Le Camp des Saints

Le Camp des Saints est un roman de l'écrivain français Jean Raspail, publié en 1973.

Le Camp des saints
Auteur Jean Raspail
Pays France
Genre Roman
Éditeur Robert Laffont
Lieu de parution Paris
Date de parution 1973
Nombre de pages 389
Chronologie

Le roman décrit la submersion de la civilisation occidentale, la France en particulier, par une immigration massive venue du delta du Gange. Un million de « miséreux » prennent d'assaut des cargos. Les immigrants voguent alors vers un Occident incapable de leur faire modifier leur route. Les bateaux s'échouent sur la Côte d'Azur, sous l'œil impuissant de pouvoirs publics désarmés face à la veulerie de la population autochtone et l'affaiblissement de l'armée française. Ainsi cette « submersion » résulte-t-elle de l'incapacité tant des pouvoirs publics que de la population à réagir face à cette invasion pacifique mais lourde de conséquences pour la nature d'une civilisation déjà ancienne, en plus d'un aveuglement de la part d'un clergé catholique trop favorable à l'accueil de populations immigrées.

L'origine du roman vient d'une réflexion de l'auteur alors qu'il séjourne dans la villa d'un ami sur la Côte d'Azur et se demande ce qui se passerait si tous les déshérités du tiers monde débarquaient en France à la recherche d'une vie meilleure. Il en tire une chronique intitulée « L'Armada de la dernière chance », publiée dans Le Figaro le , et écrit le roman sur une période d'un an et demi toujours dans la villa méditerranéenne.

Le Camp des Saints pose la question de l'attitude à adopter face à l'arrivée d'une masse soudaine de migrants fuyant un quotidien misérable, ne désirant pas s'assimiler à la culture française et devenant violente, et des conséquences lourdes et irréversibles de cette arrivée sur une civilisation aussi ancienne que celle de France.

Le livre comporte dès sa première parution une citation datée de l'auteur sur l'actualité du sujet. À l'occasion de chacune des réimpressions du livre, Jean Raspail a ajouté de nouvelles citations, également datées, pour prendre acte du changement des mentalités sur le sujet en quelques décennies[1], passant de l'incrédulité à la révolte, puis à une apparente résignation abattue. Réédité huit fois, il jouit d'une influence notable au sein de la droite et de l'extrême droite.

Roman le plus connu de son auteur, Jean Raspail précise que son livre a la particularité d'avoir été publié à une époque, en 1973, où le problème de l'immigration n'existait pas encore et surtout avant l'entrée en vigueur de lois (Pleven, Gayssot, Lellouche et Perben) qui en interdiraient aujourd'hui la sortie. L'auteur a d'ailleurs inséré à la fin du roman une liste des 87 passages qui pourraient lui valoir des procédures judiciaires. Cependant, le livre étant sorti antérieurement à ces lois, cela absout son auteur de toutes poursuites.

Origine du titre

Le titre est tiré d'un passage de l'Apocalypse (Apocalypse 20:7 à 9) dans lequel Satan influence la plupart des nations de la Terre à se réunir pour la bataille finale contre le « camp des saints », avant d'être vaincu pour l'éternité :

« Quand les mille ans seront accomplis, Satan sera relâché de sa prison. Et il sortira pour séduire les nations qui sont aux quatre coins de la terre, Gog et Magog, afin de les rassembler pour la guerre ; leur nombre est comme le sable de la mer. Et ils montèrent sur la surface de la terre, et ils investirent le camp des saints et la ville bien-aimée. Mais un feu descendit du ciel, et les dévora[2]. »

Résumé

À Calcutta en Inde, des prêtres catholiques encouragent l'adoption d'enfants indiens pour ceux qui rentrent en Belgique en signe d'acte de charité. Lorsque le gouvernement belge se rend compte que le nombre d'enfants indiens élevés en Belgique a atteint le nombre de 40 000 en seulement cinq ans, une politique d'urgence est mise en place pour tenter d'arrêter cette tendance. Désespérés de ne plus pouvoir envoyer ses enfants dans ce qu'ils considèrent comme une « terre d'abondance », une foule d’Indiens se ruent devant le consulat. Un Indien, connu sous le seul surnom de « coprophage » car travaillant comme fermier gong (en) (ramasseur d'excréments), hisse alors en l'air son enfant monstrueusement déformé, et supplie de les emmener en Europe, ce qu'un travailleur humanitaire belge accepte.

Le travailleur belge et le fermier indien conduisent la foule sur les quais, où se trouvent des centaines de navires appartenant autrefois à des puissances européennes mais qui ne conviennent désormais qu'au trafic fluvial. La foule monte néanmoins à bord et cette centaine de navires part bientôt pour l'Europe. Les conditions à bord sont exiguës, insalubres et misérables, et de nombreux passagers, dont des enfants, forniquent en public. Au passage des navires des « détroits de Ceylan », des hélicoptères pullulent au-dessus d'eux et filment des images des réfugiés à bord qui seront montrées en Europe. Pendant ce temps, en Extrême-Orient russe, les troupes soviétiques voient des masses de Chinois prêts à entrer en Sibérie mais hésitent à les combattre.

Alors que la flotte traverse l'océan Indien, la situation politique en France devient perturbée. Lors d'une conférence de presse à propos de cette crise, un responsable français prononce un discours d'éloge des réfugiés et est interpellé par un journaliste qui prétend qu'il désire simplement « nourrir les envahisseurs » et exige de savoir si la France « aura le courage de se tenir debout » et de faire face aux migrants lorsqu'ils arriveront en France. Le responsable affirme que cette question est moralement offensante et menace de jeter le journaliste dehors s'il continue de hausser la voix. D'autres journalistes cherchent à attiser les tensions entre les Français d'un côté et les Africains et les Arabes de l'autre qui vivent déjà dans le pays. Au fil du temps, ces journalistes commencent à écrire que la flotte de migrants a pour mission « d'enrichir, de nettoyer et de racheter l'Occident capitaliste ». Mais alors que la flotte est saluée par les habitants de Paris, ceux du sud de la France, terrifiés par l'arrivée prochaine des migrants, fuient vers le nord.

Du côté de Socotra, à l'entrée du golfe d'Aden, un torpilleur égyptien tire plusieurs coups de semonce, accompagnés d'avertissements par haut-parleurs précisant que le canal de Suez n'était pas sûr et que l'Egypte ne pouvait en autoriser le passage. La flotte est alors obligée de se diriger vers le sud au cap de Bonne-Espérance. À la surprise des observateurs, le régime de l'apartheid d'Afrique du Sud parachute du riz et de l'eau, tout en décourageant tout débarquement, mais que les migrants rejettent par-dessus bord. La presse internationale est ravie, estimant que le rejet de ces biens est une déclaration politique contre le régime sud-africain de l'apartheid. Les dirigeants occidentaux, confiants que les réfugiés accepteront les biens de leurs nations « plus vertueuses », organisent une mission de ravitaillement, financée par les gouvernements, les organisations caritatives, les rock stars et les grandes églises, et vont à la rencontre des réfugiés à Sao Tomé. Cependant, la flotte ne s'arrête pas non plus pour les barges de l'Occident, et lorsqu'un homme à bord d'une barge papale tente de monter à bord de l'un des navires, il est étranglé et jeté par-dessus bord. La presse tente alors de contenir la couverture de ce meurtre.

Alors que les migrants passent le détroit de Gibraltar, les radios des pays arabes exhortent toutes en même temps leurs frères musulmans à gagner le nord de la Méditerranée, car c'est là seulement que le lait coule à flot et que commence l'Occident, les commentateurs laissant transparaître une peur évidente. À Rome, une voix s'élève, rappelant en cette période pascale les devoirs de la charité et de l'amour du prochain. Le président français envoie des troupes dans le sud et présente à la nation son plan pour repousser les migrants. Cependant, en pleine allocution, il s'arrête brusquement puis exige que les troupes suivent simplement leur conscience à la place. Tandis que la flotte de migrants vient s'échouer à cinquante mètres du rivage, entre Cannes et Saint-Tropez, la plupart des soldats désertent immédiatement à la vue de ces milliers de personnes misérables et squelettiques se ruant vers le rivage. C'est une armée saisie de pitié, malade de culpabilité, qui ouvre ses rangs et les laisse passer. Les migrants envahissent rapidement le sud de la France tandis que les déserteurs de l'armée rejoignent les civils dans leur fuite vers le nord.

Certaines des dernières troupes à avoir résisté se réfugient dans un petit village, avec Calguès, un vieux professeur ayant choisi de rester chez lui, et Hamadura, un Indien occidentalisé qui est terrifié par ses compatriotes « crasseux et brutaux » et se targue d'avoir plus en commun avec les Blancs qu'avec les Indiens. Les troupes présentes dans le village, 19 Français et 1 Indien au total, entourées par ce qu'ils jugent être un « territoire occupé », restent la dernière défense des valeurs occidentales et de la « France libre » contre les immigrés.

Les migrants se dirigent vers le nord, n'ayant aucune envie de s'assimiler à la culture française, mais continuant d'exiger les standards de vie du premier monde, même s'ils bafouent les lois, ne produisent rien et assassinent des citoyens français. Les patrons d'usines qui ont préféré embaucher des immigrés plutôt que des Français finissent écorchés par leurs nouveaux ouvriers. Les citoyens qui ont milité pour la cause des immigrés voient leurs femmes et leurs filles violées par ceux-là même qu'ils défendaient. Ceux-ci sont rejoints par les immigrants qui résident déjà en Europe, ainsi que divers groupes de gauche et anarchistes. Partout en Occident, de plus en plus de migrants arrivent et ont des enfants, et la croissance rapide de cette population fait qu'elle devient plus nombreuse que les Blancs. En quelques mois, l'Occident blanc a été envahi et des gouvernements pro-immigrants sont établis, tandis que les Blancs sont obligés de partager leurs maisons et appartements avec les immigrants. Le village contenant les troupes est bombardé par les avions du nouveau gouvernement français, dénommé seulement sous le nom de « Commune multiraciale de Paris ». En quelques années, la plupart des gouvernements occidentaux se sont rendus. Le maire de New York doit partager Gracie Mansion, sa résidence officielle, avec trois familles afro-américaines de Harlem. Les migrants se rassemblent dans les ports côtiers d'Afrique de l'Ouest et d'Asie du Sud et envahissent l'Europe, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Londres est prise en charge par une organisation de résidents non blancs connue sous le nom de « Comité non-européen du Commonwealth » qui force la reine britannique à marier son fils à une femme pakistanaise. Des millions d'Africains noirs de tout le continent se réunissent sur les bords du Limpopo et envahissent l'Afrique du Sud. En URSS, seul un soldat soviétique ivre fait obstacle à des centaines de milliers de paysans chinois qui envahissent la Sibérie.

L'épilogue révèle que l'histoire a été écrite dans le dernier bastion du monde occidental, la Suisse, mais la pression internationale des nouveaux gouvernements, l'isolant comme un État voyou pour refuser d'ouvrir ses frontières, et les éléments internes pro-migrants, la forcent également à capituler. À quelques heures de l'ouverture de la frontière, l'auteur dédie son récit à ses petits-enfants, dans l'espoir qu'ils grandiront dans un monde où ils n'auront pas honte de lui pour avoir écrit un tel livre.

Propos de Jean Raspail sur son œuvre

Sur la genèse de l’œuvre et son écriture

Jean Raspail commence la rédaction du roman en 1972, lors d'un séjour dans une villa bordant la Méditerranée, plus précisément à Boulouris, près de Saint-Raphaël. L'auteur s'y attelle sans plan préconçu[3]. Interrogé par Le Figaro en 2011, Jean Raspail revient sur son travail :

« C'est un livre inexplicable, écrit il y a presque quarante ans, alors que le problème de l'immigration n'existait pas encore. J'ignore ce qui m'est passé par la tête. La question s'est posée soudain : “Et s'ils arrivaient ?” Parce que c'était inéluctable. Le récit est sorti d'un trait. Lorsque je terminais le soir, je ne savais pas comment j'allais poursuivre le lendemain. Les personnages ont surgi, inventés au fur et à mesure. De même pour les multiples intrigues. »

L'auteur précise avoir voulu condenser en vingt-quatre heures (le temps de l'action) une « infiltration » qui, « dans la réalité », existe sur « plusieurs décennies ». Pour Jean Raspail, il s'agissait de livrer un texte allégorique en utilisant certaines règles du théâtre classique, notamment celle des unités de temps, de lieu et d'action.

Sur les thèmes et le message du roman

En 2004, soit 31 ans après, l'auteur revient sur son roman dans une tribune du Figaro intitulée « La patrie trahie par la République »[4], consacrée au thème de la série : « Qu'est-ce qu'être français aujourd'hui ? » Il y explique que, s'il s'était trompé sur la forme de l'invasion, l'histoire lui a donné raison sur le fond. Cet article lui vaut, ainsi qu'au Figaro, une plainte de la LICRA qui sera finalement déboutée[5].

Dans la préface de la troisième édition, rédigée en 2006, Raspail estime ne rien avoir à regretter de ce qu'il avait écrit. En 2011, il explique :

« Ne l'ayant pas ouvert depuis un quart de siècle, je vous avouerai qu'en le relisant pour sa réédition, j'ai sursauté moi-même, car avec l'arsenal de nouvelles lois, la circonspection s'est installée, les esprits ont été formatés. Dans une certaine mesure, je n'y échappe pas non plus. Ce qui est un comble ! Mais je ne retire rien. Pas un iota. Je me réjouis d'avoir écrit ce roman dans la force de l'âge et des convictions. C'est un livre impétueux, désespérant sans doute, mais tonique, que je ne pourrais plus refaire aujourd'hui. J'aurais probablement la même colère, mais plus le tonus. C'est un livre à part de tous mes autres écrits. On y trouve des accents à la Marcel Aymé, une dose de Shakespeare pour la bouffonnerie tragique, un peu de Céline, un peu d'Abellio, une touche de Jacques Perret. D'où vient cette histoire ? Elle m'appartient, et pourtant, elle m'échappe, comme elle échappera aux possibles poursuites : quelles que soient les procédures, ce roman existe[1]. »

Sur les possibilités de poursuites judiciaires

À l'occasion des rééditions, Jean Raspail a inséré à la fin de l’ouvrage la liste des 87 passages qui pourraient lui valoir des procédures judiciaires sur le fondement des lois Pleven, Gayssot, Lellouche et Perben. Le livre n'a jamais fait l'objet d'aucune poursuite en justice[1],[6].

Accueil du roman

Lors de sa première édition

Le livre connaît une réception plutôt positive auprès d'une partie de la critique, tandis qu'un autre pan du journalisme littéraire garde le silence[7]. Beaucoup soulignent non seulement ses qualités littéraires, mais aussi son aspect « prophétique »[8]. Jean Cau s'interrogeait de la sorte :

« Et si Raspail, avec Le Camp des Saints, n'était ni un prophète ni un romancier visionnaire, mais simplement un implacable historien de notre futur[1] ? »

L'éditeur Robert Laffont imprime 20 000 exemplaires, adresse une lettre spéciale à 350 libraires influents et essaie d'obtenir un article dans Le Monde des livres, sans y parvenir. Des auteurs classés à droite comme Jean Cau, Louis Pauwels ou Michel Déon font la promotion du livre, qui se vend à 15 000 exemplaires à sa sortie[3].

Le succès du roman ne cessera de croître au fil des mois, pour atteindre les 40 000 exemplaires en 1975. L'éditeur Charles Scribner le traduit en anglais la même année. Le roman connaît alors un certain succès auprès des personnalités politiques et des hommes d'influence de l'époque. Le comte Alexandre de Marenches offre le livre à Ronald Reagan, qui se dira impressionné par sa lecture. François Mitterrand, Robert Badinter et Jean-Pierre Chevènement auraient également lu le livre, selon les déclarations de l'auteur. Samuel Huntington, dans son essai Le Choc des civilisations, qualifie le roman d'« incandescent ». Henri Amouroux, cité par Jean Raspail lui-même, se serait écrié après la lecture du roman[1] : « Ah, mon Dieu, je n'ai jamais vu de prophète de ma vie, vous êtes le premier ! » Le roman connaît également un succès dans les milieux d’extrême droite[7].

Succès commercial des éditions Robert Laffont, Le Camp des Saints est traduit en plusieurs langues (espagnol, portugais, italien, afrikaans et allemand s'ajoutent à l'anglais)[8]. Il s'en écoule en moyenne 5 000 exemplaires par an. Le livre est réédité deux fois en édition de poche, en 1981 puis en 1989. Aux États-Unis, c'est l'héritière et philanthrope d'extrême-droite Cordelia May qui en assure la deuxième édition en 1983 et son ancrage dans le paysage intellectuel américain ; elle soutient également John Tanton, un ex-écologiste malthusien devenu un des leaders du mouvement anti-immigration, qui publie la réédition de 2001[9].

En 2002, Jean Raspail suggère à Nicole Lattès, directrice générale de Laffont, de rééditer le roman, assorti d'une nouvelle préface. Celle-ci, intitulée Big Other, effraie les membres de la maison d'édition, qui craignent d'être poursuivis pour incitation à la haine raciale. Jean Raspail refuse de céder et appelle son ami Jacques Trémolet de Villers, qui parvient à convaincre la maison d'édition de conserver la préface, sans en changer la moindre ligne. Le livre contient toutefois un avant-propos signé de Leonello Brandolini, le PDG des éditions Robert Laffont, qui justifie la publication du roman et de sa préface tout en exprimant ses réserves sur les thèses véhiculées par l'auteur[3].

Dans Big Other Jean Raspail écrit à propos de l'échouage d'un vraquier rouillé empli de Kurdes à l'endroit même où il avait écrit le Camp des saints : « Dans la nuit du , un cargo non identifié, chargé d’un millier d’émigrants kurdes, s’échoua volontairement, de toute la vitesse de ses vieilles machines, sur un amas de rochers émergés reliés à la terre ferme, et précisément à... Boulouris, à une cinquantaine de mètres du Castelet ! Cette pointe rocheuse, j’allais y nager par beau temps. Elle faisait partie de mon paysage. Certes, ils n’étaient pas un million, ainsi que je les avais imaginés, à bord d’une armada hors d’âge, mais ils n’en avaient pas moins débarqué chez moi, en plein décor du Camp des Saints, pour y jouer l’acte I ! ». L’équipage qui a pris la fuite après avoir volontairement fait échouer le bateau sur cette plage était composé d’hommes en cagoule parlant turc. Quelques jours plus tôt, le , le Président de la République, Jacques Chirac, avait promulgué une loi adoptée par le Sénat et l’Assemblée nationale qui comporte cet unique article : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. » Cette reconnaissance comporte un non-dit en ne mentionnant pas le responsable turco-ottoman. Cela n’a semble-t-il pas empêché la diplomatie turque de menacer la France tout en montrant qu’elle savait manier les symboles[réf. nécessaire].

Lors de sa huitième réédition en 2011

En , les éditions Robert Laffont font paraître une nouvelle édition précédée d'une nouvelle préface, intitulée Big Other[10]. Le mois suivant, le roman est classé numéro un des meilleures ventes dans la littérature française par les sites de vente sur Internet Fnac.com[11] et Amazon.fr[12],[13]. 20 000 exemplaires sont vendus entre et [3].

Plusieurs journaux reviennent sur le roman. Thomas Mahler, dans Le Point, évoque une « ambiance à la fois millénariste et bouffonne ». Daniel Schneidermann, dans Libération, qualifie le livre d'« odieusement raciste ». S'il lui reconnaît des qualités littéraires, dont sa force d’évocation et un intérêt sociologique, le journaliste évoque la description des immigrés, ramenés à leur « puanteur » ainsi que leur dépersonnalisation tout au fil du roman :

« Pas un seul, dans ce million d’Indiens, n’est doté par le romancier d’un visage humain, ou de réactions humaines. C’est une masse grouillante, informe et menaçante. Noirs et Arabes, jetés sur les routes par la débâcle française devant cette invasion pacifique, ne sont que des délinquants et des violeurs[14]. »

Aude Lancelin explique dans Le Nouvel Observateur que le roman « n’est pas un florilège ordinaire d’opinions douteuses, mais un authentique morceau de névrose raciale. » En s'appuyant sur l'étude du registre lexical associant la figure de l’étranger avec celles de l'excrément, du monstre ou du rat, elle conclut :

« Sans ambiguïté, autant par le vocabulaire que par l’imaginaire, on est là au plus intime du fascisme : moins système politique que production de “l’Autre” comme d’un réel cauchemardesque appelant l’anéantissement[15]. »

Jérôme Dupuis se livre à un résumé de l'intrigue et à son analyse dans L'Express :

« Effrayés par cette racaille, les Français blancs fuient, laissant le champ libre à cette masse puante, qui se livrait déjà à un gigantesque enculage en couronne [sic] sur les bateaux et profite de nos hôpitaux, écoles et supermarchés, non sans violer quelques Blanches au passage. Seul un dernier carré de Blancs résiste. Et qu'ont-ils de plus pressé à faire avant de mourir ? Abolir la législation de 1972 sur la discrimination raciale… Par son lexique, sa brutalité et ses provocations, Le Camp des Saints est incontestablement un ouvrage d'extrême droite[3]. »

Jérôme Leroy écrivain et rédacteur en chef culture de Causeur publie le un article[16] intitulé « Jean Raspail, ou le splendide malentendu » avec en sous-titre « Le Camp des Saints, roman prophétique ». Il y écrit entre autres :

« La contradiction, en effet, était rude, y compris pour Raspail lui-même, profondément catholique et royaliste. Perdre son âme en déclenchant un massacre pour sauver une civilisation ou perdre cette civilisation. Je ne suis pas certain, aujourd’hui, que la subtilité douloureuse de ce dilemme ait traversé la tête de tous les jeunes gens de droite dont je parlais plus haut. »

Depuis sa publication jusqu'en 2016, il s'est vendu 110 000 exemplaires du Camp des Saints, dont près de 40 000 depuis entre la réédition de 2011 et 2016[17].

Autres commentaires

Jean-Marc Moura, professeur de littérature francophone et de littérature comparée, explique dans son ouvrage L'Image du tiers-monde dans le roman contemporain que la structure du roman oppose un espace organisé, l'Occident, à ce qu'il décrit comme un « flux énorme et malin venu du Tiers-Monde », et que Jean Raspail nomme les « Barbares » de l'hémisphère Sud. Il prend pour cela en compte les métaphores utilisées par l'écrivain pour les rattacher à un fond iconographique et idéologique : « l'animalité, la noirceur, l'abîme mouvant formé par la foule. »

L'animalisation des personnages d'immigrés est rattachée aux figures de l'abrutissement, de la puanteur et de l’obscénité. Leurs descriptions relèvent du « symbolisme thériomorphe, archétype du grouillement anarchique et inquiétant ». L'universitaire cite la noirceur liée à la figure de l'immigré, qui renvoie, lui, au « symbolisme nyctomorphe, articulant les différentes images des ténèbres ». Et le triomphe des populations immigrées à la fin du récit doit être rapproché du « symbolisme catamorphe où se développent les images de la descentes aux abîmes »[18].

Jean-Marc Ela et Anne-Sidonie Zoa prolongent cette analyse dans leur ouvrage Fécondité et migrations africaines : les nouveaux enjeux en insistant sur l'antagonisme classique entre Occident et Tiers-Monde, lumière et ténèbres, blancheur et saleté, civilisation et barbarie, qui court dans le roman et qui plonge ses racines dans l'évocation de l'Apocalypse, rappelant au passage l'ancienneté de ces fictions où l'immigré est désigné comme l'ennemi[19].

Influence

C'est un livre de référence pour l'extrême droite française, qui considère que l'ouvrage est « visionnaire »[20],[21],[22] et surnomme parfois son auteur « le Prophète ».

En 2015, dans le contexte de la crise migratoire en Europe, Marine Le Pen, qui l'a lu pour la première fois à 18 ans et qui possède une édition originale dédicacée par Jean Raspail, qualifie Le Camp des Saints de « visionnaire » et « invite les Français à [le] lire ou [le] relire »[6]. Pour Libération, ce livre qui décrit une apocalypse migratoire est l'un des préférés de la présidente du Rassemblement national[23].

Le livre est devenu très populaire chez les nationalistes blancs américains à partir de 2011[24].

Le Camp des Saints est mentionné en 2017 comme une influence et une référence récurrentes dans la pensée politique de Steve Bannon, le conseiller stratégique du président Donald Trump[25].

Le livre est cité par Tom Van Grieken, président du parti d'extrême-droite flamand Vlaams Belang, comme l'un des cinq livres qui ont changé sa vie[26].

Le politologue Jean-Yves Camus dresse un parallèle entre les idées du terroriste auteur de l'attentat de Christchurch et le roman dystopique de Raspail[27].

Éditions

Le roman a été traduit en anglais (1975), en espagnol (1975), en portugais (1977), en allemand (partielle en 1985, complète 2015[28]), en italien (1998), en polonais (2006), en tchèque (2010) et en flamand (2015).

  • Robert Laffont, Paris, 1973
  • Club français du livre, Paris, 1974
  • Charles Scribner's Sons, New York, 1975
  • Plaza y Janès, Barcelone, 1975
  • Publicações Europa-América, Lisbonne, 1977
  • Ace Books, New York, 1977
  • Sphere Books, Londres, 1977
  • Robert Laffont, Paris, 1978
  • Plaza y Janès (Varia), Barcelone, 1979
  • Le Livre de poche, Paris, 1981
  • Institute for Western Values, Alexandria Va, États-Unis, 1982
  • Robert Laffont, Paris, 1982
  • Hohenrrain Verlag, Tübingen, 1987, 2006, Antaios 2015 (nouvelle traduction autorisée)[29]
  • J'ai lu, Paris, 1989
  • Oranjewerkers Promosies, Pretoria, 1990
  • Edizioni di Ar[30], Padoue, 1998
  • Robert Laffont, Paris, 2002
  • Klub Ksiazki Katolickiej, Poznan, 2006
  • Altera, Barcelone, 2007
  • Ing Radomia Fiuska, Prague, 2010
  • Robert Laffont, Paris, 2011
  • Uitgeverij Egmont[31], Bruxelles, 2015
  • Uitgeverij de blauwe tijger[32], Groningen, 2016

Livre audio

  • Jean Raspail, Le Camp des Saints, précédé de Big Other, Paris, Audible, .
    Texte intégral du roman, précédé de la préface de la réédition de 2011 ; interprète : Christophe Bonzom ; support : téléchargement MP3 ; durée : 13 h 11 min.

Notes et références

  1. Patrice De Méritens, Jean Raspail « Aujourd'hui, Le Camp des Saints pourrait être poursuivi en justice pour 87 motifs », Le Figaro, 7 février 2011.
  2. https://saintebible.com/lsg/revelation/20.htm
  3. « Le Camp des Saints, de Jean Raspail, un succès de librairie raciste ? » sur lexpress.fr, 6 avril 2011.
  4. Tribune de Jean Raspail.
  5. Plainte de la Licra.
  6. Dominique Albertini, « L'un des livres favoris de Marine Le Pen décrit une apocalypse migratoire », sur liberation.fr, (consulté le )
  7. Raspail, la polémique par Thomas Mahler sur lepoint.fr du 22 février 2011.
  8. « Littérature et idéologie de la migration : Le Camp des Saints de Jean Raspail », Revue européenne des migrations internationales, volume 4, no 3, 1988, p. 115-124, sur persee.fr.
  9. Paul Blumenthal, « Le roman français ouvertement raciste qui inspire Steve Bannon, ex-stratège de Donald Trump », Huffington Post, 19 août 2017.
  10. « Ouvrir les yeux sur les mensonges », entretien avec Bruno de Cessole dans Valeurs actuelles du 10 février 2011.
  11. Meilleures ventes romans.
  12. Meilleures ventes littérature française.
  13. Le Camp des Saints : le succès inattendu d'un livre raciste de 1973, 1er mars 2011, arretsurimages.net.
  14. « Appeler racistes les racistes » par Daniel Schneidermann sur liberation.fr du 7 mars 2011.
  15. « Jean Raspail 2011 » par Aude Lancelin, sur bibliobs.nouvelobs.com repris du Nouvel Observateur du 31 mars 2011.
  16. Voir sur causeur.fr.
  17. Ellen Salvi, « La droite extrême à l'assaut du livre », Revue du crieur, no 4, , p. 124
  18. Jean-Marc Moura, L'Image du tiers-monde dans le roman français contemporain, Paris, PUF, 1992, p. 258-259.
  19. Jean Marc Ela, Anne-Sidonie Zoa, Fécondité et migrations africaines : les nouveaux enjeux, L'Harmattan, 2006, p. 149-150.
  20. Saïd Mahrane, « Jean Raspail : “Que les migrants se débrouillent” », sur Le Point (consulté le ).
  21. « Le Camp des Saints : le succès inattendu d'un livre raciste de 1973 », sur @rrêt sur images (consulté le ).
  22. « La famille nationaliste pleure la mort de Jean Raspail, prophète du “grand remplacement” », sur lemonde.fr.
  23. Dominique Albertini, « L'un des livres favoris de Marine Le Pen décrit une apocalypse migratoire », sur liberation.fr,
  24. Sarah Jones, « The Notorious Book that Ties the Right to the Far Right », The New Republic, (ISSN 0028-6583, lire en ligne, consulté le )
  25. Paul Blumenthal, « Le roman français ouvertement raciste qui inspire Steve Bannon, le stratège de Donald Trump », sur The Huffington Post, (consulté le ).
  26. (nl) Rik Arnoudt, « De vijf boeken die het leven van Tom Van Grieken hebben veranderd », sur vrt.be, (consulté le ).
  27. Sasha Polakow-Suransky et Sarah Wildman, « Renaud Camus, les idées derrière les balles de l'attentat de Christchurch », sur slate.fr,
  28. Lorenz Jäger, « Apokalypse lieber später », Frankfurter Allgemeine Zeitung,
  29. « Das Kultbuch der Neuen Rechten - eine Lesewarnung », sur Der Tagesspiegel (consulté le ).
  30. Voir sur edizionidiar.it.
  31. Voir sur 'uitgeverijegmont.be'
  32. Voir sur deblauwetijger.com

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de la littérature française
  • Portail des années 1970
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.