Maurice Najman

Maurice Najman, né le à Paris et mort le à Paris[1], est un journaliste ayant travaillé notamment au journal Libération et au mensuel Le Monde diplomatique. Militant d'extrême gauche, trotskiste libertaire passionné par l'underground, c'est une des figures du mouvement contestataire de Mai 68, ayant notamment cofondé les comités d'action lycéens ou CAL en 1967.

Maurice Najman
Naissance 7 décembre 1948
Paris
Décès 4 février 1999
Paris
Nationalité France
Profession journaliste
Médias
Presse écrite Libération
Pour les articles homonymes, voir Najman.

Biographie

Origines

Maurice Najman (qui parle yiddish) est issu d'une famille juive polonaise. Son père fut un militant communiste et sa mère, Solange, fille d'une cousine de Rosa Luxemburg, Maria Luxemburg[2] est une rescapée d'Auschwitz.

Maurice a un frère cadet, Charles Najman, né le , qui militera avec lui dans les années 1970 et deviendra plus tard écrivain et cinéaste. Il réalisera notamment La Mémoire est-elle soluble dans l'eau ? (1996), un film qui met en scène les témoignages de sa mère Solange avec d'autres rescapés des camps de la mort.

Les comités Vietnam

À la rentrée 1966, avec Michel Recanati, il crée au lycée Jacques-Decour le premier "Comité Vietnam Lycéen" (CVL)[3]. Cette même année, il se rapproche d'un petit groupe de militants trotskistes regroupés derrière l'un des fondateurs de la IVe Internationale, le Grec Michel Raptis - dit « Pablo »[3]. Il adhère en 1967 à cette tendance tiers-mondiste, autogestionnaire dont sortira, en 1968, l'Alliance marxiste révolutionnaire (AMR)[3] où il retrouve Nicolas Baby (journaliste) cofondateur des Comités d’action lycéen, qui était lui au lycée Henri-IV et militant des premiers "Comité Vietnam Lycéen". Tous deux sont actifs dans les premières réunions de sensibilisation de la jeunesse à la cause vietnamienne.

À la rentrée 1967, étudiants et lycéens se mobilisent à l'appel de l'UNEF contre le Plan Fouchet et contre les Ordonnances sur la Sécurité sociale[4]. Certains lycées parisiens sont en grève le , jour de l'appel de l'UNEF. Celle-ci précipita la formation du premier Comité d’action lycéen (CAL), lors d’un meeting de 100/120 lycéens au Lycée Jacques Decour, le . Maurice Najman y prit une part très active.

Les Comités d'action lycéen

Maurice Najman fonde ainsi le noyau initial des Comités d'action lycéen (CAL), alors qu'il étudiait au lycée Jacques-Decour à Paris[5] avec Michel Recanati, militant lycéen de la Ligue communiste[5]. Tous deux sont en terminale mais pas de la même obédience politique.

Des images des deux jeunes sont reprises dans le film de Romain Goupil, Mourir à trente ans (1982). Maurice Najman fait la rencontre de Véronique Kantor, future femme de Coluche, qui milite elle au comité du Lycée Rodin, actif dans la réflexion sur la culture: il veut introduire la danse dans l’enseignement de la musique, car « l’expression corporelle […] a été jusqu’à présent une discipline totalement inconnue, et qui serait extrêmement bénéfique pour le développement et la personnalité de l’élève »[6].

Le 13 décembre 1967, les élèves de plusieurs lycées parisiens avaient voté une grève contre la Réforme Fouchet des universités, mais le proviseur du lycée Rodin à Paris devient célèbre car il déclare que ce vote est sans valeur qu'il ne le reconnait pas parce que, selon lui, les lycéens, en tant que mineurs, n'avaient pas la possibilité d'effectuer ce type de consultation[7],[8].

Mai 68

Peu après, le , ll fait aussi partie du groupe de militants qui, le , au nom du refus de la guerre du Vietnam, brise les vitrines de l'American Express[3].

Comme l'écrit un fondateur du Mouvement d'action universitaire (de mai 68), Jacques Bleibtreu, « Maurice était juif, incontournablement, résolument définitivement juif, et athée sans le moindre trouble. Maurice était antisioniste, sans l'ombre de l'esquisse d'une complicité avec la secte infâme des négateurs »[9]. Avec ce dernier, il fonde en 1968 et 1969 un journal qu'ils ont baptisé “Barricades (journal)”, pour le compte du le comité d'action lycéen[10].

L'AMR

En 1969, il fait partie des fondateurs et dirigeants de l'Alliance marxiste révolutionnaire (AMR, un parti trotskiste de tendance pabliste et libertaire) dans les années 1970[11].

Le Chili

Très intéressé par les luttes internationales, Maurice Najman suit de près les expériences de « pouvoir ouvrier » menées au Chili pendant l’Unité Populaire, gouvernement de Salvador Allende[4]. Il y séjourne à l'été 1972 puis y consacra articles[12] et livres[13]. Il travaille à assembler textes – discours, résolutions politiques, analyses, et articles de journaux qui donnent une idée précise des prises de positions, des débats qui pendant trois ans ont agité les formations le plus à gauche à l’intérieur de la coalition gouvernementale, comme le P.S. ou le M.A.P.U., et celles qui de l’extérieur, comme le MIR, entendaient lui apporter un soutien conditionnel[14]. Il fait aussi un lien avec la Grèce, qui vit sous une dictature militaire instaurée le [13], d'autres militants de l'AMR, comme Joël Grynbaum, adoptant la même démarche. Il est au Portugal, pendant la Révolution des œillets, rêve d'un socialisme autogéré en Algérie, n'oublie pas les ouvriers de Lip et défend la candidature de Charles Piaget à l'élection présidentielle de 1974[3].

Le PSU

La préparation de l'Élection présidentielle française de 1974 suscite l'année précédente un vaste mouvement pour la candidature  non concrétisée  de Charles Piaget, syndicaliste de la CFDT actif à l'usine de Lip où une expérience d'autogestion a été mise en place.

À la suite d'une décision collective de l'AMR, Gilbert Marquis entame des négociations fin 1973 avec le PSU pour négocier leur fusion. Chez les jeunes, le projet est défendu par Nicolas Baby.

C'est la création d'un "Comité de liaison pour l’autogestion socialiste" (CLAS) qui regroupe "Action", l'AMR, les Amis de la Terre, le GAM, les groupes Témoignage chrétien, Objectif Socialiste, et le PSU.

Ce CLAS réunit plus de 3 000 personnes à la Mutualité aux « Six heures pour l’Autogestion » le lundi 1974. Deux des orateurs les plus remarqués sont Michel Rocard (PSU) et Maurice Najman (AMR)[15].

Le PSU refuse finalement de soutenir la candidature  non concrétisée  de Charles Piaget à l'Élection présidentielle française de 1974, sous la pression de Michel Rocard, qui doit ensuite quitter le parti et rejoint le PS, sans grande surprise.

Début 1975, Maurice Najman rejoint lui le Parti socialiste unifié (PSU) avec l'AMR[3], où il obtient un poste de responsabilité à la suite de la fusion des deux partis[11]. Puis il quitte le PSU pour participer à la fondation des Comités communistes pour l'autogestion (CCA) en 1977.

La contre-culture

Féru de contre-culture et d'underground, Maurice Najman partage sa vie avec Maggy Bohringer, ex-femme de l'acteur Richard Bohringer, fin 1977[16], touchant à l'héroïne alors qu'il passe ses nuits au Palace avec Alain Pacadis et Fabrice Emaer[16], tout en continuant de militer.

La Tchécoslovaquie

Maurice Najman est ainsi mis en contact avec le Tchèque Pavel Hartel via un ami de Libération, Jacques Pasquier, et part en Tchécoslovaquie, sous une fausse identité, soutenir le groupe Plastic People of the Universe[11]. Il rencontre Václav Havel grâce à Peter Uhl[17],[11] : ce mouvement donnera naissance à la Charte 77[11]. Début 1977, à Paris, Maurice Najman organise le soutien de Plastic People: Jean-François Bizot, d'Actuel, finance le disque, accompagné des textes de la Charte 77 et d'un livret fait par Kiki Picasso et les graphistes de Bazooka[11]. Après la chute du mur de Berlin, Václav Havel le chargera d'organiser l'Assemblée des citoyens[16].

La candidature de Coluche en 1981

À l'élection présidentielle de 1981, il soutient la candidature de Coluche, dont il est un ami intime[18] et de longue date[19], qui était là le soir où l'idée de la candidature est arrivée[19]. Il est son ami via sa femme Véronique qu'il a connue aux comités d'action lycéen [20], dont celle-ci est membre[21],[22] en terminale au Lycée Rodin[23], rue Corvisart à Paris, dans le 13 arrondissement, avant d'aller étudier la psychologie à Censier, et de devenir dès 1969 journaliste pigiste aux services culture du Figaro et du quotidien Combat pour qui elle fait un reportage sur le Café de la Gare, qui vient d'ouvrir avec Romain Bouteille et Coluche, avant de revenir, de danser avec lui et d'être séduite[24]. Véronique continue à écrire pour Combat, sur des sujets sociaux aussi, comme les immigrants portugais de la banlieue, les 21 et 22 février 1970[25].

Après 1981, Romain Goupil insistera alors pour que Maurice Najman joue dans ses films, afin d'apporter la caution d'une célébrité de mai 68, mais ce dernier a catégoriquement refusé[26] et seules des images d'archives pourront être utilisées.

Maurice Najman a ramené, un soir, à la maison de Coluche, rue Gazan[27], Félix Guattari, l'homme de l'antipsychiatrie, qui va ensuite réunir un groupe d'intellectuels pour une pétition de soutien à l'humoriste. Felix Guattari prend ainsi l'initiative d'une pétition parue dans Les Nouvelles littéraires du 13 novembre 1980 puis dans Libération[18], journal où Maurice Najman signera des dizaines d'articles sur cette candidature, dès le mois d'octobre. Coluche jette l'éponge à la mi-mars et avant le 10 mai 1981 il est en voyage en Guadeloupe avec Romain Goupil ; le 10 mai il passe au siège du PS rue de Solférino et est légèrement blessé par des loubards au moment où il rentre chez lui avec Maurice Najman. Le président Mitterrand envoie le lendemain à Coluche un de ses premiers mots manuscrits depuis l'Élysée, où il restera 14 ans[28].

Lors de la présidentielle de 1988, ayant rejoint la Fédération pour une gauche alternative (FGA), il soutient le dissident communiste Pierre Juquin, qui était appuyé par le PSU et la LCR[5]. Il joue alors un rôle important dans la campagne de Juquin, en ayant fini avec la drogue.

Après la chute du mur de Berlin, il rencontre le chef du renseignement extérieur de la RDA, Markus Wolf[5]. Il sort un documentaire sur le sujet, Le Dos au mur, pour France 3, primé au festival d'Angers[5] et un livre, L'œil de Berlin - Entretiens de Maurice Najman avec le patron des services secrets est-allemands[29].

Maurice Najman a travaillé comme journaliste pour Libération, L'Événement du jeudi, L'Autre Journal et Les Nouvelles Littéraires[5] ; son dernier article, sur la guerre du Golfe, sera publié dans Le Monde diplomatique[5]. Il rencontre également le sous-commandant Marcos au Chiapas (Mexique)[5].

Il continuera à militer dans les années 1990, travaillant notamment en liaison avec le DAL (Droit au logement)[5]. Fin 1994, il est l'un des premiers à squatter la rue du Dragon, avec son ami Jean-Baptiste Eyraud, le président de Droit au logement. En 1996, il rejoint la gauche française partie au Mexique à la rencontre du « sous-commandant » Marcos.

Articles connexes

Bibliographie

Notes et références

  1. Ariane Chemin, Disparition : Maurice Najman Une figure de la génération lycéenne de mai 68, Le Monde, 6 février 1999
  2. Christophe Nick, Les Trotskistes, Fayard, 2002, p. 31
  3. "Maurice Najman Une figure de la génération lycéenne de mai 68 par Ariane Chemin LE MONDE , 6 février 1999
  4. Biographie Maitron
  5. Vincent Noce (journaliste à Libération), Mort du journaliste Maurice Najman ; Militant gauchiste; il avait travaillé à «Libération»
  6. "La problématisation de la participation à travers l'histoire de la gouvernementalité", par Pierre Sauvêtre, dans la revue Participations en 2013
  7. "Mai dix-neuf cent soixante-huit", page 100, par Wolfgang Drost, et Ingrid Eichelberg, 1986
  8. "The French Student Uprising, November 1967 - June 1968" par Alain Schnapp et Pierre Vidal-Naquet - 1971
  9. Jacques Bleibtreu, Portrait de Maurice Najman, L’École émancipée du 23 février 1999
  10. Biographie par Jacques Thibault BLEIBTREU
  11. Christophe Nick, Les trotskistes, Paris, Fayard, , 616 p. (ISBN 2-213-61155-6 et 978-2213611556), p. 512 sq.
  12. "Comment s’organisaient les bases du « pouvoir populaire »" par Maurice Najman, dans Le Monde diplomatique d'octobre 1973
  13. Le Chili est proche : révolution et contre-révolutions dans le Chili de l’Unité populaire, Paris par Maurice Najman, François Maspéro, 1974.
  14. "Le Chili, du socialisme à la dictature" par Claude-Catherine Kiejman , dans Le Monde diplomatique de juin 1974
  15. Tribune Socialiste no 604 du 23 au 29 janvier 1974
  16. Christophe Nick, Les trotskistes, Paris, Fayard, , 616 p. (ISBN 2-213-61155-6 et 978-2213611556), p. 520 sq.
  17. (en) Peter Uhl sur l’Internet Movie Database
  18. Grégory Bozonnet, La candidature de Coluche dans la presse, quand les mots dessinent l’identité des journaux. (mémoire de fin d'études), IEP de LyonUniversité Lumière Lyon-2, (lire en ligne)
  19. Frank Tenaille, Coluche, même pas mort, Editions 1, , p. 121
  20. "Chez Coluche: Histoire d'un mec inoubliable" par Jean-Claude Lamy, Philippe Lorin Editions du Rocher, 2016
  21. « Véronique Colucci, le cœur à l'ouvrage », Paris Match, (consulté le )
  22. "CHARLIE NAJMANN EST DECEDE", par Brigitte Pascall, le 29 juillet 2016
  23. "1981, la candidature Coluche lance le vote de crise" par Valentine Pasquesoone dans Slate du 29 mars 2012
  24. "Véronique Colucci, c’était la maman des Enfoirés", le 7 avril 2018 dans Le Parisien
  25. "Portugais à Champigny, le temps des baraques", par Marie-Christine Volovitch-Tavares, 1995, page 49
  26. Selon Brigitte Pascall
  27. "Coluche" par Philippe Boggio - 1992
  28. " Morts de rire" par Alain Rustenholz
  29. Markus Wolf, L'œil de Berlin : entretiens de Maurice Najman avec l'ex-patron des services secrets est-allemands, Paris, Balland, coll. « Essais Document », , 335 p. (ISBN 978-2-7158-0944-4 et 2715809441)
  30. http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article23804, notice NAJMAN Maurice [Pseudonymes : BRICART, NALLARD Michel] par Jean-Paul Salles, version mise en ligne le 5 décembre 2008, dernière modification le 12 juin 2018.
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