Pèlerinage de Lorette

Au cours du XVIe siècle, le Sanctuaire de la Sainte Maison de Lorette (Santa Casa di Loreto en italien) est un lieu important de pèlerinage d’Occident qui attire de nombreux fidèles.

Les Pèlerins de Lorette par Le Caravage, où Caravage figure un couple de pèlerins devant la Madone et l’enfant Jésus. La Sainte Maison est figurée par les briques et le mortier visible sous l’enduit du mur, au sommet du triangle formé par les têtes des deux pèlerins.

Histoire du Pèlerinage

La petite cité de Lorette sur la mer Adriatique conserve une relique extraordinaire : les murs, dit-on, de la Maison que la Vierge Marie habitait à Nazareth et où elle reçut l'Annonciation. La renommée de ce lieu sacré dépasse les siècles et les continents. Aux XVIe et XVIIe siècles ce fut le pèlerinage le plus célèbre du monde catholique. Venaient y prier les fidèles persécutés d'Irlande, de France, d'Allemagne ou des pays slaves du Sud. Parmi tant d'autres, Montaigne, Descartes ou Anne d'Autriche notamment lui adressèrent des voeux. Le territoire de Lorette, presque autonome, ne dépendant que du Pape, devenait une sorte d'Etat de Notre Dame. Les institutions d’alors permettaient l'accueil et le contrôle d'immenses foules, mais aussi les espérances et les émotions des pèlerins.[1] Durant les années jubilaires 1575, 1600 et 1625, le sanctuaire de la Sainte Maison de Lorette compta plusieurs centaines de milliers de pèlerins.

Nous santions bien que nous étions au chemin de Lorette, tant les chemins etoint pleins d’élans et venant ; et plusieurs, non homes particuliers sulemant, mais compaignies de personnes riches faisant le voyage à pied, vestes en pelerins, et aucunes avec n’enseigne et puis un crucifix qui marchoit davant, et eus vêtus d’une livrée. Montaigne, Journal de voyage en Italie

Les Reliques

Sa fréquentation aurait été superieurz à celle de Saint Pierre de Rome, Saint Jacques de Compostelle, Assise, Montserrat ou Chartres ou tout autre lieu de pèlerinage en Europe[réf. nécessaire].

L’objet de cette affluence tient à la relique de la maison de Lorette où la Vierge Marie reçoit de l’Archange Gabriel, à Nazareth, l'Annonce de la venue de Jésus-Christ.Cet humble édifice de briques en terre cuite et de mortiers, enlevé à Nazareth en 1291, aurait, selon la légende, été transporté par les anges et déposé sans fondation sur la colline boisée du Comtat de Recanati, dans l'actuelle Lorette, aux bords de l’Adriatique en Italie centrale, pendant la nuit du 9 au 10 décembre 1294. Dès cette date, les pèlerins purent venir y faire leurs dévotions et se recueillir à l’intérieur de ladite Sainte Maison dans laquelle était exposée la statue de la Madone de Lorette (Madonna di Loreto en italien) mais également, et ce, jusqu’en 1797, une armoire dans laquelle reposaient le manteau de la sainte Vierge et sa vaisselle :Les instants d’émotion la plus parfaite furent évidemment ceux où ils purent imaginer la vie familiale de la Vierge dans son détail intime. Ils admirèrent la

« cheminée [...] où la Sainte Vierge fit la cuisine, comme dans un petit armoire [sic] on nous montra les petits plats de terre dont la Sainte Famille se servait ; le bois qui tient la séparation se trouve encore si bien conservé comme si cela venait d’être fait, ce qui ne se pourrait sans miracle; il y a aussi les portraits de la Sainte Vierge et de Notre Seigneur crucifié peints par saint Luc ; j’y ai fait l’observation que ce saint peintre, étant le seul dont on peut s’attendre d’avoir fait le vrai original, a décidé de la dispute qu’on fait si Jésus Christ a été crucifié à trois ou quatre clous: y ayant mis deux aux pieds, et par conséquent décidée par les quatre » (p. 104-105).[2]

Territoires du pèlerinage

Ce fut alors le pèlerinage le plus sûr d’Occident pour que les fidèles puisse y nouer un lien avec la Terre Sainte alors-même que le pèlerinage à Jérusalem était rendu dangereux par la présence des turques, des barbaresques en Méditerranée ou des mamelouks en terre sainte.

« Par une succession de mesures, les autorités pontificales ont rendu une autonomie spirituelle aux lieux du sanctuaire. les règlements et privilèges, la sûreté des fortifications, l’abondance constamment maintenue des approvisionnements, et l’ampleur exceptionnelle des dotations des secours aux pauvres concouraient pour en faire plus qu’un simple abri des pèlerins, un véritable isolat préservé, entièrement consacré aux pratiques de piété.

Les privilèges extraordinaires instituaient un état de Lorette, lui accordaient une sorte d’exterritorialité, comme si l’on réservait un domaine terrestre à la Vierge et à son extraordinaire maison »[3].

Rayonnement du pèlerinage

L’on sait, d’après le père capucin Floriano Grimaldi[4], et Y-M Bercé avec lui, qu’en les années jubilaires 1575, 1600 et 1625, les fidèles participant à ce pèlerinage se comptaient par centaines de milliers. La Renommée du pèlerinage conduisit à transformer le sanctuaire en une Villa, puis en Castello et enfin en Cité.

Montaigne, Chateaubriand, Cervantès, Rolland de Lassus, Mozart, Erasme, ou les marins de Christophe Colomb sont quelques-unes des personnalités qui ont laissé un témoignage de ce pèlerinage majeur sous forme de litanies, ex-votos originaux, messes, récit de voyage ou nouvelles.

Raphaël, Le Caravage, Guido Reni, Annibale Carrache, Le Pérugin, Giambattista Tiepolo, Le Dominiquin sont quelques-uns des peintres qui ont peint la Madone de Lorette et la translation de la Sainte Maison.

Le nombre de chapelles, églises, couvents ou monastères d’Europe portant le nom de Notre-Dame-de-Lorette, le plus souvent construits au frais des commanditaires locaux ou de la population locale prouve qu’il s’agissait d’un lieu sacré populaire.


Traces matérielles du pèlerinage

Nous sont parvenus comme traces matérielles du pèlerinage :

  • Enseigne de boutiques-étapes en métal conservée au British Muséum de Mondres)
  • Attestion imprimée avec signature de l'évêque, sceau en papier gaufré et morceau de tule de la robe portée par la statue de la Madone, British Museum
  • Imprimés de la juste mesure du pied de la Vierge datés de 1780 à 1820, British Museum de Londres
  • Fiole à l’effigie de la Madone de Lorette de la fin du XVII°, Metropolitan Museum de New York.

Galerie

Notes et références

  1. Yves-Marie Bercé, Lorette aux XVIe et XVIIe siècles: histoire du plus grand pèlerinage des temps modernes, Paris-Sorbonne, Presses de l'Université, , 371 p.
  2. Moureau, « Le Pèlerinage à Lorette de quelques voyageurs français entre Renaissance et Lumières. »,
  3. Yves-Marie Bercé, « L’aire adriatique du pèlerinage de Lorette, XVIe-XVIIe siècles Publications de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Année 2010 », Actes du 20ème colloque de la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer, 9 et 10 octobre 2009, pp. 373-389 (lire en ligne).
  4. (it) Floriano Grimaldi, Pellegrini e Pellegrinaggi a Loreto nei Secoli XIV-XVIII, Lorette, , 686 p.


Bibliographie

  • Charles de Brosses, Lettres familières. Texte établi par Giuseppina Cafasso. Introduction et notes de Letizia Norci Cagiano de Azevedo, Naples, Centre Jean Bérard, 1991, t. III, p. 1176-1179, 1230.
  • Charles-Albert, électeur de Bavière, « Journal de mon voyage d'Italie de l'année 1737 », un vol. manuscrit in-8° de 136 p. Munich, BStB., cod. gall. 563.
  • Maximilien Misson, Nouveau Voyage d’Italie, La Haye, Henry van Bulderen, 1698, Lettre XX, t. I, p. 302-320.
  • Michel de Montaigne, Journal de voyage, François Rigolot (éd.), Paris, PUF, 1992, p. 138-143.
  • Montesquieu, « Voyages ». Ch. X : « États de l’Église », Œuvres complètes, Roger Caillois éd., Paris, Gallimard, 1949, t. I, p. 761-762.
  • Richeome, Louis, s.j., Le Pèlerin de Lorette, vœu à la glorieuse Vierge Marie, Bordeaux, Simon Millanges, 1604.
  • Donatien Alphonse François de Sade, Voyage d’Italie, Maurice Lever éd., Paris, Fayard, 1995, « Note sur Lorette », p. 305-306.
  • Voyage de Provence et d’Italie (ms. fr. 5550, B.N. Paris), Luigi Monga éd., Genève, Slatkine, 1994, p. 92 [anonyme français, fin du XVIe siècle].
  • Voyageurs anglais à Lorette dans la première moitié du XVIIIe siècle : Joseph Addison, Remarks of Several Parts of Italy, Londres , Jacob Tonson, 1705 ; A. D. Chancel, A New Journey over Europe, Londres, John Harding, 1714 ; John Durant Breval, Remarks on several parts of Europe, Londres, Bernard Lintot, 1726, t. II ; Edward Wright, Some Observations made in travelleing through France, Italy, etc., Londres, Th. Ward et E. Wicksteed, 1730 ; Charles Thompson, The Travels, Reading, J. Newbery et C. Micklewright, 1744 ; D. Jeffereys, A Journal from London to Rome by way of Paris, Lyons, Turin, Florence, etc., and from Rome back to London by way of Loretto, London, W. Owen, [1742 ?] ; Thomas Nugent, The Grand Tour, Londres, J. Rivington, 1748, 4 vol. ; Dr. Maihows, Letters of several parts of Europe, Londres, J. Davis, 1748.
  • Charles Béné, Charles, « Humanistes et pèlerinages au XVIe siècle : Montaigne à Lorette », Montaigne e l’Italia, Genève, Slatkine, [1991], p. 597-607.
  • Chélini Jean et Henry Branthomme, Les Chemins de Dieu. Histoire des pèlerinages chrétiens des origines à nos jours, Paris, Hachette, 1982,
  • Chevalier, U. Notre-Dame de Lorette, étude historique sur l’authenticité de la Santa Casa, Paris, Picard, 1906.
  • Faurax, Joseph, Bibliographie lorétaine, Paris, 1913.
  • Gomez-Géraud, Marie-Christine, « Entre chemin d’aventure et parcours d’initiation : Le Pèlerin de Lorette du père Richeome », L’Image du pèlerin au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, Pierre André Sigal éd., [Gramat], Association des Amis de Rocamadour, s. d., p. 231-240.
  • Grimaldi, Floriano, Il Libro lauretano. Edizioni e illustrazioni (1489-1599), Macerata, Libreria Quondam, 1973.
  • Legros, H. M. ,« Pèlerins manceaux au XVIIe siècle. Pèlerins du Maine au Mont Saint-Michel, à Saint-Méen, à Rome et à Notre-Dame de Lorette », La Province du Maine, 1913, p. 251.
  • Santarelli, P. , La Traslazione della Santa Casa di Loreto : tradizione e ipotesi, Lorette, 1988.

Liens

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