Varicelle
La varicelle, classique sous sa forme de maladie infantile éruptive fréquente, en milieu tempéré, touche plus tardivement l'adulte en milieu tropical où elle est tout aussi caractérisée par sa très grande contagiosité, exposant ainsi femme enceinte et fœtus. Elle traduit la primo-infection par le virus varicelle-zona ou VZV, virus de la famille Herpesviridae. Ce n'est qu'en milieu tempéré et sans doute urbain, loin de l'équateur, sauf vaccination, qu'elle survient spontanément dans plus de 90 % des cas chez l'enfant entre 1 et 15 ans. Sa période d’incubation est de 14 jours en moyenne (de 10 à 21 jours). Il existe un vaccin qui n'est pas recommandé en routine en France. Généralement bénigne chez l'enfant bien portant, elle peut être redoutable et mortelle chez l'adulte non immunisé, l'immunodéprimé, la femme enceinte et le nouveau-né.
Cet article possède un paronyme, voir Viricelles. |
Spécialité | Infectiologie (en) |
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Symptôme | Rash (en), fièvre, fatigue, céphalée et anorexie |
CISP-2 | A72 |
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CIM-10 | B01 |
CIM-9 | 052 |
DiseasesDB | 29118 |
MedlinePlus | 001592 |
eMedicine | 969773 et 1131785 |
eMedicine | ped/2385 derm/74, emerg/367 |
MeSH | et D002644 D002644 et D002644 |
MeSH | C02.256.466.175 |
Histoire
En 1553, l'italien Giovanni Ingrassia aurait été le premier à distinguer la varicelle de la scarlatine[1], d'autres attribuent cette distinction à l'allemand Daniel Sennert, dans les années 1610. En 1764 ou 1772, Rudolf Augustin Vogel (de) , professeur de l'Université de Göttingen lui donne son nom de varicella en la considérant, comme tous les auteurs de son temps, comme une forme atténuée de variole (variola lymphatica selon Boissier de Sauvages)[2].
L'anglais William Heberden est le premier, en 1785, à donner une description précise de la varicelle pour la distinguer de la variole ; la démonstration de cette distinction est faite par Desoteux et Valentin (Traité de l'inoculation, 1799)[2] : la variole ne protège pas de la varicelle, de même la vaccine ne protège pas non plus de la varicelle.
En 1832, Jean-Louis Alibert inclut la varicelle dans son groupe des dermatoses à exanthème contagieux[1].
En 1924, T.M. Rivers et W.S.Tillett démontrent la nature virale de l'agent de la varicelle[1]. En 1952, le virus de la varicelle est isolé à partir de cultures cellulaires par Thomas Weller[3].
Dès 1892, Janus von Bokay signale que des cas de varicelle surviennent en contact étroit avec des personnes atteintes de zona. En 1925, Karl Kundratitz montre que l'inoculation du contenu de vésicule de zona provoque une varicelle chez le sujet non immunisé[1]. En 1943, Joseph Garland suggère que le zona pourrait être une réactivation du virus varicelle acquis plus tôt dans la vie. En 1958, Thomas Weller démontre que les virus de la varicelle et du zona sont les mêmes (virus varicelle-zona)[3].
En 1974, Takahashi, de l'Université d'Osaka, réussit à atténuer une souche de virus varicelle, dite souche OKA, souche vaccinale utilisée dans les vaccins contre la varicelle.
À partir de 1984, les études de génétique moléculaire confirment que le virus du zona est bien une réactivation d'un virus varicelle latent[3].
Cause
Le virus de la varicelle-zona, comme son nom l'indique, est à l'origine de la varicelle et du zona. Il fait partie du groupe des Herpesviridae.
L'homme est le seul réservoir de ce virus, hautement contagieux. La transmission est principalement aérienne par inhalation de gouttelettes de salive (postillons, toux, éternuements...), plus rarement par contact direct avec les lésions cutanées (à partir du liquide des vésicules, il n'y a pas de virus dans les croûtes)[4].
La contagiosité débute entre 2 et 3 jours avant l'éruption, où elle est maximum, et elle se poursuit durant la phase d'apparition de l'éruption, 4 à 5 jours après. Elle peut être prolongée (plusieurs semaines) dans les formes graves chez l'immunodéprimé.
La varicelle est habituellement bénigne chez l'enfant immunocompétent. Les formes compliquées plus graves concernent les adultes non immunisés, surtout les femmes enceintes et personnes immunodéprimées.
Pathogénie
Le virus pénètre dans l'organisme à travers les voies respiratoires, rejoignant les ganglions lymphatiques régionaux pour s'y multiplier. Il se dissémine dans le sang (première virémie au 4e-6e jour) et les viscères, puis se multiplie à nouveau dans les cellules du système réticulo-endothélial. Cette phase est silencieuse (phase d'incubation).
Une deuxième virémie survient vers le 14e jour, où le virus se dissémine au niveau naso-pharyngé et cutané (contagiosité maximum) en produisant l'éruption caractéristique (tableau clinique de la varicelle).
Puis le virus se réfugie dans les ganglions nerveux sensitifs où il peut rester latent durant des décennies. Sa réactivation secondaire est responsable du zona.
La défense de l'organisme contre la varicelle est basée sur l'immunité cellulaire (activation des lymphocytes T) et non sur l'immunité humorale. En cas de contrôle insuffisant (adulte non immunisé), le virus peut toucher le poumon, le foie et le système nerveux central (formes graves compliquées).
Épidémiologie
Dans les zones tempérées, plus de 90 % des adultes ont eu la varicelle durant l'enfance ou l'adolescence (le plus souvent entre 1 et 9 ans). 50 % des enfants l'ont avant l'âge de 5 ans et 90 % avant l'âge de 12 ans.
La maladie se déclare souvent plus tard dans les zones tropicales, et les adultes sont plus exposés.
L'incidence est plus élevée en hiver et au printemps, avec des épidémies plus fortes tous les 2 à 5 ans. La surveillance de l'évolution de l'incidence en France est effectuée par le réseau Sentinelles de l'INSERM depuis 1990[5].
Chaque année, en France, on compte environ près de 700 000 cas de varicelle (90 % ont moins de 10 ans), 3 000 hospitalisations (75 % ont moins de 10 ans) et 20 décès (30 % ont moins de 10 ans). Ces données montrent que la varicelle est habituellement bénigne, presque obligatoire chez l'enfant ; mais aussi que la gravité de la varicelle peut augmenter avec l’âge[6], le risque de décès (complications pulmonaires et neurologiques) étant le plus élevé aux âges extrêmes de la vie[7].
Clinique
Le malaise général et la fièvre peu élevée (environ 38 °C) peuvent apparaître quelques heures avant l’éruption cutanée. Cette éruption cutanée inclut : petites macules (rosées sur les peaux blanches) apparaissent initialement. Elles vont vite se recouvrir de vésicules en gouttes de rosée, qui dans les trois jours vont se dessécher et former une croûte. Il peut rester des lésions hypopigmentées transitoires, ou des cicatrices. Généralement, ces lésions apparaissent en premier sur le cuir chevelu, puis sur le thorax et les muqueuses, ensuite sur les membres, avec respect des régions palmo-plantaires, et enfin au visage. Les différentes séries de lésions décalées dans le temps font que coexistent les différents types de lésions sur tout le corps. L'importance de l'éruption est très variable d'un individu à l'autre.
Les autres symptômes peuvent inclure : difficulté à s’alimenter en raison des vésicules qui se forment parfois dans la bouche, fortes démangeaisons (prurit) et toux importante dans certains cas. Des symptômes similaires à ceux de la grippe peuvent s'y associer : céphalées, douleur abdominale et sensation générale de fatigue[8] et parfois même une conjonctivite.
Diagnostic
Il est le plus souvent clinique devant l'aspect de l'éruption et la notion d'un contact dans les deux semaines qui précèdent avec un autre malade. À titre exceptionnel, le diagnostic peut être confirmé par la recherche du virus dans les vésicules.
La recherche d'anticorps contre la varicelle (sérologie) peut être faite mais il existe quelques réactions croisées avec les anticorps dirigés contre les autres herpèsvirus. Cette recherche peut être utile afin de cibler les personnes à vacciner (absence d'anticorps).
Évolution et complications
- Guérison en 7 à 16 jours pour adultes et enfants.
- Généralement l'immunité est définitive mais il est possible, quoique rarissime, d'observer une deuxième varicelle chez un sujet immunodéprimé ou chez les enfants l'ayant fait une première fois avant 2 ans, quand le système immunitaire est moins réactif et ne développe pas suffisamment d'anticorps efficaces.
- Le virus reste en sommeil dans les ganglions nerveux paravertébraux et peut plus tard se trouver à l’origine d’un zona pendant une période de dépression immunitaire (maladies infectieuses, chimiothérapie, dépression).
Bien que bénigne dans la très grande majorité des cas, la varicelle peut se compliquer, en particulier chez les sujets immunodéprimés, les nourrissons, les adultes, les femmes enceintes.
La complication la plus fréquente est la surinfection bactérienne favorisée par le grattage des lésions cutanées, comme l'impétigo ou l'érysipèle.
Complications spécifiques
- Pneumopathie varicelleuse : elle n’est pas rare chez l’adulte, et se manifeste par des symptômes pulmonaires aigus aspécifiques (toux, fièvre élevée, difficultés à respirer, hémoptysie), elle serait plus fréquente et plus sévère chez la femme enceinte[9].
- Ataxie cérébelleuse aiguë : se voit chez l’enfant, d’évolution bénigne (un cas sur 4 000[10]).
- Syndrome de Reye : c’est une encéphalite gravissime, exceptionnelle, due à la prise d'anti-inflammatoires, tels que l'aspirine.
- L'infection par le virus varicelle-zona est un facteur déclenchant rare du syndrome de Guillain-Barré. Une modification de l'équilibre des lymphocytes auxiliaires et suppresseurs peut être un mécanisme pathogénique important.
Certains évoquent, à terme, une discrète majoration du risque de survenue de sclérose en plaques[réf. nécessaire]. Cependant en 2013, il n'existe pas vraiment d'argument pour une piste infectieuse dans la genèse de la sclérose en plaques[11].
Varicelle congénitale
Chez la femme enceinte, le risque, dans les 20 premières semaines, est de contaminer le fœtus qui peut développer une varicelle congénitale. Après la 20e semaine, si l'enfant est contaminé, il est susceptible de présenter un zona dans les premières semaines ou mois de sa vie[réf. nécessaire].
Chez la femme enceinte cette maladie est grave pour la femme et le fœtus si la mère n'a pas eu la varicelle, sachant que la maladie reste souvent inapparente. Entre 97 et 99 % des femmes sont en fait immunisées à l'âge adulte. Chez le fœtus, la varicelle peut provoquer des malformations si la maladie est contractée avant cinq mois. Chez le nouveau-né, une varicelle congénitale néonatale peut survenir si sa mère a eu la varicelle quelques jours avant ou après la naissance. Cette varicelle congénitale néonatale est très grave avec une mortalité de 20 %.
Traitement
Formes banales de l'enfance
Chez les formes banales de l'enfance, la maladie n'est pas grave et ne relève que de la prise en charge des symptômes : fièvre, démangeaisons. Le traitement repose surtout sur les soins locaux et la prévention des surinfections[4].
Fièvre
La fièvre est généralement modérée, si nécessaire seul le paracétamol est autorisé dans la varicelle. Si une fièvre élevée persiste ou réapparait en dehors d'une poussée éruptive, une consultation médicale est nécessaire, pour rechercher une éventuelle surinfection[4],[12].
Il est très important de ne pas donner d'anti-inflammatoires contenant de l'acide acétylsalicylique, type aspirine, qui est formellement contre-indiqué du fait du risque – rare – de syndrome de Reye. De même les anti-inflammatoires stéroïdiens (corticoïdes, aussi bien en application locale que par voie orale – ce qui arrive chez les enfants souffrant d’eczéma sévère –) et non stéroïdiens (de type ibuprofène sont déconseillés en rapport avec un risque de survenue ou d'aggravation d'infections microbiennes[13].
Démangeaisons
Les anti-histaminiques peuvent être utiles contre un prurit invalidant[4].
Les ongles gardés propres et coupés courts (voire l'utilisation de moufles chez le petit enfant) permettent de réduire le risque de surinfection, en évitant les lésions de grattage[4].
Soins locaux
Une ou deux douches quotidiennes avec savon dermatologique sont préférables aux bains plus ou moins prolongés qui facilitent la macération cutanée et le risque de surinfection.
L'application locale d'un antiseptique cutané (comme la chlorhexidine) est possible, sous forme de lotion[4].
Aucun autre produit ne doit être appliqué sur les lésions cutanées : il faut éviter les poudres (en particulier le talc), pommades, gels, colorants aqueux[7]... au mieux ils sont inutiles, sinon ils retiennent les débris surinfectés[4].
Formes plus graves
La plupart des surinfections cutanées sont bénignes et traités par antibiothérapie par voie orale. Les plus graves par antibiothérapie par voie intraveineuse, et les très graves, comme la fasciite nécrosante sont traitées par antibiothérapie et chirurgie[4].
Dans les formes graves et selon le terrain (nouveau-né, femme enceinte, immunodéprimé...), un traitement antiviral est prescrit : l'aciclovir est régulièrement efficace, avec des résistances exceptionnelles.
Prévention
En France, l’éviction scolaire légale, ou de collectivité, a été supprimée, car la contagion est maximum un à deux jours avant l'éruption puis décroit jusqu'au stade de croûtes. Toutefois, si l'éviction a été jugée inutile, la fréquentation de la collectivité lors de la phase aiguë d'une varicelle (5 jours après le début de l'éruption) n'est pas souhaitable[7].
Les sujets atteints de varicelle doivent éviter le contact avec des immunodéprimés, des femmes enceintes et adultes n’ayant pas été infectés lors de leur enfance.
Vaccination
La vaccination se fait en une injection chez l'enfant de moins de 12 ans, et en deux injections espacées d'un à deux mois, chez l'enfant plus âgé. Elle peut être faite de manière isolée, ou groupée (vaccination anti-varicelle, rubéole, oreillons et rougeole).
Chaque année aux États-Unis, la vaccination évite quelques milliers d'hospitalisations ; le taux d'hospitalisations est passé de 2,5/100 000 cas en 1995 à 1/100 000 cas en 2002[14]. De même, une vaccination faite précocement après un contact avec une personne porteuse du virus peut diminuer sensiblement le risque de développer la maladie et faire en sorte que cette dernière soit moins grave[15].
L'efficacité varie de 95 % à 100 %, et en cas de varicelle, cette dernière serait sensiblement moins grave.
Autres traitements préventifs
Il s'agit de la prise en charge d'un cas-contact (personne à risque exposée à un contact avec une varicelle). Outre la vaccination, il existe les immunoglobulines spécifiques et les antiviraux.
En France, les immunoglobulines anti-varicelle sont réservés aux immunodéprimés, femmes enceintes, nouveaux-nés et prématurés. Les antiviraux, comme l’aciclovir, peuvent être proposés en fonction du terrain du sujet exposé[7].
En France, en dehors des cas précédents, ces traitements ne sont pas indiqués chez l'enfant sain et l'adulte immunocompétents[4],[7].
Notes et références
- (en) R. H. Kampmeier, Varicella Zoster, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-33286-9), p. 1093dans The Cambridge World History of Human Disease, K.F. Kiple (dir.).
- Jean-Noël Biraben, « Le médecin et l'enfant au XVIIIe siècle. Aperçu sur la pédiatrie au XVIIIe siècle », Annales de démographie historique, no 1, , p. 218-219. (DOI 10.3406/adh.1973.1191, lire en ligne)
- (en) Anne A. Gershon, Varicella vaccine, Saunders Elsevier, (ISBN 978-1-4160-3611-1), p. 915.dans Vaccines, 5e édition, S. Plotkin.
- Daniel Floret, « Varicelle chez l'enfant sain », La Revue du Praticien - médecine générale, vol. 24, no 843, 31 mai - 4 juin 2010, p. 451-453.
- réseau Sentinelles, INSERM/UPMC, « Réseau Sentinelles > France > Surveillance continue », sur websenti.u707.jussieu.fr (consulté le 22 mai 2018)
- Santé publique France - InVS, « Qu'est-ce que la varicelle ? / Varicelle / Maladies à prévention vaccinale / Maladies infectieuses / Dossiers thématiques / Accueil », sur invs.santepubliquefrance.fr (consulté le 22 mai 2018)
- E. Pilly, Maladies Infectieuses et Tropicales, Alinéa Plus, (ISBN 978-2-916641-66-9), p. 421-424.
- Haslett C, Chilvers ER, Boon NA et al. « Varicelle » dans : Davidson - Médecine interne - Principes et pratique, Maloine, 2005, p. 31-32.
- (en) D. J. Jamieson et al. « Emerging infections and pregnancy » Emerg Infect Dis. 2006;12(11):1638-43. Texte intégral en ligne (en., pdf)
- (en) Guess HA, Broughton DD, Melton LJ, III, Kurland LT, « Population-based studies of varicella complications » Pediatrics 1986;78:723-7
- La SEP, une maladie multifactorielle sur le site de l'INSERM lire en ligne
- « bons-reflexes-cas-faut-consulter », sur www.ameli.fr (consulté le 21 mai 2018)
- Voir cours de l'hôpital Edouard Herriot, Lyon [PDF] pp. 16-17
- [PDF] La Revue du Praticien Vol. 60, 20 décembre 2010, p. 1378
- (en) Macartney K, McIntyre P. « Vaccines for post-exposure prophylaxis against varicella (chickenpox) in children and adults » Cochrane Database of Systematic Reviews 2008;3. Art. No CD001833 DOI:10.1002/14651858.CD001833.pub2
Voir aussi
- (en) U Heininger, J Seward « Varicella » Lancet 2006;368:1365-76.
- (en) [PDF] « Chickenpox and Pregnancy » Royal College ob Obstetricians and Gynaecologists, juillet 2001
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