Histoire de Tournai

L'histoire de la ville de Tournai commence à la fondation de la cité durant les temps romains et se poursuit jusqu'à nos jours. Ceci couvre de nombreuses périodes de l'histoire européenne, la vie de la ville fut marquée par de nombreux changements de régime : cité royale sous les premiers Mérovingiens, elle fut par la suite intégrée dans la Francie occidentale puis dans le royaume de France avec une large autonomie qui lui permit d'être une « république communale ». La ville devint également anglaise pendant quelques années, puis fut intégrée au reste des Pays-Bas espagnols sous Charles Quint, passa dans le royaume de Louis XIV, puis réintégra les Pays-Bas, à ce moment-là autrichiens, puis fut de nouveau française sous le Directoire et l'Empire, partie du Royaume-Uni des Pays-Bas après le Traité de Vienne et enfin du Royaume de Belgique après l'indépendance nationale.

Origines

On ne sait pas à quand remonte la fondation de la ville de Tournai. Comme ce fut souvent le cas au Moyen Âge pour d'autres villes, pour des raisons de prestige, un chanoine du XIIe siècle l'attribua au roi romain Tarquin l'Ancien.

Si l'on range au rayon des fables cette origine légendaire, force est de constater qu'il n'est fait mention d'aucune ville dans la Belgique Ancienne dans les documents les plus dignes de foi qui nous renseignent sur cette partie de la Gaule du temps de César. Il est donc impossible de savoir si Tournai était déjà fondée à l'époque de la Guerre des Gaules. Si c'était le cas, il est probable que cela fut une minuscule bourgade sur cet endroit dépendant du territoire des Ménapiens à la limite de la Nervie[1].

Les premières véritables agglomérations naquirent sous le régime romain, elles furent très peu nombreuses : seulement Tongres, Arlon et Tournai.

Détail de la table de Peutinger. Tournai (Turnaco) sur la droite.

Le premier document authentique qui révèle l'existence de Tournai est une carte : la table de Peutinger. Tournai (Turnaco) y figure comme station postale.

L'Itinéraire d'Antonin, datant du IIIe siècle de notre ère, montre également l'emplacement de la ville dans l'Empire romain. Elle y figure avec la voie romaine qui la reliait à Cologne.

La Notitia Galliarum (Notice des Gaules), contemporaine à l'Itinéraire, qui catalogue dix-sept provinces et cent vingt villes romaines en Gaule parle de deux villes dans la partie qui correspond au territoire du Royaume de Belgique, il s'agit de Tongres et de Tournai. Tournai, ciuitas Tornacensis, est le chef-lieu de la Ménapie et se situait dans la Belgique Seconde[2].

Saint Jérôme, qui signale Tournai dans une de ses lettres[3] de 409, mentionne que la ville fut saccagée par les Vandales en 407.

On peut aussi mentionner la légende concernant Saint Piat, qui vient dans les contrées belges vers la fin du IIIe siècle pour y prêcher l'Evangile et convertir les cœurs au christianisme. La légende parle de la conversion de trente mille personnes. Ce chiffre est exagéré mais il indique qu'à l'époque de la visite de ce missionnaire, la cité avait acquis une certaine importance car les prédicateurs se dirigeaient vers les centres les plus peuplés.

Période romaine

Tournai devint réellement une agglomération durant la domination romaine, avec le statut de municipe et dirigé par une assemblée appelée curie.

Tournai était à l'embranchement de chaussées romaines à cette époque. Une principale venant du Sud-Est, de Bagacum (Bavay) et repartant de Tournai vers le Nord-Ouest pour passer par Viroviacum (Wervik), Castellum Menapiorum (Cassel) et aboutir à Gesoriacum (Boulogne-sur-Mer). Une secondaire venant du Sud-Sud-Ouest reliait Nemetacum Atrebatum (Arras) à Tournai pour continuer son tracé vers Asse au Nord-Nord-Est après avoir traversé l'Escaut. Ces deux axes forment au sein de la jeune agglomération romaine le cardo et decumanus.

Haut-Empire

Durant le Haut-Empire, Tournai est une agglomération assez étendue, la Pax Romana règne, il n'y a pas de fortifications car le besoin de se défendre n'existe pas. Les habitations sont éparses sur une quarantaine d'hectares, principalement sur la rive gauche plus élevée qui permet d'éviter les crues mais il y avait quelques bâtiments sur la rive droite près de l'actuelle rue de Pont et également un quartier commercial au Luchet d'Antoing qui sert d'embarcadère pour le commerce de la pierre de taille et de la chaux. La ville jouissait à cette époque d'un certain confort, il existait un aqueduc et des canalisations d'eau et des égouts. Certaines habitations possédaient un hypocauste et l'on a même retrouvé une baignoire en marbre[4] à l'emplacement actuel de la Place Saint-Pierre.

Bas-Empire

Les invasions barbares du IIIe siècle et les troubles politiques au sein de l'Empire interrompirent l'essor de l'agglomération et changèrent l'aspect de la ville. Après un siècle de crises, le Dominat est instauré et l'Empire subit de grandes réformes. Tournai devient le caput ciuitatis (chef-lieu) de la Ménapie à la place de Cassel et doit maintenant défendre la frontière Nord de la Gaule à cause de son nouveau rôle militaire. Sa taille se réduit car elle doit s'abriter derrière une enceinte. Cette fortification construite à la fin du IIIe et au début du IVe siècle est une muraille en pierre formant un demi-cercle fermé[5] par une défense naturelle, l'Escaut. Le fleuve, ainsi que les voies romaines dont la ville se situe au carrefour sont des voies d'infiltration des Barbares. Tournai est chargé du contrôle de ce nœud routier et de cette route fluviale[6]. L'embarcadère du Haut-Empire qui était situé au luchet d'Antoing fut déménagé au Bas-Empire à l'intérieur des fortifications, près de l'actuel quai du Marché-aux-Poissons.

La Notitia Dignitatum Occidentis[7] mentionne qu'à l'époque il existait dans la ville un procurator gynæcii Tornacensis. Ce gynécée était un atelier de tissage de la laine où l'on employait des femmes pour la confection de l'équipement des troupes romaines. La même notice de l'empire parle d'un numerus Turnacensium[8], un corps de Tournaisiens préposés à la défense du Litus Saxonicus en Bretagne[9] qui était caserné à Portus Lemanis (Lympne), sur la côte du Kent.

Les premières communautés chrétiennes à Tournai datent de cette époque. À la fin du IIIe siècle, le missionnaire Saint Piat originaire de Bénévent y fonde la première communauté chrétienne dont on a retrouvé les premiers vestiges et sépultures en dessous de l'église portant le nom de ce même missionnaire, l'église Saint-Piat.

Les grandes migrations de peuples germaniques au début du Ve siècle marquent la fin de la période romaine de Tournai. Elle fut envahie par les Francs peu de temps après le saccage des Vandales. C'est à cette époque que Tournai se germanise, comme en témoigne notamment le mobilier funéraire retrouvé lors de fouilles.

Période mérovingienne

L'occupation franque commence à Tournai vers 431, quand Clodion s'y installe grâce à la signature d'un fœdus. Sous son successeur Mérovée, qui donnera son nom à la dynastie mérovingienne, la ville va jouer le rôle de capitale du royaume salien jusqu'au règne de Clovis avec certains attributs du pouvoir, comme celui de la frappe.

Le fils de Mérovée, Childéric, est surtout connu pour sa sépulture qui contenait un trésor important. Il succéda à son père en 458 et il régna pendant 23 ans. À sa mort en 481, son fils Clovis est élevé à Tournai sur le pavois. Il se lance très vite dans des conquêtes et déménage le trône dès 486 vers Soissons puis Paris. À sa mort, Tournai fut attribuée à son fils Clotaire.

C'est à l'époque des conquêtes de Clovis que Tournai devient un siège épiscopal dépendant de l'archevêché de Reims. L'évêque sera le gestionnaire de la ville à partir de ce moment, à la place du roi qui a installé sa capitale plus au sud d'abord à Soissons puis Paris.

Le berceau de la dynastie des Mérovingiens reste important malgré la perte de son statut de capitale. D'après Grégoire de Tours, le roi de Neustrie Chilpéric vint trouver refuge à Tournai dans les alentours de 575 car il était en guerre contre son frère le roi d'Austrasie Sigebert. Sigebert, apprenant cela, partit avec son armée pour assiéger la ville mais il mourut assassiné à Vitry par des serviteurs de la reine Frédégonde. Chilpéric put ainsi réunir le royaume d'Austrasie avec le sien. Cet épisode de la vie de la cité sera utilisé au XIIe siècle par les chanoines du Chapître de Tournai pour fabriquer une fausse charte du roi Chilpéric, le Diplôme dit de Chilpéric, accordant en remerciement le privilège de lever une taxe (tonlieu) sur le passage des marchandises de l'Escaut[10].

Après, Tournai rentre dans une période d'ombre durant tout le VIIe et VIIIe siècles où l'on n'a que très peu d'informations sur la ville. On sait que Tournai garde pendant cette période son siège de diocèse et l'administration épiscopale ainsi que son commerce fluvial même si l'évêque déménage à Noyon et reste jusqu'en 1146 prélat des deux villes.

Période carolingienne

Après une période de près de deux siècles où l'on ne sait pas grand chose sur la ville, elle retrouve une certaine visibilité historique grâce à la fin de la dynastie mérovingienne qui devenait décadente (Les "rois fainéants") et qui fut remplacée par les Carolingiens. Cette période de renouveau du royaume franc, avec un nombre important de documents de l'époque laisse présager que la ville fut prospère.

Le commerce fluvial prenant plus d'importance à cette époque, la cité de Tournai gagne le statut de portus ce qui montre son importance économique. Tournai qui était sous la juridiction de l'évêque voit son pouvoir être contrebalancé par la nomination en 817 d'un comte, fonctionnaire laïc au service de l'empereur Louis le Pieux, qui reçoit une partie du fisc royal de la ville. La présence de ce comte laïc restera fort présente jusqu'à l'affaiblissement du pouvoir royal vers la fin du siècle. L'empereur organisa également le clergé de la cathédrale afin que les chanoines puissent assurer leur mission de prière, de bienfaisance et d'enseignement.

La taille de Tournai s'agrandit, des nouveaux bâtiments et des nouveaux quartiers apparaissent en dehors des murs de la ville. Les anciennes enceintes sont toujours existantes mais sont en ruine (Tornacus, nunc multiplici prostata ruina/ Funditus ah! turres deflet cecidisse superbas. comme l'écrit Milon d'Elnone vers 850[11]) et des nouveaux quartiers et bâtiments apparaissent en dehors des murs. La ville n'a pas besoin de les rénover ou de les agrandir car elles n'ont que peu d'utilité au milieu de l'empire pacifié de Charlemagne. Le besoin de nouvelles enceintes se fera sentir à la fin du IXe siècle quand elles s'avèreront incapables d'arrêter les incursions normandes, notamment le pillage de Tournai en 880. L'évêque Heidilon recevra de Charles le Simple l'autorisation[12] de les redresser vers 898, en plus de certains droits qui appartenaient auparavant au comte laïc.

Période féodale

Après le Traité de Verdun qui sépare l'Empire carolingien en 843 entre ses fils, l'Europe entre dans l'ère de la féodalité. Des luttes dynastiques commencent et Tournai comme tout le reste des territoires qui deviendront les «Pays-Bas» fait l'objet d'enjeu d'expansion territoriale des vassaux qui cherchent à se soustraire à l'autorité de leur suzerain. Intégré dans la Francie Occidentale de Charles le Chauve, le Tournaisis est vite récupéré par la nouvelle et ambitieuse maison de Flandre à la fin du IXe siècle par Baudouin Ier. Les comtes de Flandre y installent une châtellenie qui a son siège à la porte de la cité qui devient dès ce moment une co-seigneurie ecclésiastique vassale directe du roi de France en échappant dès lors à la circonscription territoriale flamande. Cette dualité entre Tournai et le Tournaisis, entre une ville ayant une grande autonomie et son pays flamand dura jusqu'à l'occupation française.[réf. nécessaire] Les deux seigneurs de la Ville étant l'évêque qui réside à Noyon et le Chapitre de la cathédrale sur place.

Le siège de la Châtellenie était situé dans le quartier du Bruille, appelé aussi Îlot flamand de ce fait, sur la rive droite de l'Escaut. Ce quartier fut acquis par la ville de Tournai par son achat à la châtelaine Marie de Mortagne en 1295[13]. Cette expansion de la ville se déroule durant l'essor économique et démographique de la ville qui se situe au XIe et XIIe siècles. La ville développe à l'époque des activités commerciales qui lui permirent de se faire un nom comme la pierre de Tournai et le drap. En 1147, la ville est érigée en commune jurée par les patriciens.

République communale

En lutte avec un comté de Flandre très turbulent, Philippe Auguste accorde deux chartes l'une en 1188 et l'autre en 1211 à Tournai qui lui accorde des privilèges. Ces chartes mettent fin à la seigneurie ecclésiastique, l'évêque Éverard d'Avesnes «rendait» officiellement la cité au roi de France. C'est un lien de vassalité directe qui unit Tournai à la couronne. Elle peut s'administrer elle-même selon ses propres intérêts sans l'intermédiaire d'un représentant de l'autorité royale. Étienne de Tournai, qui est évêque de 1191 jusqu'à sa mort en 1203, emploie ses talents de juriste pour défendre les droits de l’Église contre les empiètements de Philippe Auguste.

La ville est administrée par quatre collèges appelés consistoires, celui des jurés, celui des échevins, celui des eswardeurs et celui des mayeurs. Ensemble, ces quatre consistoires forment les «Consaux», nom qui sera celui des autorités communales jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. Les Consaux siègent à la Halle des Consaux, aujourd'hui disparue.

Directement sous la dépendance du roi, Tournai constitue un « boulevard de la monarchie à l'extrémité nord du domaine royal» par rapport à des vassaux revendicatifs comme le comte de Flandre. Ce dernier, alors Baudouin de Constantinople, s'allie d'ailleurs avec les Anglais après le refus du roi de France de rendre des terres aux Flandres et fait le siège de Tournai sans succès. Son beau-fils, le Comte Ferrand, donne tout autant de fil à retordre à son suzerain. Celui-ci prend Tournai le avec l'aide de l'empereur Otton de Brunswick mais elle retourne à la couronne après qu'ils furent vaincus en 1214 à la bataille de Bouvines.

Après cette période troublée et forte des privilèges accordés, la commune prospère. Signe de cette prospérité, la guilde locale des drapiers, la Charité de Saint-Christophe, s'affilie à la Hanse flamande de Londres. La ville s'enrichit et sa population croît, les pouvoirs communaux grignotent les pouvoirs concurrents qui peuvent rester comme l'évêque ou le châtelain et achètent des terres pour grandir, comme ce fut le cas avec les quartiers du Bruille et des Chauffours en 1295. Ce dernier quartier aussi sur la rive droite de l'Escaut comprenait Allain et Warchin, des terres dépendant de l'Empire.

En 1313, le roi de France Philippe le Bel envahit le Tournaisis, s'empare de la châtellenie et des derniers droits de justice scabinale que celle-ci détenait. En 1321, l'évêque abandonne à Philippe V, en échange de la seigneurie de Wez, l'hommage et le fief de la châtellenie et de l'avouerie de Tournai ainsi que différents droits économiques. En 1323, c'est à l'avoué de vendre son office et ses droits à Charles le Bel. La commune se montre cependant si jalouse de son autonomie et parfois si revendicatrice qu'en 1332, le roi la supprime.

La résistance opposée par la ville durant le siège de 1340 aux troupes anglaises d'Édouard III aidées par les milices de Jacques van Artevelde lui vaut la restitution du droit de commune et l'acquisition de tous les droits du châtelain, de l'avoué et de l'évêque. Un an plus tard, après l'achat de la moitié de la justice de Saint-Brice détenue par un parent des châtelains, la commune est enfin le seul seigneur de tout son territoire.

La commune est pourtant à nouveau supprimée en 1367 : les finances de la ville souffrent, entre autres, des guerres des rois de France et les Tournaisiens sont pressés par leur souverain de payer de nouveaux impôts, ce qu'ils refusent et des émeutes ont lieu. Le , les libertés communales sont rétablies avec une nouvelle constitution qui donne tous les pouvoirs à l'aristocratie urbaine. En 1423, une révolution démocratique a lieu et les artisans regroupés en corporations de métiers participent dès lors au gouvernement de la ville. Il y a alors un quatrième collège, celui des doyens et sous-doyens des métiers, aux côtés des ceux des eswardeurs, des jurés et des échevins.

Cette accession des gens de métier au pouvoir s'explique par le fait que le XVe siècle est un âge d'or pour la cité qui est alors renommée sur le plan de l'art. Ses peintres, ses tapissiers, ses sculpteurs sur pierre et ses fondeurs de laiton produisent énormément de chefs-d'œuvre. Issues de la grande école flamande, la peinture et la tapisserie tournaisiennes acquièrent des lettres de noblesse. Des maîtres comme Jacques Daret, Robert Campin, Roger van der Weyden sortent de la guilde de Saint-Luc, la corporation des peintres et les ateliers de tapisserie qui avaient souffert de la guerre de Cent Ans retrouvent leur éclat, notamment à la suite du déclin d'Arras. Ils exportent dans tout l'Occident et sont les fournisseurs attitrés des Ducs de Bourgogne qui maintenant règnent sur presque l'ensemble des Pays-Bas.

Tournai entre le Roi de France et le Duc de Bourgogne

Durant la guerre de Cent Ans, lorsque sa position géographique, qui faisait d'elle «une des portes du royaume de France», la met au centre de considérations stratégiques et militaires, Tournai reste fidèle au Roi de France et ce y compris au moment où la fortune de ce dernier est au plus bas. Tournai est parmi les villes qui se refusent à reconnaître la validité du traité de Troyes, qui écarte le dauphin Charles du trône[14]. La ville est divisée en deux partis. D'un côté, les patriciens qui veulent préserver leurs intérêts commerciaux et ne pas heurter le duc de Bourgogne, allié du roi d'Angleterre et dont les territoires encerclent Tournai de toutes parts. De l'autre, les métiers, qui entendent rester fidèles au dauphin Charles, héritier légitime de la maison de Valois. Cette dernière position l'emporte et les Tournaisiens persistent dans cette attitude en 1422. Lorsque, à l'occasion du renouvellement du traité de bon voisinage qui le lie à la ville, le duc de Bourgogne propose à Tournai une clause de neutralité à laquelle les patriciens sont favorables, les tensions à l'intérieur de la ville sont à leur comble. Le , les métiers font une révolution démocratique qui modifie les institutions de la ville comme on l'a vu ci-dessus, mais place aussi définitivement la ville dans le camp de Charles VII C'est donc à juste titre que Jeanne d'Arc adresse la lettre suivante aux habitants de la ville:

« Gentils et loyaux Français de la ville de Tournay, la pucelle vous fait savoir des nouvelles de par deça. En huit jours, elle a chassé les Anglais de toutes les places qu'ils tenaient sur la Loire, en les prenant d'assaut et autrement. Il y a eu beaucoup de morts et de prisonniers et elle les a mis en déroute. Sachez que le comte de Suffolk, son frère la Pole, le sire deTalbot, le sire de Scales et messire Jehan Falstaff, ainsi que plusieurs chevaliers et capitaines ont été pris. Le frère du comte de Suffolk et Glasdas sont morts. Maintenez vous bien loyaux Français, je vous en prie et je vous prie et vous demande d'être prêts à venir au sacre du gentil Roy Charles à Reims où nous serons bientôt. Venez au-devant de nous quand vous saurez que nous approcherons. Je vous confie à Dieu, Dieu vous soit en garde et vous donne la grâce de pouvoir maintenir la bonne cause du Royaume de France. Ecrit à Gien, le 25 e jour de juin. Aux loyaux Français de la ville de Tournay[15] »

Une délégation tournaisienne assiste donc au sacre de Charles VII à Reims en 1429. Ces rapports cordiaux se poursuivent sous Louis XI, qui fait appel à l'aide financière de la ville pour récupérer les villes cédées au traité d'Arras[16]. En 1464, Tournai offre une splendide réception au roi, qui reçoit les clefs de la ville des mains des magistrats. En 1477, le roi lui octroie quelques droits par lettres patentes[17].

Les Tournaisiens tentent pourtant de concilier ce loyalisme à la couronne avec une prudente neutralité envers leurs puissants voisins, les ducs de Bourgogne. Ces derniers exercent une pression toujours plus forte sur la ville. En 1463, le comte de Charolais, le futur Charles le Téméraire, lance sans succès un coup de main sur Tournai[réf. nécessaire]. Tout au long du règne du duc Charles, ses relations avec Tournai seront d'autant plus orageuses que les habitants de la ville s'étaient risqués à le brocarder. En , après la mort du duc, Tournai est entraîné dans la guerre de succession de Bourgogne. Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, entame des négociations avec les Tournaisiens pour obtenir leur neutralité dans le conflit qui l'oppose au roi de France, Louis XI. Olivier Le Daim, l'homme de confiance du roi, introduit par ruse des troupes françaises dans la ville[18]. Tournai se retrouve donc de mauvais gré au cœur du conflit. Au cours de cette occupation, Louis XI rend à nouveau visite à Tournai en 1478 après le siège de Condé, auquel avait pris part un contingent tournaisien. Peu après la garnison française évacue la ville, qui sort économiquement affaiblie du conflit.

Occupation anglaise

C'est grâce aux Ducs de Bourgogne que les destinées de Tournai vont changer. L'empereur Maximilien, maître des Pays-Bas bourguignons par son mariage avec la fille de Charles le Téméraire, reprend la lutte contre la France au sein de la Sainte Ligue le s'alliant avec le pape Léon X, l'Espagne du roi Ferdinand d'Aragon et le roi Henri VIII d'Angleterre. Maximilien amène ce dernier à s'emparer de la ville en 1513, en souhaitant probablement l'annexer un jour aux Provinces des Pays-Bas. Henri VIII s'empare facilement de Tournai, mal défendue par une petite garnison et une maigre artillerie, la commune capitule après quelques jours de bombardement.

La période anglaise de Tournai débute officiellement le , quand Henri VIII fait son entrée dans la ville au matin. À cheval, vêtu d'une robe de drap d'or, portant un collier de pierreries et de perles, il se présente à la Porte Sainte-Fontaine. Entouré de treize pages d'honneur portant une robe de drap d'or et d'un grand nombre de princes et de seigneurs et escorté par les huit cents archers de la garde, ils chevauchent dans Tournai et sont accueillis par les chanoines. Ces derniers élèvent au-dessus du roi un dais aux couleurs anglaises : velours rouge et bleu semé de fleurs de lys et de léopards. Et ils font ensuite le tour de la cathédrale puis le roi y entre où il «fait salutation à Dieu et à Notre-Dame». L'après-midi, Henri VIII se rend au marché près du beffroi, pour recevoir le serment de fidélité du peuple.

Henri VIII considère que la cité de Tournai fait partie intégrante de son royaume. Tournai et le Tournaisis sont une constituency et sont donc autorisés à envoyer deux députés à la Chambre des communes. Le roi anglais y laisse vingt mille cavaliers et quatre mille fantassins, qui seront logés dans le quartier de Bruille. Ce quartier s'appellera par la suite «quartier du Château» car le roi d'Angleterre ordonne d'y construire une citadelle pour son armée. De cette citadelle qui fut détruite en 1669-1688 lors de l'aménagement des fortifications par Vauban, il reste une imposante tour dont les murs font près de 7 mètres d'épaisseur et que l'on nomme aujourd'hui la Tour Henri VIII.

Les Anglais resteront à Tournai jusqu'en 1519, date à laquelle François Ier rachète la ville[19]. Tournai est la seule ville de Belgique à avoir été anglaise.

Période espagnole

Le retour à la couronne de France ne durera pas longtemps. Charles Quint prit Tournai durant la sixième guerre d'Italie au bout d'un blocus de 3 mois et d'un siège de 6 semaines[20]. Les troupes de l'empereur obtinrent la reddition de la ville le , bien que le château résistât encore quinze jours[21]. L'Empereur réalisait un vieux rêve bourguignon : la fin de la présence française dans cette région. Les Tournaisiens crièrent «Vive Bourgogne» lors de l'entrée des troupes de l'empereur dans leur ville. Par le décret impérial d'annexion du , Tournai entrait donc théoriquement dans le giron flamand et le souverain des Pays-Bas devenait par la même occasion «Seigneur de Tournai»[22]. Dans les faits, la dépendance ne fut que judiciaire, les appels se faisant devant le Conseil de Flandre. Pour le reste, Tournais et le Tournaisis votaient leurs propres subsides, avaient leurs propres États et envoyaient leurs propres députés aux États généraux[23]. La ville fut également le siège d'une université de 1525 à 1530 : l'université de Tournai.

L'appartenance de Tournai à la Flandre et au reste des Pays-Bas fut officialisée par la Pragmatique Sanction de 1549. Ce document ne fait pas la mention de Tournai car elle fait partie intégrante du Comté de Flandre. Il établit que les Pays-Bas espagnols, aussi appelés Dix-Sept Provinces, forment un tout et qu'ils sont une entité séparée du Saint-Empire romain germanique mais aussi du Royaume de France.

Sitôt la ville conquise, Charles-Quint modifia la composition du gouvernement communal, supprimant le consistoire des eswardeurs et celui des doyens des métiers[24].

La Genève du Nord

Siège de Tournai, 1581

Au milieu du XVIe siècle, la Réforme recueillit une large audience à Tournai, malgré les efforts de Philippe II pour l'éradiquer. En 1566, une grande partie de la population était acquise au calvinisme. Les 23 et , les églises et les établissements religieux catholiques furent saccagés. Le gouvernement envoya Philippe de Montmorency, comte de Hornes, rétablir l'ordre. Jugé trop peu zélé, il fut rappelé à Bruxelles et remplacé par Philippe de Noircarmes, qui inaugura une période de répression. De à fin , 152 personnes furent exécutées sur la Grand-place de Tournai et de nombreux protestants tournaisiens choisirent l'exil.

À partir de 1568, les Pays-Bas connurent une longue période de troubles. En 1576, les États-généraux des Pays-Bas, exaspérés par la lourdeur des impôts et les exactions des troupes espagnoles, signèrent un traité connu sous le nom de Pacification de Gand, puis en 1577, un autre, appelé Union de Bruxelles, auxquels Tournai adhéra. En 1576, les États-généraux avaient nommé comme gouverneur de Tournai, un homme qui leur était dévoué, Pierre de Melun. À la suite de la Pacification de Gand, de nombreux protestants rentrèrent à Tournai. En 1579, la situation dans le pays se compliqua : les «Malcontents» catholiques des provinces méridionales, inquiets face à la montée du protestantisme, fondèrent l'Union d'Arras. Les protestants répliquèrent par la création de l'Union d'Utrecht. Le nouveau gouverneur-général des Pays-Bas Alexandre Farnèse tira parti de cette fracture pour rétablir l'autorité du roi d'Espagne et s'allia aux Malcontents. Pierre de Melun, quant à lui, tout en s'efforçant d'administrer Tournai dans un esprit de conciliation entre protestants et catholiques, était foncièrement anti-espagnol et resta fidèle aux États-généraux.

En 1581, Farnèse profita de son absence pour venir mettre le siège devant Tournai, dont la position stratégique ouvrait l'accès à la Flandre et aux provinces du nord. Alors que la situation de la ville, qui ne disposait que d'une maigre garnison face aux 16 000 fantassins et aux 5 000 cavaliers de Farnèse, semblait désespérée, les défenseurs furent galvanisés par Christine de Lalaing, princesse d'Epinoy, l'épouse du gouverneur Pierre de Melun. Animée d'une haine féroce contre le roi Philippe II, elle s'opposa aux notables qui souhaitaient négocier et encouragea les défenseurs par sa présence sur les murailles. Au bout de deux mois ponctués par 23 combats et 12 sorties des assiégés, la ville, n'espérant plus aucun secours, dut se résoudre à capituler le . Farnèse se montra généreux : il autorisa les défenseurs à quitter la ville avec armes et bagages et tint à saluer à cette occasion Christine de Lalaing qui avait suscité son admiration. Les protestants, dont beaucoup comptaient parmi les citoyens les plus actifs de la ville, s'exilèrent à nouveau. Leur départ contribua au déclin économique de la ville. Ruinée par la guerre, celle-ci ne se remit que très lentement sous le règne des archiducs Albert et Isabelle.

Tournai français sous Louis XIV et au XVIIIe siècle

Siège de Tournai, 1709

Au cours de la Guerre de Dévolution, l'armée française vint investir Tournai le . Le siège fut mené par Vauban[25], directement sous les ordres de Louis XIV. Il ne dura que deux jours. Dotée d'une maigre garnison, avec pour seules défenses l'enceinte médiévale et le château de Henri VIII, la ville offrit de capituler le 23. .

Louis XIV, qui accordait beaucoup d'importance à la ville, confia à Guillaume Deshoulières[26] la construction d'une nouvelle citadelle, en haut de la ville. Commencée dès 1667 et terminée en 1674, celle-ci constituait un pentagone muni de cinq bastions et entouré de fossés et de remparts. Elle était équipée d'un réseau de galeries de contre-mines conçu par l'ingénieur Jean de Mesgrigny[27]. La ville elle-même fut entourée de bastions pour protéger les courtines et les portes. Les travaux de mise en défense entraînèrent la rectification des berges de l'Escaut. La physionomie de la ville en fut profondément affectée. Pour construire la nouvelle citadelle, les habitants de la paroisse Sainte-Catherine furent déplacés vers le site du château de Henri VIII, démantelé. La rectification des berges de l'Escaut pour les besoins de la défense de la ville entraîna la modification du système de ponts. Le Pont à Ponts se vit amputé de quelques arches; le Pont du Château doté d'une balustrade métallique et rebaptisé Pont de Fer; c'est également à cette époque qu'on construisit le Pont Notre-Dame. Ces travaux entraînèrent la reconstruction de bon nombre de maisons. Cette activité s'étendit à la plupart des quartiers de la ville, qui prit alors la physionomie qui fut la sienne jusqu'aux bombardements de 1940.

Tournai connut sous Louis XIV une période de prospérité qui prit fin lorsqu'éclata la guerre de Succession d'Espagne, la ville se trouvant sur un théâtre d'opérations. Le duc de Marlborough et le prince Eugène vinrent mettre le siège devant Tournai[28]. Attaquée par les Alliés le , la ville capitula le 29. Les troupes françaises retirées dans la citadelle continuèrent de résister. Bien que Jean de Mesgrigny eût tenté d'inonder le plat pays et fait bon usage de son système de contre-mines, la garnison, qui était à court de vivres et de munitions, fut obligée de capituler le . La chute de cette place réputée inexpugnable fit grand bruit dans toute l'Europe. Par le Traité d'Utrecht, le Tournaisis fut à nouveau rattaché aux Pays-Bas méridionaux, qui revenaient à la maison d'Autriche. Pour se prémunir de futures attaques françaises, les Hollandais obtinrent par le Traité de la Barrière de pouvoir stationner des garnisons dans plusieurs villes-frontière, parmi lesquelles Tournai. Toutefois, aux termes du traité de la Barrière, les Provinces-Unies obtiennent le droit d'établir des places fortes dans plusieurs villes des Pays-Bas autrichiens, dont Tournai. Sous la protection de la garnison néerlandaise, une église wallonne s'implante, qui accueille lors des fêtes chrétiennes la diaspora protestante française du Hainaut français et de Picardie dont le culte est interdit en France à la suite de la révocation de l'Édit de Nantes. Ce système durera jusqu'en 1785[29].

Période autrichienne

Le retour de Tournai dans le giron des Pays-Bas ne profita pas à la ville sous le règne de Charles VI. Administrativement, elle cessa de jouer le rôle important que Louis XIV lui avait dévolu, notamment par l'établissement du Parlement des Flandres, et retomba au niveau d'une quelconque ville de province. Économiquement, elle souffrit d'être privée de débouchés vers les marchés français. Elle dut par ailleurs supporter le poids de l'entretien d'une garnison hollandaise.

L'avènement de l'impératrice Marie-Thérèse entraîna un nouveau siège de Tournai au cours de la guerre de Succession d'Autriche (1740-1748). En 1745, une armée française commandée par le Maréchal de Saxe encercla la ville. Dès le , les travaux d'approche commencèrent et le , les Français commencèrent à canonner les remparts. À l'approche d'une armée composée d'Anglais, d'Autrichiens et de Hollandais, le Maréchal de Saxe, laissant une partie de ses troupes devant Tournai, se porta vers ses adversaires et les défit à la bataille de Fontenoy. Le , les Français victorieux reprirent le siège de Tournai. La ville se rendit le 23. La garnison hollandaise tenait néanmoins toujours la citadelle et se défendit avec acharnement, faisant un usage judicieux de son système de contre-mines. Comme lors du siège de 1709, la garnison se retrouva à court de vivres et de munitions et obtint de pouvoir quitter la ville avec les honneurs de la guerre. Le , le roi Louis XV faisait son entrée dans la ville. L'occupation française fut de courte durée. Par le traité d'Aix-la-Chapelle (1748), Louis XV restitua ses conquêtes et Tournai retourna à l'Autriche.

Le reste du règne de Marie-Thérèse se déroula sous de meilleurs auspices sur le plan économique, notamment dans le domaine de la bonneterie et des filatures. Cette époque vit également la naissance et le développement de la porcelaine de Tournai. En 1750, Le Lillois François-Joseph. Péterinck avait créé une fabrique de porcelaine qui prit bientôt le nom de «Manufacture impériale et royale». Son renom s'étendit loin au-delà de Tournai, rivalisant avec la porcelaine de Sèvres ou de Saxe. Il en allait de même des tapis de la firme Piat Lefèbvre et fils, qui faisait vivre 1 200 ouvriers en 1786. La croissance démographique de Tournai était tout aussi éloquente: la population passa de 21 392 habitants en 1746 à 25 726 en 1786.

En 1781, Joseph II succéda à sa mère. Contrairement à cette dernière, il vint visiter Tournai en . La ville lui réserva un bon accueil. Ce souverain féru des Lumières se lança dans des réformes mal comprises, qui finirent par lui aliéner la population. Ses premières mesures modifièrent le paysage de Tournai. Il obtint le démantèlement des places fortes remontant au Traité de la Barrière, faisant raser les bastions de la citadelle qui remontait à louis XIV. L'esplanade qui précédait cette dernière fit place à un nouveau quartier. Dans le domaine religieux, il procéda à la suppression de nombreux couvents, dont à Tournai ceux des clarisses, des Croisiers et des Célestins, dont les bâtiments furent affectés à de nouvelles destinations. Joseph II était réformiste jusqu'à la méticulosité: il bannit les cimetières de l'intérieur des villes et on lui doit à Tournai la création des cimetières Nord et Sud. Il s'engagea ensuite dans des réformes administratives et judiciaires qui provoquèrent une levée de boucliers. En 1787, il bouleversa l'ancien système de duchés et de comtés des Pays-Bas, qu'il remplaça par neuf «cercles». Tournai et le Tournaisis auxquels étaient adjoints Courtrai, Ypres, Roulers et meni, devaient former un de ces cercles. Dans la foulée, Joseph II remodela le système judiciaire, supprimant toutes les anciennes juridictions et les remplaçant par 63 tribunaux de Première instance. Tournai était l'un d'entre eux. Cette dernière réforme suscita une irritation telle qu'elle fut suspendue par les gouverneurs généraux des Pays-Bas. À cette occasion fut créée à Tournai une «société patriotique» et les 10 et , les magistrats de Tournai arborèrent les couleurs du Brabant qui était à la tête de l'opposition.

États-Belgiques Unis

Il fallut cependant rapidement déchanter. Joseph II renia les concessions des gouverneurs généraux et exigea l'envoi à Vienne d'une délégation des États provinciaux. Celle-ci fut constituée à Bruxelles en , avec la participation de six personnalités tournaisiennes. L'entrevue s'étant soldée par un échec, la situation s'envenima. En éclata une révolte, à laquelle les Tournaisiens ne participèrent pas dans un premier temps. Ce n'est que le que les partisans tournaisiens de la révolution formèrent un «comité général». Leurs revendications, qui tendaient à un retour au régime des bannières de 1423, avaient un caractère à la fois «démocratique et rétrograde»[30], «progressiste dans son désir d'égalité sociale, mais retardataire dans ses moyens jusqu'au point de retourner au Moyen Âge»[31]. À Tournai, le conflit avec le pouvoir central autrichien se doubla d'une lutte interne entre le pouvoir existant des Consaux et les métiers. Ces derniers prétendirent envoyer seuls au nom de Tournai des députés au congrès qui aboutit à la contrition des États-Belgiques Unis. Finalement on arriva à un accord et Tournai envoya cinq députés au congrès. La chambre des Métiers s'activa pour jouer un rôle dans les affaires de la cité. Après avoir réclamé la dissolution des Consaux le , elle obtint finalement une modification de l'administration dont les métiers constituèrent le troisième collège.

Joseph II étant décédé, son successeur, Léopold II, changea de politique. Habile négociateur, il parvint à regagner des soutiens, notamment dans la paysannerie du Tournaisis. Ce ne fut que dans le courant de 1790 qu'on put observer un regain de soutien aux États provinciaux, lequel se traduisit le par une manifestation massive des habitants des 43 villages du Tournaisis. Le mouvement révolutionnaire connut ensuite un reflux. Face à l'empereur assuré de l'appui de l'Angleterre et de la Prusse. Tournai, comme les autres provinces, se résigna à un retour des Autrichiens. Au vu d'une situation militaire devenue désastreuse, la position des consistoires de Tournai d'y poser des conditions politiques était illusoire. L'armée des États-Belgiques Unis se débanda et le , 400 hussards d'Esterhazy prirent garnison à Tournai. Le , l'empereur rétablit l'administration de Tournai telle qu'elle existait avant la révolution.

Occupation française

À peine revenue dans le giron de l'Autriche, Tournai se retrouve dans une zone de combats après la déclaration de guerre de la France à l'Autriche (1792).

Après la bataille de Jemappes, les Autrichiens évacuèrent Tournai dans la nuit du 7 au . Les révolutionnaires français tentèrent de se concilier la population en faisant savoir par une proclamation que l'occupation serait supportée par les ordres privilégiés. Des Tournaisiens favorables à la révolution fondèrent un club des «Amis de la Liberté et de l'Égalité». Par ailleurs, une «Administration provisoire» se substitua aux Consaux à la tête de la ville. Ses membres se conduisirent avec modération et ne donnèrent pas suite la demande des «Amis de la Liberté» de porter l'écharpe tricolore[32]. L'aigle impérial autrichien qui surmontait le beffroi en avait été descendu le et remplacé par le bonnet phrygien, symbole de la révolution. Les choses prirent bientôt un tour plus désagréable. Après que l'Assemblée nationale eut rendu le un décret supprimant toutes les autorités, institutions, impôts et coutumes de l'Ancien Régime, les administrateurs provisoires de Tournai émirent une protestation et refusèrent d'assister à sa publication sur la grand-place par le général O'Moran.

Deux élections en vue de renouveler l'Administration provisoire - le et le - n'ayant pas donné le résultat souhaité par les autorités occupantes, furent annulées sous des prétextes fallacieux et la nouvelle administration fut nommée par les commissaires nationaux envoyés de Paris. Le , les Tournaisiens furent appelés à se prononcer sur l'avenir de la ville. Dûment haranguée par le commissaire national Dieudonné Thiébault, l'assemblée se prononça «d'une voix unanime et par acclamation» pour la réunion à la France. Ce vœu fut transmis à la Convention, qui décréta le que Tournai et le Tournaisis feraient désormais partie intégrante du territoire de la République.»[33].

Entre-temps la fortune des armes avait changé de camp : les Français, défaits à la bataille de Neerwinden, quittèrent la ville où les Autrichiens rentrèrent le . Ces derniers rétablirent aussitôt l'ancienne magistrature.

La ville sous l'empire

Tournai est intégré dans le département du Jemmappes, le blocus continentale accélère le développement de la ville.

Période du Royaume uni des Pays-Bas

Monument rappelant le souvenir des soldats français morts durant le siège de la citadelle d'Anvers en 1832. (Tournai, place de Lille)

Période nationale

Première guerre mondiale

Au début de la guerre, contrairement à toute attente, l'armée française défendit des positions dans et autour de Tournai. L'épisode le plus connu est celui des 83e et 84e régiments de la 88e division territoriale française qui subirent de lourdes pertes le en tentant de ralentir l'avance allemande. Ces soldats venaient de Vendée et leur héroïsme fut commémoré après la guerre par le monument connu sous le nom de «Monument des Vendéens». Le , pendant la course à la mer des belligérants, Tournai vit brièvement revenir des troupes françaises. Elles quittèrent à nouveau la ville le 1er octobre. La ville subit ensuite quatre années d'occupation allemande, faites, comme ailleurs en Belgique, de déportations, de réquisitions et de privations. À la fin de la guerre, Tournai se retrouva dans la zone des opérations. Le , les Allemands en retraite firent sauter tous les ponts de la ville, sauf le Pont des Trous. Le le roi Albert Ier et la reine Elisabeth firent leur entrée dans la ville.

Archives

Le dépôt des Archives de l'État à Tournai conserve de nombreuses archives sur Tournai et les environs : archives d'Ancien Régime, registres paroissiaux et registres de l'état civil de plus de 100 ans, archives notariales, archives du Tribunal des Dommages de Guerre de Tournai (1912) 1919-1927, archives Manufacture Royale des Tapis de Tournai, archives du Bureau des Travaux publics de la Ville de Tournai (1817) 1830-1945, archives de la prison de Tournai (1821-1975), archives de l'Athenée royal Jules Bara à Tournai (1852-1974), archives du Cercle royal d’Escrime tournaisien (1884–2007), etc.

Notes et références

  1. Puisqu'il n'existait pas de ville en Belgique avant la période romaine, Tournai ne pouvait être la capitale des Nerviens comme l'ont avancé plusieurs auteurs. D'ailleurs, Tournai dépendait de la Ménapie et ne pouvait donc être capitale de la Nervie
  2. Notitia Galliarum, VI, ed. A. W. Byvanck, Excerpta Romana. De bronnen der romeinsch geschiedenis van Nederland, t. I, La Haye, 1931, p. 569.
  3. S. Hieronymus, épist. XCI, ad Agueruchiam, t. IV, Paris, 1706
  4. On la laissa sur place après les fouilles car l'air libre l'endommageait.
  5. Son tracé exact demeure toutefois inconnu.
  6. Surtout que les fleuves prennent une importance économique nouvelle en Europe à l'époque.
  7. Notitia Dignitatum Occidentis, XI, ed. A. W. Byvanck, op. cit., p. 569.
  8. Notitia Dignitatum Occidentis, XXVIII, ed. A. W. Byvanck, op. cit., p. 571.
  9. A.-G.-B. Schayes La Belgique et les Pays-Bas, avant et pendant la domination romaine, Emm. Devroye, Bruxelles, 1858, t. II, p. 284
  10. Paul Rolland Le diplôme dit «de Chilpéric» à la cathédrale de Tournai, in Bulletin de la Commission Royale d’Histoire, 90 (1926), blz. 143-188.
  11. Milon d’Elnone, Vita sancti Amandi, p. 589, 38-39
  12. Actes de Charles III le Simple, p. 1-4, no 2
  13. La transaction commença en 1288.
  14. Alexandre-Guillaume Chotin, Histoire de Tournai et du Tournésis, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Tome II, 1840, p. 9
  15. La lettre originale de Jeanne d'Arc brûla lors des bombardements de mai 1940. Mais la traduction ci-dessus est le contenu restitué en français moderne par Maurice Houtart en 1908. Et voici le texte en vieux français : Gentilz loiaux Franchois de la ville de Tournay, la pucelle vous faict savoir des nouvelles de par dechà que en VIII jours elle a cachié les Anglois hors de toutes les places qu'ilz tenoient sur la rivire de Loire, par assaut ou aultrement ; où il en a eu mains mors et prinz, et lez a desconfis en bataille. Et croiés que le comte Suffort, Lapoule son frère, le sire de Tallebord, le sire de Scallez, et messires Jehan Falscof et plusieurs chevaliers et capitainez ont esté prinz, et le frère du comte de Suffort et Glasdas mors. Maintenés vous bien loiaux Franchois, je vous en pry, et vous pry et vous requiers que vous soiés tous prestz de venir au sacre du gentil roy Charles à Rains où nous serons briefment, et venés au-devant de nous quand vous saurés que nous aprocherons. A Dieu vous commans, Dieu soit garde de vous et vous doinst sa grace que vous puissiés maintenir la bonne querelle du royaume de France. Escript à Gien le XXVe jour de juing.
  16. Le 24 août 1463, le roi expédie cette lettre dont une copie est conservée dans les Archives municipales de Tournai : «De par le roy. Tres chiers et bien amez, pour le bien et l'utilite de la chose publicque de nostre royaume et pour acroistre et augmenter nostre domaine et y reunir et remettre le plus que porons les choses alienees par noz predecesseurs, ainsy qu'a nostre sacre et couronnement l'avons jure et promis, nous sommes conclus et determines de presentement racheter et rejoindre a nostre dit domaine les villes, places, terres et seignouries de nostre pays de Picardie, que feu nostre tres chier seigneur et pere, que Dieu absoille, bailla et engaga par le traitie d'Aras, a nostre tres chier et tres ame oncle le duc de Bourgongne, pour la somme de quatre cens mil escus, de laquelle somme nous avons trouve moyen d'avoir et prendre de nostre propre espargne, jusques a deux cens mil escus ; et le surplus, montant autres ije mil escus, veu les grans charges et affaires que avons eu et avons continuelment a supporter, ne porions bonnement sy promptement furnir sans l'ayde et subvention de noz bons et loyaux subges. Et pour ce que, entre les autres, vous estes en nostre endroit tousjours continuelment employes, comme bons, vrais et loyaulx subges, au bien de la chose poublicque de ce royaume, aussy que le recouvrement des dictes villes qui sont fort prochaines de vous, redonde a vostre grant bien et seurte, nous sommes deliberez de vous requerir et employer pour nous aidier en ceste matiere. Et a ceste cause envoyons presentement par dela nostre ame et feal conseiller, maistre ...... pour sy necessaire et fructueuse chose, ne nous voldriez faillir. Et du plaisir que nous ferez aurons bien memore, et tousjours vous en aurons en plus especialle et singuliere recommandation. Donne a Paris, le XXIIIIe d'aoust. Ainsy souscirptes.» Cité dans : LOYS. J. BOURRE (secrétaire). Joseph Vaesen et Étienne Charavay, Lettres de Louis XI, tome II p. 145-146, Librairie Renouard, Paris 1885
  17. Trois lettres patentes de Louis XI, le Bourg de la Riche-lèz-Tours, le 8 décembre 1477, p. 310 ainsi que p. 311 et p. 312
  18. Alexandre-Guillaume Chotin, Histoire de Tournai et du Tournésis, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Tome II, 1840, p. 54
  19. Le roi, avec l'aide financière des Tournaisiens, paya 50 000 écus d'or. The English Occupation of Tournai 1513-1519, p. 275
  20. Les enceintes urbaines en Hainaut, p. 245
  21. Rolland 1956, p. 185
  22. Ce titre perdurera jusqu'à Joseph II
  23. Hervé Hasquin, Dictionnaire d'histoire de Belgique, Didier Hatier, 1988, p. 459
  24. Chotin 1840, p. 117.
  25. Martin Barros, Nicole Salat et Thierry Sarmant. Vauban - L’intelligence du territoire. Éditions Nicolas Chaudun et Service historique de l'armée, Paris, 2006. Préface de Jean Nouvel. 175 p, (ISBN 2-35039-028-4), p. 166
  26. Rolland 1956, p. 231.
  27. Rolland 1956, p. 232.
  28. Rolland 1956, p. 244.
  29. Yves Krumenacker, Entre calvinistes et catholiques : Les relations religieuses entre la France et les Pays-Bas du Nord (XVIe-XVIIIe siècle), Presses universitaires de Rennes, (ISBN 9782753567658, lire en ligne), « Les églises de la Barrière », p. 345-365.
  30. Rolland 1956, p. 286.
  31. Rolland 1956, p. 287.
  32. Milet 1986, p. 81.
  33. Milet 1986, p. 248.

Voir aussi

Bibliographie

  • Paul Rolland, Histoire de Tournai, Casterman,
  • A.-F.-J. Bozière Tournai. Ancien et Moderne, Éditions Culture et Civilisation, Bruxelles, 1974
  • Alexandre-Guillaume Chotin, Histoire de Tournai et du Tournésis, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Massart et Janssens,
  • Joseph Alexis Poutrain Histoire de la Ville et Cité de Tournai
  • Jean Dumoulin et Jacques Pycke Tournai, coll. Cités de Belgique, Éditions Artis-Historia, Bruxelles, 1986
  • Albert Milet, Tournai et le Tournaisis sous le bonnet rouge (1792-1793), Publications extraordinaires de la société royale d'histoire et d'archéologie, tome III,
  • Société Royale d'Histoire et d'Archéologie de Tournai, Les enceintes de Tournai des origines aux XIXe siècle, Publications extraordinaires, tome II, Tournai, 1985
  • (en) Charles Greig Cruickshank, The English Occupation of Tournai 1513-1519, Clarendon Press, Oxford, 1971, (ISBN 0198223439)
  • Les enceintes urbaines en Hainaut, Crédit Communal de Belgique, Bruxelles, 1983

Articles connexes

Liens externes

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