Lac Lalolalo

Le lac Lalolalo est un lac de Wallis, une île de l'océan Pacifique qui relève de Wallis-et-Futuna. D'une superficie de 15,2 hectares[1], ce lac de cratère constitue la plus grande étendue d'eau de cette collectivité d'outre-mer française, avec 88,5 mètres de profondeur[1]. Ses parois abruptes sont « d'une forme circulaire presque parfaite »[2]. Réserve d'eau douce de l'île, il irrigue différentes sources d'eau potable, et joue un rôle symbolique essentiel pour la population wallisienne : il est considéré comme la force vitale qui régénère la vie[2]. Ses eaux communiquent à travers des failles souterraines avec la mer, ce qu'atteste la présence d'anguilles[3]. La forêt qui entoure le lac a constitué pendant très longtemps une zone sacrée et strictement réglementée, même si elle a été défrichée ou endommagée à plusieurs reprises depuis le XXe siècle et n'existe pratiquement plus[2].

Lac Lalolalo

Le lac Lalolalo en 2018.
Administration
Pays France
Subdivision Wallis-et-Futuna
Collectivité Wallis-et-Futuna
Géographie
Coordonnées 13° 18′ 00″ S, 176° 14′ 01″ O
Type Lac de cratère
Origine volcanique
Superficie 15,2 ha
Altitude 1,3 m
Profondeur 88,5 m
Hydrographie
Alimentation nappe phréatique
Émissaire(s) sans
Géolocalisation sur la carte : Wallis

Géographie

Une éruption phréato-magmatique est à l'origine du lac Lalolalo, lac de cratère.

Localisation

Le Lac Lalolalo est situé au sud-ouest l'île de Wallis, sur le district de Mu'a, à la frontière avec le district de Hahake. Il est bordé à l'est par la route territoriale RT1.

Origine

Le lac Lalolalo, tout comme les lacs Lanutavake et Lano, est d'origine volcanique. Ces trois lacs sont apparus à la fin du holocène à la suite d'éruptions phréato-magmatiques[1].

Géologie

Le lac Lalolalo en 2012.

La surface du lac s'élève à 1,3 m au-dessus du niveau de la mer[3]. Sa profondeur est estimée à 88,5 mètres[3]. Quasi-circulaire, il est entouré de falaises abruptes qui rendent son accès difficile[3].

C'est un lac méromictique, c'est-à-dire que ses eaux de surface ne se mélangent pas avec les eaux de profondeur[3]. Le lac Lalolalo communique avec la mer à environ 55 mètres de profondeur, à travers des failles. Cela entraîne une arrivée d'eau salée, même si les marées n'ont pas d'influence sur le niveau du lac[3].

Toponymie

Le nom Lalolalo vient du mot wallisien lalo, « en bas ». La répétition de ce terme met l'accent sur la profondeur du lac et l'importance de l'eau qu'il contient pour la population[2].

Faune et flore

Le guppy, espèce introduite dans le lac Lalolalo.

La forte teneur en sel des eaux profondes du lac est liée à une communication souterraine avec les eaux salées[4]. « Le Lac Lalolalo présente des valeurs relativement élevées en ions chlorures (440 mg/l), magnésium (23 mg/l), sulfates (67 mg/l) et sodium (264 mg/l) »[4].

Faune

Le lac Lalolalo n'abrite que trois espèces de poissons : Oreochromis mossambicus (introduit en 1966[1]), Poecilia reticulata (introduit) ainsi que Anguilla obscura (en) (anguilles)[5]. La présence de cette dernière espèce, vivant en eau salée, est surprenante. Lalolalo est le seul des sept lacs de Wallis où elle est présente[5]. Une étude de 2015 a montré que les anguilles pénètrent dans le lac depuis la mer, à travers des failles souterraines qui communiquent avec le littoral. Néanmoins, ces dernières sont trop étroites pour laisser repartir les poissons adultes, qui passent donc le reste de leur vie dans le lac[3]. Neuf espèces de phytoplancton ont été répertoriées, un nombre plus faible qu'à Lanutavake ou Lano. Ce sont des espèces qui résistent mieux à la salinité des eaux du lac[3].

Plusieurs espèces d'insectes ont été observées autour du lac ; des ostracodes sont également présentes dans le lac[4]. En cas d'incendie, les animaux de l'île peuvent trouver refuge dans la forêt autour du lac[2].

Flore

La zone photique (où a lieu la photosynthèse) descend à 4 mètres de profondeur. À partir de 10 mètres, l'oxygène est absent et « la salinité augmente à partir de 15m pour atteindre au fond une valeur identique à celle des eaux littorales »[5].

On trouve dans les eaux de surface « de fortes concentrations d'algues unicellulaires », ainsi que des cyanophycées et des chlorophycées[6].

Les abords du lac sont constitués par une forêt dense rassemblant de nombreuses espèces sempervirentes. Grâce à la présence du lac, ainsi que la protection dont jouit cet espace, les arbres qui y poussent sont souvent plus hauts et avec un plus grand diamètre. Ils étaient réservés aux nobles ('aliki) pour la construction de leurs habitations (fale) ou de leurs pirogues[2]. Cependant, l'abattage des arbres restait exceptionnel, nécessitant l'autorisation de la chefferie pour chaque arbre coupé[2]. Cette forêt fait partie des dernières zones de forêt primaire qui subsistent à Wallis[6]. La forêt primaire occupait autrefois la majeure partie de l'île mais a quasiment disparu du fait de l'exploitation humaine[6]. Cette forêt subsiste à l'est du cratère[6].

Importance symbolique

Carte topographique de l'île de Wallis, montrant la localisation du lac Lalolalo.

Les parois du lac sont entourées d'une forêt épaisse, que les Wallisiens considèrent comme sacrée et nomment vao tapu[2]. Pour la population, le bois qui pousse dans cette forêt est de meilleure qualité que dans le reste de l'île, et de manière générale, le lac et sa forêt sont un symbole de vitalité[2]. En effet, les arbres, en poussant très haut, étaient considérés comme ceux qui apportaient la pluie, donc la vie[2].

Protection coutumière

L'espace autour du lac, tabou, ne peut être approprié par personne. Il est contrôlé par la chefferie et le Lavelua (roi coutumier de Wallis) : « il est interdit (...) de faire des cultures et d'abattre les arbres de façon inconséquente »[2]. Un chemin, dont certaines traces subsistaient encore à la fin du XXe siècle, a été tracé pour délimiter le vao tapu et vérifier que les terres des familles habitant aux alentours n'y empiétaient pas[2].

Activités humaines autour du lac

Période pré-européenne

Avant l'arrivée des missionnaires et la conversion au catholicisme, le vao tapu entourant le lac était considéré comme le domaine des divinités wallisiennes, notamment le dieu de la pluie. Par conséquent, quiconque pénétrait dans cet espace sacré devait faire très attention et adopter un comportement respectueux[2]. Hélène Guiot note que ces marques de respect sont les mêmes que celles adoptées par la population en présence du Lavelua ou de la chefferie[2].

Les abords du lac Lalolalo ont également constitué un refuge pour ceux qui « ont enfreint l'ordre social » : couples illicites, meurtriers... « Par son séjour en ce lieu, le fugitif était lavé de ses fautes », puisqu'il avait quitté le monde humain pour rejoindre le domaine des dieux[2]

Les pierres des falaises du lac Lalolalo ont été prélevées, notamment pour la construction de la cathédrale de Mata-Utu de 1854 à 1856[2].

XXe siècle

En 1915, un cyclone frappa l'île de Wallis, détruisant de nombreuses cultures vivrières. Face à la famine durablement installée (plus d'un an), le roi Sosefo Mautamakia prit la décision de lever le tabou : les arbres autour du lac Lalolalo furent abattus pour planter des cultures. Cependant, après la récolte, des arbres à croissance rapide furent replantés pour faire en sorte que la végétation d'origine repousse, et pendant deux ans, il fut totalement interdit d'entrer dans cet espace[2].

En 1937, les cultures vivrières reprirent dans la forêt autour du lac. Pour Hélène Guiot, « C'est donc à cette époque que l'homme, sans raison autre que de convenance personnelle, commença à empiéter sur le domaine du vao tapu »[2].

Seconde Guerre mondiale

Durant la Seconde Guerre mondiale, l'armée américaine trace une route (qui deviendra la RT1) et coupe à travers le vao tapu[2]. À la fin de la présence américaine à Wallis, en 1945, l'armée américaine se débarrasse de son armement en le précipitant dans plusieurs lacs[7],[8], même si pour certaines sources, cela reste une rumeur[9]. D'après Anne-Marie d'Hauteserre, certains habitants plongeaient pour récupérer des explosifs, afin de pratiquer la pêche à la dynamite dans le lagon[8][Information douteuse].

Années 1960-1980

Au début des années 1960, la forêt sacrée entourant le lac fut délimitée par des poteaux, des pierres et du ciment, afin de bien matérialiser la limite de cet espace. Mais en 1966, un cyclone détruisit l'ouest de la forêt, et des incendies se déclarèrent quelques semaines plus tard[2].

À partir de 1982[10], la forêt fut à nouveau défrichée pour laisser place à la culture de tubercules, à la suite d'une décision du Lavelua Tomasi Kulimoetoke. En 1988, un plan de reboisement a été mis en œuvre à la demande des autorités coutumières, avec des espèces locales[11]. Malgré ces initiatives, en 1998, Hélène Guiot écrivait : « aujourd'hui, il ne subsiste plus que des lambeaux du vao tapu originel »[2]. Les croyances traditionnelles et les pratiques de protection de l'environnement associées sont moins transmises qu'auparavant aux jeunes générations, ce qui pourrait expliquer les défrichements accrus[2]. Les Wallisiens tiennent la destruction du vao tapu pour responsable d'une partie de la sécheresse (la forêt sacré, source de vitalité, est censée apporter la pluie[10]).

Un rapport de 2017 indique que « le tabou a été levé il y a quelques années » et que les cultures ont repris. Cependant, les jachères ont été ensuite abandonnées et ont été recouvertes de lianes Merremia peltata[12].

Aménagement (2018)

Le belvédère du lac, vu par un drone, en septembre 2018.
Autre vue du belvédère et des falaises du lac.

À la fin du XXe siècle, le lac Lalolalo est devenu un des sites touristiques de Wallis[13]. En 2018, un belvédère[14] a été aménagé pour sécuriser l'accès pour les touristes[13], avec barrières et sanitaires[15].

Dans la littérature

Tradition orale

Le lac Lalolalo est présent dans la tradition orale wallisienne. L'anthropologue E.G. Burrows avait recueilli en 1932 un conte sur « l'énorme anguille » du lac[16]. Les anguilles « constituent de puissants symboles de fertilité et de vitalité ». Pour les Wallisiens, ces anguilles naissaient dans le lac avant d'aller irriguer l'ensemble de l'île à travers des sources d'eau douce, dont elles constituaient des divinités protectrices[2].

Littérature écrite

Les anguilles du lac Lalolalo sont évoquées dans l'album jeunesse de Yannick Pringent, Le secret des anguilles aveugles du lac Lopolopo, publié en Nouvelle-Calédonie en 2013[17],[18].

Notes et références

Références

  1. (en) Ursula Sichrowsky, Robert Schabetsberger, Bettina Sonntag, Maya Stoyneva, Ashley E. Maloney, Daniel B. Nelson, Julie N. Richey et Julian P. Sachs, « Limnological characterization of volcanic crater lakes on Uvea Island (Wallis and Futuna, South Pacific) », Pacific Science, vol. 68, no 3, (lire en ligne)
  2. Hélène Guiot, « Forêt taboue et représentations de l'environnement à 'Uvea (Wallis). Approche ethno-archéologique », Journal de la Société des Océanistes, vol. 107, no 2, , p. 179–198 (DOI 10.3406/jso.1998.2057, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Gilles Bareille, Pierre Sasal, Nathalie Mary, F.J. Meunier, M.H. Deschamps, S. Berail, C. Pecheyran, Raymonde Lecomte-Finiger, « Are elemental and strontium isotopic microchemistry of otolith and histomorphometrical characteristics of vertebral bone useful to resolve the eel angilla obscura status in Lalolalo lake in Wallis Island ? », Vie et Milieu, (résumé)
  4. Biodiversité des eaux douces de Wallis et Futuna. Mary N., Dutartre A., Keith P., Marquet G. & Sasal P. 2006.
  5. « Sept lacs d’Uvéa – Pôle-relais Zones Humides Tropicales » (consulté le )
  6. L'état de l'environnement dans les territoires du Pacifique-Sud. Wallis et Futuna, Paris, Ministère de l'environnement, (lire en ligne), p. 11, 22, 25
  7. Roland Kaiser, Heinrich Schatz, Koen Martens et Alexey A. Kotov, « Losing the Bounty? Investigating Species Richness in Isolated Freshwater Ecosystems of Oceania1 », Pacific Science, vol. 63, no 2, , p. 153–180 (ISSN 0030-8870 et 1534-6188, DOI 10.2984/049.063.0201, lire en ligne, consulté le )
  8. Anne-Marie d'Hauteserre, « écotourisme communautaire à Wallis et Futuna : peut-on concilier culture, nature et tourisme ? », dans Jean-Marie Breton (dir.), Patrimoine, tourisme, environnement et développement durable (Europe - Afrique - Caraïbe - Amériques - Asie - Océanie), Karthala, , 444 p. (ISBN 9782811133009, lire en ligne)
  9. (en) Wallis & Futuna Country : Strategic Information and Developments, Int'l Business Publications, (ISBN 978-1-4330-5900-1, lire en ligne)
  10. Elisabeth Worliczek, La vision de l’espace littoral sur l’île Wallis et l’atoll Rangiroa dans le contexte du changement climatique : Une analyse anthropologique de la perception des populations locales (Thèse de doctorat en Anthropologie), Université de la Nouvelle-Calédonie/Universität Wien, , 503 p. (DOI 10.6098/2013NCAL0049, lire en ligne), p. 426
  11. J.-F. Cherrier, Rapport de mission forestière dans le territoire d'outre-mer de Wallis (du 4 au 11 octobre 1988), Centre technique forestier tropical, (lire en ligne), p. 16
  12. Emma DO KHAC, Promotion régionale d’un outil innovant de diagnostic de l’état de santé des forêts des captages, Projet INTEGRE, , 8 p. (lire en ligne)
  13. « Les travaux du Belvédère au lac Lalolalo à Wallis ont bien avancé », sur Wallis et Futuna la 1ère (consulté le )
  14. « Wallis : Le chantier du belvédère de LALOLALO », sur www.wallis-et-futuna.gouv.fr, (consulté le )
  15. « Visite du belvédère du lac Lalolalo, le 14/09/18 », sur www.wallis-et-futuna.gouv.fr, (consulté le )
  16. Raymond Mayer, Les transformations de la tradition narrative à l’île Wallis (Uvea) (thèse de doctorat en anthropologie), Lyon, Université de Lyon II, (lire en ligne), p. 43
  17. « Les anguilles du lac Lalolalo | Ecrire en Océanie », sur www.ecrire-en-oceanie.nc (consulté le )
  18. Fédération des Conservatoires d’espaces naturels ; Pôle-relais tourbières, Littérature, contes et légendes sur les zones humides. Bulletin bibliographique, Pôles-relais zones humides, , 29 p. (lire en ligne), p. 25

Bibliographie

  • Hélène Guiot, « Forêt taboue et représentations de l'environnement à 'Uvea (Wallis). Approche ethno-archéologique », Journal de la Société des Océanistes, vol. 107, no 2, , p. 179–198 (DOI 10.3406/jso.1998.2057, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi

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