Daniel Schneidermann

Daniel Schneidermann [danjɛl ʃnɛdɛʁman][1], né le à Paris, est un journaliste français.

Pour les articles homonymes, voir Schneidermann.

Il se consacre en particulier à l'analyse des images télévisuelles, en écrivant des chroniques hebdomadaires, d'abord dans Le Monde puis dans Libération. De 1995 à 2007, il dirige et présente l'émission de télévision Arrêt sur images sur France 5. Après 2007, à la suite de la suppression du programme sur décision de la chaîne, l'émission est transposée sur internet sous le nom @rrêt sur images. Elle y a élargi son champ, se consacrant désormais à la déconstruction de toutes les narrations médiatiques dominantes, sur tous supports.

Biographie

Schneidermann grandit avec sa mère travaillant dans une galerie d'art à l'angle de la rue de Seine et de la rue Visconti, et son père, qui occupe de multiples emplois de vendeur dans des commerces ou dans des foires (principalement en confection et électro-ménager)[2].

Son enfance, et sa relation à la paternité, sont abordées sous une forme romancée dans son livre Les langues paternelles (Robert Laffont), publié sous le pseudonyme de David Serge. À dix-sept ans, Daniel Schneidermann est pendant quelques mois militant à l'Union des étudiants communistes, à la section du lycée Henri-IV, à Paris[3],[4].

Le Monde puis Libération

Après être passé au Centre de formation des journalistes, il entre en 1979 comme journaliste au quotidien français Le Monde, où il est nommé grand reporter en 1983. Pendant de longues années, Daniel Schneidermann assure pour le quotidien de nombreux reportages de terrain et la chronique judiciaire qui lui donneront l'occasion d'écrire plusieurs livres, notamment L'Étrange procès, et Les juges parlent... qui, avec Où vont les juges..., ont été écrits en collaboration avec Laurent Greilsamer.

En 1992, il commence à y présenter des chroniques de télévision, d’abord quotidiennes, puis hebdomadaires. Il y critique la manière dont la télévision présente l’information et influence le spectateur. Il s’inscrit dans la continuité de la critique télévisuelle entamée trente ans plus tôt par des auteurs comme François Mauriac ou Morvan Lebesque[5].

En 1999, il accusa Régis Debray de gifler à distance les réfugiés après la parution, dans Le Monde, d'un article où ce dernier écrivait notamment : « Définir le peuple serbe collectivement criminel n'est pas digne d'un démocrate ».

En 2003, alors que la controverse fait rage autour du livre La Face cachée du « Monde » de Pierre Péan et Philippe Cohen, Daniel Schneidermann critique dans son ouvrage Le Cauchemar médiatique la réaction de la direction du quotidien, en estimant que celle-ci ne répondait pas aux arguments du livre.

En , il est licencié pour « cause réelle et sérieuse » : selon la direction, un passage du livre était « attentatoire à l’entreprise pour laquelle il travaille ». Le journaliste poursuit le quotidien aux prud'hommes de Paris, qui lui ont donné gain de cause en mai 2005[6],[7], jugement confirmé en appel en mars 2007[8]. Dans sa dernière chronique[9], il exprime sa surprise et sa déception d’être sanctionné par un journal qui se veut pourtant un modèle de transparence.

Daniel Schneidermann est alors embauché à Libération, où il devient chroniqueur des médias, tous les lundis.

Arrêt sur images

En 1995, sur une idée commune avec Arnaud Viviant et Alain Rémond, le succès de ses chroniques écrites lui permet de créer sur France 5 (alors nommée La Cinquième et présidée par Jean-Marie Cavada) l'émission hebdomadaire Arrêt sur images, dont il est à la fois producteur et animateur. La journaliste Pascale Clark a présenté l'émission avec lui pendant la première année. Arrêt sur images a pour objet de décrypter l'image et le discours télévisuels et, avec l'aide de divers chroniqueurs et journalistes, d'analyser la fabrication du récit médiatique.

Cette émission, chose rare pour la télévision française, tente d'organiser son autocritique en relation avec Internet. Chaque mois, la « forumancière » chargée de suivre les débats des téléspectateurs sur le forum d'Arrêt sur images, vient interpeller Daniel Schneidermann sur certaines critiques émises par des internautes contribuant à ce site.

Son émission critique amène régulièrement Daniel Schneidermann à avoir des relations tendues avec différentes personnalités ou chaînes, qui lui reprochent parfois partialité, mauvaise foi, voire malhonnêteté. Parmi les conflits les plus médiatisés, on notera :

  • Le , le sociologue Pierre Bourdieu, invité aux côtés des journalistes Jean-Marie Cavada et Guillaume Durand, a estimé que l'émission ne lui avait pas réellement permis de s'exprimer et confirmait son idée antérieure qu'« on ne peut pas critiquer la télévision à la télévision », ce que Daniel Schneidermann a considéré en retour comme une méconnaissance des mécanismes télévisuels[10]. En 1996, Bourdieu publie le livre Sur la télévision, alors que Schneidermann fait paraître en 1999 Du journalisme après Bourdieu.
    Le film Enfin pris ? du journaliste Pierre Carles, partisan de Bourdieu et éphémère collaborateur de Daniel Schneidermann, a pour personnage central ce dernier, qu'il soupçonne de partialité et de reniement[11]. Dialogue de sourds, livre retraçant la correspondance épistolaire entre Daniel Schneidermann et Pierre Carles entre 1997 et 2000, complète le film[12].
  • En 2002, un ancien correspondant de TF1, Alain Chaillou, est présent sur le plateau d'Arrêt sur images pour parler de la fermeture de plusieurs bureaux à l'étranger et du faible intérêt de la chaîne pour l'actualité internationale. Depuis cette émission, Daniel Schneidermann a des relations difficiles avec la chaîne TF1[13].
  • En septembre 2003, il parvient à imposer à France 5 la diffusion d'un documentaire consacré au traitement médiatique de l'affaire Alègre à la place de sa propre émission[13].
  • Le , Patrick de Carolis est élu président de France Télévisions par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Daniel Schneidermann rappelle alors sur son blog que son nouveau dirigeant a présenté dans l'émission Des racines et des ailes un reportage falsifié, présentant un entraînement de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) comme un reportage pris sur le vif. Par cet acte, il explique vouloir « vérifier l'espace de [sa] bulle d'oxygène »[13]. Ces tensions avec la direction, malgré des audiences pouvant atteindre 1,5 million de téléspectateurs, amènent dans un premier temps la suppression de toute rediffusion de l'émission lors du remaniement des grilles à la suite de l'apparition de la TNT[13]. Puis, en 2007, la chaîne décide de manière « irrévocable »[14],[15],[16] de ne pas reconduire l'émission Arrêt sur images à la rentrée de septembre. Daniel Schneidermann est licencié de France 5 le [17]pour « faute grave ».

Le Big Bang Blog

En 2005, avec David Abiker et Judith Bernard, il crée le Big Bang Blog[18] ; ce blog lui permet également d'exprimer des idées qui n'auraient pas leur place dans ses chroniques ou ses émissions de télévision, ainsi que de parler de « tout ce qui craque et tout ce qui résiste » dans le monde des médias.

Le , Daniel Schneidermann annonce sur le blog la mise en sommeil de ce dernier[19], pour se consacrer à @rrêt sur images, reprise sur Internet d'Arrêt sur images[20].

@rrêt sur images

En réaction à la suppression de l'émission, à la suite du soutien de téléspectateurs, Daniel Schneidermann crée en septembre 2007, avec une partie de l'ancienne équipe rédactionnelle de l'émission, un site web @rrêt sur images dont l'objectif est de continuer la critique déjà portée par l'émission mais sur un support qu'il veut « totalement libre » : Internet. Son plan financier ne repose pas sur la combinaison entre accès gratuit et financement publicitaire, qu'il considère non viable, mais sur un abonnement payant. Il espère ainsi fidéliser les 180 000 signataires de la pétition contre la suppression de l'émission Arrêt sur images. Depuis janvier 2008, le site propose des émissions (sur un format de type plateau-débat) et du contenu réservé aux abonnés. Ce site revendique 28 000 abonnés en 2017[21].

Critiques

Pierre Bourdieu et Pierre Carles

Un épisode d'Arrêt sur Images du 20 janvier 1996 s'est concentré sur la critique du sociologue Pierre Bourdieu, qui était invité à rejoindre les journalistes Jean-Marie Cavada et Guillaume Durand. Bourdieu estime que l'émission ne lui a pas vraiment permis de s'exprimer et confirme son idée initiale selon laquelle « on ne peut pas critiquer la télévision à la télévision » ; Daniel Schneidermann répond que la critique de Bourdieu témoigne d'une méconnaissance du fonctionnement réel de la télévision. En 1996, Bourdieu publie le livre Sur la télévision, tandis que Schneidermann, en 1999, sort Du journalisme après Bourdieu.

Le film Enfin pris ?, réalisé par le journaliste Pierre Carles, qui a travaillé avec Schneidermann pendant une courte période, a pour protagoniste Schneidermann, un personnage que Carles semble soupçonner de partialité et de déni. Le film est basé sur des scènes de l'épisode avec Pierre Bourdieu, et fait référence au fait que, plus tard, le PDG de Vivendi Universal, Jean-Marie Messier, a été invité seul à une émission Arrêt sur image, par lui-même, où Schneidermann a mis Bourdieu au défi de participer à l'émission sous forme de débat.

L'émission de Schneidermann avec Jean-Marie Messier y est présentée comme complaisante avec le PDG de Vivendi, s'attardant longuement sur des anecdotes afin de brosser un portrait sympathique de l'homme d'affaires.

Christine Kelly

Le 10 septembre 2020, il compare le rôle d'animatrice incarné par Christine Kelly dans l'émission Face à l'info à celle d'une « servante » d'Éric Zemmour, ce qui provoque une grande indignation médiatique[22]. Sur les réseaux sociaux, cet éditorial est jugé « sexiste » et « raciste »[23]. « J’entends ce genre de paroles racistes et misogynes depuis que je suis toute petite, ça ne me fait plus rien », réagit pour sa part Christine Kelly[24],[25]. En avril 2021, il est critiqué à nouveau par Valeurs Actuelles pour avoir comparé Christine Kelly à Pépita, ex-animatrice de l’émission de divertissement Pyramide[26].

Bibliographie

  • Tout va très bien, monsieur le ministre, Belfond, 1987 (ISBN 2714420699).
  • Où sont les caméras ?, Belfond, 1989 (ISBN 2714423086).
  • Un certain Monsieur Paul, l'affaire Touvier, Fayard, 1989 (avec Laurent Greilsamer) (ISBN 2213592489).
  • Les juges parlent, Fayard, 1992 (avec Laurent Greilsamer) (ISBN 2213029393).
  • La Disparue de Sisterane, Fayard, 1992 (ISBN 2213028478).
  • Arrêts sur images, Fayard, 1994 (ISBN 2213591806).
  • Anxiety Show, Arléa, 1994 (ISBN 2869592167).
  • Nos mythologies, Plon, 1995 (ISBN 2259181643).
  • L’Étrange Procès, Fayard, 1998 (ISBN 2213601046).
  • Du journalisme après Bourdieu, Fayard, 1999 (ISBN 2213603987).
  • Les Folies d'Internet, Fayard, 2000 (ISBN 2213606943).
  • Où vont les juges ?, Fayard, 2002 (avec Laurent Greilsamer) (ISBN 2213610770).
  • Le Cauchemar médiatique, Denoël, 2003 (ISBN 2070317048).
  • Les Langues paternelles, Robert Laffont, 2005 (sous le pseudonyme de David Serge) (ISBN 2221106016).
  • Gründlich (sous le pseudonyme de David Serge), Stock, 2007 (ISBN 2234060729).
  • C'est vrai que la télé truque les images ?, coécrit avec sa fille Clémentine Schneidermann, Albin Michel, 2008 (ISBN 2226186956).
  • Préface de Crise au Sarkozistan.
  • Où le sang nous appelle, avec Chloé Delaume, Seuil, coll. « Fiction et Cie », 2013.
  • Terra incognita.net : randonnée d'un monde à l'autre, Le publieur.com, 2013.
  • Berlin, 1933 : la presse internationale face à Hitler, prix du livre des Assises du journalisme de 2019, Seuil, 2018.
  • Pouvoir dire STOP, les arènes, 2019 (ISBN 979-10-375-0006-9).

Filmographie

  • Kosovo, des journalistes dans la guerre (Arte, 2000 ; durée : 90 minutes).

Notes et références

  1. Prononciation en français de France retranscrite selon la norme API.
  2. Le Tube, 15 février 2014, Canal Plus.
  3. Daniel Scheidermann, « Je suis soufflé par le silence des médias sur la visite de Tapie à l'Élysée », Libération, 16 septembre 2008. Selon lui-même, « rien d'autre qu'un engagement d'adolescence de quelques mois, qui n'a pas eu une importance décisive dans ma formation ».
  4. Emmanuel Poncet, « Adieu, Monde cruel », Libération, mardi 7 octobre 2003, p. 40.
  5. Voir à ce sujet l'ouvrage L'Œil critique : le journaliste critique de télévision de Jérôme Bourdon et Jean-Michel Frodon.
  6. Schneidermann licencié : Le Monde condamné, sur le site de l'association Acrimed.
  7. Texte du jugement des prud'hommes condamnant Le Monde, sur le blog de Daniel Schneidermann (2005).
  8. Daniel Schneidermann, deux fois en appel : un procès gagné, l’autre pas, sur le site de l'association Acrimed.
  9. Une chronique à la mer.
  10. Voir l'échange entre Pierre Bourdieu et Daniel Schneidermann dans Le Monde diplomatique en 1996 : « Analyse d’un passage à l’antenne », par Pierre Bourdieu ; « Réponse à Pierre Bourdieu », par Daniel Schneidermann.
  11. Il se fonde notamment sur des images de l'émission avec Pierre Bourdieu et indique que, plus tard, le PDG de Vivendi Jean-Marie Messier a été invité seul dans une émission d'Arrêt sur images alors que Daniel Schneidermann ne proposait à Bourdieu de venir sur son plateau qu'à la condition qu'il accepte des contradicteurs.
  12. Livre disponible en téléchargement, avec l'accord du réalisateur : Dialogue de sourds, format PDF.
  13. « La télé à cache cash », dans Les Dossiers du Canard enchaîné (ISSN 0292-5354), juillet 2006.
  14. Suppression d’Arrêt sur images, sur le site de l'association Acrimed
  15. Daniel Schneidermann licencié. Et maintenant ? Sur le site de l'association Acrimed.
  16. Big Bang Blog, Arrêt sur images sur France 5, cette fois, c’est bien fini, 18 juin 2007.
  17. Daniel Schneidermann licencié pour "faute grave", Nouvel Obs 01-07-2007 à 17 h 56.
  18. Daniel Schneidermann, « Pourquoi big bang blog ? Parce que tout craque ! »,  : premier billet du Big Bang Blog.
  19. Daniel Schneidermann, « C’est l’heure de la transhumance... », .
  20. @rrêt sur images : le successeur du Big Bang Blog.
  21. Source : site @rrêt sur images.
  22. Daniel Schneidermann, « Zemmour et sa servante »,
  23. « "Raciste", "Sexiste": la toile s'indigne devant l'attaque de Daniel Schneidermann contre la journaliste Christine Kelly », sur dhnet.be,
  24. Joshua Daguenet, « Christine Kelly (Face à l’info) : « Je ne suis pas le contradicteur d’Eric Zemmour » », sur toutelatele.com,
  25. Alexandre Duyck, « Christine Kelly, la femme aux deux visages »,
  26. « Après la « servante » de Zemmour, Daniel Schneidermann récidive : « Kelly est-elle la Pépita de Bolloré ? » »,

Liens externes

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