Pierre-Luc-Charles Ciceri

Pierre-Luc-Charles Cicery (francisé en Ciceri), né le à Saint-Cloud et mort le à Saint-Chéron, est un peintre et décorateur de théâtre français.

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Biographie

Pierre-Luc-Charles Ciceri[1] est issu d’une famille milanaise établie dans la mercerie, qui vint en France s’installer à Saint-Cloud où il est né. Son père se lance ensuite au Palais-Royal dans le commerce de lunettes. Le jeune homme fait d’abord de brillantes études musicales. À quatorze ans, il joue parfaitement du violon et il est engagé au théâtre d’ombres de Dominique Séraphin dont il assure à lui seul toute la partie musicale. Son ami Jean Elleviou, qui avait reconnu sa belle voix de ténor, le fait entrer au Conservatoire de musique. Il s’y perfectionnait depuis quelques d’années quand une voiture le renverse et le rend infirme. Il doit renoncer au chant.

En 1802, il étudie le dessin auprès de l’architecte François-Joseph Bélanger, puis, en 1806, il se passionne pour les décorations scéniques dans les ateliers de l’Opéra de Paris. Son talent et son goût artistiques le font nommer, en 1810, peintre-décorateur, puis en 1818, décorateur en chef de cet établissement où il restera trente-deux ans. À partir de 1822, il va régner sur les décors à l’Opéra et acquérir une réputation européenne car il a révolutionné le genre. Il travaillera aux côtés d'artistes qui vont contribuer au renouvellement de la scène, tel Alaux l'Aîné, qui créa, en , un théâtre nouveau baptisé Panorama-Dramatique et qui était lui-même un peintre-décorateur, rencontré durant son apprentissage.

Sa collaboration avec Louis-Jacques Daguerre, élève d’Ignace Degotti, est une chance pour Ciceri. Cet artiste plein d'imagination et d’ingéniosité apporte une créativité si décisive qu’on a pu écrire que Daguerre inventait et que Ciceri exécutait[2]. Ils bénéficient des apports du diorama[3] et du cyclorama[4].

Réalisations

On doit à Ciceri plus de 300 réalisations de décors. Il a travaillé pour de nombreux théâtres de province, de Paris, et de l’étranger. Les spectacles étaient onéreux mais leur succès était à la hauteur.



  •  : La Juive, de Halévy, livret de Scribe.
  •  : Giselle, d’Adam. Clairière avec les tombes, demeures des Wilis.
  •  : La Biche au bois, ou Le Royaume des Fées, de Pilati, livret de Cogniard. « En quelques heures, toute la Création vous passe devant les yeux[6]. » écrivait Théophile Gautier.
  •  : Le Prophète, de Meyerbeer, livret de Scribe. Acte III : l’aurore apparaît avec des rayons de soleil qui se propagent à travers une brume. Ils sont produits, dans un dispositif tournant, par un éclairage électrique à arc-carbone (électrodes).
  •  : Moïse en Égypte, de Rossini. Éclairage à travers un prisme pour simuler un arc-en-ciel.

Les pièces de théâtre ne sont pas oubliées : en 1829, les décors de Henri III et sa cour d'Alexandre Dumas père, qui fut un succès retentissant. La pièce est « surtout faite pour les yeux » écrivait Gœthe dans ses Conversations avec Eckermann, véritable événement dans l'art du spectacle », et d’Othello de Vigny, sans oublier, en 1830, Hernani et sa bataille.

Ciceri, caricaturé par son beau-père, le peintre Jean-Baptiste Isabey[7].

À partir de 1832, Ciceri n’a pratiquement plus l’exclusivité des travaux de décoration et ses disciples volent de plus en plus de leurs propres ailes, pas mécontents de se soustraire à l’autorité un rien despotique du « sorcier du moment[8] ». Deux ateliers indépendants se forment aux alentours de 1838 et pour ne citer que les plus connus des collaborateurs : d’un côté, Charles Séchan, Léon Feuchère, Jules-Pierre-Michel Dieterle, Édouard Desplechin ; de l’autre, René Pilastre, Charles-Antoine Cambon, Philippe Chaperon, et ses deux gendres, François-Joseph Nolau (pt) et Auguste Alfred Rubé.

En 1843, au cours d'un séjour aux Eaux-Bonnes, station pyrénéenne qui aura connu beaucoup de peintres romantiques, il peint de nombreux paysages.

Inspiré à la fois par Jean-Baptiste Isabey et le style italien, Ciceri est résolument romantique et peint des structures fuyant le linéaire, au style le plus dépouillé : la perspective est changée, la profondeur se creuse et la répartition scénique s’élargit (les coulisses traditionnelles disparaissent). Sa palette est étendue : épisodes historiques, paysages romantiques, scènes intimes, illustrations fantastiques… La lumière est primordiale : clartés brumeuses, nuageuses, clair-obscur, soleils levants ou couchants, nocturnes, architectures gothiques, romantiques (ruines) ou fantastiques… Il a mis à son service toutes les techniques de son époque. Il est le lointain précurseur d’Adolphe Appia. La mise en scène de l’opéra en a été définitivement transformée. Alphonse Leveaux écrit, en 1886, dans Nos théâtres de 1800 à 1880 :

« Les successeurs des Ciceri, des Philastre et des Cambon nous font admirer aujourd’hui de très beaux décors. Mais cela n’est pas supérieur à ce qui a été fait pour La Muette de Portici, Robert le Diable, La Sylphide[9]. »

Il avait épousé la fille de son ami le peintre Jean-Baptiste Isabey et il en aura six enfants dont un fils, Eugène Ciceri, auquel il donnera le goût de la peinture et qui deviendra un aquarelliste et lithographe réputé. Pierre-Luc-Charles Ciceri avait lui-même exposé des aquarelles aux Salons de 1827, 1831 et 1839.

Honoré de son vivant – chevalier de la Légion d'honneur[10] et de l’ordre de Westphalie, Inspecteur des théâtres impériaux, membre de l’Académie de Copenhague – il se retire à Saint-Chéron. Il décore lui-même une première demeure qu'il habite quelque temps[11]. À sa mort, il est inhumé dans le vieux cimetière de Saint-Chéron.

Le décor Palais de marbre rehaussé d'or crée pour l'opéra royal du château de Versailles à l'occasion de l'inauguration du musée de l'Histoire de France en 1837, recrée et reconstitué en 2018.

Aquarelles

  • Gray, musée Baron-Martin :
    • Les Trois Peupliers, 1861, 12 × 20 cm ;
    • Le Grand Arbre au bord de l'étang, 13 × 21 cm ;
    • La Promenade le long d'une route, aquarelle, 1861, 13 × 19 cm ;
    • La Promenade près d'une sablière, 1858, 13 × 17 cm ;
    • La Maison forestière, 1863, 11 × 20 cm ;
    • Petit paysage (6 personnages et un âne), 8 × 10 cm ;
    • Petit paysage (6 personnages et un arbre), 8 × 10 cm ;
    • Rue de village,1825, aquarelle.

Élèves

Sources et bibliographie

  • Charles Gabet, Dictionnaire des artistes de l’École française de peinture au XIXe siècle, Paris, Vergne, 1851.
  • Théophile Gautier, Histoire de l’art dramatique, Paris, Hetzel, 1859.
  • (en) Crabtree et Beudert, The History of scene art for the theatre, tools and techniques, 2004.
  • Gustave Chouquet, Histoire de la musique dramatique en France depuis ses origines jusqu'à nos jours, Paris, Didot, 1873.
  • Louise Poissant, Interfaces et sensorialité, Saint-Étienne, Publications de l'Université de Saint-Étienne ; Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec, 2003.
  • Société d’Histoire des Théâtres de France, Revue d’histoire du théâtre, 1948.
  • Daniels et Razgonnikoff, Le Décor de théâtre à l'époque romantique, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2003.
  • Jean-Michel Vinciguerra, « Les Mystères d’Isis ou l’Égypte antique d’après les décorateurs de l’Opéra : sur quelques acquisitions récentes du département de la Musique », L’Antiquité à la BnF, 20/12/2017.
  • Nicole Wild, Décors et costumes du XIXe siècle, t. 2, [BNF], Paris, Bibliothèque nationale, 1987.

Notes et références

  1. Selon les ouvrages, l’un ou l’autre (Pierre ou Charles) est utilisé
  2. Centre de création industrielle, Images et imaginaires d’architecture : dessin, peinture, photographie, arts graphiques, théâtre, cinéma, en Europe aux XIXe et XXe siècles, Paris, Centre Georges Pompidou, 434 p. (ISBN 978-2-85850-241-7, lire en ligne), p. 106.
  3. Conçu par Daguerre avec son collègue Bouton en 1822, mais cette structure est détruite dans l'incendie de la salle du Château-d'eau le et le ruine.
  4. Composé d'une toile peinte en mouvement qui se déroule et s’enroule au fond de la scène sur des rouleaux, eux-mêmes entraînés de chaque côté par des tambours à manivelle. Ils étaient tous deux des inventions déjà en usage mais des curiosités indépendantes. C'est notamment l'opéra du Prophète de Meyerbeer et celui de Moïse de Rossini qui vont en bénéficier avec succès. La grande nouveauté est le gaz d’éclairage de Philippe Lebon avec sa « thermolampe » de 1785, qui remplacera peu à peu dans les salles de spectacle les quinquets à huile. L'éclairage électrique ne sera disponible au théâtre qu'à partir de 1846. Cet éclairage modulable et précis (spot sur un acteur ou éclairage d’une portion de scène) sera une révolution : la salle était jusque-là éclairée par les lustres en même temps que la scène; et les spectateurs, désormais plongés dans le noir, peuvent s’immobiliser et se concentrer sur ce qui se passe sur la scène et assistent à un spectacle d’autant plus fascinant. Des artistes avaient déjà tenté d’améliorer les décors et la machinerie des théâtres. Julien-Michel Gué est l’un des plus remarquables (1789-1843). Lithographe et lui-même décorateur, élève de David et second prix de Rome, il avait travaillé au Panorama-Dramatique et à la Gaîté. Il avait fait avant Daguerre des travaux sur la mécanique et l’optique et avait exposé, au Salon de 1819, mais sans application au théâtre, deux tableaux transparents qui avaient émerveillé.
  5. « Gazette nationale ou le Moniteur universel 8 juin 1825 », sur Retronews - Le site de presse de la BnF (consulté le )
  6. Théophile Gautier, Histoire de l’art dramatique en France depuis vingt-cinq ans, Paris, Hetzel, , 429 p. (lire en ligne), p. 67.
  7. « Ciceri, en bonnet de coton, était étendu dans le lit, où l’avait retenu si longtemps la fracture de sa jambe gauche ; sa petite tête attachée à un si grand nez nous faisait rire aux éclats. » Auguste Jal, Souvenirs d’un homme de lettres, Paris, Léon Téchener, , 570 p. (lire en ligne), p. 536.
  8. Épithète qui lui fut donnée en référence au fameux Giacomo Torelli, décorateur et ingénieux machiniste italien de théâtre, qui vint travailler à la Cour de Louis XIV, à qui, dit-on, Corneille dut le succès de son Andromède, et qui était surnommé le Grand Sorcier.
  9. Alphonse Leveaux, Nos théâtres de 1800 à 1880 : la tragédie, le drame, la comédie, l’opéra français, l’opéra comique, le vaudeville, les ballets, l’opérette, la féerie, les revues, la parodie, la pantomime, Paris, Tresse et Stock, , 228 p. (lire en ligne), p. 221.
  10. « Cote LH/539/6 », base Léonore, ministère français de la Culture
  11. Cette maison est maintenant inscrite aux Monuments historiques.

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