Acrimed

Acrimed (acronyme d'« Action critique Médias ») est une association française loi de 1901, de critique des médias. Cet observatoire des médias a été créé en 1996 à l'initiative d'Henri Maler et de quelques autres dont le sociologue Patrick Champagne[1], dans la foulée du mouvement social de novembre et décembre 1995, en réponse à la façon dont les grands médias auraient pris parti contre ce mouvement et neutralisé l'expression de ses acteurs[s 1].

Se déclarant attentive à la vérification des faits, Acrimed réunit des salariés et usagers des médias, des chercheurs et des universitaires, et des acteurs de la vie associative et politique.

Depuis octobre 2011, Acrimed publie par ailleurs une revue papier trimestrielle appelée Médiacritiques[s 2].

Objectifs

L'association résume ses objectifs en quatre points[s 3] : « informer, contester, proposer, mobiliser ». Elle déclare viser à « mettre en commun savoirs professionnels, savoirs théoriques et savoirs militants au service d’une critique indépendante, radicale et intransigeante »[s 4].

Acrimed se donne pour but :

« d’intervenir publiquement, par tous les moyens à sa disposition, pour mettre en question la marchandisation de l’information, de la culture et du divertissement, ainsi que les dérives du journalisme quand il est assujetti aux pouvoirs politiques et financiers et quand il véhicule le prêt-à-penser de la société de marché[s 5]. »

S'appuyant sur les analyses critiques d'économie et de sociologie des médias et du journalisme — et notamment sur les travaux de Pierre Bourdieu et Noam Chomsky[2] —, l'association se donne pour objectifs d' « informer sur l'information », sur son contenu et sur les conditions de sa production, ainsi que d'analyser les effets de la subordination des métiers du journalisme aux pouvoirs économiques qui dominent les médias[s 6] et aux pouvoirs politiques qui les maintiennent sous tutelle.

Selon Acrimed, cette situation explique largement la transgression répétée des règles de la déontologie journalistique. Parmi les cibles de l'association, on retiendra la critique de toutes les formes de connivence pratiquée par une minorité de journalistes qui occupent les sommets de la profession, ainsi que la contestation des « intellectuels médiatiques » dont elle déplore l'omniprésence dans les médias, laquelle omniprésence générerait un appauvrissement de la pluralité des points de vue[s 7].

Acrimed réfute « le mythe du quatrième pouvoir[3] » posant les médias comme remparts de la démocratie ; et pointe les multiples dépendances que subissent les médias et leurs salariés, pouvant mener à des dérives propagandistes. Acrimed combat en outre les dérives complotistes attribuant aux médias plus de pouvoir qu'ils n'en détiennent réellement. A ces dérives, Acrimed oppose la sociologie critique des médias.

Publications d'Acrimed

Site web

Acrimed publie sur son site web des contributions élaborées par le comité de rédaction de l'association, ainsi que des articles de correspondants, le cas échéant sous forme de tribunes libres.

Ce site dispose d'une visibilité importante sur Internet : lors du débat au sujet du Traité établissant une Constitution pour l'Europe, il a été montré par un groupe de recherche de l'Université de Compiègne qu'il était à égalité avec Rezo.net l'un des principaux sites de référence sur le sujet, devancé seulement par Libération.fr[4].

Revue trimestrielle Médiacritiques

Depuis octobre 2011[s 8], Acrimed publie une revue trimestrielle appelée Médiacritiques, vendue en librairie[s 9] ou sur la boutique en ligne de l'association.

Les numéros épuisés sont proposés librement en téléchargement sur le site de l'association[5].

Autres publications

Acrimed diffuse également ses travaux et analyses sur d'autres supports. Avant la création de Médiacritiques, un Magazine présenté comme une publication intempestive et aléatoire a été diffusé selon différents modes. Les no 1 et 3 sont en vente auprès de l'association directement. Les no 2 et 4 ont été diffusés en supplément dans le journal Le Plan B.

L'association a également publié trois livres chez les Éditions Syllepse :

  • 2005 : Médias en campagne. Retours sur le référendum de 2005. Coordonné et mis en forme par Henri Maler et Antoine Schwartz.
  • 2008 : Tous les médias sont-ils de droite ?. Coordonné et mis en forme par Mathias Reymond et Grégory Rzepski[s 10].
  • 2010 : Médias et mobilisations sociales. La morgue et le mépris. Coordonné et mis en forme par Henri Maler et Mathias Reymond[s 11].

Les rédacteurs d'Acrimed participent aussi à de nombreux débats en France et à l'étranger[6].

Le journal satirique PLPL[7] présentait Acrimed comme sa « vitrine universitaire ». À quoi Acrimed réplique, ironiquement, que PLPL n'est que « l'une des succursales non franchisées d'Acrimed »[s 12].

Positionnement politique

Ayant pour objectif de transformer radicalement les médias, Acrimed revendique sa proximité avec une « gauche de gauche » dont les contours sont volontairement laissés vagues : « Notre critique est politique d’abord et principalement parce qu’elle entend faire de la question des médias et des journalismes une question politique – la principale (sinon la seule) question politique qui nous occupe et fait l’objet de prises de position publiques. Elle est politique parce qu’elle attribue les dépendances des journalistes, les mutilations du pluralisme et les ravages de la mal-information à des faits de domination économique, sociale et politique, communément et génériquement contestés par la gauche quand elle est de gauche : une "gauche de gauche" dont il ne nous appartient pas de donner une définition partisane[8]. »

L'association appartiendrait à la « gauche révolutionnaire »[9] pour la blogueuse Aliocha de Marianne.net et serait « proche de la gauche antilibérale »[10], pour Sarah Lecœuvre du Figaro. Pour Libération, elle assume une « radicalité revendiquée » et est issue « de toutes les sensibilités de la gauche »[11].

Critiques

Les critiques d'Acrimed donnent lieu à de nombreux débats. Par exemple, dès les années 2000, les journalistes Jean Quatremer[12] et Olivia Dufour (écrivant alors sous le pseudonyme d'Aliocha[13],[14]), se demandent où s'arrête l'étude critique des médias proprement dite et où commence l'expression de points de vue politiques sous couvert de démontage d'argumentation de journalistes et d'éditorialistes exprimant l'avis opposé.

L'association répond à cette critique en estimant que la question des médias est une question éminemment politique, donc, qu'il faut la politiser, sans pour autant selon elle prendre position en faveur de tel parti ou tel candidat : « Concernant Acrimed […], jamais une ligne ni même un mot publié dans nos articles n’a laissé entendre que nous soutiendrions un candidat plutôt qu’un autre. Acrimed est une association […] de critique des médias. C’est-à-dire que nous observons collectivement les médias, portons collectivement une critique et (c’est là que ça devient compliqué) formulons collectivement des propositions afin de politiser la question des médias. À la différence, par exemple, du site d’Arrêt sur images, qui se propose seulement de décrypter (souvent avec efficacité) l’univers des médias, nous nous efforçons de faire de la question des médias une question politique… parce que c’est une question politique[s 13] ! »

Le sociologue Philippe Corcuff estime que certaines analyses d'Acrimed recourent à des explications à tonalité conspirationniste. Pour le sociologue Patrick Champagne, membre d'Acrimed, « ce donneur de leçons est […] un faussaire »[s 14]. Philippe Corcuff, pointé lui-même à plusieurs reprises par l'association Acrimed a réagi en parlant de « bon sens stalinien » et Henri Maler, membre d'Acrimed, a parlé de cette réaction comme d'une « crise de nerfs »[15].

Notes et références

  1. (en) Michael Grenfell, Pierre Bourdieu, agent provocateur, Continuum International Publishing Group, 2004, p. 108-109.
  2. Frédéric Delorca, « Chomsky et Bourdieu : une rencontre manquée » in Jean Bricmont et Julie Franck (dir), Chomsky, L'Herne no 88, 2007, p. 266.
  3. Le pouvoir des médias : entre fantasmes, déni et réalité, Acrimed, mars 2018.
  4. Carte des sites du débat sur le TCE établie par le groupe réseaux, territoires & géographie de l'information de l'Université de Compiègne.
  5. Acrimed, « Cadeau : Médiacritique(s), notre trimestriel imprimé, n°2 (janvier 2012) en .pdf », sur Acrimed | Action Critique Médias (consulté le )
  6. Les débats d'Acrimed.
  7. Le journal PLPL (Pour Lire Pas Lu) a laissé la place au mensuel Le Plan B à la suite de la fusion de sa rédaction avec celle du journal Fakir.
  8. Quelle critique des médias ?, Acrimed, février 2018.
  9. Tous de gauche les journalistes, vraiment ?, marianne.net, 23 août 2012
  10. Éric Brunet, remplaçant d'Aymeric Caron ? «Hors de question» pour Laurent Ruquier, lefigaro.fr, 9 mars 2015
  11. Acrimed, site vedette de la traque aux «dérives» journalistiques, liberation.fr, 13 novembre 2003
  12. Voir par exemple la passe d'armes sur les modifications apportées par le Parlement européen à la directive Services (ex-directive Bolkestein) entre Acrimed et Jean Quatremer de Libération. Le Monde et Libération : désinformation active sur la directive Bolkestein (Acrimed) et réponse de Jean Quatremer ainsi que re-réponse d'Acrimed
  13. Bibliographie : Olivia Dufour Notice de O.Dufour sur le site de son éditeur Eyrolles
  14. « En finir avec Acrimed » En finir avec Acrimed « La Plume d'Aliocha, La plume d'Aliocha, en réaction à l'article Le Monde et le mouvement universitaire d'Acrimed
  15. Voir l'ensemble des pièces du dossier (textes de Patrick Champagne, Philippe Corcuff et Henri Maler sur Bellaciao : Controverse Champagne-Corcuff-Maler 2004)

Références site officiel

  1. Voir l'« Appel pour une action démocratique sur le terrain des médias » (1996) et « Les médias face au mouvement social de la fin », article paru dans la revue S!lence en juin 1996.
  2. l'"acte de naissance" de la revue, sur le site d'Acrimed
  3. « Rencontre-débat : Acrimed a dix ans ... et toutes ses dents », sur Acrimed / Action Critique Médias (consulté le ).
  4. Voir « Acrimed - Qui sommes nous ? »
  5. Voir « Acrimed se présente » sur le site de l'association.
  6. Voir l'exemple de Rupert Murdoch sur le site d'Acrimed.
  7. Cf. Julien Salingue d'Acrimed dans l'émission Ce soir ou jamais ! du 2 novembre 2013, consacrée aux agressions contre les journalistes.
  8. « Avis de naissance : Médiacritique(s), magazine imprimé d'Acrimed », sur Acrimed / Action Critique Médias (consulté le ).
  9. « Médiacritique(s) en librairie », sur Acrimed / Action Critique Médias (consulté le ).
  10. « Un livre d'Acrimed : Tous les médias sont-ils de droite ?... », sur Acrimed / Action Critique Médias (consulté le ).
  11. « Un livre d'Acrimed : Médias et mobilisations sociales », sur Acrimed / Action Critique Médias (consulté le ).
  12. Voir Dans « L’Actu des médias » (février 2003).
  13. À quoi sert Thomas Legrand ? Acrimed, 20 janvier 2012
  14. Acrimed, « Philippe Corcuff, critique « intelligent » de la critique des médias », Patrick Champagne, le 29 avril 2004. [lire en ligne]

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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