Politique monétaire

La politique monétaire désigne l'ensemble des décisions et des moyens par lesquels l'autorité monétaire (en général, la banque centrale) agit sur l'offre de monnaie et les taux d'intérêt afin de remplir ses objectifs. Ces derniers sont, souvent, la stabilité des prix, le plein-emploi ou encore la stabilité du taux de change. La politique monétaire est une politique économique, qui cherche souvent de remplir le triangle keynésien : croissance, plein emploi et équilibre extérieur.

La politique monétaire exploite un certain nombre de canaux de transmission tels que le taux d'intérêt, le taux de change ou les valeurs boursières. Elle se distingue de la politique budgétaire. Ces deux politiques interagissent et forment ensemble le policy-mix. Depuis le début de la crise économique de 2008, les banques centrales ont de plus en plus recours à des politiques monétaires non conventionnelles, dont l'assouplissement quantitatif.

Historique

Les premières banques centrales naissent à la fin du XVIIe siècle. Elles agissent dès lors comme des prêteurs en dernier ressort pour le système bancaire de leur pays. Des controverses sur les politiques monétaires à adopter émergent dès le XIXe siècle. La Currency school, dirigée par David Ricardo, qui prône un contrôle de la création monétaire par la banque centrale afin que la masse monétaire soit égale ou inférieure à la quantité d’or qu’elle détient pour empêcher l’inflation. La monnaie serait alors constamment adossée à un actif physique qu'est l'or. Cette école affronte la Banking school, qui prônent une liberté de la création monétaire et des banques, qui, selon eux, répondent adéquatement aux besoins des agents économiques.

La conférence de Bretton Woods est l'occasion pour la communauté internationale de redéfinir des politiques monétaires plus ou moins partagées. Jusqu'aux années 1970, le système monétaire international se fonde sur des taux de change fixes par rapport au dollar des États-Unis, qui s'engagent à assurer la convertibilité de leur monnaie en or.

À partir du choc pétrolier de 1973, l'explosion du système monétaire et financier mondial a une conséquence principale : le point d’ancrage nominal de la politique monétaire devient la stabilité des prix. Une enquête de la banque d’Angleterre sur 94 économies révèle qu'elle est l’objectif principal dans 80 % des cas et dans 26 % des cas l’unique objectif.

Concept

Objectifs

D'après la théorie économique moderne, le but de la banque centrale est de maximiser le bien-être économique des ménages. Ainsi, on attribue généralement deux objectifs principaux à la politique monétaire : la stabilisation des prix et la stimulation de l'activité économique. Ces deux objectifs sont étroitement liés, et non incompatibles comme on pourrait le penser, la stabilité des prix étant un préalable à une activité économique soutenue.

Cependant, si on admet qu'il n'existe pas d'arbitrage à long terme entre stabilité des prix et activité économique car la monnaie est neutre à long terme (la « Courbe de Phillips » de long terme est verticale), l'unique objectif de long terme de la banque centrale doit être le maintien de la stabilité des prix. Dans cette hypothèse, le niveau de croissance potentiel dépend de facteurs multiples (productivité, stock de capital...) sur lesquels la politique monétaire n'a aucun impact.

Les pays à dominance monétaire sont ceux où l'objectif principal ou unique de la banque centrale est de favoriser la stabilité des prix. Ils s'opposent aux pays à dominance budgétaire, où le principal créateur d'inflation est l’État via ses politiques budgétaires[1].

Une banque centrale peut avoir des objectifs finaux et des objectifs intermédiaires. La politique monétaire ne peut viser directement les objectifs finaux, car ils relèvent de grands agrégats sur lesquels la banque centrale n'a que peu de prise. Les objectifs intermédiaires, comme le niveau des prix ou du taux de change, sont donc des cibles intermédiaires que les banques centrales surveillent[2].

Les indicateurs

Les indicateurs avancés sont des variables économiques qui fournissent à la banque centrale de l'information sur l'état de l'économie (typiquement : les pressions ou les anticipations inflationnistes ou bien l'orientation effective de la politique monétaire, le degré de son caractère expansif ou restrictif).

Les instruments

Parfois appelés « objectifs opérationnels », ce sont des variables qui sont directement sous le contrôle de la banque centrale. Le choix des instruments et les règles définies pour les manipuler déterminent la politique monétaire au jour le jour. Il existe deux principaux moyens d'action pour la banque centrale :

La plupart des banques centrales choisissent le taux d'intérêt à court terme comme instrument. C'est le seul taux qu'une banque centrale peut effectivement contrôler de manière précise. En effet, les actifs de très court terme sont très proches de la monnaie, et la banque centrale a un monopole pour l'émission de monnaie. En contrôlant les taux d'intérêt à court terme, la banque centrale a une forte influence sur l'offre de liquidité. En revanche, au fur et à mesure que la maturité augmente, les taux incorporent les anticipations du marché et échappent ainsi au contrôle de la banque centrale.

Types de politique monétaire

Techniques de contrôle administratif

Jusqu'aux années 1980 et à la libéralisation du secteur bancaire, la politique monétaire repose en grande partie sur des techniques dites de contrôle administratif, c'est-à-dire fixées par la puissance publique. L'encadrement du crédit en fait partie : la banque centrale fixait les limites de crédits que les banques pouvaient créer. Cela est supprimé en 1987, afin de permettre aux banques centrales de survivre dans le cadre de la financiarisation de l'économie (qui rendait le crédit bancaire moins nécessaire), et pour permettre le financement de jeunes entreprises. L'encadrement du crédit, en effet, conduisait les banques à privilégier les grandes entreprises qu'elles connaissaient déjà[3].

Le contrôle des changes est le deuxième volet du contrôle administratif. Il consiste à la limitation, ou à l'interdiction, de certaines opérations de change ou de mouvements de capitaux vers l'étranger. Cela devait assurer la stabilité du cours de la monnaie. Cette politique est mise en place en 1939. Elle permettait de réglementer l'achat et la vente de devise étrangère par les ressortissants[3].

Techniques de marché

Les techniques de marché sont des techniques de politique monétaire qui passent par des actions sur les marchés financiers. Elles se sont répandues à partir des années 1980[3].

Politique monétaire non conventionnelle

La politique monétaire non conventionnelle renvoie à tous les outils que les banques centrales peuvent manier dans des circonstances où les outils traditionnels ne fonctionnent plus. La politique monétaire conventionnelle se basant principalement sur la manipulation des taux d'intérêt (via les techniques de marché), dès lors que les taux ont atteint le taux plancher zéro, elles doivent recourir à ces politiques.

Opérations de politique monétaire

Fixité des taux de change

La politique monétaire peut avoir pour objectif de maintenir le taux de change de la monnaie nationale avec une monnaie ou un panier de monnaies. La fixité des taux de change peut être obtenue par la banque centrale en vendant ou en achetant des devises au jour le jour pour atteindre le taux objectif. D'une certaine manière, la banque centrale renonce à l'indépendance de sa politique monétaire : elle est soumise au triangle des incompatibilités. La Chine, par exemple, a adopté une politique de maintien de la fixité des changes avec un panier de monnaies.

L'Étalon-or, qui consiste à maintenir la parité de la monnaie avec l'or constante, peut être considéré comme un cas particulier de fixité des taux de change. Il n'est plus utilisé par aucun pays depuis 1976.

Le « currency board » est un autre cas particulier de la fixité des taux de change. Dans ce cas extrême, la banque centrale adosse totalement sa monnaie sur une autre monnaie, généralement le dollar ou une autre monnaie considérée comme stable. La banque centrale conserve une unité de la monnaie d'ancrage pour chaque unité de monnaie nationale en circulation : elle ne dispose plus d'aucune latitude pour mener une politique adaptée aux besoins de l'économie nationale. Cette solution permet d'«importer» la crédibilité de la monnaie étrangère : les currency board sont souvent mis en place à la suite d'épisodes d'hyperinflation. Actuellement, Hong Kong et la Bulgarie fonctionnent sous ce régime. L'Argentine a abandonné cette politique à la suite d'une crise monétaire en 2002.

Ciblage de la croissance des agrégats monétaires

À la suite du développement du monétarisme dans les années 1970, certains pays ont adopté une politique monétaire basée sur un ciblage de la croissance des agrégats monétaires. La masse monétaire, dans une optique monétariste, doit croître au même rythme que le produit national. Si la masse monétaire est sous contrôle, alors l'inflation est stable.

Cette politique a été adoptée par Paul Volcker aux États-Unis au début de son mandat, puis a été rapidement abandonnée. Elle est aujourd'hui rarement mise en œuvre : en effet, elle implique mécaniquement une très grande volatilité des taux d'intérêt.

Ciblage d'inflation

Le ciblage de l'inflation est une politique visant à maintenir l'inflation proche d'un objectif sans passer par un objectif intermédié. La banque centrale peut définir une cible numérique (par exemple 2 %), une zone d'indifférence (par exemple entre 1 % et 3 %) ou encore une cible entourée d'une certaine marge de fluctuation (par exemple 2 % à ±1 %). D'après les défenseurs de cette stratégie, le ciblage d'inflation a plusieurs avantages :

Accroissement des devises

Une politique monétaire peut enfin viser à l'accroissement des réserves de change du pays. Une économie qui serait en excédent commercial et qui craindrait une appréciation de sa monnaie (phénomène de la maladie hollandaise) peut échanger des devises nationales contre des devises étrangères afin d'éviter une évaluation de sa devise nationale. Cela a conduit à des situations telles que la sterling trap et la Dollar trap[4].

Canaux de transmission

Canal du taux d'intérêt

L'utilisation des taux directeurs a des effets en chaîne sur plusieurs taux d'intérêt. D'abord, ces taux se répercutent sur les taux interbancaires, c'est-à-dire les taux auxquels les banques commerciales se prêtent de la monnaie centrale (par exemple, le taux Eonia). Ce taux est toujours inférieur au taux de prêt marginal, car il serait irrationnel pour les banques de payer plus à une autre banque concurrente qu'à la banque centrale. Les fluctuations des taux interbancaires se répercutent ensuite sur les taux auxquels les banques accordent du crédit[5].

Le canal du taux d'intérêt a également un effet sur le prix des actifs financiers. La variation du taux d'intérêt provoque plusieurs effets, dont un effet de substitution : en cas d'augmentation du taux, les ménages épargneront plus et consommeront moins. Il y a aussi un effet revenu : les agents économiques endettés voient, en cas de la hausse des taux, leur pouvoir d'achat diminuer, alors que les créanciers s'enrichissent. Il y a, enfin, un effet richesse : une hausse du taux d'intérêt peut entraîner la chute du prix d'un actif[3].

Canal du crédit

Le canal du crédit fait référence à l'effet de l'évolution des taux d'intérêts de la banque centrale sur la création de crédit par les banques de second rang. L'augmentation des taux d'intérêt oblige les banques à réduire leur création de crédit, tandis qu'une chute les incite à en créer[3].

Canal du taux de change

Une politique monétaire expansionniste qui fait chuter le taux d'intérêt réduit mécaniquement l'attractivité d'un pays aux yeux des investisseurs. En effet, le taux d'intérêt étant le taux de rémunération des placements, une chute de ce taux signifie une chute des gains futurs pour les sommes qui y sont placées. En cas de baisse du taux d'intérêt, les investisseurs déplacent leurs placements du pays qui baisse son taux d'intérêt aux pays qui offrent un taux d'intérêt plus élevé ; ils vendent donc la monnaie du pays qui baisse le taux d'intérêt, ce qui fait baisser sa valeur[6]. Aussi, la dépréciation provoque une chute de la valeur des dépôts en monnaie nationale et donc une dépréciation[7]. Cela se traduit théoriquement, si la condition de Marshall-Lerner est remplie, par une hausse des exportations nettes, et donc de la production[8].

Canal des actions

La politique monétaire influe sur le prix des actions et sur l'économie réelle de plusieurs manières. Tout d'abord, une baisse du taux d'intérêt provoque une hausse deu cours des cours, car le montant de l'actualisation des dividendes augmente[9]. Une politique monétaire restrictive, a contrario, fait baisser le cours des actions[10].

Aussi, une politique monétaire expansionniste fait baisser les taux d'intérêt sur les obligations, ce qui incite les agents à les vendre pour acheter des actions[3]. Dès lors que la politique monétaire provoque une hausse du prix des actions, elle provoque également une hausse du Q de Tobin, et donc, une hausse de l'investissement[3].

Canal des anticipations

Les banques centrales ont commencé à mobiliser, dans les années 1970, des outils de communication afin d'être comprises par les marchés et ainsi ancrer les anticipations des agents économiques. Une décision de politique monétaire, en effet, est souvent d'autant plus forte qu'elle est considérée comme crédible par tous[11].

Limites et controverses

Contrôle de l'offre de monnaie

Si les banques centrales modernes visent un taux d'inflation bas mais non nul, c'est qu'elles ne peuvent que limiter l'offre de monnaie, et non augmenter l'offre de monnaie quand elle a atteint le niveau minimum.

Les consommateurs et les entreprises demandent des prêts à leurs banques, qui elles-mêmes doivent demander de la monnaie à la banque centrale pour respecter les exigences réglementaires en termes de réserve. La banque centrale a les moyens de limiter la quantité de monnaie nouvelle, et de la rendre plus chère en augmentant son taux directeur, et ainsi elle peut limiter l'offre de prêts par les banques. Elle peut rendre cette contrainte plus ou moins forte en jouant sur le niveau de taux et l'émission de monnaie, mais le mieux qu'elle puisse faire c'est de réduire cette contrainte à zéro en offrant gratuitement autant de monnaie que demandée. Si elle essaie d'offrir plus de monnaie qu'il n'est demandé, même en payant ses emprunteurs (en appliquant un taux d'intérêt négatif), elle ne fera qu'ouvrir une possibilité de s'enrichir à ses dépens et en toute sécurité en thésaurisant.

Cette situation est décrite par l'expression « pousser sur la corde », ce qui n'a aucun effet. La contrainte que peut appliquer la banque centrale n'est pas active et elle ne peut rien diriger. Aussi pour garder leur pouvoir monétaire les banques centrales doivent maintenir leur contrainte active.

Effets négatifs

Les effets pervers des politiques monétaires font l'objet de débats au sein de la profession économique. Certaines études tendent à montrer que la politique monétaire peut avoir des effets très positifs comme très négatifs sur la croissance[12].

Absence d'impact structurel

Certains auteurs soutiennent que les politiques monétaires perdent leur utilité lors des situations de trappe à liquidité ; aussi, du fait des contraintes qui pèsent sur les dépenses publiques, elles ne peuvent augmenter de manière suffisante pour relancer l'économie. Dès lors, seules des réformes structurelles et un meilleur partage de la valeur ajoutée permettraient de débloquer des situations d'équilibre de sous-emploi[13].

Notes et références

  1. Agnès Bénassy-Quéré, Olivier Blanchard, Benoît Coeuré et Pierre Jacquet, Politique économique, De Boeck Supérieur, (ISBN 978-2-8073-3163-1, lire en ligne)
  2. Benchimol, J., Fourçans, A. (2012), Money and risk in a DSGE framework : A Bayesian application to the Eurozone, Journal of Macroeconomics, vol. 34, p. 95-111.
  3. Delphine Pouchain, Lou Dumez, Matthias Knol et Fabrice Tricou, Monnaie et financement de l'économie, dl 2019 (ISBN 978-2-35030-634-6 et 2-35030-634-8, OCLC 1134989408, lire en ligne)
  4. Olivier Accominotti, « China’s Syndrome: The “dollar trap” in historical perspective », sur VoxEU.org, (consulté le )
  5. Jean-Marie Le Page et Jean-Didier Lecaillon, Economie contemporaine: Analyse et diagnostics, De Boeck Superieur, (ISBN 978-2-8041-7675-4, lire en ligne)
  6. Dominique PLIHON, La monnaie et ses mécanismes, LA DECOUVERTE, (ISBN 978-2-7071-6148-2, lire en ligne)
  7. Alain Beitone, Antoine Cazorla et Estelle Hemdane, Dictionnaire de science économique - 6e éd., Dunod, (ISBN 978-2-10-079956-5, lire en ligne)
  8. Frederic S. Mishkin, Monnaie, banque et marchés financiers, Pearson Education France, (ISBN 978-2-7440-7454-7, lire en ligne)
  9. Paul-Jacques Lehmann, La politique monétaire : institutions, instruments et mécanismes, Hermès Science publications-Lavoisier, impr. 2011 (ISBN 978-2-7462-3276-1 et 2-7462-3276-6, OCLC 780282573, lire en ligne)
  10. Michel Cazals, La monnaie, Dunod, (ISBN 978-2-10-071154-3 et 2-10-071154-7, OCLC 935456757, lire en ligne)
  11. Michael Woodford, "Inflation Targeting and Optimal Monetary Policy", Princeton University, October 8, 2003
  12. Christophe Blot et Paul Hubert, « Une analyse de la contribution de la politique monétaire à la croissance économique », Revue de l'OFCE, vol. 159, no 5, , p. 231 (ISSN 1265-9576 et 1777-5647, DOI 10.3917/reof.159.0231, lire en ligne, consulté le )
  13. Marie-Paule Virard, Pourquoi il faut partager les revenus : le seul antidote à l'appauvrissement collectif, Découverte, (ISBN 978-2-7071-6005-8 et 2-7071-6005-9, OCLC 682899522, lire en ligne)

Bibliographie

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

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