Juliette Adam

Juliette Lambert, épouse Adam , née[1] le à Verberie et morte dans sa centième année, le à Callian, est une écrivaine, polémiste, salonnière féministe et républicaine française.

Pour les articles homonymes, voir Adam (homonymie) et Lambert.

Biographie

Juliette Lambert, fille d’un médecin de province, le docteur Jean-Louis Lambert, épouse à 16 ans l'avocat Alexis La Messine et commence à écrire sous ce nom. Séparée en 1859[2] puis veuve en 1867, elle signe Juliette Lamber et épouse en 1868, l'avocat Edmond Adam de 20 ans son aîné, député de la gauche républicaine. Elle s’impose dans le Paris du lendemain de la défaite de 1871 qui voit la République s’installer progressivement.

Son salon du 23, boulevard Poissonnière, puis, à partir de 1887[3], du 190, boulevard Malesherbes, dont Léon Gambetta est le grand homme, est un foyer actif d’opposition à Napoléon III et devient l’un des cercles républicains les plus en vue. S’y retrouvent Adolphe Thiers, Émile de Marcère, Charles de Freycinet, Eugène Pelletan, Gabriel Hanotaux, Edmond About, Louis Blanc, Alphonse Daudet, Camille Flammarion, Georges Clemenceau, l'éditeur Jules Hetzel, le peintre Léon Bonnat, le poète Sully Prudhomme, Émile de Girardin, Gustave Flaubert, Louis de Ronchaud, Gaston Paris, Victor Hugo, Guy de Maupassant, Ivan Tourguéniev, Aurélien Scholl ou le Grec Dimítrios Vikélas. Lorsque tombe le Second Empire, c’est parmi les familiers de ce cercle que se recrutent les hommes de gouvernement. Femme d’influence, Juliette Adam se veut l’incarnation de « la Grande Française », déterminée à rendre à la France abaissée son rang en Europe, jusqu’au bellicisme et à la xénophobie. Elle sera notamment l’apôtre d’une alliance avec la Russie.

Amie de George Sand, de Julie-Victoire Daubié et de Marie-Anne de Bovet[4], elle se détache de Gambetta lorsqu’il accède à la présidence de la Chambre et se tourne vers la littérature. En 1879, elle fonde La Nouvelle Revue[5], qu'elle anime pendant vingt ans, jusqu'en 1899 où elle la revend à Pierre-Barthélemy Gheusi. Elle y publie notamment les premiers romans de Paul Bourget ou Le Calvaire d'Octave Mirbeau. Elle encourage également les débuts littéraires de Pierre Loti, d'Alexandre Dumas fils[6] et de Léon Daudet.

Conduite par une santé prétendument chancelante, qui ne l’empêchera pas de vivre presque centenaire, elle découvre Golfe-Juan où elle achète, en , un terrain pour y construire une villa nommée « Les Bruyères », lançant la vogue de cette station balnéaire.

Le , elle achète, à Gif-sur-Yvette, le domaine de l’Abbaye, où elle vit de 1904 jusqu’à sa mort en 1936.

Elle fait partie du premier jury du prix Vie Heureuse, l’ancêtre du prix Femina créé, en , par des femmes de lettres comme la comtesse de Noailles, Séverine, Daniel Lesueur, Jean Bertheroy, etc.

Elle est la présidente lors de la création en de la Croisade des Femmes françaises, avec Julie Siegfried et Jeanne Loiseau, cette dernière lui succédant à la présidence en 1916 jusqu'à l'Armistice ; le mouvement avait 10 000 adhérentes en 1916.

L’Académie française lui décerne le prix Jules-Favre en 1917, le prix Auguste Furtado en 1920 et le prix d’Académie en 1927 pour l'ensemble de son œuvre.

Convertie au catholicisme en 1905[7], elle est inhumée au cimetière du Père-Lachaise (54e division)[8].

Engagement féministe

En 1858, lorsque Proudhon publie De la justice dans la Révolution et dans l'Église, Juliette Lambert est scandalisée par les propos misogynes et les attaques directes concernant George Sand et Daniel Stern[2]. Elle décide de répondre dans un ouvrage intitulé Idées anti-proudhoniennes sur l'amour, la femme et le mariage publié la même année sous la signature J. La Messine[2]. Le succès du livre est tel que son mari demande à en récupérer les bénéfices, la loi l'autorisant à le faire en tant qu'époux[2]. Cela amène le couple à se séparer en 1859[2].

Dans les années 1870, elle diffuse les brochures de Julie-Victoire Daubié[2]. Dix ans plus tard elle intègre le Suffrage des femmes, mouvement dont Hubertine Auclert est à l'origine[2]. Mais « désenchantée par les médiocres effets du suffrage universel masculin »[2], elle change d'avis et rallie l'antiparlementarisme tout en conservant sa position républicaine[2]. Néanmoins, elle apporte son soutien à l'association L'avant-Courrière, gérée par Jeanne Schmahl, dont le but est de « réformer le code civil en faveur de l'autonomie matérielle de l'épouse »[2].

Dans les années 1890, Juliette Adam propose à des féministes modérées de participer à sa Nouvelle Revue et rédige des articles sur la condition des femmes[2].

Hommages

  • Le roman Pêcheur d'Islande de Pierre Loti lui est dédié avec la mention : « Hommage d'affection filiale ».
  • Un collège[9],[10] et une rue de Gif-sur-Yvette portent le nom de Juliette Adam.
  • Une avenue de Golfe-Juan et une rue de sa ville natale de Verberie ont également reçu son nom.
  • Une rue de Chauny porte son nom de naissance, Juliette Lambert (avec un « t »).
  • Paris lui a rendu hommage en attribuant, par un arrêté du , son nom de plume, Juliette Lamber (sans « t »), à une rue du 17e arrondissement.
  • Une rue de Brive-la-Gaillarde lui rend hommage (arrêté de 1936).

Œuvres

Juliette Adam par Nadar.
  • Juliette La Messine, Idées antiproudhoniennes sur l’amour, la femme et le mariage, Paris, A. Taride, (lire en ligne)
    Nouvelle édition, par Juliette Lamber, Paris, Michel Lévy frères, 1868.
  • Juliette Lamber (Mme Edmond Adam), Le Siège de Paris : Journal d’une Parisienne, Paris, Michel Lévy, (lire en ligne)
    Devenu le tome IV des Souvenirs
  • Juliette Lamber, Laide, Paris, Calmann-Lévy et Librairie Nouvelle, (lire en ligne).
  • Juliette Lamber, Grecque, Paris, Calmann-Lévy, , 12° (OCLC 561638498, lire en ligne).
  • Juliette Lamber (Mme Adam), Païenne, Paris, P. Ollendorff, , iii, 237 p., in-8° (OCLC 250122327, lire en ligne).
  • Juliette Lamber, L'éducation de Laure, Paris : Michel Lévy, 1869, In-18.
  • Juliette Lamber, Chrétienne, Paris : Plon-Nourrit, cop. 1913, 1 vol. (VII-321 p.).
  • Madame Juliette Adam (Juliette Lamber), Mes souvenirs, 7 vol., Paris, A. Lemerre, 1902-1910 :
    • I. Le Roman de mon enfance et de ma jeunesse, 1902 ;
    • II. Mes premières armes littéraires et politiques (1855-1864), 1904 ;
    • III. Mes sentiments et nos idées avant 1870 (1865-1870), 1905 ;
    • IV. Mes illusions et nos souffrances pendant le siège de Paris, 1906 ;
    • V. Mes angoisses et nos luttes (1871-1873), 1907 ;
    • VI. Nos amitiés politiques avant l’abandon de la Revanche (1873-1877), 1908 ;
    • VII. Après l’abandon de la Revanche (1877-1880), 1910.
  • Juliette Adam, Impressions françaises en Russie, Paris, Hachette, , 244 p. (OCLC 9119324, lire en ligne).
  • Mme Adam (Juliette Lamber), Chrétienne, Paris, Plon, , 321 p. (OCLC 7221369, lire en ligne).
  • Mme Adam (Juliette Lamber), La Vie des âmes, Paris, Grasset, , 268 p. Prix Auguste-Furtado de l’Académie française en 1920
  • Mme Juliette Adam (Juliette Lamber), L’Angleterre en Égypte, Paris, Imprimerie du Centre, , 416 p., in-8° (OCLC 561637018, lire en ligne).

Notes et références

  1. Juliette Adam est née d'Olympe Seron et de Jean-Louis Lambert, médecin. Avant d'opter pour Adam, le nom de son second mari, elle choisit comme nom de plume son propre nom de famille légèrement modifié : Lamber (sans t). La confusion est facile et fréquente entre ce premier pseudonyme (Lamber) et son nom de naissance (Lambert). Mais les travaux de Saad Morcos, et ceux d'Anne Hogenhuis-Seliverstoff, Juliette Adam (1836-1936) : L'instigatrice, pp. 11 et sqq. (consulté le 28 décembre 2010), font autorité : la filiation de Juliette et donc l'orthographe de son patronyme ne peuvent être mis en doute.
  2. Alice Primi et Karen Offen, « Juliette Adam », Dictionnaire des féministes, PUF, , p. 7-9
  3. Alain Quella-Villéger, Pierre Loti, Aubéron, 1998, p. 187.
  4. Pour la correspondance entre J. Adam et J.-V. Daubié, voir Raymonde A. Bulger (dir.), Lettres à Julie-Victoire Daubié, New York, Peter Lang, , 329 p. (ISBN 978-0-8204-1621-2, lire en ligne).
  5. La Nouvelle Revue, Paris, 1879-1935 (lire en ligne).
  6. Juliette Adam est membre de l'Association pour l'émancipation progressive de la femme, présidée par François Barthélemy Arlès-Dufour, qui diffuse La Question de la femme d'Alexandre Dumas fils.
  7. Anne Hogenhuis-Seliverstoff, Juliette Adam (1836-1936) : L’Instigatrice, Paris, L'Harmattan, , 312 p. (ISBN 978-2-296-28207-0, lire en ligne), p. 275.
  8. Paul Bauer, Deux siècles d'histoire au Père Lachaise, Mémoire et Documents, , 867 p. (ISBN 978-2-914611-48-0), p. 42.
  9. Liste des collèges et lycées de Gif, sur le site de Gif-sur-Yvette.
  10. Collège Juliette-Adam de Gif-sur-Yvette.

Voir aussi

Bibliographie

  • Brigitte Adde (dir.), Et c'est moi, Juliette ! : Madame Adam 1836-1936, Gif-sur-Yvette, éditions de la SAGA (Société des amis de Gif et d'alentour), , 158 p. (ISBN 2-9502628-0-5).
  • (de) Dora Arndt, Juliette Adam (dissertation inaugurale), Wurtzbourg, , 89 p. (OCLC 14186017).
  • Adolphe Badin (ru), Madame Edmond Adam : Juliette Lamber, Paris, Charavay frères, (lire en ligne).
  • Adrienne Blanc-Péridier (épouse Julien Péridier), Une princesse de la Troisième République : Juliette Adam, Éducation intégrale, coll. « Vie et progrès », .
  • Manon Cormier, Madame Juliette Adam : ou l’Aurore de la IIIe République, Bordeaux, Delmas, , 302 p., 8° (OCLC 717818351, lire en ligne).
  • Aldo D'Agostini, « L’Agency de Juliette Adam (1836-1936) : Des lieux, des rôles et des combats pour agir en politique », Rives méditerranéennes, no 41, , p. 101-115 (lire en ligne).
  • Anatole Elliott (préf. Robert Nivelle), Madame Adam (Juliette Lamber) par un de ses camarades vétérans de 1870-71, Plon-Nourrit, (lire en ligne).
  • Anne Hogenhuis-Seliverstoff, Juliette Adam (1836-1936) : l’Instigatrice, Paris, L'Harmattan, , 312 p. (ISBN 978-2-296-28207-0, lire en ligne), p. 275.
  • Saad Morcos, Juliette Adam, Le Caire, .
  • Arlette Schweitz, Les Parlementaires de la Seine sous la Troisième République, vol. 2 : Dictionnaire biographique, Paris, publications de la Sorbonne, coll. « Histoire de la France aux XIXe et XXe siècles », (lire en ligne), « Adam Antoine Edmond », p. 16.
  • Anne Martin-Fugier, Les salons de la IIIe République, Paris, Perrin, 2009, 508 p. (ISBN 978-2-262-03075-9)
  • (en) Winifred Stephens [Whale], Madame Adam (Juliette Lamber) : La Grande Française ; from Louis Philippe Until 1917, Londres, Chapman and Hall, Ltd., (lire en ligne).

Liens externes

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