Hôtel Chelsea

L’Hôtel Chelsea (Chelsea Hotel) est un hôtel situé dans le quartier de Chelsea, dans l'arrondissement de Manhattan à New York, au 222 West de la 23e rue, entre la 7e et la 8e Avenue.

Construit en 1883, l'hôtel est connu pour les artistes qui y séjournaient, parfois pendant plusieurs années.

Histoire

Chelsea Hotel Pancarte New York.

En 1883, le bâtiment de douze étages abritant le Chelsea Hotel est construit dans une rue située à l'époque dans le quartier des théâtres ; il est habité dès l'année suivante. C'est, à sa construction, l'immeuble le plus haut de New York[1]. C'est une des premières coopératives d'habitation privée, mais des difficultés économiques et le déplacement des théâtres entraînent la faillite de la structure qui le gère.

En 1905, le bâtiment devient un hôtel qui héberge surtout des personnes pour des longs séjours. Il est, dès ses débuts, un important centre de la vie artistique new-yorkaise. Stanley Bard en devient, en 1955, le directeur, succédant à son père, à ce poste depuis 1939[2]. L'hôtel est connu pour avoir hébergé gratuitement de nombreux artistes, parfois pendant plusieurs années. Miloš Forman y loge ainsi à titre gracieux durant les deux années qui suivent son arrivée aux États-Unis, avant de connaître le succès[3].

En pleine vague hippie, Jean-Claude Carrière décrit ainsi l'hôtel où il arrive en 1968 pour y rejoindre Milos Forman : « Milos m'a demandé de le rejoindre au déjà légendaire Chelsea Hotel, où il m'a réservé une chambre. [...] Bâtiment ancien, en mauvais état, aux chambres cependant spacieuses. Les dessus de lit sont râpés, avec une odeur de poussière qui n'appartient qu'à cet hôtel. [...] Le Chelsea Hotel dégage une odeur très particulière, que les amateurs reconnaissent vite, une odeur d'usé, de presque moisi, de marécage urbain, pas forcément désagréable. Une absence d'air, peut-être ce qu'on appelle des remugles. [...] À chaque étage, en face de l'ascenseur, une ouverture obscure dans le mur. À l'intérieur, on distingue tout un entrelacement de câbles électriques de couleur noire. En face de l'ouverture, sur le palier, un ventilateur tourne en permanence. Il est là pour rafraîchir les câbles, qui sans cela s'échaufferaient trop vite. À partir du printemps, quand on arrête le chauffage, on range aussi les ventilateurs. L'installation parait dater des années 1920, ou 1930. »[4]

Ses résidents d'alors, particulièrement pittoresques, sont aussi évoqués par Jean-Claude Carrière : « Le Chelsea attirait, comme une grotte féerique, des personnages venus de tous les mondes. Une femme réalisatrice, dont le nom m'a échappé, vivait au dernier étage dans un petit appartement où des serpents tropicaux se tordaient lentement dans des vitrines. Elle élevait aussi des iguanes et des varans, reptiles antiques appelés à la rescousse de la nouveauté. Nous y avons connu de doux retraités et des hurleurs, des prophètes, des silencieux, des anonymes parlant une langue inconnue et même un gourou indien à la barbe grise. »[5]

En 1977, l'Hôtel Chelsea est inscrit au Registre national des lieux historiques. Il est le premier à être inscrit par la ville de New York sur la liste des bâtiments à préserver pour leur intérêt historique et culturel.

Le , Stanley Bard, âgé de 74 ans, est démis de ses fonctions de gérant de l'hôtel[3]. Sa famille, qui ne détient que 40 % des parts, est mise en minorité par les deux autres propriétaires, Marlene Krauss et David Elder, qui confient la gestion à la société BD Hôtels NY, L.L.C[1].

Le , l'hôtel est temporairement fermé aux touristes et le personnel de nettoyage est licencié. L'intérieur du bâtiment est en état de délabrement et les résidents préfèrent payer leur loyer de leurs œuvres artistiques. Cela signe certainement la fin de la période mythique du Chelsea Hotel[6].

En , l'hôtel est vendu au promoteur immobilier Joseph Chetrit pour 80 millions de dollars (USD). Le , l'hôtel cesse de prendre des réservations pour les clients afin de commencer les rénovations, mais les résidents de longue date demeurent dans l'édifice, certains d'entre eux étant protégés par la règlementation de l'État sur les locations. Des locataires, alléguant que les travaux de rénovation présentent des risques pour la santé, déposent des plaintes qui sont examinées par la ville, qui n'y trouve aucune violation majeure[7],[8].

Les résidents du Chelsea

Écrivains et intellectuels

Escaliers de l'hôtel.

Mark Twain[1], Herbert Huncke[9], Jack Kerouac (qui y écrit Sur la route[9]), O. Henry, Dylan Thomas[1], Arthur C. Clarke (qui y écrit 2001 : l'Odyssée de l'espace[3]), Paul Bowles, William S. Burroughs, Gregory Corso, Leonard Cohen, Arthur Miller, Quentin Crisp, Gore Vidal, Tennessee Williams[1], Allen Ginsberg, Robert Hunter, Jack Gantos, Brendan Behan, Robert Oppenheimer, Simone de Beauvoir[3], Jean-Paul Sartre[3], Bill Landis, Thomas Wolfe, Charles Bukowski, Peggy Biderman, Catherine Weinzaepflen, Rene Ricard et Claude Olievenstein.

Acteurs et réalisateurs

Stanley Kubrick, Shirley Clarke, Mitch Hedberg, Miloš Forman, Lillie Langtry, Ethan Hawke, Dennis Hopper, Eddie Izzard, Kevin O'Connor, Uma Thurman, Elliott Gould, Jane Fonda, Rebecca Miller qui y a grandi, Gaby Hoffmann et sa mère Viva, muse d'Andy Warhol et Edie Sedgwick, Kris Kristofferson.

Musiciens

The Libertines, Tom Waits, Patti Smith (qui y vécut avec Robert Mapplethorpe)[10], Virgil Thomson, Dee Dee Ramone des Ramones, Henri Chopin, John Cale, Édith Piaf, Joni Mitchell, Bob Dylan (qui y écrit Sad Eyed Lady of the Lowlands), Janis Joplin, Jimi Hendrix, Sid Vicious[1], Richard Hell, Ryan Adams, Jobriath, Rufus Wainwright, Abdullah Ibrahim / Sathima Bea Benjamin, Leonard Cohen, Keren Ann, le groupe The Kills[11] et Anthony Kiedis (des Red Hot Chili Peppers), les Pink Floyd, Joan Baez, Nico, entre autres.

Plasticiens

Brett Whiteley, Larry Rivers et plusieurs de ses amis français membres du nouveau réalisme, comme Yves Klein qui y rédige en son Manifeste de l'hôtel Chelsea, Arman qui y séjourne régulièrement de 1961 à 1970, Martial Raysse qui y demeure un an en 1963, Jean Tinguely, Niki de Saint-Phalle qui y conçoit l'idée de ses nanas en , Christo, Daniel Spoerri ou Alain Jacquet qui laisse une version de son Déjeuner sur l'herbe de 1964 dans le lobby de l'hôtel avec d'autres œuvres de Larry Rivers ou Arman:, Richard Bernstein, Francesco Clemente, Philip Taaffe, Michele Zalopany, Ralph Gibson, Robert Mapplethorpe, Frida Kahlo, Diego Rivera, Robert Crumb, Jasper Johns, Claes Oldenburg, Vali Myers, Donald Baechler, Herbert Gentry, Willem De Kooning, John Dahlberg, Loïc Dorez[12] ou Henri Cartier-Bresson. Harry Smith est mort à l'hôtel. Le peintre Alphaeus Philemon Cole y vécut 35 ans avant d'y mourir en 1988 à l'âge de 112 ans (il était à l'époque le doyen des États-Unis[13]).

  • San Damon, descendu sous le nom de Faust, y joue une série de parties d'échecs contre Bobby Fischer (faits toujours niés par Damon, qui y laissa pourtant une de ses œuvres photographiques).
  • Elizabeth Peyton fait sa première exposition dans l'une des chambres de l'hôtel. Les visiteurs doivent demander la clé à la réception.

Autres

Décès

Dans la culture populaire

Cinéma

Musique

L'hôtel est cité dans de nombreuses chansons :

L'hôtel est probablement évoqué dans la chanson de Grateful Dead Stella Blue (1970) de Robert Hunter et Jerry Garcia. Hunter logeait dans l'hôtel quand il écrivit cette chanson qui dit : « I've stayed in every blue-light cheap hotel. »[20].

The Libertines ont enregistré la plupart des Babyshambles Sessions lors de leur séjour à l'Hotel Chelsea en 2003. Pete Doherty donna les enregistrements à un fan après avoir laissé un message pour que quelqu'un l'aide à mettre ses chansons gratuitement sur Internet.

Littérature

  • Falling Angel (Le Sabbat dans Central Park) de William Hjortsberg, traduction de Rosine Fitzgerald, Paris, Gallimard, Série noire no 1771, 1978
  • SEX de Madonna et Steven Meisel, Warner Books, 1992
  • Chelsea Hotel, Fifteen Years de Rita Barros, Camara Municipal de Lisboa, 1999
  • Chelsea Horror Hotel : A Novel de Dee Dee Ramone, Thunder's Mouth Press, 2001
  • Legends of the Chelsea Hotel, Ed Hamilton, Thunder's Mouth Press, 2007
  • Hotel Chelsea Atmosphere, Linda Troeller, Blurb, 2007
  • Netherland de Joseph O'Neill, Pantheon books, 2008
  • Just Kids, Patti Smith, 2010
  • Garder la tête hors de l'eau : Une enfance au Chelsea Hotel, Nicolaia Rips

Jeu de rôle

Notes et références

  1. (en) Change at the Chelsea, Shelter of the Arts - Lisa Chemberlain, The New York Times, 19 juin 2007
  2. (en) Inside The Chelsea Hotel - The Sunday Times, 25 mars 2007
  3. Le Chelsea, c'est fini, Sylvain Cypel, Le Monde 2, 1er février 2008
  4. Jean-Claude Carrière, Les années d'utopie. 1968-1969, éd. Pocket, p. 15
  5. ibid, p. 41
  6. (fr) Fin de partie au Chelsea Hotel, Luis Lema, Le Temps,
  7. (en) Buckley, Cara, « A Last Night Among the Spirits at the Chelsea Hotel », The New York Times, (lire en ligne, consulté le )
  8. Prendergast, Daniel and Connor, Tracy. "Chelsea Hotel demolition sparks Buildings Dept. probe after complaints from furious residents" New York Daily News (October 22, 2011)
  9. (en) 10 great places to get on the road and feel the Beat - USA Today, 10 mars 2006
  10. Patti Smith, Just Kids, 2010.
  11. (en) The Kills Track Down Cursed Studio Gear For Dark New Album - MTV, 13 avril 2005
  12. "Petites histoires New-Yorkaises", Isabelle Nivet, 22 juillet 2010, Le Télégramme. Exposition au Zebra Graphique Shop de Loïc Dorez sur ses travaux et l'univers en résidence du Chelsea Hotel, suite 603 ainsi que l'univers de Coney Island.
  13. (en) Alphaeus Cole, a Portraitist, 112 - Michael Kimmelman, The New York Times, 26 novembre 1988
  14. « "J'ai rencontré Nicola L, artiste résistante du Chelsea Hotel" », sur LExpress.fr, (consulté le )
  15. Linda Watson (trad. de l'anglais), Vogue - La mode du siècle : Le style de chaque décennie, 100 ans de créateurs [« Vogue Twentieth Century Fashion - 100 years of style by decade and designer »], Paris, Éditions Hors Collection, , 255 p. (ISBN 2-258-05491-5), « James, Charles », p. 161
  16. « Une Bulgare au nom imprononçable, égarée à New York, s'était attachée à nous. Je suspectais Milos [ndlr : Milos Forman] de l'avoir accueillie dans son lit et il me rendait ce soupçon. Nous étions innocents l'un et l'autre. La Bulgare s'introduisit un matin dans ma chambre, en soudoyant un employé de l'hôtel. C'était ce qu'une chanson appelait un Chelsea Morning. Des filles, pour le simple plaisir, tentaient de séduire des mâles : je n'avais jamais connu ça. » — Jean-Claude Carrière, Les années d'utopie. 1968-1969, éd. Pocket, p. 41
  17. Https : //youtube.com/devicesupport, (lire en ligne)
  18. « Lana Del Rey Checks In At ‘Chelsea Hotel No. 2’: Video » (consulté le )
  19. « Lana Del Rey – Never Let Me Go », sur Genius (consulté le )
  20. The Annotated "Stella Blue"

Annexes

Liens externes

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