plougastel, les escarpements de Pont-Réan à l'entrée de la cluse de la Vilaine, les hautes falaises de certaines côtes (cap de la Chèvre, des pointes de Dinan, du Grouin, du Toulinguet), les flancs des synclinaux (synclinorium de Laval, synclinaux au sud de Rennes)[13]. Dépôts de mers peu profondes, les grès armoricains conservent encore parfois des surfaces à ripple-marks, ainsi qu'une grande diversité de traces fossiles ou ichnofaciès[14]. Ils présentent une épaisseur très variable[15] de quelques dizaines à plusieurs centaines de mètres, pouvant même atteindre 800 m environ dans la partie Sud de la presqu’île de Crozon. À leur partie supérieure, ils admettent des lits rouge sombre, très riches en rutile et zircon, qui représentent des placers littoraux fossiles, déposés sur les hauts de plages de la mer ordovicienne[16].
Par suite de leur dureté et de leur ténacité, ces grès se façonnent difficilement. Ils ont été et sont encore aujourd’hui recherchés comme matériau d’empierrement, granulats et enrochements, et comme pierre de bâti, conférant aux constructions une pérennité exceptionnelle et une blancheur qui évoque celle de certains calcaires[17].

Grès à ciment calcaire

Les grès prennent le nom de poudingues lorsqu'ils sont formés de cailloux roulés empâtés dans un ciment calcaire ou argileux. Ils prennent le nom de brèches lorsqu'ils sont formés de cailloux anguleux réunis par un ciment plus ou moins abondant. Les grès produisent des étincelles sous le choc de l'acier et ne font pas effervescence avec les acides. Ils sont souvent complètement blancs et parfois colorés en gris ou en rouge par certains oxydes métalliques et principalement des oxydes de fer. La cassure du grès est unie quelquefois brillante et quelquefois mate[8].

Grès à ciment dolomitique

Les grès à ciment dolomitique sont beaucoup plus rares que les grès à ciment calcaire.

En France, ils ne sont connus que par les concrétions dolomitiques que l'on observe dans des dolomies du Dévonien à Roque-Brun (Hérault), des calcaires dolomitiques du Jurassique à Mourèze (Hérault), dans des sables éocènes du bassin parisien[18].

Grès à ciment calcaréo-argileux

Le nom de macigno est un terme italien qui sert à désigner des grès à grains très mal classés, à ciment calcaréo-argileux avec feldspaths et micas abondant.

Ces grès ont été déposés par des courants de turbidité, se produisant par éboulement de matériaux détritiques sur le bord du talus continental. Ces courants denses étalent au fond de la mer, d'une manière uniforme, des matériaux détritiques assez grossiers qui normalement ne devraient pas se rencontrer à pareille profondeur.

c'est par exemple le cas des grès du crétacé de Bryce Canyon dans l'Utah. issus des sédiments de rivières fait silice, et argile s'écoulant dans une mer peu profonde, ou ils se sont enrichis de calcaire.[18]

Grès argileux

ils sont limités à certaines formations continentales d'un type particulier, comme les formations de Houiller. Le ciment d'argile est, dans ce cas, formé de kaolinite avec leverriérite groupement épitaxique de muscovite et de kaolinite. Les minéraux argileux peuvent présenter une allure concrétionnée.

Ces grès peuvent être de plus ferrugineux, le fer intervenant pour colorer le grès en rouge[18].

Grès ferrugineux

Bloc de grès ferrugineux de la formation Breathitt (en), aux États-Unis.

Ils sont de couleur orange/ocre, due à l'oxydation du fer dans l'eau.

Ils peuvent avoir un ciment de sidérite, de chlorite, d'hématite brune ou rouge, ou de pyrite[18]. On trouve des grès ferrugineux du Permien dans les sols à proximité du lac du Salagou (Hérault).

Grès glauconieux

On distingue les grès glauconieux des grès phosphatés.

Dans les grès glauconieux, la glauconie est en grains remaniés[18].

Grès phosphatés

Dans ces grès, c'est le phosphate qui est en grains remaniés[18].

Grès non définis par leur ciment

Une autre tradition veut qu'on ignore le ciment pour désigner le grès. Le grès est défini par l'élément dont il est défini de manière singulière[pas clair][7].

Grès micacé

Une psammite est un grès micacé.

Arkoses

Une arkose est un grès grossier, feldspathique, à peine lité, souvent issu de l'induration d’une arène granitique.

Grauwakes

Surface d'un bloc de grauwacke.

Une grauwacke est un grès gris-sombre, brun… très dur, contenant en plus des grains de quartz d'autres éléments de roches diverses.

Composition minéralogique

composition minéralogique de quelques grès (en volume %)
types de grèsQuartzFeldspathMicaMinéraux
argileux
chloriteCarbonatesDivers
grès à Spirifer706102-66
grès bigarré652011---4
grauwacke41359111112
arkose3523316418

Érosion

Certains grès peuvent subir une altération rapide. Cette altération dépend de :

  • La propension à absorber l’eau et à sécher, la circulation de l’eau dans les pores, le gel.
  • La composition du ciment : les grains dans un ciment calcaire se déchaussent plus rapidement, à la suite d'une dissolution plus rapide de ce ciment. Certaines constructions sont dans ce cas et nécessitent de fréquentes restaurations.
  • La présence d’une matrice argileuse (plutôt que d'un ciment).

En s'altérant, le grès peut redevenir du sable et recommencer un cycle de sédimentation.

Modelés dus à l'érosion dans du grès

Utilisation

Les grès sont utilisés dans les Travaux publics (empierrements, granulats, centrales à béton, enrochements littoraux), le bâti, la sculpture, la fabrication de meules naturelles et de pavés ou de dallages. À ces emplois majeurs s’ajoutaient dans le passé quelques utilisations particulières (pierres à aiguiser, pierres réfractaires), érection des mégalithes.

Maçonnerie et sculpture

Certains blocs de grès de l'église Saint-Gilles d'Étampes sont teintés de jaune ou de fauve en raison de leur richesse en oxydes de fer[19].

Les grès sont souvent d'excellentes pierres de construction, le plus souvent non gélives. Mais le "grès" étant un terme général qui désigne des roches de formations et de textures très différentes, les différents grès ont des consistances et des duretés très variables et leurs propriétés techniques sont incomparables. Certains grès poreux et peu cimentés sont relativement légers et sont aussi faciles à travailler et à scier que du calcaire tendre, tandis que d'autres sont plus durs et lourds que le granite (comme le grès silicifié ou quartzite). Cela détermine fortement l'utilisation que l'on peut en faire. Il doit être choisi soigneusement en rejetant les pierres fissurées, non homogènes, contenant des trous ou des inclusions de galets. Selon sa provenance, la roche peut être colorée dans une infinité de nuances : ocre, rose, jaune, orangé, brun, gris, blanc, violacé… et veinée ou marbrée. Dans certains gisements massifs et homogènes on peut trouver des blocs de grès bruts de très grandes dimensions, tandis que dans d'autres gisements ils ne forment que de fines strates hétérogènes qui déterminent les utilisations possibles.

Les applications dans le bâtiment sont très nombreuses :

  • les grès durs et étanches sont souvent utilisés comme appuis de fenêtres, seuils de portes, encadrements de fenêtres, linteaux, acrotères, marches d'escaliers, margelles de puits, éviers en pierre, caniveaux, bordures de trottoirs, fondations et soubassements des bâtiments (pour l'étanchéité), colonnes, murs solides et fortifications, etc.
  • les grès plus légers et tendres sont plus souvent utilisés en architecture et sculpture comme pierre de taille courante pour l'élévation des bâtiments ; ils permettent tous types de fantaisies, à la manière des pierres calcaires.
  • certains grès sont trop tendres ou fissurés pour pouvoir servir directement en architecture, on peut cependant les réduire en sable et gravats pour remplir mortiers, bétons, briques ou torchis.
Quelques exemples d'utilisation du grès

Pavage à Paris et Lyon

Déjà au temps des Romains, les rues de Paris étaient pavées en grès de Fontainebleau[20]. On l'a par la suite remplacé par des granites bretons, moins glissants. Une partie des pavés de Paris sous Haussmann a aussi été extraite de carrières d'Orsay ; c'est une des raisons du prolongement de la ligne de Sceaux jusqu'à Orsay - (elle fut même prolongée jusqu'à Limours à d'autres fins).

Dans l'entre-deux-guerres, la carrière de grès de Courzieu était utilisée pour la voirie de Lyon.

Le grès se débite par sciage en plaques de dimensions importantes permettant de réaliser des dallages très résistants et décoratifs.

Formations de grès

Grès de Potsdam affleurant le long de la rivière Raquette (New York).

Le grès de Potsdam est une formation géologique datant du milieu à la fin du Cambrien située au nord des états américains de New York et du Vermont ainsi qu'au sud du Québec. Découvert au XIXe siècle, il est formé par cémentation de grains de quartz. Souvent de couleur rouge et ocre avec pigments rouges, il est utilisé dans la construction, les réfractaires et les garnitures de fours pour la fusion des métaux[21].

Calendrier républicain

Notes et références

  1. François Michel, Roches et paysages, reflets de l’histoire de la Terre, Paris, Belin, Orléans, brgm éditions, 2005, (ISBN 2-7011-4081-1), p. 208
  2. « Grès », sur Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) (consulté le ).
  3. François Michel, Roches et paysages, Éditions Belin, (lire en ligne), p. 209.
  4. La cassure est quant à elle lisse ou granuleuse selon la dureté de ciment.
  5. Paul Fourmarier, Principes de géologie, Masson, , p. 39.
  6. (en) Stephen E. Kesler et Hiroshi Ohmoto, Evolution of Early Earth's Atmosphere, Hydrosphere, and Biosphere, Geological Society of America, (lire en ligne), p. 158-160.
  7. André Vatan. Manuel de sédimentologie. Éditions TECHNIP, 1967 google books
  8. Louis Prud'homme. Cours pratique de construction, rédigé conformément au paragraphe 5 du programme officiel des connaissances pratiques exigées pour devenir ingénieur…Baudry, 1870. (Livre numérique Google)
  9. Patrick De Wever, Voyage d'un grain de sable, EDP Sciences, , p. 13.
  10. Bruno Cabanis, Géologie et paysages de Bretagne, éditions Jean-Paul Gisserot, , p. 25.
  11. (en) J. Chantraine, E. Egal, D. Thiéblemont, E. Le Goff, C. Guerrot, M. Ballèvre et P. Guennoc, « The Cadomian active margin (North Armorican Massif, France): a segment of the North Atlantic Panafrican belt », Tectonophysics, vol. 331, nos 1-2, , p. 1-18 (DOI 10.1016/S0040-1951(00)00233-X).
  12. Plis amples de grès armoricain qui atteignent près de 500 m d'épaisseur dans les monts d'Arrée.
  13. Yann Brekilien, La Bretagne, Éditions d'Organisation, , p. 25.
  14. Traces verticales d’habitation telles que Skolithos, Teichichnus, Daedalus, Arenicolites, Monocraterion, Diplocraterion, traces horizontales de reptation telles que Rusophycus ou Cruziana. cf. Jacques Durand, Le Grès Armoricain. Sédimentologie - Traces fossiles - Milieux de dépôt, Géologie appliquée, Université Rennes 1, 1985, 217 p.
  15. Ces variations d’épaisseur sont la traduction d’une distension tectonique Nord-Sud à l'origine d'une subsidence différentielle importante.
  16. Ces minéraux lourds déposés en haut de plages ont fait l'objet de prospection (une forte radio-activité, due au thorium contenu dans le zircon, a rendu possible leur prospection détaillée par scintillométrie) et d'exploitation minière. cf. François de Beaulieu, La Bretagne. La géologie, les milieux, la faune, la flore, les hommes, Delachaux et Niestlé, , p. 14.
  17. Louis Chauris, « Pour une géo-archéologie du Patrimoine : pierres, carrières et constructions en Bretagne. Deuxième partie : Roches sédimentaires », Revue archéologique de l'Ouest, no 27, , p. 171 (DOI 10.4000/rao.1384).
  18. Gilles Merzeraud, Sédimentologie : Faciès et environnements sédimentaires, De Boeck Supérieur, , 272 p. (ISBN 978-2-8073-1327-9 et 2-8073-1327-2, lire en ligne)
  19. Guillaume Billet, Benjamin Bonnefoy, Patrick de Wever, Alexandra Houssaye, Didier Merle, Promenade géologique à Étampes, éditions Bitopoe, , p. 24.
  20. Louis-Laurent Simonin, Les Merveilles du monde souterrain, Hachette, 1869, p.118. Consultable en ligne.
  21. (en) James Carl, « Potsdam Sandstone : Composition and Qualities », Potsdam Sandstone, Potsdam Public Museum, no 109, (lire en ligne, consulté le ).
  22. Ph. Fr. Na. Fabre d'Églantine, Rapport fait à la Convention nationale dans la séance du 3 du second mois de la seconde année de la République Française, p. 22.

Voir aussi

Bibliographie

  • François Michel, Roches et paysages, reflets de l’histoire de la Terre, Paris, Belin, Orléans, brgm éditions, 2005 (ISBN 2-7011-4081-1), p. 208-213.
  • A. Foucaut & J.-F. Raoult, Dictionnaire de Géologie, Masson, coll. « Guides géologiques régionaux », Paris, 1980, 231 p., broché, 13 × 23 cm (ISBN 2-225-65461-1).

Articles connexes

Liens externes

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