Amílcar Cabral

Amílcar Cabral (), également connu sous le pseudonyme Abel Djassi, est un homme politique de Guinée-Bissau et des Îles du Cap-Vert. Il est le fondateur du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert, PAIGC (Partido Africano da Independência da Guiné e Cabo Verde), qui amena à l'indépendance ces deux États colonisés par le Portugal.

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Biographie

Jeunesse

Amílcar Lopes da Costa Cabral est né en 1924 à Bafatá, en Guinée portugaise, actuelle Guinée-Bissau, de père capverdien et de mère guinéenne[1]. Alors que des famines successives provoquent 50 000 morts entre 1941 et 1948 au Cap-Vert[2], il choisit de s'orienter vers l'agronomie et part étudier à Lisbonne où il demeure jusqu'en 1952.

Il y côtoie des militants de la libération des colonies africaines de l'empire colonial portugais. Certains de ces militants deviendront des meneurs de la lutte indépendantiste en Afrique lusophone, occidentale et australe, tels Mário Pinto de Andrade, Agostinho Neto, Viriato da Cruz, qui deviendra le Premier secrétaire du Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) tous les trois en Angola, Eduardo Mondlane (fondateur du Front de libération du Mozambique (Frelimo), Mozambique), Marcelino dos Santos et Vasco Cabral. Ils créent ensemble clandestinement le Centro de Estudos Africanos pour promouvoir la culture des peuples noirs colonisés et obtiennent par l’intermédiaire du Parti communiste portugais (également clandestin) des ouvrages jugés « subversifs », anticolonialistes ou révolutionnaires, censurés par le régime de Salazar[3].

De retour en Guinée-Bissau comme agronome, il est chargé du recensement agricole et parcourt pour ce faire la Guinée pendant deux ans. En 1954, il tente d'organiser sous couvert d'activités culturelles et sportives une organisation politique nationaliste à Bissau. Découverte par les autorités coloniales, l'association est interdite et Cabral expulsé de Guinée. Pendant les quatre années qui suivent, de 1954 à 1958, il travaille pour plusieurs compagnies agricoles, ce qui lui permet d'effectuer de longues missions en Angola[3]. Il s’intéresse particulièrement à la négritude tout en cherchant à dépasser les clivages ethniques entre les peuples d'Afrique, et développe également sa propre analyse du marxisme afin de l'adapter aux conditions africaines[2].

Fondation du PAIGC et lutte pour l'indépendance

En 1956, étant autorisé à revenir en Guinée une fois par an, il fonde avec Luís Cabral, son demi-frère (futur président de la République de Guinée-Bissau), Aristides Pereira (futur président de la République du Cap-Vert), Abílio Duarte (futur ministre et président de l’Assemblée nationale du Cap-Vert), et Elisée Turpin le PAIGC (Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et des iles du Cap-vert), organisation alors clandestine dont il est désigné secrétaire général.

En 1961, il est présent au Caire pour la troisième Conférence des peuples africains où il insiste, reprenant la formule de Lénine, sur la nécessité de « l'analyse concrète de chaque situation concrète » pour repousser le colonialisme, soit s'adapter aux réalités de chaque pays plutôt que de chercher de reproduire à l'identique une lutte anticoloniale menée dans un autre pays. Il effectue dans les mois et années qui suivent une analyse détaillée des « divisions et contradictions » des sociétés guinéenne et cap-verdienne, de façon à comprendre quels groupes sociaux sont les plus à même de soutenir la lutte contre le colonialisme[3].

Après avoir cherché sans succès une issue pacifique au statut colonial de la Guinée et des îles du Cap-vert, le PAIGC s'oriente en 1963 vers la lutte armée et se bat contre l'armée portugaise sur plusieurs fronts à partir des pays voisins, la Guinée Conakry et la Casamance, province du Sénégal. Il parvient peu à peu à gagner du terrain, contrôlant 50 % du territoire en 1966 et 70 % à partir de 1968 et met en place de nouvelles structures politico-administratives dans ces régions. Pour Cabral, ces régions doivent être des lieux de transformation sociale sans attendre l'indépendance : « La dynamique de la lutte exige la pratique de la démocratie, de la critique et de l'autocritique, la participation croissante de la population à la gestion de leur vie, l'alphabétisation, la création d'écoles et de services sanitaires, la formation de cadres issus des milieux paysans et ouvriers, et bien d'autres réalisations qui impliquent une véritable marche forcée de la société sur la route du progrès culturel. Cela montre que la lutte de libération n'est pas qu'un fait culturel, elle est aussi un facteur culturel »[3].

Parallèlement, il déploie une activité diplomatique très intense pour faire connaître son mouvement et en légitimer l’action auprès de la communauté internationale. En 1972, les Nations unies finissent par considérer le PAIGC comme « véritable et légitime représentant des peuples de la Guinée et du Cap-Vert ». Amílcar Cabral est assassiné le à Conakry par des membres de la branche militaire du parti, en relation avec des agents des autorités portugaises[4], six mois seulement avant l’indépendance de la Guinée-Bissau[5]. Amilcar Cabral ne verra donc jamais la reconnaissance de l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert par le Portugal, le , cause pour laquelle il a combattu pendant plus de vingt ans.

Postérité

Une compétition de football, la Coupe Amílcar Cabral, porte son nom.

Plusieurs lycées portent également son nom : le lycée technique Amílcar-Cabral à Ouagadougou au Burkina Faso, le lycée agricole Amílcar-Cabral (LAAC) à Brazzaville au Congo, le collège CEMT Amilcar Cabral de Ziguinchor au Sénégal, le lycée Amílcar-Cabral (LACM) à Mamou en Guinée, le lycée Amílcar-Cabral (LACM) à Macenta en Guinée, l'école primaire Amílcar-Cabral à la Minière, dans la commune de Dixinn (Conakry, Guinée). Le lycée (cycle secondaire) Amilcar Cabral (à Assomada, au Cap-Vert) porte également son nom.

Un aéroport à Sal au Cap-Vert porte son nom, l'aéroport international Amílcar-Cabral (Aeroporto Internacional Amílcar Cabral).

Plusieurs voies portent son nom : un boulevard à Fort-de-France en Martinique, une rue à Kaolack au Sénégal, un boulevard à Alger en Algérie, une avenue à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en France et une place Amilcar-Cabral à Fameck, une ville de Moselle (Lorraine).

Un quartier : Bairro Amilcar Cabral (B.A.C.) à Sines, au Portugal.

Un hôtel à Tunis, près de Carthage, vers la Marsa.

Citation

« Les chrétiens vont au Vatican, les musulmans à la Mecque et les révolutionnaires à Alger[6]. »

Notes et références

  1. Enciclopédia Larousse (Vol.4) pág. 1299 (ISBN 978-972-759-924-0)
  2. « Un intellectuel visionnaire », Le Monde diplomatique, (lire en ligne, consulté le )
  3. Saïd Bouamama, Figures de la révolution africaine, La Découverte, , p. 253-270
  4. (en) « Amilcar Lopes Cabral | Guinean politician », Encyclopedia Britannica, (lire en ligne)
  5. Tigrane Yégavian, « Guiné-Bissau : un narco-État ? », Conflits, no 12, janv.-mars 2017, p. 17-19
  6. « Hommage : dix citations de Amílcar Cabral sur la libération de l’Afrique », Jeune Afrique, (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Mario de Andrade, Amilcar Cabral : essai de biographie politique, F. Maspero, Paris, 1980, 169 p. (ISBN 2-7071-1170-8)
  • Pour Cabral. Symposium international Amilcar Cabral, Praia, Cap-Vert, 17- (organisé par le Parti africain pour l'indépendance du Cap-Vert, PAICV), Présence africaine, Paris, Dakar, 1987, 486 p. (ISBN 2-7087-0482-6)
  • (en) Patrick Chabal, Amilcar Cabral : revolutionary leadership and people's war, C. Hurst, Londres, 2002, 278 p. (ISBN 1-85065-548-0)
  • José Pedro Castanheira, Qui a fait tuer Amilcar Cabral ? (préface de René Pélissier), L'Harmattan, 2003, 269 p. (ISBN 2-7475-4419-2)
  • (pt) António Tomás, O fazedor de utopias : uma biografia de Amílcar Cabral, Tinta-da-China, Lisbonne, 2008, 343 p. (ISBN 978-972-8955-41-0)
  • (en) Carlos Lopes (dir.), Africa's contemporary challenges : the legacy of Amilcar Cabral, Routledge, Londres, 2010, 144 p. (ISBN 978-0-415-56048-1)
  • Amilcar Cabral, recueil de textes introduit par Carlos Lopes, éditions du CETIM, Genève, 96 p., 2013, (ISBN 978-2880530921) [présentation en ligne]
  • Gérard Chaliand, La Pointe du couteau : Mémoires, t. 1, Paris, Robert Lafont, , 460 p. (ISBN 978-2-221-10366-1), p. 233 Chapitre VIII

Liens externes

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