Charles N'Tchoréré
Charles N'Tchoréré, né le à Libreville et mort le à Airaines (France), est un officier français du Gabon ayant servi dans l'armée française lors des deux guerres mondiales. Pendant la bataille de France, son unité est encerclée dans Airaines par la Wehrmacht et contrainte à la reddition après plusieurs heures de combat. Alors que les soldats allemands séparent les prisonniers blancs des noirs, considérés par les nazis comme des untermensch (« sous-hommes »), le capitaine s'insurge avec ses hommes et il meurt exécuté sur place d'une balle dans la tête.
Charles N'Tchoréré | ||
Plaque de la 198e session de IHEDN à leur parrain de promotion, à Airaines. | ||
Naissance | Libreville |
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Décès | (à 43 ans) Airaines (Somme) |
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Origine | Afrique-Équatoriale française | |
Allégeance | France | |
Arme | Infanterie coloniale | |
Grade | Capitaine | |
Années de service | 1916 – 1940 | |
Conflits | Première Guerre mondiale Seconde Guerre mondiale |
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Après sa mort, il devient un symbole de l'engagement et du sacrifice des troupes africaines au service de la France.
Biographie
Premières armes
Fils de notables gabonais, Charles N'Tchoréré interrompt ses études pour entrer dans la vie active. Il occupe un poste commercial au Kamerun, alors colonie allemande.
À la déclaration de guerre en 1914, il quitte le Cameroun et rentre au Gabon. Il s'engage au service de la France et s’enrôle dans les tirailleurs sénégalais en 1916. Il y fait la preuve de sa valeur et est nommé sergent.
La Première Guerre mondiale terminée, il reste dans l'armée. Promu adjudant en 1919, il sert au Maroc. À l'issue d'une formation militaire à l'école d'officiers de Fréjus, il devient en 1923[1] un des rares Africains à recevoir les épaulettes d'officier à titre indigène et est nommé lieutenant à titre indigène en 1926[2]. Il sert ensuite en Syrie où il est blessé au combat.
Revenu en Afrique en 1925, il sert au Soudan français. Le ministre de la guerre rédige à son sujet un témoignage de satisfaction, le 17 novembre 1925 : « A fait preuve de qualités de travail et d’intelligence, ainsi que du désir de perfectionner son instruction générale en publiant sur le Gabon, dont il est originaire, un travail très intéressant paru dans la Revue des troupes coloniales en 1925[3],[4] ».
Après avoir été nommé à titre français lieutenant en 1927[5], N'Tchoréré est promu en 1933 capitaine[6] et commande l'École des Enfants de Troupe à Saint-Louis du Sénégal, puis, en 1931[7] et 1936[8], il est muté pour servir en Afrique-Occidentale française.
Seconde Guerre mondiale
En 1939, lors de la Seconde Guerre mondiale, il demande à partir pour le front. Naturalisé français en juin 1940, le capitaine N'Tchoréré sert l'armée française dans la Somme, à la tête de la 5e compagnie du 2e bataillon aux ordres du commandant Seymour, du 53e régiment d’infanterie coloniale mixte sénégalais (53e RICMS), aux ordres du colonel Polidori.
Les combats d'Airaines des 5, 6 et 7 juin 1940
Charles N'Tchoréré est estimé des autres officiers et cadres européens placés sous son commandement. Sa compagnie est postée au centre d’un dispositif ayant pour mission de défendre la petite ville d’Airaines, située à 30 kilomètres à l'ouest d’Amiens, contre l’attaque des forces allemandes venues par la Belgique.
La 5e compagnie a constitué un point d’appui dans un groupe isolé de maisons, au nord du bourg. Le premier assaut allemand qui se produit le 5 juin est repoussé, ainsi qu'un second assaut le lendemain. Le 6 juin, la ville est contournée et encerclée par les Allemands, et subit un intense bombardement combiné de l’aviation et de l’artillerie ennemies, qui détruit presque entièrement la bourgade, mais sans briser la résistance des hommes de Charles N'Tchoréré.
Devant cette résistance inattendue, une délégation allemande se présente pour parlementer et tenter d’obtenir la reddition du bataillon qui défend Airaines, mais essuie un refus du commandant Seymour. Cet intermède est suivi de tentatives d’infiltration de l’infanterie légère allemande, qui est repoussée dans les bois par une contre-attaque de la compagnie du capitaine N'Tchoréré.
De nouveaux bombardements plus intenses s'abattent encore sur Airaines dans la nuit du 6 au 7 juin. Une nouvelle vague d'assaut allemande, appuyée par des chars, est pourtant à nouveau repoussée par la 5e compagnie. Celle-ci, toujours vaillante, oppose une résistance farouche, ayant mis huit Panzers hors de combat.
À la suite d'une infiltration, les Allemands reviennent à l’assaut et parviennent à faire sauter le dépôt de munitions du bataillon. Privée de celles-ci, la position du bataillon devient intenable, aussi le commandant Seymour décide-t-il de tenter une sortie vers le sud, en brisant le dispositif d’encerclement. Le capitaine N'Tchoréré réclame l’honneur de rester sur place, afin de couvrir la retraite du bataillon, ce que le commandant Seymour accepte[9].
Pendant que les restes du bataillon forcent au sud le barrage ennemi, la 5e compagnie, restée seule en arrière-garde, subit l’assaut allemand au nord. C’est au moyen de lance-flammes que les soldats allemands réduisent, une à une, les dernières poches de résistance[10].
À dix heures du soir, la 5e compagnie ne compte plus que quinze hommes valides : dix Africains et cinq Européens, dont les munitions sont épuisées. Ils ne peuvent plus que se rendre et hissent le drapeau blanc : le capitaine N'Tchoréré sort en tête des survivants.
Exécution
Les hommes du 25e régiment d'infanterie allemand séparent alors les Africains des Européens[11]. Le capitaine N'Tchoréré refuse d’être considéré comme un Untermensch (« sous-homme ») et fait valoir sa qualité d’officier français. En dépit des vives protestations de ses camarades, et en violation de la Convention de Genève du 27 juillet 1929, les Allemands exécutent sommairement le capitaine N'Tchoréré d'une balle tirée derrière la tête[12]. Les assassins ne provenaient pas d'une division SS, mais de la 7e division blindée allemande, sous les ordres d'Erwin Rommel[13]. Son corps aurait ensuite été broyé sous les chenilles d’un char[13].
Son fils, le caporal Jean-Baptiste N'Tchoréré du 2e régiment d'infanterie coloniale, né en 1917 à Libreville, est mortellement blessé sur le front de la Somme à Remiencourt[14]. Il succombe à ses blessures, le 8 juin 1940. Il est inhumé au cimetière communal de Remiencourt[15].
Hommages et distinctions
Hommages et distinctions militaires
La carrière héroïque et la mort tragique du capitaine Charles N'Tchoréré sont devenues des symboles de l’engagement et du courage des 80 000 soldats africains français qui combattirent pour la France. Combattant volontaire, blessé au combat, titulaire de nombreuses décorations militaires et mort pour la France, Charles N'Tchoréré était l’auteur d’un rapport sur la promotion sociale des sous-officiers indigènes, qui a été adopté dans la plupart des unités africaines.
Décorations
- 11 décembre 1925 : Croix de guerre des Théâtres d'opérations extérieurs avec étoile d'argent avec la citation suivante à l'ordre de la division : Le général commandant provisoirement en chef l’armée du Levant cite à l’ordre de la division N’Tchorere, sous-lieutenant indigène à la 7e compagnie du 17e régiment de tirailleurs coloniaux : « Officier de valeur, d’une bravoure remarquable. A été grièvement blessé à la mâchoire au cours du combat du 30 au 31 juillet[16] » ;
- Chevalier de l'ordre de l'Etoile noire du Bénin, 1926 ;
- Chevalier de la Légion d'honneur, le 31 décembre 1930[17] ;
- Croix de guerre 1939-1945 avec étoile de vermeil ;
- Octobre 1940 : cité, à titre posthume, à l’ordre de la division : « Commandant de compagnie plein d’allant et de bravoure. Lors des combats des 5,6 et 7 juin 1940, a infligé à l’ennemi des pertes sérieuses. A donné à tous l’exemple du mépris du danger par son activité sous le feu de l’ennemi »[17] ;
- août 1954 : cité, à titre posthume, à l’ordre du corps d'armée : « Commandant de compagnie plein d’allant et de bravoure. Lors des combats des 5, 6 et 7 juin 1940, a infligé à l’ennemi des pertes sérieuses. A donné à tous l’exemple du mépris du danger par son activité sous le feu de l’ennemi. A trouvé une mort glorieuse au cours de l’action du 7 juin 1940 »[17].
Hommages militaires
- La promotion 1957-1959 de l’École de formation des officiers ressortissants des territoires d’outre-mer (EFORTOM, Fréjus) prend le nom de Capitaine N’Tchoréré
- En 2014, la 198e session de l'Institut des hautes études de Défense nationale (IHEDN) choisit de prendre le nom de session « Capitaine Charles N'Tchoréré » pour rendre hommage à ce héros des deux guerres mondiales.
- Au Sénégal : À Saint-Louis-du-Sénégal le Prytanée militaire porte désormais son nom.
Hommages civils
- 2014-2015 : Frères d'armes, série télévisée historique de Rachid Bouchareb et Pascal Blanchard : présentation de Charles N'Tchoréré par Rokhaya Diallo[18].
- À Airaines :
- Une voie publique du bourg porte le nom d'« avenue du Capitaine-N'Tchoréré ».
- Monument à la mémoire du capitaine N'Tchoréré et des combattants africains de l'armée française a été érigé. Ayant la forme d'un simple mur blanc il porte cette dédicace:
- « Au capitaine N'Tchoréré mort héroïquement le 7 juin 1940 et à tous les combattants d'Afrique noire qui ont versé leur sang pour la France.
- Ce monument a été érigé grâce à l'action militante de deux Picards, Albert Poiré et de son épouse Raymonde qui levèrent des fonds pour la construction du monument, inauguré le 7 juin 1965, en présence des autorités politiques et diplomatiques gabonaises, notamment Louis Bigman, Président de l’Assemblée nationale gabonaise, Georges Rawiri, ambassadeur du Gabon en France[19]... ;
- Au Gabon :
- en 1962, un timbre poste gabonais à sa mémoire a été édité.
- Libreville, une statue du capitaine N'Tchoréré a été érigée dans le quartier Rénovation
Notes et références
Notes
Références
- « Décret du 24 mars 1923 portant promotion dans l'infanterie coloniale », Journal officiel de la République française, , p. 2936 (lire en ligne).
- « Promotions trimestrielles du 25 septembre 1926 : Armée coloniale », L'Ouest-Éclair, , p. 12 (lire en ligne).
- Témoignage de satisfaction N° 1508 C/8 du 17 novembre 1925, mentionné in « Charles N’Tchoréré (1896-1940) », Tirailleurs sénégalais, Radio France internationale, (consulté le ).
- Charles N'Tchoréré, « Le Gabon », Revue des troupes coloniales, , p. 16-31 (n°de janvier-février) et 157-178 (N° de mars-avril), mentionné dans le « Mouvement bibliographique » de la Revue d'Infanterie, n°394, , p.463 et la revue La Géographie : bulletin de la Société de géographie, juin 1925 p.246.
- « Décret du 28 août 1927 portant nomination à titre français au grade de lieutenant de N'Tchoréré », Journal officiel de la République française, , p. 9363 (lire en ligne).
- « Décret du 21 décembre 1933, portant promotion dans l'arme de l'infanterie coloniale (...) : Au grade de capitaine », Journal officiel de la République française, , p. 12825.
- « Mutations bimensuelles : Troupes coloniales », L'Ouest-Éclair, , p. 9 (lire en ligne).
- « Mutations bimensuelles : Troupes coloniales », L'Ouest-Éclair, , p. 12 (lire en ligne).
- « « Gabao style », hommage au Capitaine Chares N'Tchoréré, citant le livre de Louis Bigmann, président de l'Assemblée nationale du Gabon » (consulté le ).
- Alain Aka, « Un héros sort de l'ombre : Charles N'Tchoréré, venu du Gabon, mort pour la France : Le prestigieux Prytanée militaire de Saint-Louis, au Sénégal, porte son nom. Sa devise : "Savoir pour mieux servir". », Le Point Afrique, (lire en ligne).
- Scheck 2007, p. 72-73.
- « capitaine Charles N’Tchoréré (1896-1940) », Une autre histoire - histoires oubliées, histoires occultées (consulté le ).
- Richardot 2009.
- Laurent Touchard, « IIe guerre mondiale : le sang des Africains (1re partie) », Jeune Afrique, (lire en ligne).
- Landry Mandoukou, « Jean-Baptiste N'TCHORÉRÉ - les Hommages des Remiencourtois - 24 mai 2014, Remiencourt(80) : Le village de Remiencourt dans le département de la Somme (80) compte 190 habitants. Avec leur Maire Hugues de Francqueville, le Conseil Municipal et le Comité des Fêtes, ils ont commémoré le samedi 24 mai 2014 la Bataille de Remiencourt du 07 juin 1940 qui conduira à la destruction du village tout entier par l’Allemagne nazie. », Actualités, Club international négritude (consulté le ).
- Ordre général n° 395 du 11 décembre 1925
- « N’TCHORÉRÉ Charles (1896 – 1940) Mort pour la France, Mémoire des hommes »
- Charles N'Tchoréré raconté par Rokhaya Diallo France 3, 21 novembre 2014
- Dr. Ricky Nguema-Eyi, « Charles N’Tchoréré, "un tirailleur sénégalais" mort pour la France... », Portraits, (consulté le ).
Annexes
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Louis Bigmann, Le Capitaine Charles N'Tchoréré, Abidjan, NEA et Lion, (présentation en ligne).
- Patrick Ceillier, « Charles N'Tchoréré, un même héros pour le Gabon et pour la France », Gabon Magazine, no 3,
- Charles Eboulé, « La France rend hommage au Capitaine Charles N'Tchoréré », Gabon Magazine, no 12,
- Jean-Patrick Mackossaud, Charles N’Tchoréré, un héros gabonais mort pour la France, Montigny-le-Bretonneux, Yvelinédition, , 141 p. (ISBN 978-2-84668-259-6)
- Jean-Pierre Richardot, 100 000 morts oubliés : La bataille de France, 10 mai-25 juin 1940, Paris, Le Cherche midi, .
- Raphaël Scheck, Une saison noire : Les massacres de tirailleurs sénégalais. Mai-juin 1940, Paris, Tallandier, .
Liens externes
- « Charles N'Tchoréré », Les Chemins de mémoire, Ministère de la défense
- Les Tirailleurs sénégalais, les soldats noirs entre légende et réalité 1939-1945
- Armée et histoire militaire françaises
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