Aimery II de Lusignan

Aimery II de Lusignan (nommé souvent Amaury[1]) est né dans le Poitou (av. 1152) et est décédé à Saint-Jean-d'Acre le . Il est le cinquième fils de Hugues VIII, seigneur de Lusignan et de Bourgogne de Rancon.

Aimery II de Lusignan
Titre
Seigneur puis roi de Chypre
1195-1196
Prédécesseur Guy de Lusignan
Successeur Hugues Ier de Chypre
Roi titulaire de Jérusalem
avec Isabelle Ire de Jérusalem
Prédécesseur Henri II de Champagne
et Isabelle Ire de Jérusalem
Successeur Marie de Montferrat
Biographie
Date de naissance av. 1152
Lieu de naissance Poitou
Date de décès
Lieu de décès Saint-Jean-d'Acre
Père Hugues VIII de Lusignan
Mère Bourgogne de Rancon
Fratrie Hugues le Brun
Robert de Lusignan
Geoffroy Ier de Lusignan
Pierre de Lusignan
Guy de Lusignan
Guillaume de Valence

Almodis de Lusignan

Conjoint Echive d'Ibelin
Isabelle de Jérusalem
Enfants Guy de Lusignan
Jean de Lusignan
Alix de Lusignan
Bourgogne de Lusignan
Héloïse de Lusignan
Hugues Ier de Lusignan

Sybille de Lusignan
Aimery de Lusignan
Mélisende de Lusignan


D’abord connétable du royaume de Jérusalem, il succède à son frère Guy de Lusignan comme seigneur de Chypre, puis est sacré roi de Chypre en 1194. Il devient roi titulaire de Jérusalem de 1197 à 1205 par son mariage avec Isabelle Ire de Jérusalem.

Biographie

Famille

Cadet d’une puissante famille poitevine, il est le fils d'Hugues VIII, seigneur de Lusignan et de Bourgogne de Rancon. Il a pour frères les célèbres Geoffroy Ier de Lusignan et Guy, roi de Jérusalem. Ses neveux sont Hugues IX le Brun, comte de la Marche et Raoul Ier d'Exoudun, comte d'Eu.

Jeunesse

il apparaît dans un document de de l'évêque de Poitiers, Jean Belles-mains[2]. Il participe, avec les membres sa famille, à la révolte féodale contre Henri II Plantagenêt, en Poitou[3]. Peu après, il part en Terre sainte rejoindre son père Hugues VIII, accompagnés de ses frères Pierre et Guy chassés d'Aquitaine après leur révolte de 1168[4].

Terre Sainte

Amaury Ier de Jérusalem achète la liberté d'Aimery de Lusignan qui est libéré des geôles sarrasines de Damas en 1173/74[5]. Vaillant soldat, mais aussi politique calculateur et avisé, il s’insinue dans les bonnes grâces de la reine mère Agnès de Courtenay et en devient le favori. Des rumeurs en font l’amant de cette dernière[6], mais rien n’est certain. Aimery par la suite gagne la confiance du roi Baudouin IV le Lépreux qui le nomme chambellan de Jérusalem et le marie, avant 1176, avec Echive d'Ibelin, fille du seigneur de Ramla et d’Ibelin[7]. Amaury devient ainsi le beau-frère des seigneurs de Mirabel, de Ramla et d'Ibelin et s'incère dans la noblesse des seigneurs du royaume.

À partir de 1180, Sibylle de Jérusalem, sœur et héritière du roi Baudouin le Lépreux, est toujours veuve de Guillaume de Montferrat et Aimery se met en tête de la marier à son frère Guy. Il persuade rapidement la reine mère de soutenir son projet, fait l'éloge de son frère auprès de Sibylle. Guy de Lusignan est bel homme, et ne tarde pas à séduire Sibylle, et le roi finit par consentir au mariage qui est célébré au mois d'. En 1181, le roi Baudouin IV nomme Aimery de Lusignan connétable du royaume[8].

Il participe à la bataille d'Al-Fule, son détachement subit une charge des troupes musulmanes, mais il y résiste. Ce sera une des seules actions de la bataille, car les barons repoussent les provocations de Saladin et évitent de charger son armée, ce qui aurait pu provoquer un désastre comme celui de Hattin. Guy de Lusignan, qui commandait l'ost royal, est disgracié, mais Aimery conserve la charge de connétable[9]. Après les morts de Baudouin IV, puis de son neveu Baudouin V, Guy et Sibylle montent sur le trône. Moins d'un an plus tard, Saladin envahit le royaume et écrase l'armée franque à Hattin. La plupart des barons, dont Guy et Aimery sont capturés et Saladin conquiert la plus grande partie du royaume[10], à l'exception de Tyr, défendue par Conrad de Montferrat. La troisième croisade arrive alors en Terre Sainte en 1190 et permet la reprise de différentes villes, dont Saint-Jean-d'Acre, mais les barons refusent que Guy reste roi et choisissent Conrad de Montferrat. Guy de Lusignan reçoit de Richard Cœur de Lion l'île de Chypre[11]. Conrad de Montferrat est assassiné peu après, et Henri II de Champagne lui succède comme roi de Jérusalem. Guy de Lusignan ne renonce pas à son ancien royaume et tente à plusieurs reprises de reprendre des ports de Palestine, à tel point qu'Henri de Champagne oblige Aimery de Lusignan à renoncer à la charge de connétable en 1193[12]. Aimery se rend alors à Chypre, à la cour de son frère, qui meurt en 1194.

Seigneur puis roi de Chypre

Aimery succède alors à son frère et se met à organiser son nouvel État, chose que son frère n'avait eu ni l'envie de faire, ni le temps. Il commence par redistribuer les terres et domaines que son frère avaient imprudemment donné aux nobles, afin de constituer un domaine royal capable d'assurer les revenus nécessaires à la cour. Un chroniqueur arabe le qualifie de prince sage et ami du repos. Il est considéré comme le véritable fondateur du royaume de Chypre. Il obtint du pape la création d'un archevêché à Nicosie et de trois évêchés à Paphos, Limassol et Famagouste.

Puis, il se préoccupe du statut juridique de Chypre. En effet, Guy de Lusignan avait conservé son titre royal, et l'on peut affirmer qu'il est roi à Chypre. Aimery, en lui succédant ne pouvait pas prétendre au titre royal et se contente du titre de seigneur de Chypre. Il se tourne alors vers le pape et l'empereur pour clarifier ce point et l'empereur Henri VI le fait roi de Chypre en . Konrad de Querfurt, évêque d'Hildesheim et vicaire impérial, vient alors le couronner en à Nicosie, sous le nom d'Aimery Ier de Chypre[13]. Parallèlement, Henri de Champagne et Aimery de Lusignan mettent fin à leur antagonisme, qui risque de faire le jeu des Ayyoubides, et fiancent leurs enfants[14].

Le royaume de Jérusalem, de 1196 à 1205

Roi titulaire de Jérusalem

Le 10 septembre 1197, Henri de Champagne tombe accidentellement d’une fenêtre de son palais à Saint-Jean-d’Acre et meurt sur le coup. Peu après, le sultan Malik al-`Adil[15] reprend Jaffa et il faut trouver de manière urgente un roi. Les barons, après avoir hésité sur Raoul de Tibériade, avaient renoncé[16] à cette possibilité pour offrir la couronne à Aimery de Lusignan. Veuf d’Echive d’Ibelin depuis 1196, il épouse Isabelle de Jérusalem. Dès son accession au trône de Jérusalem en sous le nom d'Aimery II de Jérusalem, il déclare qu’il n’opérera pas à une union des deux royaumes et que chacun restera autonome. Il est vrai que la monarchie de Chypre est héréditaire et souveraine, tandis que celle de Jérusalem est élective et limitée[17].

Ne pouvant reprendre Jaffa, Aimery convoque l’ost et s’attaque à Sidon et à Beyrouth, qu’il reprend en , après avoir repoussé l’armée ayyoubide le . Sidon est rendue à son seigneur Renaud Granier et Beyrouth est donné à Jean d’Ibelin, le demi-frère de la reine. Cette armée de croisés allemands, conduite par Henri Ier de Brabant, tente d’assiéger Toron, dans l’arrière pays, mais échoue, Malik al’Adil ayant envoyé une armée de secours. Elle rembarque en , quand quatre chevaliers allemands agressent et blessent grièvement Aimery avant d’être maîtrisés, jugés et décapités. Aimery accuse Raoul de Tibériade d’être l’instigateur de la tentative de meurtre, mais les barons le soutiennent et Raoul finit par être exilé. La croisade d’Allemands avait manqué de rallumer le jihad de la part des musulmans, mais Aimery parvient à conclure une trêve le [18]. Al’Adil en profite pour réunifier l’empire de Saladin en écartant ses neveux, tandis qu’Aimery tente d’imposer une autorité forte dans son royaume en tentant de combler les lacunes des Assises de Jérusalem, mais l’opposition des barons, remontés par l’exil de Raoul de Tibériade, fait échouer ce projet[19].

Comme la troisième croisade, n’a pas réussi à reprendre Jérusalem aux Ayyoubides, le pape Innocent III décide en 1199 de prêcher une nouvelle croisade. De nombreux nobles européens se croisent et choisissent comme chef Thibaut III de Champagne, qui meurt le , puis Boniface de Montferrat. Mais comme les croisés ne disposent pas assez d’argent pour payer le passage aux Vénitiens, ces derniers leur proposent de prendre pour leur compte la ville hongroise de Zara, qui les concurrence économiquement. Le prince Alexis Ange leur propose ensuite de le rétablir sur le trône byzantin en échange du règlement de la dette aux Vénitiens et détourne ainsi la croisade sur Constantinople. De toute cette croisade, il n’arrive en Syrie que quelques croisés qui avaient décidé de venir sans utiliser les navires vénitiens, ainsi que quelques croisés qui avaient quitté le gros de l’expédition, estimant infamant d’attaquer d’autres chrétiens[20].

Comme il ne dispose pas de forces suffisantes, Aimery reconduit la trêve avec Al-`Adil, Aimery espérant que les croisés, après avoir conquis Constantinople, finissent par arriver en Palestine, Al-`Adil voulant éviter que des succès de sa part ne décident les croisés à venir jusqu’en Syrie. Après une révolte des Grecs qui n’acceptent pas le protectorat latin, les croisés reprennent Constantinople et y établissent un empire latin, réduisant à néant les espoirs d’Aimery de voir venir l’armée croisée. La paix qu’il conclut en septembre avec Al-`Adil lui permet de récupérer les villes de Ramla, Jaffa et Lydda[21].

Décès

Il meurt peu après, dans la force de l’âge, le 1er avril 1205, rapidement suivi par sa femme. Son fils Hugues Ier lui succède à Chypre, sous la régence de Gautier de Montbéliard, tandis que sa belle-fille Marie de Montferrat, fille de Conrad de Montferrat et d’Isabelle lui succède à Jérusalem, sous la régence de Jean d’Ibelin.

Mariages et descendance

Echive d'Ibelin

Il épousa en premières noces vers 1175 Echive d'Ibelin (v. 1160 - 1196-1197), fille de Baudouin (mort en 1187), seigneur d'Ibelin, de Mirabel et de Ramla, et de Richilde de Bethsan, qui donne naissance à :

Isabelle de Jérusalem

Veuf, il se remarie en avec Isabelle de Jérusalem (v. 1172-1206), reine de Jérusalem, veuve d'Henri II de Champagne, fille du roi Amaury Ier et de Marie Comnène, d'où :

Notes et références

  1. Clément de VASSELOT de REGNE, Le "Parentat" Lusignan (Xe – XIVe siècles) : structures, parenté vécue, solidarités et pouvoir d'un lignage arborescent, vol. 1 : Texte (Thèse de doctorat en histoire médiévale, sous la direction de John Tolan et de Martin Aurell), Université de Nantes, , p. 39 :
    « […] connétable puis roi de Jérusalem, Aimericus, a reçu le prénom de son grand-oncle, Aimery III de Rancon, mais il est appelé Amaury dans les ouvrages portant sur l'Orient latin car il s'agit du même prénom que celui de son prédécesseur, le roi de Jérusalem, toujours appelé Amaury Ier. »
  2. Cartulaires du Bas-Poitou (département de la Vendée) (éd. Paul Marchegay), Les Roches-Baritaud, (lire en ligne), p. 33-34 :
    « A[imerici] de Liziniaco »
    1166, 18 juin, Talmond : Confirmation des privilèges du prieuré de Saint-Nicolas-de-la-Chaise.
  3. Robert de TORIGNI (éd. Richard Howlett), Chronique, vol. IV : Chronicles of the reigns of Stephen, Henry II and Richard I, Londres, , p. 235-236 :
    « Haimericus de Lizenneio »
    1168 (début de l'année ) : Participation d'Aimery à la révolte contre Henri II.
  4. Clément de VASSELOT de REGNE, « Geoffroy de Lusignan et ses frères, héros des croisades ? », sur guillaumedesonnac.com,
  5. Le Livre de Philippe de Novare (éd. Jacques Claude Beugnot), vol. I : Assises de Jérusalem ou recueil des ouvrages de jurisprudence, Paris, Imprimerie royale, (lire en ligne), p. 569-570
  6. Steven Runciman, A History of the Crusades, vol. 2, , p. 424.
  7. Clément de VASSELOT de REGNE, Le "Parentat" Lusignan (Xe – XIVe siècles) : structures, parenté vécue, solidarités et pouvoir d'un lignage arborescent, vol. 1 : Texte (Thèse de doctorat en histoire médiévale, sous la direction de John Tolan et de Martin Aurell), Université de Nantes, , p. 845 :
    « Aimery de Lusignan, libéré des geôles sarrasines par Amaury Ier de Jérusalem en 1173-1174, épouse Échive d'Ibelin avant 1176, devenant ainsi beau-frère des seigneurs de Mirabel, de Ramla et d'Ibelin »
  8. Grousset 1935, p. 652-4.
  9. Grousset 1935, p. 683-691
  10. Grousset 1935, p. 733-753.
  11. Grousset 1936, p. 125-9 et 134
  12. Grousset 1936, p. 161-3
  13. Grousset 1949, p. 333-4.
  14. Grousset 1949, p. 170-1.
  15. frère de Saladin.
  16. Malgré ses qualités, Raoul de Tibériade ne disposait pas de fief suffisant pour financer la cour et l’armée.
  17. Grousset 1936, p. 184-8
  18. Grousset 1936, p. 188-197
  19. Grousset 1936, p. 198-202.
  20. Grousset 1936, p. 202-9.
  21. Grousset 1936, p. 209-215.

Bibliographie

Articles connexes

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