Éon (mythologie)

Éon (grec moderne : Αἰών) est une divinité grecque associée au temps, au firmament, et au zodiaque. Le « temps » représenté par Éon est illimité, contrairement à celui de Chronos qui est un temps empirique divisé en passé, présent, et futur[1]. Il est ainsi le dieu de l’éternité, associé aux cultes à mystères qui s’intéressent à la vie après la mort, comme les mystères de Cybèle, Dionysos, Orphée, et Mithra. En latin l’équivalent de cette divinité pourrait être Aevum ou Saeculum (en)[2]. Il est habituellement accompagné d’une déesse de la terre ou déesse mère comme Tellus ou Cybèle, comme on peut le voir sur le plat de Parabiago[3].

Pour les articles homonymes, voir Aion et Eon.

Éon, Aiôn ou aïon
Dieu du temps, de l’éternité et du zodiaque.

Éon, dieu de l’éternité dans une sphère céleste décorée avec les signes du zodiaque entre un arbre vert et un arbre sans feuilles (représentant l’été et l’hiver). Devant lui se tient la Terre Mère, Tellus (Gaïa romaine), avec quatre enfants, personnifications des quatre saisons.

Iconographie et symbolisme

Détails du plat de Parabiago montrant Éon ; Tellus (on ne la voit pas ici) apparaît en bas du plat, dont le centre représente le chariot de Cybèle

Éon est habituellement représenté comme un jeune homme nu ou à moitié nu à l’intérieur d’un cercle représentant le zodiaque, ou le temps éternel et cyclique. On peut citer en exemples deux mosaïques romaines de Sentinum (l’actuelle Sassoferrato) et Hippo Regius en Afrique romaine, ainsi que le plat de Parabiago. Néanmoins, il peut être aussi imaginé en vieil homme puisqu’il représente le temps cyclique. Dans Les Dionysiaques, Nonnos associe Éon aux Heures. Citation de Nonnos telle qu’elle apparaît dans la traduction anglaise des Dionysiaques :

"changes the burden of old age like a snake who sloughs off the coils of the useless old scales, rejuvenescing while washing in the swells of the laws [of time][4]."

Dessin représentant le Dieu mithriaque léontocéphale trouvé au mithraeum de C. Valerius Heracles and sons, inauguré en 190 A.D. à Ostia Antica, Italie (CIMRM 312).

L’image du serpent entortillé est lié à un gouvernail ou un cerceau à travers l’ouroboros, un anneau formé par un serpent tenant le bout de sa queue dans sa bouche. Servius, un grammairien latin du IVe siècle relève que l’image d’un serpent se mordant la queue représente la nature cyclique de l’année[5]. Dans son œuvre du Ve siècle sur les hiéroglyphes, Horapollon fait une distinction plus poussée entre un serpent qui cache sa queue sous le reste de son corps, qui représente Éon, et l’ouroboros qui représente le « cosmos »[6].

Identifications

Martianus Capella (Ve siècle) identifie Éon à Cronos (En latin Saturne), dont le nom lui a valu d’être assimilé à Chronos (« Temps »), de la même façon que le souverain grec du monde souterrain Pluton (Pluton) était confondu avec Ploutos (Plutus, « Richesse »). Martianus présente Cronos-Éon comme le conjoint de Rhéa (En latin Ops) identifiée à Phusis[7].

Dans sa très spéculative reconstitution de l’univers Mithraïque, Franz Cumont positionne Éon comme l’Éternité (parfois représenté en tant que Saeculum (en), Cronos, ou Saturn) comme le dieu qui a émergé du Chaos primordial, et qui en retour a créé le Paradis et la Terre. Cette divinité est représentée en leontocephaline, un personnage masculin ailé a tête de lion dont le torse nu est entouré par un serpent. Il tient en général dans ses mains un sceptre, des clefs ou un éclair[8]. The figure of Time "played a considerable, though to us completely obscure, role" in Mithraic theology[9].

Le Souda identifie Éon à Osiris. En Alexandrie lagide, là où se trouvait un oracle des rêves, le dieu syncrétique hellénistique Sarapis était reconnu comme Aion Plutonius[10]. L’épithète Plutonius souligne les aspects fonctionnels partagés avec Pluton, époux de Perséphone et Maître des Enfers dans les traditions d’Éleusis. Épiphane dit, qu’à Alexandrie, la mise au monde d’Éon par Perséphone a été célébrée le 6 janvier[11] : « Ce jour-là, à cette heure-là, la Vierge donna naissance à Éon ». La date, qui coïncide avec l’ Épiphanie, permettait de clôturer les célébrations du nouvel an, terminant le cycle du temps incarné par Éon[12]. En Alexandrie, Éon serait une forme d’Osiris-Dionysos qui renaîtrait chaque année[13]. Il était représenté avec des croix sur les mains, les genoux et le front[14]. Gilles Quispel en a conclu que la représentation était le résultat d’une intégration de Protogonos, qui comme Éon est associé à un serpent enroulé dans le mithraïsme en Alexandrie, et il « assure l’éternité de la cité »[15].

Empire romain

Cet Éon syncrétique est devenu le symbole et garant de la perpétuité dans l’Empire romain et des empereurs, Antonin le Pieux, par exemple, ont fait fabriquer des pièces de monnaie avec pour légende le nom Éon, dont l’homologue féminin romain était Éternité[16],[17]. Les pièces de monnaie romaines associent Éon et Aeternitas au phénix comme un symbole de renaissance et de renouvellement cyclique[18]. Éon faisait partie des personnifications divines dans les derniers discours des Grecs, dans lesquels il est vu comme un « représentant créatif du grand schéma cosmique »[19]. L’importance d’Éon repose dans sa malléabilité : c’est une conception à travers laquelle différentes idées sur le temps et la divinité convergent à l’ère hellénistique dans le contexte des tendances monothéistes[20].

Voir aussi

Références

  1. Doro Levi, "Aion," Hesperia 13.4 (1944), p. 274.
  2. Levi, "Aion," p. 274.
  3. Levi, "Aion," p.
  4. Nonnos, Les Dionysiaques 41.180ff., Levi, dans "Aion," p. 306.
  5. L’annotation de Servius dans l’Énéide 5.85, dit que "d’après les Égyptiens, avant l’invention de l’alphabet l’année était symbolisée par une image, un serpent mordant sa propre queue, parce qu’elle se répète sur elle-même" (annus secundum Aegyptios indicabatur ante inventas litteras picto dracone caudam suam mordente, quia in se recurrit), Danuta Shanzer, A Philosophical and Literary Commentary on Martianus Capella's De Nuptiis Philologiae et Mercurii Livre 1 (University of California Press, 1986), p. 159.
  6. Horapollon, Hieroglyphica 1.1 et 1.2 dans l’édition de 1940 de Sbordone, Shanzer, A Philosophical and Literary Commentary on Martianus Capella, p. 154.
  7. Schanzer, A Philosophical and Literary Commentary on Martianus Capella, p. 137.
  8. Résumé par Jaime Alvar Ezquerra, Romanising Oriental Gods: Myth, Salvation, and Ethics in the Cults of Cybele (Brill, 2008), p. 78.
  9. Ezquerra, Romanising Oriental Gods, p. 128.
  10. Roman d’Alexandre, I.30–33, cité par Jarl Fossum, "The Myth of the Eternal Rebirth: Critical Notes on G.W. Bowersock, Hellenism in Late Antiquity," Vigiliae Christianae 53.3 (1999), p. 309, note 15. Voir Irad Malkin, Religion and Colonization in Ancient Greece (Brill, 1987), p. 107, notamment la note 87 pour les passages sur l’oracle et où Aion Plutonius est évoqué.
  11. Fossum, "The Myth of the Eternal Rebirth," p. 306–307.
  12. Gilles Quispel, "Hermann Hesse and Gnosis," dans Gnostica, Judaica, Catholica: Collected Essays (Brill, 2008), p. 258; Gary Forsythe, Time in Roman Religion: One Thousand Years of Religious History (Routledge, 2012), p. 122.
  13. Fossum, "The Myth of the Eternal Rebirth," p. 309.
  14. Fossum, "The Myth of the Eternal Rebirth," p. 306–307, 311.
  15. Quispel, "Hermann Hesse and Gnosis," p. 258.
  16. Fossum, "The Myth of the Eternal Rebirth," p. 314.
  17. Ittai Gradel, Emperor Worship and Roman Religion (Oxford University Press, 2002), p. 310–311.
  18. Levi, "Aion," p. 307–308.
  19. J. Rufus Fears, "The Cult of Virtues and Roman Imperial Ideology," Aufstieg und Niedergang der römischen Welt II.17.2 (1981), p. 939.
  20. Levi, "Aion," p. 307–308 et passim.

Bibliographie

  • Nock, Arthur Darby (). "A Vision of Mandulis Aion". The Harvard Theological Review 27 (1).
  • Zuntz, Günther (1989). Aion, Gott des Römerreichs (in German). Carl Winter Universitatsverlag. (ISBN 3533041700).
  • Zuntz, Günther (1992). AIΩN in der Literatur der Kaiserzeit (in German). Verlag der Osterreichischen Akademie der Wissenschaften. (ISBN 3700119666).

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