Autels d'Alexandre

Les Autels d'Alexandre sont les douze monuments que, selon ses biographes antiques, Alexandre le Grand érige en 326 av. J.-C. sur les bords de la rivière Hyphase au Pendjab quand il est contraint par son armée épuisée de stopper sa progression vers l'Orient. Ces douze autels monumentaux, dédiés aux dieux de l'Olympe, marquent l'avancée extrême de l'épopée d'Alexandre. Ils symbolisent depuis l'Antiquité l'extrémité de son empire, mais aussi un moment crucial où le roi doit renoncer à la poursuite de son ambition militaire par l'opposition de ses soldats. En dépit des indications géographiques assez vagues des auteurs antiques, les autels ont été activement recherché par des explorateurs, principalement britanniques, au XIXe siècle. Leur emplacement a donné lieu à de nombreuses recherches et discussions entre historiens et géographes, mais les autels n'ont jamais été retrouvés, peut-être ensevelis dans une région dont les rivières ont un régime de crues parfois dévastatrices.

Les troupes d'Alexandre le Grand le supplient de rentrer en Grèce. Les autels sont visibles à l'arrière-plan. Gravure par Antonio Tempesta, 1608.

Description et contexte

Sources antiques

L'empire d'Alexandre le Grand, comprenant la localisation des autels. Carte de 1832.
Le Beâs-Hyphase près de Jaisinghpur.

Le récit des évènements est raconté par les historiens habituels de l'épopée d'Alexandre : Arrien (considéré comme le plus fiable[1],[2]), Quinte-Curce, Plutarque, Justin, Diodore de Sicile. Quelques éléments supplémentaires de la géographie de l'Inde sont issus de Strabon, Pline et Philostrate d'Athènes.

Contexte historique : un moment crucial sur l'Hyphase

En septembre 326 av. J.-C.[3], l'armée d'Alexandre arrive épuisée au bord de l'Hyphase. Ils ont débarqué en Asie il y a plus de 8 ans et ont depuis conquis l'immense empire perse, parcouru des milliers de kilomètres et livré plusieurs batailles. La dernière, deux mois plus tôt sur les rives de l'Hydaspe a été gagnée au prix de lourdes pertes, les soldats macédoniens ont été confrontés pour la première fois à un nombre important d'éléphants de guerre. Le moral des troupes est mauvais, d'autant que l'avancée vers l'est les mettrait en confrontation avec l'empire Nanda dont l'armée est bien plus importante que l'armée macédonienne[4].

Mais le caractère d'Alexandre ne s'embarrasse pas de ces considérations ; il veut continuer toujours plus vers l'est. Voulant remonter le moral des soldats, il leur adresse une harangue mais le silence de la troupe montre leur opposition passive. Coénos, un général fidèle, prend alors la parole au nom des soldats et demande l'arrêt de l'avancée et le retour dans leur foyer pour profiter de la gloire et de leurs richesses accumulées. Devant les acclamations de la foule à ce discourt, Alexandre rentre furieux dans sa tente et y reste 3 jours sans sortir. Devant la détermination de l'armée, Alexandre, consent enfin à accéder à leur demande, à arrêter son expédition militaire et à repartir vers l'ouest.

Afin de marquer l'extrémité de son avancée, Alexandre fait alors construire douze autels monumentaux, et un camp dont il exige que la taille soit immense pour impressionner ses adversaires. Puis il ordonne de célébrer des jeux sur place. Finalement, l'armée repart vers l'Hydaspe où Alexandre fait construire une flotte de 1000 navires sur laquelle il embarque début novembre 326 av. J.-C. avec une partie de son armée pour rejoindre l’Indus et l'océan Indien[5]. Le temps passé sur le rives de l'Hyphase est donc assez court, n'excédant probablement pas un mois.

Le moment est évidemment crucial dans la vie et l'expédition d'Alexandre, où il doit pour la première fois renoncer à son rêve[6],[7].

Autres autels d'Alexandre

Dresser un autel pour marquer la limite d'un territoire est une ancienne coutume, que la tradition attribue déjà à Héraclès et Dionysos[8]. Cicéron cite d'autres autels d'Alexandre, marquant l'emplacement de la bataille d'Issos, au pied du mont Amanus en Cilicie[9]. Diodore raconte que peu après l'épisode des rives de l'Hypasis, Alexandre fit aussi dresser des autels en l'honneur de Thétis et d'Océan quand il arriva au bord de l'océan Indien, près de l'embouchure de l'Indus[10]. Claude Ptolémée cite également des autels érigés par Alexandre en Sarmatie, près du Tanaïs[11] et Pline dans le territoire des Sogdiens[12].

Description des autels

Alexandre décide d'élever douze autels pour honorer les douze dieux de l'Olympe[13],[14]. Arrien raconte qu'il sépare son armée en douze corps qui devront chacun s'occuper d'une construction[15],[note 1]. Arrien insiste sur la grande taille des autels, chacun d'eux devant être « aussi élevé et plus étendu que les plus grandes tours »[15]. Diodore précise que la circonférence d'un autel était de cinquante coudées[16],[note 2] Si Quinte-Curce n'en donne pas la taille, il insiste sur la robustesse de la construction puisqu'il nous informe que les autels furent construits « en pierres carrées »[17],[note 3]. Si l'on prend pour unité la coudée attique mesurant 0,44 m[18], la circonférence d'un autel est donc de 22 m, soit 5,5 m de coté pour un autel de base carrée et un diamètre de m si on envisage une base circulaire.

Le terme autel en français est la traduction du grec boumos (en grec ancien : ϐωμός) utilisé par les historiens grecs, qui se rapporte à « toute plate-forme élevée et servant de base ou de support »[19]. Il n'indique aucune précision de forme ou de taille. Louis Vivien de Saint-Martin postule que les autels ont une forme de pyramide mais cette affirmation ne semble étayée par aucune source[20]. C'est pourtant sous une forme pyramidale qu'Antonio Tempesta dessine les autels sur une gravure de 1608.

Le camp gigantesque et les jeux

Les historiens d'Alexandre (sauf Arrien) racontent également qu'au même endroit, il fait bâtir un camp d'une dimension inhabituelle. Si Justin (qui ne parle pas des autels) évoque simplement un camp plus grand qu'à l'accoutumée[note 4],[21], d'autres auteurs se montrent plus précis mais aussi plus surprenants : Quinte-Curce parle de lits dont les dimensions excéderaient la taille humaine[17], quant à Diodore, il évoque une taille du camp triplée par rapport aux camps ordinaires, des lits de 5 coudées (environ 2,2 m) et une taille des équipements doublée[16]. Le tout devant donner l'impression que les conquérants grecs sont plus grands que nature, à la hauteur de leurs exploits extraordinaires.

Arrien indique qu'une fois le travail achevé, Alexandre ordonne sur place des sacrifices selon le rite grec, avec des jeux gymniques et équestres[15]. Puis toute l'armée regagne les rives de l'Hydaspe, sous une pluie continuelle d'après Strabon[22].

Après le départ d'Alexandre

Plutarque signale qu'à son époque les autels sont toujours honorés par les « rois des Prasiens » qui « passent tous les ans le Gange, pour aller y faire des sacrifices à la manière des Grecs »[23]. Des historiens ont proposés que ces rois des Prasiens soient Chandragupta Maurya et ses successeurs Maurya[24],[25],[26].

Dans son histoire très romancée de la vie d'Apollonius de Tyane, Philostrate d'Athènes décrit qu'Alollonius, arrivant sur les bords de l'Hyphase plus de 350 ans après Alexandre, rencontre à 30 stades du fleuve (environ 5,5 km) les autels sur lesquels il peut encore lire des inscriptions dédiées aux Dieux[note 5]. Une autre stèle d'airain est gravée d'une inscription signalant « Ici Alexandre s'arrêta ». Philostrate suggère que la stèle d'airain a été posée par les Indiens, fiers qu'Alexandre ne se soit pas avancé plus loin[27]. L'histoire est séduisante, malheureusement, la fiabilité de l'œuvre de Philostrate d'Athènes est connue comme très faible, et la majorité des auteurs ne retiennent pas cette information[28], même si la Souda mentionne comme texte affiché : « Moi, le roi Alexandre, j'ai pénétré jusque-là. »[29]

Localisation et recherches modernes

Le Beâs, près de Dehra Gopipur

La localisation et la découverte d'éventuels ruines des autels d'Alexandre ont été l'occasion de beaucoup de discussions et de recherches, principalement de la part de savants et d'explorateurs anglais au XIXe siècle et au début du XXe siècle. Cet engouement est porté par l'avancée coloniale de l'empire britannique au Moyen-Orient et dans le sous-continent indien. C'est aussi l'époque des découvertes archéologiques majeures d'Égypte et de Mésopotamie.

Localisation d'après les sources antiques

Les historiens et les géographes sont unanimes pour identifier l'antique rivière Hyphasys, transcrit en Hyphase ou parfois Hypase ou Bipasis, au Vipâsâ des anciens Indiens, appelée Beâs aujourd'hui[30],[31].

Mais la localisation précise des autels s'avère beaucoup plus délicate car les indications des historiens antiques restent vagues et parfois contradictoires. Quinte-Curce[17] et Diodore de Sicile[16] mentionnent la réticence de l'armée à traverser un cours d'eau bouillonnant et compliqué ce qui semble impliquer que l'armée est restée sur la rive occidentale de la rivière. Pline au contraire insiste sur le fait qu'Alexandre a traversé l'Hyphase et a érigé les autels sur la rive opposée, et appuie ses affirmations sur les lettres-mêmes du roi[32]. Ces informations contraires ont été l'occasion de nombreuses discussions entre les historiens et géographes et laissent la porte ouverte à toutes les possibilités.

Une autre donnée cruciale pour la localisation des autels est la détermination de la route qu'a suivi Alexandre. Là aussi, les auteurs s'opposent entre ceux qui pensent qu'il resta au nord, au pied des contreforts de l'Himalaya (voire même qu'il pénétra dans les premières collines) et d'autres qui soutiennent une route plus méridionale. L'identification de Sangala (la ville d'où arrive l'armée macédonienne), avec une cité moderne serait une indication précieuse, mais les certitudes manquent également[31].

Variations du cours du Beâs

Le Beâs, comme les autres affluents de l'Indus qui descendent de l'Himalaya, a un régime très variable, avec de nombreuses ramifications et changent volontiers de lit dans leur passage dans la plaine du Pendjab. Malgré leur taille, ils se comportent parfois comme des torrents de montagne. La topographie locale est donc très fluctuante et il est impossible de connaître avec certitude la position des rivières à l'époque d'Alexandre[33].

En 1834, Burnes a relevé une modification assez récente dans le cours du Beâs qui joignait auparavant le Sutlej 30 km plus bas, près de Ferozpur[33]. Une violente crue en 1794 issue de la brutale libération d'une retenue d'eau a été identifiée comme l'origine de ce changement de cours[34]. Il est probable que ces évènements ne soient pas rares dans la région[33],[35].

Diverses propositions de localisation

Dès que la région a été rendue accessible aux explorateurs et géographes anglais, ceux-ci la cartographient et cherchent à trouver les autels. Leurs diverses propositions sont visualisables sur la carte OpenStreetMap ci-contre.

Carte de la marche d'Alexandre dans l'ouvrage d'Edward Bunbury, 1883.
Carte des tribus indiennes du Pendjab au temps d'Alexandre, dans l'ouvrage de Vincent Smith en 1904.
  • En 1800, le major anglais James Rennell propose de situer les autels « entre Govendal, et le confluent du Bejah et du Setlége , à Féroiepour »[31] (soit approximativement : 31° 13′ 28″ N, 75° 05′ 31″ E ). Ne disposant pas de carte précise, il se trompe sur le lieu de confluence des deux rivières, mais étrangement, il le situe à Féroiepour (autrement dit Firozpur) qui est bien l'ancien lieu de cette confluence, ce que découvrira Alexander Burnes quelques années plus tard[36].
  • En 1820, les Français Dufau et Guadet, proposent également le site de Firozpur, sur la rive orientale du Beâs d'après les indications de Pline : (30° 57′ 52″ N, 74° 35′ 44″ E )[37]
  • Dans sa recherche des autels vers 1825, Claude Martin Wade (en), découvre de vieilles structures faites de larges briques qu'il attribue à une époque pré-musulmane[38].
  • Entre 1831 et 1833, Alexander Burnes parcourt la région pendant plusieurs jours à la recherche des autels. Il comprend que le cours du Beâs s'est modifié quelques années avant son passage et que ces modifications sont très fréquentes. À la confluence entre le Sutlej et le Beas, il découvre une ruine en brique, de petites dimensions, appelée Andreesa, dont le nom évoque du grec, mais l'édifice se révèle être d'époque musulmane[36]. Ne trouvant rien qui puisse évoquer des restes des autels, il postule que, si on les retrouve un jour, ils se trouveront en aval et sur la rive gauche de la rivière (coordonnées approximatives : 31° 05′ 17″ N, 74° 44′ 24″ E )[39]
  • En 1820, William Moorcroft (en) et George Trebeck (en) traversent les montagnes de l'Himachal Pradesh pour atteindre Leh au Ladakh. Sur leur chemin, ils s'arrêtent quelques jours à Mandi, sur les rives du Beâs, dans sa partie montagneuse et avant qu'il atteigne les plaines du Pendjab. Sa curiosité est éveillée quand il entend parler du Sekander Ghat c'est-à-dire le défilé d'Alexandre, dans les collines à l'ouest de la ville. Explorant la région, il découvre quelques ruines d'un camp fortifié sur un petit plateau (31° 33′ 15″ N, 76° 48′ 49″ E ), que la légende locale associe à Alexandre. Ne trouvant rien pour associer les ruines à une origine grecque, il conclut prudemment qu'il peut s'agir d'une allusion à Sikandar Lodi, sultan de Delhi au début du XIXe siècle[40]. Quelques années plus tard, Godfrey Thomas Vigne (en) un autre explorateur anglais se trouvant à Mandi retrouve le site décrit par Moorcroft mais il se montre moins prudent dans ses conclusions et affirme être convaincu que le site correspond bien à celui du camp d'Alexandre[41]. La situation du site, très avancée dans les montagnes ne semble cependant pas correspondre à l'expédition d'Alexandre. Cette montagne d'Alexandre (Sekandar-ghiri) est pourtant le lieu encore retenu par le français Louis Vivien de Saint-Martin en 1858[42].
  • L'historien prussien, Johann Gustav Droysen propose en 1834 de localiser les autels dans la région de Beyt-Jalindher[29], située entre les deux rivères (approximativement :31° 09′ 07″ N, 75° 11′ 07″ E )[43].
  • En 1841, Charles Barberet ose le premier proposer des coordonnées géographiques aux autels (« vers 31° lat. N. et 72° 20' long. E ») , et situe le lieu à proximité de la ville de Firozpur (31° 00′ N, 74° 40′ E )[44].
  • L'explorateur anglais Charles Masson propose en 1842 une localisation beaucoup plus au sud, près de Pakpattan (30° 20′ 33″ N, 73° 24′ 36″ E ), en supposant que le Beâs avait à cette époque un trajet très différent de celui d'aujourd'hui[45].
  • L'archéologue Alexander Cunningham en 1871 reprend les données anciennes et récentes pour proposer que « l'emplacement des autels d'Alexandre doit être recherché le long de la ligne du cours actuel du Satlej, à quelques kilomètres au-dessous de Hari-ki-patan, et non loin du site connu de Sobraon, qui est à peine éloigné de cinq milles de plusieurs virages de l'ancien lit du Satlej » (31° 00′ 50″ N, 74° 34′ 01″ E )[34]. Il cite le lieu de la Bataille de Sobraon qui oppose le , les forces britanniques de la Compagnie anglaise des Indes orientales aux Khālsā du royaume sikh du Pendjab et où les Sikhs ont été mis en déroute.
  • Edward Bunbury en 1883 pense que la marche d'Alexandre est resté très proche du pied des reliefs[46] et que les autels sont à proximité de l'endroit où le Beâs sort des montagnes. Une carte dans son ouvrage positionne les autels près de la ville moderne de Bhaini (31° 35′ 16″ N, 75° 20′ 17″ E )[28]. Le même avis est suivi par McCrindle en 1896[47].
  • En 1904, Arthur Vincent Smith (en) propose une position des autels à proximité de Gurdaspur (32° 01′ 42″ N, 75° 35′ 18″ E ) sur une carte détaillée accompagnant son ouvrage[48].
  • En 1927, Aurel Stein parcourt le cours du Beâs sur plus de 100 km à la recherche des autels, depuis son confluent avec le Sutlej jusqu'au coude décrit en amont, quand, après avoir longé le pied des collines du district de Kangra, elle tourne au sud. Mais lui non plus ne trouva rien[49].

Disparition des autels

Le pilier d'Asoka de Delhi-Topra.

Le destin des autels d'Alexandre reste aujourd'hui une énigme. Le plus probable est que, depuis leur érection il y a plus de 2 300 ans, ils aient été emportés par une crue violente dont les cours d'eau de la région sont coutumiers[49],[26].

Un auteur indien a proposé en 2006 qu'un des piliers d'Ashoka, celui de Tobra Kalan (en) ramené à Delhi par Fîrûz Shâh Tughlûq, appartienne à l'un des autels d'Alexandre[50]. Outre qu'aucune preuve archéologique n'étaye cette proposition, l'imposant monolithe de 13 m de haut ne correspond pas à la description des autels, ni au temps assez court (un mois maximum) que les soldats ont eu pour les construire.

Symbolique et évocation artistique

Les autels marquent l'extrémité géographique des conquêtes d'Alexandre mais aussi le moment crucial où le jeune monarque renonce, sous la pression de son armée, à ses rêves d'empire universel[6]. C'est donc un moment ambigu où l'immensité de la conquête accomplie se mêle à la frustration de devoir s'arrêter sous la contrainte, ce qu'Alexandre vit probablement comme une trahison. D'autant qu'Alexandre est rapidement pris comme modèle par tous les conquérants ambitieux (Scipion, Pompée, Jules César, Marc Antoine[6] et plus tard Napoléon Bonaparte) et qu'aucun chef d'armée ou d'État ne souhaite immortaliser la quasi-mutinerie victorieuse des troupes macédoniennes[51].

C'est aussi un moment d'éloquence et de rhétorique cher aux Grecs, durant lequel Alexandre doit s'incliner face à son adversaire Coénos[7].

Dans l'art pictural

Les représentation iconographiques du renoncement d'Alexandre sont assez rares :

Dans la littérature

Ce « moment de l'Hyphase » est évoqué dans Les Nuits d'Orient de Joseph Méry, où les généraux de Napoléon qui repensent à cet épisode veulent se démarquer des généraux d'Alexandre : « Nous le suivrons, nous. »[52],[note 6].

Notes et références

Notes

  1. Ayant divisé alors son armée en douze corps, il fait élever à chacun d’eux un autel immense, aussi élevé et plus étendu que les plus grandes tours, en témoignage de sa reconnaissance envers les Dieux, et en monument de ses victoires. Ce travail achevé, il ordonne des sacrifices selon le rite grec, des jeux gymniques et équestres.
  2. Ainsi se résolvant à terminer là son expédition, il fit dresser aux dieux douze autels de cinquante coudées de circonférence, et les enfermant dans un camp trois fois plus grand que le premier qu'il avait tracé, il environna ce camp d'un fossé de cinquante pieds de largeur et de quarante pieds de profondeur, pour y jeter les fondements d'un mur qui fut digne de son nom et de sa mémoire. Il ordonna ensuite à chaque soldat d'infanterie de bâtir une tente qui contînt deux lits de cinq coudées de long, et aux cavaliers d'ajouter à la leur deux crèches, une fois plus longues que celles qu'ils faisaient ordinairement. En un mot, il voulut que dans ce camp qui devait demeurer comme un monument de leur passage, tout fût au double des mesures usitées dans les camps ordinaires. Il voulait indiquer par là qu'il avait entrepris et exécuté une expédition héroïque et donner lieu aux habitants futurs de ces contrées de croire qu'il était venu là des hommes d'une taille et d'une force plus qu'humaine.
  3. Deux jours furent donnés à sa colère; le troisième, il reparut, et fit élever douze autels en pierres carrées, monuments de son expédition. Il ordonna aussi que l'on augmentât l'étendue des lignes du camp, et qu'on y laissât des lits dont les dimensions excédassent la proportion de la taille humaine. Prêtant ainsi à toute chose un aspect gigantesque, il préparait à l'admiration de la postérité de trompeuses merveilles. Retournant ensuite sur ses pas, il vint camper sur les bords de l'Acésinès.
  4. Il ordonne, comme pour marquer la fin de la victoire, d'établir un camp plus imposant qu'à l'accoutumée afin, par la mise en œuvre de ces constructions, de terrifier l'ennemi et de laisser à la postérité l'admiration de ce qu'il avait fait
  5. Ils passent le fleuve Hydraote, traversent plusieurs peuplades, et arrivent sur les rives de l'Hyphase. A trente stades de ce fleuve, ils rencontrent des autels avec ces inscriptions :
    A MON PÈRE AMMON
    A MON FRÈRE HERCULE
    A MINERVE PROVIDENCE
    A JUPITER OLYMPIEN
    AUX CABIRES DE SAMOTHRACE
    AU SOLEIL INDIEN
    A APOLLON DE DELPHES
    Ils virent aussi une stèle d'airain sur laquelle étaient gravés ces mots :
    ICI ALEXANDRE S'ARRÊTA.
    Il est à croire que les autels furent élevés par Alexandre, jaloux de marquer ainsi glorieusement les limites de son empire, et que la stèle fut dressée par les Indiens qui habitent au-delà de l'Hyphase, tout fiers de ce qu'Alexandre ne s'était pas avancé plus loin.
  6. — Et si nous allons, poursuivit Denon, jusqu'à la limite appelée les douze autels d'Alexandre, je crois qu'il faudra guerroyer, comme sous Taxile et Porus.
    — A la bonne heure ! dit Junot, maintenant, je voudrais savoir pourquoi Alexandre s'est arrêté à ses douze autels ?
    — Ce fut le grand désespoir de ce jeune héros, reprit Denon; il paraît que ses soldats refusèrent d'aller plus, loin. A coup sûr ce n'est pas lui qui s'est arrêté volontairement aux limites de son beau rêve oriental. [...] Ce qui manquait à Alexandre, c'était une armée digne de lui [...]
    — Nous le suivrons, nous, dit Junot.

Références

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Sources antiques

Bibliographie

  • Rennell, Description historique et géographique de l'Indostan ; traduite de l'anglais par J. B. Boucheseiche, vol. 2, Paris, (lire en ligne). 
  • Vivier de Saint-Martin, « Étude sur la géographie grecque et latine de l’Inde et en particulier sur l'Inde de Ptolémée dans ses rapports avec la géographie sanscrite », Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des inscriptions et belles-lettres de l'Institut de France. Première série, Sujets divers d'érudition. Tome 5, 2e partie, , p. 244-410 (DOI https://doi.org/10.3406/mesav.1858.1029, lire en ligne). 
  • (en) Burnes, Travels into Bokhara; being the account of a journey from India to Cabool, Tartary, and Persia; also, Narrative of a voyage on the Indus, from the sea to Lahore, with presents from the king of Great Britain; performed under the orders of the supreme government of India, in the years 1831, 1832, and 1833, J. Murray, (lire en ligne), p. 6-8. 
  • (en) Moorcroft & Trebeck, Travels In The Himalayan Provinces Of Hindustan And The Panjab, vol. 1, (lire en ligne). 
  • (en) Masson, Narrative Of Various Journeys In Balochistan Afghanistan And The Panjab, vol. 1, (lire en ligne). 
  • (en) Vigne, Travels in Kashmir, Ladak, Iskardo, the countries adjoining the mountain-course of the Indus, and the Himalaya, north of the Panjab, vol. 1, Londres, Henry Colburn, (lire en ligne). 
  • (en) Cunningham, The ancient geography of India, London, Trübner & Co., (lire en ligne). 
  • (en) Bunbury, A history of ancient geography among the Greeks and Romans, from the earliest ages till the fall of the Roman Empire, (lire en ligne). 
  • (en) McCrindle, The invasion of India by Alexander the Great as described by Arrian, Q. Curtius, Diodoros, Plutarch and Justin : being translations of such portions of the works of these and other classical authors as describe Alexander's campaigns in Afghanistan, the Punjâb, Sindh, Gedrosia and Karmania, (lire en ligne). 
  • (en) Smith, The early history of India, from 600 B. C. to the Muhammadan conquest, Oxford, Claredon press, (lire en ligne). 
  • (en) Karttunen, « Conquerors of the World », Studia Orientalia Electronica, no 83, , p. 19-68 (lire en ligne). 
  • (de) Droysen, Geschichte Alexanders des Grossen (Histoire d'Alexandre le Grand), (lire en ligne). 

Articles connexes

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