Abbaye de Saint-Hilaire

L'abbaye de Saint-Hilaire est une abbaye bénédictine située à Saint-Hilaire dans le département de l'Aude entre Limoux et Carcassonne. L'abbaye fortifiée date du VIIIe siècle et son église du XIIe siècle.

Pour les articles homonymes, voir Abbaye de Saint-Hilaire (homonymie) et Saint-Hilaire.

Abbaye de Saint-Hilaire

L'église abbatiale de l'abbaye de Saint-Hilaire.
Présentation
Culte Catholique romain
Type Abbaye bénédictine jusqu'en 1748

église paroissiale depuis 1758

Rattachement Diocèse de Carcassonne et Narbonne
Protection  Classé MH (1840, Eglise)
 Classé MH (1846, Cloître)
 Classé MH (1914, Plafond du presbytère)
 Inscrit MH (1990, Bâtiments)
 Classé MH (1993, Réfectoires)
Site web http://pagesperso-orange.fr/abbayedesainthilaire/
Géographie
Pays France
Région Languedoc-Roussillon
Département Aude
Ville Saint-Hilaire
Coordonnées 43° 05′ 38″ nord, 2° 18′ 38″ est
Géolocalisation sur la carte : France
Géolocalisation sur la carte : Aude

Histoire

L'abbaye est construite sur l'ancien emplacement de la chapelle Saint-Hilaire, premier évêque de Carcassonne. Saint Hilaire évangélisa la région du Carcassès au VIe siècle. La première mention écrite de l'abbaye date de 825 et on apprend que celle-ci est d'abord dédiée à saint Saturnin, premier évêque de Toulouse. En 970 a lieu le transfert des reliques de saint Hilaire sous l'abbatiat de Benoît et en présence du comte de Carcassonne Roger Ier.

Au IXe siècle, une charte de Louis le Débonnaire autorise les moines à élire leur abbé afin de respecter la règle de saint Benoît. Jusqu'au XIIe siècle, l'abbaye bénéficie de la protection des comtes de Carcassonne. Pendant la croisade contre les Albigeois, les moines sont accusés de favoriser l'hérésie cathare. Le monastère est pillé et ravagé. Quelques terres et certains biens fonciers sont cédés à la communauté dominicaine de Prouilhe jusqu'en 1217.

En 1226, Guillaume de l'Isle, abbé de l'abbaye Saint-Pons de Thomières fut nommé avec les abbés de l'abbaye de Lagrasse et de l'abbaye de Saint-Hilaire pour présider au chapître général des moines noirs de la province de Narbonne, qui fut tenu dans l'abbaye de Saint-Thibéry du diocèse d'Agde. C'est pourquoi la Bulle qui est datée de Péruse le 1er juillet, dans laquelle le pape Grégoire IX confirme les statuts qui y furent faits fut adressée à ces trois abbés[1],[2].

En 1246, Saint Louis ordonne au sénéchal de Carcassonne de restituer les terres à l'abbé de Saint-Hilaire. Au XIe siècle elle passe sous l'autorité de l'Abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse[3].

Aux XIVe et XVe siècles, l'abbaye connaît de nombreuses difficultés financières, conséquences de la guerre de 100 ans et de la peste noire. Le monastère qui comptait 32 moines au XIIe siècle, n'en recense plus que 20 au XIVe. À partir de 1534, l'abbaye est soumise à la commende et les difficultés financières persistent. C'est durant cette période que la blanquette de Limoux est créée par les moines de Saint-Hilaire en 1531 dans les caves attenantes à l'abbaye. En 1748, les offices claustraux et les places monacales sont supprimés par l'évêque Monseigneur De Bezons de Carcassonne. L'église abbatiale devient église paroissiale dès 1758. À la fin du XVIIIe siècle, les bâtiments conventuels sont vendus comme biens nationaux.

Description

L'abbaye bénédictine fortifiée de Saint-Hilaire est constituée d'une église abbatiale, d'un cloître, de deux réfectoires, d'un logis abbatial, d'une ancienne salle capitulaire, de celliers taillés dans la roche, et dans la partie fortifiée d'une prison et de l'ancienne salle des gardes.

Le cloître

Cloître de l'abbaye.

Il a été édifié au XIVe siècle en forme de trapèze irrégulier avec quatre galeries. Elles sont composées d'arcades ogivales et moulurées à colonnettes jumelées. Les chapiteaux taillés dans un seul bloc de pierre sont décorés de feuillages, de visages humains ou d'animaux. La pierre utilisée est le grès qui provient des carrières du Razès. Le centre du cloître comporte un bassin quadrilobe avec en son centre une vasque datant du XVIe siècle ainsi qu'un puits. Le cloître est classé monument historique par la liste de 1846[4].

La salle capitulaire

La salle capitulaire est aujourd'hui condamnée. Il ne subsiste qu'une fenêtre géminée en plein cintre ainsi que sa porte d'entrée qui a été entièrement murée.

Le logis abbatial

Plafond du logis abbatiale.

Cette pièce jouxte la salle capitulaire et était réservée à l'abbé. Utilisée comme salon particulier ou chambre, elle présente une décoration remarquablement bien conservée. Le plafond peint à solives date de la toute fin du XVe siècle. Il présente des formes géométriques et des représentations animales et humaines. En revanche, sur les murs, les peintures datent du XIXe siècle et représentent les armoiries de tous les abbés de Saint Hilaire avec leur nom et date d'élection. Une partie du plafond peint a été mise au jour et restaurée au début de l'année 2013.

Les réfectoires

La partie sud de la galerie du cloître dessert les réfectoires de l'abbaye. Un réfectoire pour les moines et un autre pour les étrangers et hôtes de passage. Les deux réfectoires sont séparés par un épais mur renfermant une chaire de lecture d'architecture particulière. Un escalier étroit aménagé dans l'épaisseur du mur permet d'y accéder. La chaire est voûtée d'une croisée d'ogives à la clé de voûte circulaire et elle date du XIVe siècle. Une fois le moine assis, il était caché, seule sa voix ressortait de ce mur, atténuée d'écho. On entendait le moine mais on ne le voyait pas. Une façon unique de maîtriser l'acoustique et de favoriser l'écoute.

Le réfectoire des moines a été rénové au cours des années 2005-2006 par l'architecte en chef des monuments historiques et permet souvent aux artistes locaux de dévoiler leurs talents par le biais d'exposition. Des conférences, des concerts ont leurs places dans ce grand et bel édifice également.

Les deux réfectoires avec la chaire de lecteur incluse entre ces derniers sont classés monument historique le [4].

L'église abbatiale

L'église abbatiale date du XIIe siècle et est classée monument historique par la liste de 1840[4]. Elle se compose d'une abside semi-circulaire en cul de four avec trois baies dotées de vitraux créés XIXe siècle par l'atelier de Louis-Victor Gesta[5]. L'abside est cantonnée de deux chapelles latérales une au sud et une au nord qui a été supprimée au profit de la sacristie. La nef est constituée de trois travées voûtées d'ogives datées du XIIIe siècle.

Le plafond de l'ancien presbytère est classé monument historique le alors que les bâtiments à l'est et à l'ouest du cloître sont inscrits monuments historiques le [4].

La partie fortifiée

Au cours du XIVe siècle, dans une période de troubles et d’insécurité (peste noire, famines, compagnies de « Routiers » et chevauchée du Prince noir pendant la Guerre de Cent Ans), l’abbaye se fortifie, même s’il existait déjà une première enceinte plus rudimentaire auparavant. Un rempart, toujours perceptible, enserre intégralement le site. De plus, une herse complétée par une double porte (aujourd’hui détruites) protégeaient l’entrée directe au monastère.

À cet endroit même, une tour de guet à deux niveaux s’élevait au niveau de ces portes. Derrière l’église, un autre accès est encore visible dans la rue du Pont Levis (Portail de Malecaze). À plusieurs reprises, des conflits éclatent entre l’abbaye et les villageois en ce qui concerne la garde des clés. L’abbé se charge le plus souvent de l’entretien de l’enceinte fortifiée intérieure tandis que les consuls s’occupent de la muraille, défendue par un capitaine.

La prison, bâtie en même temps que le rempart au XIVe siècle, est une salle voûtée en pierre de grès et percée d’un simple oculus. Des soldats placés aux portes de l’abbaye assuraient la protection et enfermaient temporairement voleurs et malfaiteurs arrêtés sur les dépendances de l’abbaye.

Le sarcophage de saint Saturnin

L'église abbatiale renferme un sarcophage dit sarcophage de saint Saturnin, dit de saint Sernin. Ce coffrage sculpté d'un seul bloc dans du marbre blanc des Pyrénées est attribué au maître de Cabestany. On pense qu'il s'agit d’un devant d’autel datant du XIIe siècle. Les sculptures entourant l'autel racontent la vie de l’évangélisateur saint Sernin, premier évêque de Toulouse au IIIe siècle.

Sarcophage de saint Sernin par le maître de Cabestany
Sarcophage de saint Sernin, côté gauche.
Sarcophage de saint Sernin, côté gauche. 
Sarcophage de saint Sernin, face avant.
Sarcophage de saint Sernin, face avant. 
Sarcophage de saint Sernin, côté droit.
Sarcophage de saint Sernin, côté droit. 

Le sarcophage est découpé en quatre scènes principales :

  • le côté droit raconte la vie d'évangélisateur de saint Sernin. Il possède une crosse à sa main droite et le livre des Évangiles grand ouvert. Ses deux disciples l'entourent : Saint-Honest évêque de Pampelune et Saint-Papoul évangélisateur du Lauragais ;
  • la face avant côté droit, saint Sernin en pleine mission d'évangélisation au milieu de la population. Saint Sernin est arrêté par les Romains car le christianisme n'était pas toléré en 250. Des animaux représentant le paganisme et la barbarie sont représentés sous les pieds de saint Sernin ;
  • la face avant côté gauche représente le martyre de saint Sernin. Il est attaché par une corde à un taureau qui le traîne. Des piques et des chiens excitent le taureau. Des Saintes Puelles, des jeunes filles vierges, sont bénites par saint Sernin ;
  • le côté gauche représente la mise au tombeau de saint Sernin. Le corps est allongé et soutenu par des jeunes femmes. L’âme de saint Sernin s'échappe de son corps vers le paradis accueilli par des anges. Des femmes se recueillent sur son tombeau dans le but d'obtenir une guérison ou un miracle.

La Légende la Nuit de Noël dans la forêt de Crausse

Le Domaine de Crausse était un ancien prieuré appartenant aux moines de Saint-Hilaire. Il leur fut donné en 981 par le comte Roger de Carcassonne. Les bénédictins le conservèrent jusqu’à leur départ de l’abbaye en 1748. Maintenant, on ne trouve plus, là-haut, autour des ruines, que landes et broussailles, puis la forêt de toutes parts. À l’époque, les moines de Saint-Hilaire y séjournaient. Là, à Crausse, passe un chemin de traverse qui conduit de Clermont-sur-Lauquet vers le col de Buc .Or, voici qu’il y a quelques années, un habitant de la région s’était attardé. C’était un soir de Noël. La nuit était froide, mais assez calme. La neige craquait sous les pas. Les rayons de lune permettaient d’avancer dans le sentier, sans lanterne. Il est vrai que ce voyageur connaissait les lieux. Un gourdin à la main, il avançait, jetant de temps en temps un regard, de ci, de là, dans le cas où un loup oserait se montrer. Mais dans nos régions l’hiver n’est jamais bien rude. Donc, pas de loup affamé Notre homme, encapuchonné, marchait d’un pas résolu, mais non pressé. Cette nuit de Noël était bonne ; à peine un vent frisquet. « Bah, je m’arrêterai à Crausse pour souffler un peu, et rouler une cigarette à l’abri d’un bâtiment, puis je reprendrai ma route », se disait-il. L’homme n’avait pas de montre. Mais pour l’habitant des campagnes, c’est tout comme. Le sens du temps est inné. Et, selon ses propres dires, il devait être minuit quand les murailles de Crausse se profilèrent au clair de lune. Tout d’un coup, l’homme s’arrêta : Il secoua la tête, ôta son capuchon, tendit l’oreille. - Mais je ne suis pas fou. Il me semble bien… Dans la nuit des cloches résonnaient. Non ce n’étaient pas celles de Villebazy, ni celles de Saint-Hilaire, ni celles de Clermont, ni celles de Greffeil, ni celles de Belcastel-et-Buc. Là, les cloches résonnaient tout près. Elles chantaient Noël ; joyeusement, elles carillonnaient. Et le passant écoutait, écoutait… Bientôt un chant s’éleva, enfla, se rapprocha. Et l’homme, qui n’osait plus bouger, assista en cette nuit de Noël à un spectacle tout à fait extraordinaire. Tandis que les cloches sonnaient et que les chants se rapprochaient, une procession de moines avançait dans la nuit. Elle suivit les ruines, les parcourut, les contourna. Et cela dura longtemps .La procession se poursuivit ainsi à travers les vieilles ruines de Crausse. Depuis, aux veillées, du côté de Clermont-sur-Lauquet, de la Caunette et même à Missègre on raconte que, la nuit de Noël, les moines réapparaissent et font, en chantant, la procession dans les ruines de Crausse. Cette aventure n’est pas si vieille que ça. On connaît même le nom de celui qui fut témoin de cette apparition de Noël à Crausse. On prétend aussi que ce chant des moines a été entendu par d’autres personnes, notamment par des charbonniers. Cela remonte aux environs de 1914. Ces derniers avaient installé leur baraquement non loin des bâtiments de l’ancien prieuré .Comme chaque nuit, le soir de Noël ils sortirent aux environs de minuit pour aller donner quelques pelletées à leur meule de charbon dans la clairière. Lorsqu’ils furent dehors, ils entendirent le chant des moines et aperçurent les silhouettes de la procession qui se profilaient dans la nuit. Pris de frayeur, les charbonniers abandonnèrent leur baraquement, déménagèrent et allèrent s’établir ailleurs. (extrait des Récits et Contes populaires du Languedoc, recueillis par Jean Guilaine).

Le combat du Lauquet et la légende de saint Hilaire

L’origine de la protection de l’abbaye de Saint-Hilaire par les comtes de Carcassonne vient probablement de l’histoire du combat du Lauquet qui eut lieu à la fin du Xe siècle. Cette bataille opposant Roger Ier, comte de Carcassonne, et Oliba Cabreta, comte de Cerdagne venu envahir la région, donna naissance à une légende.

En effet, on raconte que les troupes de Roger Ier, inférieures en nombre et peut-être moins assoiffées de bataille, étaient sur le point de perdre le combat et de s’enfuir ou d’être massacrées. Alors, le comte de Carcassonne ne sachant plus à qui s’adresser, se tourna vers Dieu : il se mit à genoux et commença à prier. Il invoqua même saint Hilaire et lui demanda de l’aider à protéger le village des envahisseurs. Et c’est alors que le miracle se produisit : saint Hilaire, vêtu d’une robe éclatante, apparut à la tête d’une armée qui repoussa et extermina les troupes d’Oliba.

Pour remercier saint Hilaire de son intervention miraculeuse, Roger Ier s’engagea à vêtir les moines chaque année, à faire régulièrement des dons à l’abbaye et avec sa femme Adélaïde, il s’engagea à respecter les principes de la règle bénédictine.De plus, le couple carcassonnais choisit le monastère comme lieu de sépulture.

Culture

L'abbaye accueille tout au long de l'année de nombreuses expositions de peinture, sculpture et photographie. L'association "Les Amis de l'Abbaye de Saint Hilaire", y organise régulièrement des manifestations culturelles et des concerts, principalement de musique classique, dans l'église abbatiale ou dans le cloître.

Notes et références

  1. Elle est rapportée par dom Luc d'Achery, Spicil, tome 6.
  2. F. B. T. L. G., prêtre et chanoine de l'église Saint-Pons de Thomières, Chronologie des abbez du monastère et des evesques de l'églisede S. Pons de Thomières, Saint-Pons, 1873, p. 27.
  3. Confirmée par Innocent III en 1216, puis par Innocent IV en 1246.
  4. « Ancienne abbaye Saint-Hilaire », notice no PA00102882, base Mérimée, ministère français de la Culture
  5. «Abbaye de Saint-Hilaire : Guide de visite », disponible à l'entrée du bâtiment.

Annexes

Bibliographie

  • Jean Blanc, L'abbaye de Saint Hilaire, Édition du CAML, 1982.
  • Claude Devic, Joseph Vaissète, Ernest Roschach, Histoire générale de Languedoc, Édouard Privat libraire-éditeur, Toulouse, 1872, tome 1, p. 862, 941, 973, 1069, 1872, tome 4, p. 545-549
  • Marcel Durliat, « Saint-Hilaire d'Aude », in Congrès archéologique de France. 131e session. Pays de l'Aude. 1973, Paris, Société Française d'Archéologie, 1973, p. 148-159.
  • Raymond Esparseil, « L'Abbaye de St-Hilaire de l'Aude », dans Bulletin de la Société d'études scientifiques de l'Aude, 1928, 38e année, tome 32, p. 338-364 (lire en ligne)
  • Jacques Lugand, Jean Nougaret, Robert Saint-Jean, André Burgos, Languedoc roman, Zodiaque (collection la nuit des temps no 43), La Pierre-qui-Vire, 1985, p. 45, 357-359, planches 142-143
  • Sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos, Le guide du patrimoine Languedoc Roussillon, Hachette, Paris, 1996, p. 503, (ISBN 978-2-01-242333-6)
  • Récits et Contes populaires du Languedoc, recueillis par Jean Guilaine.

Articles connexes

Lien externe

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