Occupation des sols

L'occupation du sol désigne pour la FAO (1998) « la couverture (bio-)physique de la surface des terres émergées »[1] et donc le type d'usage (ou de non-usage) fait des terres par l'Homme. La mosaïque paysagère est cartographiée en identifiant les types homogènes de milieux (ex : zones artificialisées, zones agricoles, forêts ou landes, zones humides, etc.).

Pour le roman homonyme, voir L'Occupation des sols.
Exemple de cartographie (Lozère) d’occupation du sol (représentation par un système d’information géographique (SIG). Représentation d’un état et non de changements d’affectation dans ce cas
La forêt pluvieuse est l'un des milieux les plus riches en biodiversité, où tout changement d'affectation des sols risque d'affecter négativement la faune, la flore, la fonge et les écosystèmes

Des typologies standardisées, traduites en nomenclatures ont été produites dans les années 1980, dont en Europe autour des nomenclatures Corine (Corine Biotope, Corine Land Cover qui propose une nomenclature hiérarchisée en 3 niveaux (5 classes, 15 classes et 44 classes) pour des cartographies au 1/100 000e construites à partir de données satellitales et selon un seuil surfacique minimal de 15 ou 25 hectares selon les thèmes.

Cette nomenclature est complétée au fur et à mesure des progrès techniques.

Un enjeu important est de comprendre les tendances en termes de changement d'affectations des terres, leurs explications et les effets de ces changements (impacts immédiats et différés, locaux et globaux[2])

Changement d'affectation des sols

Déforestation en Nouvelle-Zélande.
Stocks de carbone dans le sol et dans les végétaux, pour différentes zones géographiques, selon le GIEC (2000). Le sol stocke (en moyenne) beaucoup plus de carbone que les végétaux sur pieds, qui provient essentiellement de la photosynthèse.
Changement d'affectation par le brûlage (Colombie).
Contenu carbone du bioéthanol et d'hydrocarbures fossiles, dans le cas idéal où tout le bioéthanol serait produit et brûlé aux mêmes endroits, et sans tenir compte des effets de modifications induites et indirectes d'affectation des sols et des puits de carbone[3].
En Malaisie, la forêt des nuages régresse au profit du palmier à huile de plus en plus destinée à produire du biodiesel, ce qui met en péril de nombreuses espèces, dont l'orang-outan, par la destruction de son habitat.
L'élevage bovin est, au Venezuela, une cause importante de destruction de forêts primaires ou secondaires, pour une production en grande partie exportée[réf. nécessaire].
Maïs, principale source d'éthanol aux États-Unis, cultivé au détriment d'autres cultures.
La canne à sucre provoque la déforestation en Bolivie.
Déforestation en France.

Le changement d'affectation des sols (CAS) est direct ou indirect (induit). On emploie parfois l'acronyme CASI (ou ILUC en anglais, pour « indirect land-use change ») pour désigner les cas où il est causé indirectement(impact plus ou moins différé dans l'espace et dans le temps) par une activité.

Qu'ils soient directs ou indirects, les impacts du changement d'utilisation des sols concernent les court, moyen et long termes. Ils doivent être pris en compte dans les bilans, écobilans et évaluations économiques, énergétiques et environnementales des opérations de développement ou d'aménagement du territoire.

Quelques exemples[réf. nécessaire] :

  • la déprise agricole, localement due à des phénomènes de désertification et ailleurs à des pertes de rentabilité réelles ou supposées ;
  • les cultures vivrières qui ne peuvent plus se faire quand les paysans locaux sont expulsés ou repoussés au profit de grandes cultures destinées aux agrocarburants ou à la chimie verte. Ces paysans n'ont souvent pas d'autres solutions que de s'intégrer dans l'exode rural et d'émigrer en ville, ou de trouver de nouvelles terres, généralement en défrichant des milieux naturels. C'est une des grandes causes de déforestation et de conversion de terre. ;
  • inversement, quand le sol n'a pas été trop dégradé, le retour à la forêt ou aux herbages peut être accompagné de restauration de bénéfices environnementaux ou d'autres bénéfices économiques ou écosystémiques (services écosystémiques).

Un programme scientifique international dit LUCC (pour « Land Use and Cover Changes ») vise à « améliorer la compréhension de la dynamique des changements d’occupation et d’utilisation des sols à l’échelle globale, avec l’objectif de prévoir ces changements »[1].

Enjeux

L'affectation des sols et les changements de cette affectation concernent l'aménagement et l'organisation du territoire, la gouvernance et parfois la survie des communautés locales.

Ce sont des enjeux majeurs en termes de « soutenabilité » du développement, car :

  • les sols qui sont à la fois le produit (résultant) et le support de la vie sur les terres émergées sont aussi pour l’homme une source de production alimentaire et de fibre (ex : lin, coton...), d’aménités, de services écosystémiques ;
  • certains sols, pour des raisons, climatiques, géologiques et/ou de surexploitation ou de pollution/salinisation sont particulièrement fragiles et vulnérables, à la compaction, aux pollutions et à l’érosion ;
  • sur une planète « finie », en termes surfaciques et fonciers, les sols sont une ressource naturelle lentement ou difficilement renouvelable. C'est une ressource « finie » en termes de volume et de surface. De plus, pour la plupart des pays, avec la montée des océans, la surface de sols forestiers ou arables disponibles pourrait encore être significativement réduite ;
  • enfin, comme le rappelle le GIEC dans son mémento aux décideurs, « Les stocks de carbone sont bien plus grands dans le sol que dans la végétation, en particulier dans les écosystèmes non forestiers aux latitudes moyennes et élevées » et en particulier dans les prairies et tourbières. Tout changement d’affectation d’un sol peut fortement modifier ses capacités de puits ou stock de carbone et d’émissions de carbone[4] ; Selon le GIEC, « Des quantités considérables de carbone ont été libérées en raison du déboisement opéré depuis plusieurs siècles aux latitudes moyennes et élevées et, dans la dernière partie du XXe siècle, dans les régions tropicales »[4].
Le CAS (changement d'affectation des sols) est un des éléments à prendre en compte dans la comptabilisation du carbone, dont dans le cadre du protocole de Kyoto et de ses suites qui prévoient que « les Parties pourront prendre en considération, pour remplir leurs engagements en vertu de l’article 3, les incidences de leurs activités de boisement, de reboisement et de déboisement (BRD) ainsi que de leurs autres activités reconnues dans le secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie ».
Selon la cour des comptes française (2012), « Le bilan environnemental des biocarburants est fort loin d’être à la hauteur des espoirs placés en eux. Si l'on intègre (ainsi qu’il a été fait dans les dernières études d'impact environnemental) le changement d'affectation des sols indirects (CASI), on obtient pour l’EMHV des émissions de gaz à effet de serre qui sont doubles de celle dugazole »[5].
C'est en 2008 un article[6] de la revue Science qui a le premier alerté sur la nécessité de prendre en compte et de quantifier les effets différés spatiotemporels des agrocarburants en termes de changements indirects d’occupation et utilisation des sols ; avant que la crise de 2008 et une forte hausse des prix des matières premières agricoles et des coûts du foncier agricole ne portent sur la place publique le débat dit « nourriture contre biocarburants »[7].
La commission européenne s’est engagée à réviser sa position avant fin 2011 (mais elle a pris du retard), sur la base de 4 études qu’elle a commandé[8].

État, pressions, réponses...

La pression humaine sur les terres a considérablement augmenté avec la révolution industrielle, la révolution verte agricole, le développement des réseaux routiers et les nouveaux moyens de déforestation, associés aux effets mondialisés très contrastés d'une démographie mondiale croissante.

Un sol peut être rendu définitivement indisponible (à échelle humaine de temps) quand il est occupé par la ville, les routes, parkings, zones d’activités, aéroports et autres infrastructures imperméabilisées ou artificialisantes. Dans ces cas, les sols ne rendent plus les services écosystémiques (pour l’épuration de l’eau, la production d’air, d’humus, puits de carbone…) qu'ils rendaient antérieurement. Ils ne sont plus le support de biodiversité qu’ils pourraient (écopotentialité) ou devraient (éthique environnementale) être.

Les villes se sont souvent construites dans les vallées et riches plaines alluviales, ou près de deltas ou d’estuaires, là où les sols étaient les plus productifs.

L’occupation, l'artificialisation des sols et certains changements rapides d’affectation sont maintenant visibles par tous, via l'imagerie aérienne et satellitaire, notamment via « Google earth ».

Typologie des impacts

Tout changement dans l’usage d’un sol a des « impacts directs » à court, moyen et long terme pas toujours bien évalués, notamment sur la biodiversité (sur la richesse et/ou l'abondance de la vie sauvage[9].

C'est le cas par exemple de la conversion d’une forêt intacte primaire (ou secondaire) en prairie ou en culture. C'est le cas, bien que lus discrètement pour la biodiversité forestière, quand on crée une fragmentation de la forêt par des infrastructures, ou quand on converti une surface de prairies en zone imperméabilisée.

Souvent ce changement a aussi des « impacts indirects » en changeant - ailleurs - l’affectation d’autres sols, par report des activités ou services qu’ils supportaient ; Par exemple, l’émergence de cultures d’agrocarburants sur un territoire a pour conséquence de convertir des sols localement, mais aussi, secondairement, de déplacer l’utilisation ancienne du sol en prenant par exemple la place de forêts ou de prairies.

La cour des comptes dans son rapport de 2012 relatif au bilan des agrocarburants en France, a reconnu que « les "changements d’affectation des sols indirects" (CASI) y ont cependant été occultés » ajoutant que « les CASI (le déplacement de cultures qui vont elles-mêmes convertir d’autres terrains, des forêts par exemple) s’avèrent en effet très complexes à quantifier et aucun consensus ne se dégage à leur propos (…)"les experts s'accordent unanimement sur le fait que, même lorsque les incertitudes restent élevées, il y a de fortes présomptions que l'effet de changement indirect d'affectation des sols est significatif". »[10].

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • (en) Fischer-Kowalski, M. and H. Haberl (2007) Socioecological transitions and global change: Trajectories of Social Metabolism and Land Use. Edward Elgar, Cheltenham, UK and Northhampton, USA.
  • (en) Foley JA, DeFries R, Asner GP, Barford C, Bonan G, Carpenter SR, Chapin FS, Coe MT, Daily GC, Gibbs HK, et al (2005), Global consequences of land use ; Science, 309:570–574.
  • (en) Lambin EF, Meyfroidt P (2011), Global land use change, economic globalization and the looming land scarcity. Proc Natl Acad Sci USA,108:3465–3472.
  • (en) Smith P, Gregory PJ, van Vuuren D, Obersteiner M, Havlik P, Rounsevell M, Woods J, Stehfest E, Bellarby J (2010) Competition for land. Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci, 365: 2941 – 2957
  • (en) Cramer VA, Hobbs RJ, Standish RJ: What’s new about old fields? Land abandonment and ecosystem assembly. Trends Ecol Evol

2008,23:104–112.

  • (en) Bowen ME, McAlpine CA, House APN, Smith GC (2007), Regrowth forests onabandoned agricultural land: A review of their habitat values forrecovering forest fauna. Biol Conserv, 140:273–296
  • (en) Navarro LM, Pereira HM (2012), Rewilding abandoned landscapes in Europe. Ecosystems, 15:900–912

Références

  1. Jean-Pierre Chery, Occupation du sol, Maison de la télédétection, 21 juin 2005.
  2. Foley JA, et al.(2005), Global consequences of land use. Science 309:570–574.
  3. (en) Department of Transport, United Kingdom, « Carbon and Sustainability Reporting Within the Renewable Transport Fuel Obligation », janvier 2008 (consulté le 25 avril 2009) (archive, le 25 juin 2008) [PDF].
  4. IPCC, L’utilisation des terres, le changement d’affectation des terres et la foresterie ; Résumé à l’intention des décideurs ; Rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ; Publié pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ; (ISBN 92-9169-214-X)
  5. « La politique d’aide aux biocarburants »; Rapport public thématique / Évaluation d’une politique publique (2012-01-24), PDF, voir paragraphe 243 page 118 sur 259 pages.
  6. T. Searchinger et al., Use of U.S. Croplands for Biofuels Increases Greenhouse Gases Through Emissions from Land-Use Change, Science, vol. 319, p. 1238 (2008)
  7. « La politique d’aide aux biocarburants »; Rapport public thématique / Évaluation d’une politique publique (2012-01-24), PDF, 259 pages, voir paragraphe 254 p. 123.
  8. Renewable energy ; Studies - Land Use Change, avec notamment une 'étude (non reviewée) de l'IFPI (International Food Policy Institut) pour la direction générale Commerce de la Commission européenne reviewée la publication : "Global Trade and Environmental Impact Study of the EU Biofuels Mandate", Perrihan Al-Riffai (IFPRI), Betina Dimaranan (IFPRI) , David Laborde (IFPRI). Mars 20110.
  9. Plieninger, T., Gaertner, M., Hui, C., & Huntsinger, L. (2013). Does land abandonment decrease species richness and abundance of plants and animals in Mediterranean pastures, arable lands and permanent croplands? . Environmental Evidence, 2(1), 3.
  10. voir paragraphe 55, page 36 du rapport de la cour des comptes 2012 sur les aides publiques aux biocarburants]
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