T-54

Le T-54 est un char moyen soviétique apparu en 1946 et fabriqué jusqu'en 1959 après six améliorations successives [1]. Tirant les leçons de la Grande Guerre patriotique, le T-54 constituait à ses débuts un remarquable équilibre entre la puissance de feu, la protection et la mobilité. Il fut produit abondamment dans de nombreux pays et connut une multitude de dérivés.

Pour les articles homonymes, voir T54.

T-54

Un T-54 vu de face.
Caractéristiques de service
Service 1947- à présent
Caractéristiques générales
Équipage 4
Longueur 6,04 m (hors canon)
9 m avec canon pointé vers l'avant
Largeur 3,27 m
Hauteur 2,59 m
Masse au combat 36 tonnes
Blindage (épaisseur/inclinaison)
Type Tourelle de face : 205 mm d'acier

Tourelle de côté : 120 mm d'acier Tourelle arrière : 60 mm d'acier Caisse avant : 100 mm / 30° Caisse de côté : 80 mm d'acier Caisse arrière : 60 mm d'acier Dessus : non spécifié

En 1983, ajout de blindage composite supplémentaire sur la tourelle (BDD) : la tourelle de face a l'équivalent de 380 mm contre les obus flèche et 450 mm contre les charges creuses.

Armement
Armement principal canon D-10T de 100 mm - T-54 : 34 obus / T-55 : 43 obus
Armement secondaire 1 mitrailleuse de glacis de 7,62 mm
1 mitrailleuse antiaérienne de 12,7 mm
Mobilité
Moteur moteur diesel Tcheliabinsk V-54
Puissance 520 ch (390 kW)
Suspension Barres de torsion
Vitesse sur route 50 km/h sur route
Puissance massique 14,44 ch/tonne
Réservoir 812 L
Autonomie 450 km
T-55AM polonais exposé dans un musée de Poznań.
Char irakien Type 69 détruit en 1991

Historique

Contexte

L’origine du T-54 remonte au T-34 : pendant la Seconde Guerre mondiale, l’ingénieur soviétique Aleksander Morozov chercha à dépasser certaines limites propres à la conception de celui-ci. Il conçut ainsi le T-43, qui résolvait notamment les problèmes posés par la suspension Christie obsolète du T-34 en la remplaçant par des barres de torsion. Toutefois, bien que la tourelle soit redessinée, l’armement restait le même et Staline considéra que le faible gain de performances offert par le T-43 ne méritait pas de bouleverser la chaîne de production. Ainsi seule une poignée d’exemplaires furent produits et combattirent pendant l’automne 1943[2],[3].

Poursuivant ses efforts, Morozov développa le T-44, avec pour fil rouge l’objectif de faire un char de même dimensions et masse que le T-34, mais pouvant résister aux tirs du Panther allemand. Pour ce faire, il fallait économiser un maximum de poids et de place pour le blindage, ce qu’il accomplit en reprenant la suspension à barre de torsion du T-43 et en réduisant la taille de la caisse, au prix d’un membre d’équipage en moins. Le nouveau char entra en service en 1944 et avait des performances similaires à celle du Panther, bien qu’avec 30 t, il ne pesait que 65% de celui-ci. Le T-44 était cependant loin d’être parfait : non seulement il souffrait de nombreux problèmes de jeunesse, mais sa tourelle était également trop petite pour permettre toute évolution de son armement. pour cette raison, sa production fut arrêté en 1947 après que seulement 1823 exemplaires aient été produits. Pendant ce temps, Morozov avait commencé à travailler sur un successeur mieux armé, le T-54[4].

Développement initial

L’autorisation de créer le nouveau char, alors appelé « Objet 137 », fut donnée le et les spécifications furent établies le  : parmi les exigences clés, il devait disposer d’un blindage d’au moins 120 mm pour la caisse et 150 mm pour la tourelle et être armée d’un canon D10T de 100 mm ainsi que d’une mitrailleuse de 12,7 mm DShK[5]. Le premier prototype sortit de l’usine Uralvagonzavod de Nijni Taguil le et fut envoyé au printemps en essai à Koubinka, où il resta jusqu’en décembre. Les problèmes révélés par les tests furent corrigés dans les mois suivants et le T-54 modèle 1946 reconnu bon pour le service le [3]. Un premier lot aurait alors dû être produit à partir de septembre mais divers problèmes firent que le ministère revint en arrière et seuls deux exemplaires de ce modèle furent fabriqués, leurs essais montrant que des progrès restaient à faire avant de lancer la production de masse[6].

Deux nouveaux prototype furent donc construits au début de l’année 1947 et leurs essais, réalisés entre avril et mai, montrèrent que, malgré des améliorations, certains problèmes persistaient. L’administration soviétique ne souhaitait toutefois pas attendre plus longtemps et la production de masse du modèle 1947 fut lancée le , même si le char n’était pas complétement reconnu bon pour le service[7]. Celle-ci dura jusqu’en , à cette date le Conseil des ministres donna l’ordre de l’interrompre en raison des graves problèmes de fiabilité que rencontraient les exemplaires qui avaient déjà été distribués aux troupes. Certains problèmes étaient particulièrement critiques, comme la rupture fréquente des barres de torsion, le fonctionnement erratique du système anti-incendie, qui avait tendance à se déclencher en l’absence de feu, ou à l’inverse de ne pas se déclencher quand il y en avait un, et surtout la forme de la tourelle, qui déviait trop souvent les projectiles vers des parties vulnérables[8].

La conception fut alors reprise en profondeur pour résoudre ces problèmes. Concernant la suspension, la solution adoptée fut de réduire la masse du char, ce qui permettait de la soulager, mais imposa également de réduire le blindage de la caisse. Le modèle 1949 reçu l’autorisation de production le , mais dès le mois d’août, l’armée fit savoir que la nouvelle tourelle n’était toujours pas satisfaisante et demanda une amélioration de ce point[9].

Le bureau de développement prit cette fois davantage de temps pour revoir sa copie et passa l’année 1950 à réviser la tourelle. Après avoir été testée au début de l’année 1951, la nouvelle version fut reconnue apte au service au printemps, sous la désignation de modèle 1951[10].

Diffusion des T-54/T-55

On estime qu'entre 86 000 et 100 000 unités des diverses versions de ce char ont été produites[réf. nécessaire] bien que Steven Zaloga a écrit qu'on a construit 40 000 T-54 et 30 000 T-55 sans compter les engins spécialisés[11].

Destiné initialement à équiper l'Armée rouge et celles du Pacte de Varsovie, le T-54 fut largement exporté à travers le monde.

Durant la guerre froide, ils furent en service en URSS, Afghanistan, Algérie, Allemagne de l’Est (1 700 en 1990[12]), Angola, Bangladesh, Bulgarie, Chine, Chypre, Corée du Nord, Cuba[13], Égypte, Finlande, Hongrie, Inde, Irak, Israël, Libye, Maroc, Mongolie, OLP, Ouganda, Pakistan, Pérou, Pologne, Roumanie, Somalie, Soudan, Syrie, Tchécoslovaquie, Vietnam, Yémen du Nord, Yémen du Sud, et Yougoslavie. Les chars soviétiques se retrouvent ensuite en Russie et dans les pays de la CEI. De nombreux pays les utilisent encore dans les années 2010 dont le Nicaragua[14].

En 2014, quelques-uns de ces chars servent aux peshmergas des forces armées du Kurdistan irakien dans leur lutte contre l'État islamique[15].

Son chassis équipe le tracteur d'artillerie AT-T. Sa tourelle a servi de fortifications terrestres.

Caractéristiques techniques

Armement principal

Initialement, deux canons de 100 mm différents ont été considérés pour le T-54 : le LB-1 et le D-10T. C’est ce dernier qui fut finalement choisi le , en partie car il était plus éprouvé que son rival, étant déjà en service sur le SU-100[16].

Variantes

Chars standards

Du fait de la philosophie adoptée par l’URSS en matière de gestion de la production et de leur parc de chars, les différences entre les variantes sont théoriques et ne sont vraies qu’au moment de leur mise en production. En effet, les Soviétiques avaient l’habitude d’effectuer une mise à niveau légère de leurs véhicules tous les deux milles kilomètres et une majeure tous les sept milles. Par conséquent, les modèles les plus anciens se voyaient progressivement ajouter des éléments provenant des variantes plus récentes, brouillant en pratique les distinctions établies sur le papier entre deux modèles. Il est ainsi difficile de distinguer un T-54-3 reconstruit d’un T-54B[2]. Par ailleurs, les militaires soviétiques eux-mêmes n’avaient pas pour usage de distinguer les variantes et les appelaient toutes simplement T-54 dans leur nomenclature[17].

  • Object 137 ou T-54 modèle 1945, premier prototype, un seul exemplaire construit[3].
  • T-54-1 ou modèle 1946, modèle initial avec tourelle allongée.
  • T-54-2 ou modèle 1949, arrière de tourelle raccourci.
  • T-54-3 ou modèle 1951, arrière de tourelle supprimé.
  • T-54 ou modèle 1953, modèle avec tourelle hémisphérique.
  • T-54A nouveau canon D-10TG avec un évacuateur de fumées et stabilisé en site. Amélioration du filtre à air et des radiateurs.
  • T-54B nouveau canon D-10T2S stabilisé sur les deux axes, apparition du projecteur infrarouge OU-3 pour le chef de char, du viseur TPN-1 pour le tireur et du shnorkel, lui permettant de guéer des rivières profondes.
  • T-54M T-54 amélioré au standard T-55M.

Chars de commandement

  • T-54K version de commandement du T-54
  • T-54AK version de commandement du T-54A, radio supplémentaire, capacité réduite en munitions.
  • T-54BK version de commandement du T-54B
  • T-54MK version de commandement.

Variantes spécialisées

  • SU-122-54 : chasseur de char sur châssis de T-54, armé d'un canon de 122 mm.
  • objet 483 prototype du OT-54.
  • OT-54 version lance-flammes avec un ATO-1 à la place de la mitrailleuse coaxiale d'un char T-54, avec une capacité de 460 l de liquide inflammable pouvant porter jusqu'à 160 m.
  • BTS-1 version sans tourelle, char de dépannage.
  • BTS-1M amélioration du précédent.
  • BTS-2 amélioration du précédent, début de production en 1955.
  • BTS-2M amélioration du précédent.
  • BTS-4B amélioration du précédent.
  • BTS-4BM expérimentation à partir du BTS-4B pouvant treuiller sur le glacis.
  • MTU-1 poseur de pont.
  • MTU-20 poseur de pont long de 20 m.
  • ZSU-57-2 : véhicule antiaérien armé de deux canons de 57 mm.

Production polonaise

  • T-54AD version de commandement avec capacité en munitions conservée et les radios placées dans une petite excroissance de la tourelle.

Production chinoise

Pour ses besoins propres et pour l'exportation (Afrique et Asie), la Chine a développé de nombreux dérivés du T-54.

Types 59

La Chine a d'abord produit une version simplifiée du T-54A sans stabilisateur de tir ni appareil de vision nocturne. Elle a été ensuite modifiée, réarmée et dotée d'un blindage actif (Type 59/II, Type 59/III A et Type 59/III). Il existe également des versions de commandement (équipement radio amélioré) et de dépannage. Les Type 59 sont utilisés par la Chine, le Congo, la Corée du Nord, l'Iran, l'Irak, le Pakistan (Type 59M), la Tanzanie, le Vietnam, la Zambie et le Zimbabwe.

Variantes principales
  • Type 59 construction sous licence du T-54A
  • Type 59-II réarmement avec un canon de 105 mm, dérivé vraisemblablement du L-7 britannique.

Type 62

Type 62 au Musée de l'armée de Vientiane (Laos)

C'est une version de taille réduite (21 tonnes) armée d'un 85 mm. Elle est en service dans l'armée chinoise (dont la marine) et a été exportée en Albanie, au Bangladesh, au Congo, en Corée du Nord, au Mali, au Soudan, en Tanzanie et au Viêtnam.

Type 69

Ces chars sont des Type 59 améliorés. Ils disposent d'un système de vision nocturne modernisé, d'une protection NBC et d'une télémétrie laser. En service au Bangladesh, en Birmanie, en Chine, en Irak, en Iran, au Pakistan et au Zimbabwe, les Types 69/79 (canon de 105 mm) ont été déclinés en :

  • Type 69-I : Optique IR, télémétrie laser, kit NBC et canon amélioré avec évacuateur de fumée déplacé en arrière.
  • Type 69-II : nouveau canon de 100 mm.
  • Type 69-IIB : version précédente destinée à l'export
  • Type 69C
  • Type 79
  • Type 80

Production israélienne

Achzarit blindé transport de troupe

  • Ti-67
  • Ti-67 Model S

Production roumaine

  • TR-580 : nouveau châssis, plus long avec 6 galets de roulement et des jupes latérales en métal. Moins de 400 exemplaires produits de 1974 à 1981.
  • TR-800.

Production russe

  • BTR-T, monté sur un chassis de char T-55.

Culture populaire

Ce char est présent dans le film La Bête de guerre. Le jeu vidéo World of Tanks l'utilise aussi[18]. Dans GoldenEye, James Bond utilise un char de ce type, modifié afin d'avoir l'apparence d'un char moderne, lors d'une course-poursuite à Saint-Pétersbourg[19]. Dans le film L'Interview qui tue !, un T-55A tchèque est utilisé[20]. Il est également présent dans le jeu War Thunder sous de nombreuses variantes : T-54 1947, T-54 1949, T-54 1951, T-55A et T-55AM1. Cette dernière étant uniquement obtenable via des golden eagles. Le char t55 est aussi utilisé dans le jeu operation flashpoint cold war crisis (arma cold war assault) ainsi que dans arma II operation arrowhead.

Notes et références

  1. « Krasnayazvezda », sur www.krasnayazvezda.com (consulté le )
  2. Zaloga 2004, p. 4.
  3. Kinnear et Sewell 2018, p. 12.
  4. Zaloga 2004, p. 5.
  5. Kinnear et Sewell 2018, p. 19-20.
  6. Kinnear et Sewell 2018, p. 24.
  7. Kinnear et Sewell 2018, p. 14, 25.
  8. Kinnear et Sewell 2018, p. 25-26.
  9. Kinnear et Sewell 2018, p. 26.
  10. Kinnear et Sewell 2018, p. 27.
  11. (en) Steven J Zaloga, T-54 and T-55 Main Battle Tanks 1944-2004, Oxford, Osprey Publishing, , 48 p. (ISBN 1-84176-792-1)
  12. Vincent Bernard, « Die Nationale Volksarmee der DDR. L'autre armée allemande », Ligne de front, no HS n°3, , p. 56-57.
  13. (en) Ruben Urribarres, « Cuban Tanks », sur urrib2000.narod.ru (consulté le )
  14. Jérôme Pellistrandi, « Équipements des armées, bilan 2015 (1/5) : Afrique et Amérique », Revue Défense Nationale, , p. 2 (lire en ligne).
  15. (en) Jeremy Bender, « As the Kurds mobilize in Iraq, here's a look at what they have in their arsenal », sur www.businessinsider.com, Business Insider, (consulté le )
  16. Kinnear et Sewell 2018, p. 23-24.
  17. Kinnear et Sewell 2018, p. 28.
  18. http://www.tank-academy.com/t-54.html
  19. Olivier Pallaruelo, « Les tanks au cinéma, c'est du (super) lourd ! », sur allocine.fr, (consulté le ).
  20. http://www.imfdb.org/wiki/Interview,_The

Bibliographie

  • (en) James Kinnear et Stephen L. Sewell, Soviet T-54 Main Battle Tank, Oxford, Osprey Publishing, , 232 p. (ISBN 978-1-4728-3330-3)
  • (en) Steven J. Zaloga, T-54 and T-55 Main Battle Tanks 1944-2004, t. 102, Oxford, Osprey Publishing, coll. « New Vanguard », , 48 p. (ISBN 1-84176-792-1)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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