Charles Angrand

Charles Théophile Angrand, né le à Criquetot-sur-Ouville et mort le à Rouen, est un peintre néo-impressionniste français de l'École de Rouen, de convictions libertaires.

Pour les articles homonymes, voir Angrand.

Biographie

Couple dans la rue (1887), Paris, musée d'Orsay.

Charles Angrand est le fils de Pierre-Charles Angrand, instituteur, et d'Élisa, née Grenier.

Il est pensionnaire à l'École normale d'instituteurs de Rouen de 1871 à 1874, date à laquelle il obtient son brevet de capacité de l'enseignement secondaire spécial. En 1875, il est nommé aspirant répétiteur, puis maître répétiteur au lycée Corneille de Rouen, jusqu'en 1881.

Une visite de l'exposition rétrospective de Camille Corot, à l’École des beaux-arts de Paris, conforte sa vocation d’être peintre. Il suit alors parallèlement les cours de l’école municipale de peinture et de dessin de Rouen, sous la direction de Gustave Morin. En 1878, il participe pour la première fois à une exposition, à l’occasion du 26e Salon municipal des beaux-arts de Rouen.

Nommé répétiteur au lycée Chaptal, boulevard des Batignolles, il gagne Paris en 1882, où il poursuit sa carrière de peintre. Vers 1883-1884, il rencontre Georges Seurat, avec lequel il se lie d'amitié et dont il subira l'influence. Il participe activement à la fondation de la Société des artistes indépendants qui organise annuellement le Salon des indépendants. Vers 1886, il noue également des liens avec Vincent van Gogh, Paul Signac, Albert Dubois-Pillet et Maximilien Luce.

Van Gogh proposa à l'artiste un échange de tableaux, peu après sa visite de l'exposition des Indépendants, fin octobre 1886. Le peintre hollandais désirait acquérir Les Poules : dans la basse-cour, une peinture de 1884.

Françoise Cachin et Bogomila Welsh-Ovcharov soulignent l'influence que la peinture d'Angrand eut alors sur le style de van Gogh : « Vincent ne fut sans doute pas long à remarquer l'épaisseur de la touche sur l'ensemble de la composition », trait caractéristique des toiles d'Angrand qu’« il prit en considération dans l'évolution de sa propre technique[1]. »

Il étudie la technique du crayon Conté, utilisé par Seurat, dès 1890, et crée, après une série biblique commencée en 1894, la série des Maternités. Il expose chez Le Barc de Boutteville en 1894-1895[2].

Après un bref retour à la peinture à l'huile, entre 1905 et 1908, il se dirige vers le pastel, qui devient sa technique de prédilection jusqu'à la fin de sa vie, en 1926.

Charles Angrand est enterré au cimetière monumental de Rouen[3].

Engagement libertaire

Charles Angrand participe au financement du journal Les Temps nouveaux, édité par Jean Grave, en offrant des œuvres destinées à des tombolas notamment en avril 1899 (La Lessive) et en 1908.

Une première réalisation, destinée à l'Album de lithographies initiée dès 1896, portant le titre Dehors!, envoyée à Jean Grave en décembre 1899, est refusée[4].

En dépit de ce revers, Angrand persiste dans son engagement. Jean Grave publie en frontispice de Patriotisme-Colonisation (1903) un dessin en apparence plus conventionnel, Frontières[5].

Les Temps nouveaux publie deux autres réalisations de l'artiste en 1907 dans les numéros du 4 mai, un Semeur, et du 28 septembre, On tue ce qu'on peut… Superbe, ce Marocain-là. En 1914 paraît dans le numéro du 27 juin un dessin : une femme à l'enfant. L’œuvre On tue ce qu'on peut est reprise, de façon non légendée, par Jean Grave en février 1927 pour la couverture d'un fascicule.

1913, Jean Grave réédite le libelle de Pierre Kropotkine La Loi et l'Autorité[6] avec pour illustration de couverture un dessin expressionniste d'Angrand.

La correspondance connue entre l'artiste et le fondateur des Temps nouveaux couvre 26 ans  de 1899 à 1925  et comprend 13 lettres de Charles Angrand, dont deux inédites.

C'est très vraisemblablement sous la sollicitation de Maximilien Luce, comme l'indique Jean Grave dans Le Mouvement libertaire sous la 3e République (1930)[7], qu'Angrand participa au renflouement des caisses du journal, et à l'illustration.

Œuvre

Dans une série d'articles parue en 2015, Jean-Baptiste Kiya, à partir de la Correspondance et les publications de Gustave Coquiot, démystifie la rumeur selon laquelle l'artiste, accablé par la disparition de son ami Seurat, en aurait délaissé la peinture[8]. Il montre, au contraire, que les années 1900 correspondent, pour le néo-impressionniste retiré à Saint-Laurent-en-Caux, à une période d'intense bonheur, doublé d'un élan mystique, qui se sont traduits par la production de dessins aux crayons Conté remarquables (Autoportrait, Ma mère, Les Maternités, Antoine, Emmanuel, Le Bon Samaritain, L'Apparition aux bergers…). Un ensemble d'indices, précise Kiya, qui indique que les tableaux Antoine (Paris, musée d'Orsay) et Emmanuel (Art Institute of Chicago), ayant figuré à l'exposition Paul Durand-Ruel de 1899, représentaient les fils naturels du peintre et d'une couturière qui travaillait pour son ami « tailleur d'habits », Benoni Néel, et que ces naissances ont eu une répercussion considérable sur son approche artistique.

Œuvres dans les musées

États-Unis
France
  • Caen, musée des Beaux-Arts : Nu debout, huile sur toile.
  • Paris, musée d'Orsay :
    • Les Villottes, entre 1887 et 1889, huile sur carton[10] ;
    • Couple dans la rue, 1887, huile sur toile[11] ;
    • Antoine endormi, vers 1896, crayon Conté, 62 × 48 cm ;
    • La Maison blanche'', 1918-1920, pastel sur papier[12], 53 × 4 cm.
  • Rouen, musée des beaux-arts :
    • Vue intérieure du musée des beaux-arts de Rouen en 1880, 1880, huile sur toile, 114 × 154 cm[13] ;
    • Dans le jardin, ou Le Jardinier, 1885, huile sur toile, 72 × 91 cm[14].
Suisse
  • Genève, Petit Palais :
    • Félicien Pascal lisant, 1884, huile sur toile, 32,5 × 40,5 cm ;
    • La Mère de l'artiste cousant, 1885, huile sur toile, 32 × 41 cm;
    • La Seine à l'aube (La Brume), 1889, huile sur toile, 65 × 81 cm ;
    • Maternité, 1897-1899, crayon Conté, 61 × 81 cm ;
    • Étreinte maternelle, 1897-1899, crayon Conté, 61 × 81 cm;
    • Maternité, 1898, crayon Conté, 50 × 64 cm ;
    • Paysan tondant sa haie (Le Coupeur de haie), vers 1903, crayon Conté, 47 × 62 cm ;
    • Fin de moisson, 1903, crayon Conté ;
    • La Cour de ferme (Maison dans une clairière), 1903, huile sur toile, 50,4 × 65,3 cm ;
    • Les Oies effarouchées (Le Retour à la ferme), 1903, crayon Conté, 47 × 67 cm ;
    • Les Scieurs de bois (/de bûches), 1905-1911, fusain, 49 × 66 cm;
    • La Moisson, 1910-1914, pastel, 62,5 × 81 cm ;
    • La Tireuse de cartes (Réunion autour de la table), vers 1911, pastel, 54 × 74 cm ;
    • Deux Écuyères de cirque, vers 1913, pastel, 60 × 77 cm ;
    • Femme étendant du linge, vers 1913, pastel, 60 × 68 cm ;
    • Le Pâturage, 1919-1920, pastel, 76 × 97 cm.

Hommages posthumes

L'école maternelle et primaire de Saint-Laurent-en-Caux porte son nom, ainsi qu'une rue de Mont-Saint-Aignan.

Annexes

Bibliographie

  • Pierre Angrand, Charles Angrand, peintures, pastels, dessins, catalogue de l'exposition, Galerie André Maurice, décembre 1960-janvier 1961.
  • Pierre Angrand, Naissance des artistes indépendants, Paris, Nouvelles Éditions Debresse, 1965.
  • Pierre Angrand, « Charles Angrand 1854-1926 », in Jean Sutter (dir.), Les Néo-impressionnistes, Neuchâtel, Éditions Ides et Calendes, 1970.
  • (en) Bogomila Welsh-Ovcharov, The Early work of Charles Angrand and his contact with Vincent van Gogh, Utrecht, Éditions Victorine, 1971.
  • Pierre Angrand (préf. Pierre Bazin), Charles Angrand 1854-1926, Dieppe, Château-musée de Dieppe, , 46 p. (OCLC 25588469)
  • François Lespinasse (préf. François Bergot), L'École de Rouen, Sotteville-lès-Rouen, Fernandez, , 221 p. (OCLC 18496892, LCCN 80155566), p. 32-37.
  • François Lespinasse, Charles Angrand, 1854-1926, Rouen, Lecerf, 1982.
  • Aline Dardel, “Les Temps Nouveaux” 1895-1914, un hebdomadaire anarchiste et la propagande par l'image, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1987.
  • Françoise Cachin et Bogomila Welsh-Ovcharov, Van Gogh à Paris, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1988.
  • Charles Angrand, Correspondances, 1883-1926, Rouen, F. Lespinasse, 1988 (ISBN 2906130001).
  • François Lespinasse, L'École de Rouen, Rouen, Lecerf, 1995 (ISBN 2901342043).
  • L'École de Rouen de l'impressionnisme à Marcel Duchamp 1878-1914, Musée des Beaux-Arts de Rouen, 1996 (ISBN 2-901431-12-7).
  • (en) T. Clement et Annick Houzé, Neo-Impressionist. Painters.- A Sourcebook on Georges Seurat, Camille Pissarro, Paul Signac, Théo Van Rysselberghe, Henri Edmond Cross, Charles Angrand, Maximilien Luce, and Albert Dubois-Pillet, Westport, Connecticut, Greenwood Press, 1999.
  • Christophe Duvivier, François Lespinasse et Adèle Lespinasse, Charles Angrand, 1854-1926, Paris et Pontoise, 2006 (ISBN 2-85056-976-3).
  • François Lespinasse, Charles Angrand 1854-1926 : Maternités, Rouen, Association des Amis de l'École de Rouen, , 31 p. (OCLC 888718057).
  • Jean-Baptiste Kiya, « Les Autoportraits de Charles Angrand (1854-1926). Aspects des expressions du soi », Les Cahiers Charles Angrand, no 1, Saint-Denis de La Réunion, Éditions Kiya, 2019, 172 p. (texte en ligne).
  • Bruno Delarue, "Humeurs Rouen picturales", Fécamp, Terre en vue éditions, 2020, 64 p.

Article connexe

Liens externes

Notes et références

  1. Françoise Cachin et Bogomila Welsh-Ovcharov., Van Gogh à Paris : [exposition, Paris], Musée d'Orsay, 2 février-15 mai 1988, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux., , 405 p. (ISBN 2-7118-2159-5), pp. 144, 146, 181..
  2. Journal des débats politiques et littéraires, 17 septembre 1895.
  3. Paris-Normandie, « Le Monumental de Rouen, le cimetière des illustres », sur paris-normandie.fr, (consulté le )
  4. Jean-Baptiste Kiya, « Les Autoportraits de Charles Angrand (1854-1926). Aspects des expressions du soi », Les Cahiers Charles Angrand, no 1, chapitre 16 : « Individualisme et art social », Saint-Denis de La Réunion, Éditions Kiya, 2019, p. 124 et suiv. (extrait en ligne sur endehors.net).
  5. « Patriotisme, colonisation : dix dessins de Agar, Angrand, Couturier, Cross, Hermann-Paul, Jourdain, Lebasque, Luce, Roubille, Willaume », in Les Temps nouveaux, 1903 (notice).
  6. Publications des Temps nouveaux, no 65.
  7. p. 298.
  8. « Le secret de Charles Angrand (1854-1926) », (consulté le ).
  9. metmuseum.org.
  10. musee-orsay.fr.
  11. musee-orsay.fr.
  12. musee-orsay.fr.
  13. collections.musees-haute-normandie.fr.
  14. base Joconde.
  15. « ANGRAND Charles. - [Dictionnaire international des militants anarchistes] », sur militants-anarchistes.info (consulté le )
  • Portail de la Normandie
  • Portail de la peinture
  • Portail de l’histoire de l’art
  • Portail de l’anarchisme
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.