Sully Prudhomme

René Armand François Prudhomme, dit Sully Prudhomme (orthographié également parfois Sully-Prudhomme[1]), né à Paris le et mort à Châtenay-Malabry le , est un poète français, premier lauréat du prix Nobel de littérature en 1901.

Pour les articles homonymes, voir Prudhomme et Prud'homme.

Sully Prudhomme.

Biographie

Né au 34 rue du Faubourg Poissonnière, d'un employé de commerce mort alors qu'il était encore enfant, René Armand Prudhomme fait ses études au lycée Bonaparte (devenu Condorcet) avec l'intention d'être ingénieur, mais une crise d'ophtalmie le contraint à les interrompre. Après avoir travaillé au Creusot, dans les usines Schneider, de 1858 à 1860[2] (il était ami d'Henri Schneider, avec qui il avait fait ses études au lycée Bonaparte[3]), il se tourne vers le droit et travaille chez un notaire. L'accueil fait à ses premiers poèmes au sein de la Conférence La Bruyère, société étudiante dont il est membre, l'encourage dans ces débuts littéraires.

Son premier recueil, Stances et Poèmes (1865), est loué par Sainte-Beuve et lance sa carrière. Il renferme son poème le plus célèbre, Le Vase brisé, élégante métaphore du cœur brisé par un chagrin d'amour :

Le vase où meurt cette verveine
D'un coup d'éventail fut fêlé ;
Le coup dut l'effleurer à peine :
Aucun bruit ne l'a révélé.

Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D'une marche invisible et sûre,
En a fait lentement le tour.

Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s'est épuisé ;
Personne encore ne s'en doute,
N'y touchez pas, il est brisé.

Souvent aussi la main qu'on aime,
Effleurant le cœur, le meurtrit ;
Puis le cœur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;

Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde ;
Il est brisé, n'y touchez pas.

 Sully Prudhomme, Stances et Poèmes, Le Vase brisé

Au fil de sa carrière, Sully Prudhomme se détourne progressivement du genre sentimental de ce premier recueil — qu'on retrouvera encore dans Les Épreuves (1866) et Les Solitudes (1869) — pour adopter un style plus personnel alliant une recherche formelle qui le rattache au Parnasse (il contribue au Parnasse contemporain de Leconte de Lisle) avec un intérêt pour les sujets scientifiques et philosophiques. Il donne notamment une traduction en vers du premier chant du De Natura Rerum de Lucrèce (1878-79). Son ambition philosophique s'exprime dans des poèmes comme La Justice (1878) et Le Bonheur (1888). Il est élu membre de l'Académie française en 1881.

Son éditeur, Alphonse Lemerre, commande au peintre Paul Chabas (1869-1937), une vaste composition peinte représentant tous les poètes du Parnasse que Lemerre édite. Ce tableau, Chez Alphonse Lemerre, à Ville D'Avray a été exposé au salon de 1895 et représente, autour de Sully-Prudhomme, Paul Bourget, Alphonse Daudet, Leconte de Lisle, Jules Breton ou Daniel Lesueur (nom de plume de Jeanne Loiseau). La toile a pour cadre le jardin de la propriété que l'éditeur a achetée au père de Camille Corot en 1875.

Après Le Bonheur, Sully Prudhomme délaisse la poésie pour s'intéresser exclusivement à l'esthétique et à la philosophie. Il publie deux essais d'esthétique : L'Expression dans les beaux-arts (1884) et Réflexions sur l'art des vers (1892), une suite d'articles sur Blaise Pascal dans la Revue des deux Mondes (1890), Le Problème des causes finales en collaboration avec Charles Richet (1902), un article sur « La Psychologie du Libre-Arbitre » dans la Revue de métaphysique et de morale (1906).

Premier écrivain à recevoir le prix Nobel de littérature, le [4],[5],[6], il consacre l'essentiel de la somme reçue à cette occasion à fonder un prix de poésie décerné par la Société des gens de lettres. Il crée par ailleurs, en 1902, la Société des poètes français avec José-Maria de Heredia et Léon Dierx. Il est l'un des premiers partisans de Dreyfus.

Sa santé avait été durablement ébranlée par la guerre de 1870. Sur la fin de sa vie, elle le contraignit à vivre une forme de réclusion à Châtenay-Malabry, souffrant d'attaques de paralysie et travaillant à La Vraie Religion selon Pascal (1905).

Mort subitement le , il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (44e division)[7] à Paris.

Resté célibataire, il avait fait de son neveu, Henry Gerbault, son légataire universel.

Œuvres

Manuscrit autographe de « Science et poésie » paru dans la Nouvelle Revue internationale en 1898, puis dans Épaves en 1908.

Poésie

  • Stances et Poèmes, 1865
  • Les Épreuves, 1866
  • Les Solitudes, 1869
  • Les Destins, 1872
  • La France, 1874
  • Les Vaines tendresses, 1875 Texte en ligne
  • Le Zénith, poème, 1876 (aux victimes de l'ascension du ballon Le Zénith)
  • La Justice, 1878
  • Poésie, 1865-1888
  • Le Prisme, poésies diverses, 1886
  • Le Bonheur, 1888
  • Épaves, 1908

Philosophie

Proses diverses

  • « La tour Eiffel, discours de M. Sully Prudhomme » in Revue scientifique,
  • « Les autographes de « la nature » : M. Sully Prudhomme » in La Nature, no 887 -
  • « Sur l'origine de la vie terrestre » in Revue de Métaphysique et de Morale, t. 1, 1893, p. 324-345
  • « L’esprit scientifique et la théorie des causes finales » in Revue scientifique,
  • « L’anthropomorphisme et les causes finales » in Revue scientifique,
  • « Le darwinisme et les causes finales — Réponse à Charles Richet » in Revue scientifique,
  • « Méthodes expérimentales et causes finales — Réponse à Charles Richet » in Revue scientifique,
  • « Critique du principe finaliste et de ses applications à la science » in Revue scientifique,
  • « Le libre arbitre devant la science positive » in Revue scientifique,
  • « Les causes finales - Septième et dernière lettre à M. Charles Richet » in Revue scientifique, no 17 -
  • Journal intime: lettres-pensée, 1922

Postérité

Poèmes

Paul Verlaine consacre à Sully-Prudhomme une de ses 27 monographies : Sully-Prudhomme[8].

Poèmes mis en musique

  • "Soupir", poème du recueil les solitudes, mélodie d'Henri Duparc . 1869
  • Pièce N°45 de Pertuit Patrice : Chant et guitare d'après le poème ''Midi au village'' de René-François Sully Prudhomme[9].
  • « Au bord de l'eau », poème du recueil Les vaines tendresses[10], et « Ici-bas! », des Stances[11], mélodies de Fauré (op. 8, 3 Pièces[12]).
  • « Le Long des quais », poème du recueil Stances et poèmes (1865) mis en musique par Gabriel Fauré (1879) sous le titre : Les Berceaux.

Iconographie

  • Portrait de Sully Prudhomme, plaquette en bronze de Jules Chaplain, 1907.

Timbre à son effigie

Le premier timbre français honorant Sully Prudhomme a été émis les 15 et avec mention « premier jour » à Paris et à Ollans (Doubs, lieu de villégiature du poète), sans mention « premier jour » à Châtenay-Malabry.

Notes et références

  1. couverture avec l'orthographe Sully-Prudhomme ou Pierre Flottes, Sully-Prudhomme et sa pensée, Librairie académique Perrin, 1930.
  2. « Centenaire de Sully-Prudhomme », article de Lucien Taupenot paru dans la revue « Images de Saône-et-Loire » n° 152 de décembre 2007, pages 22 et 23.
  3. « Sully-Prudhomme au Creusot (1858-1859) », article de Lucien Taupenot paru dans la revue « Images de Saône-et-Loire » n° 108 de décembre 1996, page 2.
  4. Le Figaro, G. D., mardi 10 décembre 1901, Le Prix Nobel et M. Sully-Prudhomme, pages 1 et 2.
  5. Le Figaro, M. Sorel, 10 décembre 1901, C'est à la France que revient, dit-on, le prix Nobel littéraire…, page 2.
  6. Le Figaro, 12 décembre 1901, Revue des Journaux - M. Sully-Prudhomme lauréat, page 2.
  7. Jules Moiroux, Le cimetière du Père Lachaise, Paris, S. Mercadier, (lire en ligne), p. 319.
  8. Monographie publiée dans la revue Les Hommes d'aujourd'hui, no 284 (texte sur wikisource)
  9. « http://viaf.org/processed/BNF%7C17090120 »
  10. (en) « Au bord de l'eau (Sully-Prudhomme, set by Gabriel Fauré, Émile Paladilhe, Jenő Hubay, Paul Viardot, Maude Valérie White, Théodore Dubois) (The LiederNet Archive: Texts and Translations to Lieder, mélodies, canzoni, and other classical vocal music) », sur www.lieder.net (consulté le )
  11. (en) « Ici-bas tous les lilas meurent (Sully-Prudhomme, set by César Antonovich Cui, Gabriel Fauré, Ernest Lavigne, Lucien Hillemacher, Paul Hillemacher, Pauline Viardot-García, Ottorino Respighi, Maude Valérie White, Jenő Hubay, Glauco Velasquez, Eduard, Freiherr von Seldeneck, Émile Naoumoff, Fernand Le Borne, Paul Viardot, Arnold D. Volpé, John Parsons Beach, Jules Laurent Anacharsis Duprato, Victor Massé, Edmond de Polignac, prince) (The LiederNet Archive: Texts and Translations to Lieder, mélodies, canzoni, and other classical vocal music) », sur www.lieder.net (consulté le )
  12. (en) « 3 Songs, Op.8 (Fauré, Gabriel) - IMSLP/Petrucci Music Library: Free Public Domain Sheet Music », sur imslp.org (consulté le )

Liens externes

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