Anémie ferriprive
Une anémie ferriprive est une anémie due à une carence des réserves en fer de l'organisme. Il s'agit d'une situation fréquente en médecine. Un terme équivalent est celui d'anémie par carence martiale.
Spécialité | Hématologie |
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CISP-2 | B80 |
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CIM-10 | D50 |
CIM-9 | 280 |
DiseasesDB | 6947 |
MedlinePlus | 000584 |
eMedicine | 202333 |
eMedicine | med/1188 |
MeSH | D01 |
Épidémiologie
La carence en fer est la première cause d'anémie[1]. Elle peut toutefois exister sans anémie et sa prévalence est double de celle de l'anémie ferriprive[2].
30 à 50 % des anémies sont de type ferriprive[3].
Mécanismes
Les besoins en fer du sujet normal sont de l'ordre de 9 mg par jour chez l'homme et de 7 à 30 mg par jour chez la femme et l'enfant. La presque totalité de cette quantité est consommée par l'érythropoièse. Les érythroblastes obtiennent essentiellement leur fer de la transferrine, protéine transporteuse qui est présente dans le plasma à la concentration normale de 2 500 mg·L-1 et qui, habituellement, n'est saturée de fer qu'au tiers environ. Le taux de fer sérique est normalement de l'ordre de 1 200 μg·L-1 chez l'homme (à cause de son imprégnation androgénique) et de 1 000 μg·L-1 chez la femme, l'enfant et l'eunuque. Les érythroblastes possèdent un mécanisme actif d'extraction du fer de la transferrine qui leur permet de couvrir leurs besoins même si le taux de saturation de cette protéine descend à 5 - 10 %, c'est-à-dire jusqu'à un taux critique de fer sérique de l'ordre de 20 à 300 μg·L-1.
Lorsque les besoins de fer cessent d'être couverts par l'alimentation, l'organisme fait appel à ses « réserves » qui sont constituées par la ferritine et l'hémosidérine du foie (hépatocytes et cellules de Kuppfer) et des cellules réticulaires de la rate et de la moelle osseuse. Cette mobilisation est effectuée par un échange de fer entre la ferritine des cellules et la transferrine du plasma, cette dernière étant devenue fortement désaturée par l'activité des érythroblastes. L'anémie ferriprive ne se produit que lorsque les réserves sont vidées et que le taux de saturation de la transferrine s'abaisse en dessous du taux critique cité plus haut.
Les réserves en fer de l'organisme et les pertes quotidiennes sont respectivement de 1 200 mg et de 1 mg chez l'homme, de 600 mg et 1,5 mg chez la femme. En pays industrialisés, les besoins sont normalement couverts par l'alimentation. La ferritine donne une estimation des réserves de fer de l'organisme. Son interprétation doit d'abord éliminer un état inflammatoire chronique, une affection maligne, une cytolyse ou une hyperthyroïdie, situations où la ferritine s'élève indépendamment de l'état des réserves.
Lorsque vient à manquer le fer, la synthèse de l'hème, et donc celle de l'hémoglobine (Hb), deviennent insuffisantes mais la production de globules rouges (G.R.) est relativement peu affectée. L'anémie ferriprive sera par conséquent :
- hypochrome, les hématies paraissent pâles et l'indice de coloration (I.C.) est inférieur à l'unité,
- microcytaire, car la concentration sanguine en hémoglobine entre pour un tiers dans le volume du globule rouge normal
- et surtout, la concentration en hémoglobine globulaire sera abaissée.
Les carences martiales entraînent une augmentation de l'absorption du fer qui, de 10 % peut passer à 30 %. Cette absorption nécessite un pH gastrique acide pour maintenir le fer sous forme de fer ferreux. L'anémie témoigne d'un déficit profond des réserves de l'organisme au point que la synthèse de l'hème s'en trouve ralentie. Chaque érythroblaste subit un nombre excessif de mitoses, d'où une diminution du volume globulaire.
L'hepcidine joue également un rôle important dans le métabolisme du fer. Elle se fixe sur la ferroportine, entraînant son internalisation intra-cellulaire[4]. Le taux sanguin de l'hepcidine est corrélé avec celui de la transferrine[5]. En cas de carence martiale, le taux d'hepcidine chute, permettant une meilleure absorption digestive et le relargage du fer par les réserves de l'organisme[2].
Chez la femme, les besoins exigés pour une grossesse sont de 650 mg. Au cours du dernier trimestre de grossesse, on assiste à l'apparition d'une anémie de dilution.
Chez le nourrisson, les besoins quotidiens sont de 1 mg·kg-1. De plus, il existe chez lui une microcytose avec hypochromie physiologique avec une concentration en hémoglobine avoisinant les 11 g·L-1.
Causes
Les différentes variétés cliniques de l'anémie ferriprive relèvent d'une combinaison en proportions variables des deux causes fondamentales : l'insuffisance d'apport de fer et les accroissements des besoins en fer. Ces causes sont acquises.
Il existe d'exceptionnelles causes génétiques, par mutation du gène TMPRSS6[6].
Insuffisance d'apport de fer
Une insuffisance d'apport de fer peut être due à :
- un apport alimentaire insuffisant (ce qui peut être le cas d'un régime végétarien trop strict[2]) ;
- une mauvaise utilisation alimentaire ;
- soit par manque d'acidité gastrique (qui normalement rend le fer plus résorbable en l'amenant à l'état ionisé) ; ce facteur joue chez les gastrectomisés et dans les gastrites avec anacidité ;
- soit par malabsorption intestinale, notamment dans les stéatorrhées chroniques de toute nature, et chez les sujets porteurs de résections intestinales ou d'une chirurgie bariatrique.
Accroissement des besoins en fer
Un accroissement des besoins en fer peut survenir :
- physiologiquement, entre 4 mois et 2 ans, âge où l'enfant investit 6 à 8 mg de fer par jour dans son érythropoièse ;
- physiologiquement encore, chez la femme enceinte et pendant l'allaitement : chaque grossesse coûte environ 750 à 1 000 mg de fer, soit un cinquième des réserves normales ;
- surtout, dans les états hémorragiques chroniques parce que les réserves de fer sont généralement épuisées dans ces cas. Au contraire, une hémorragie aiguë isolée, à moins d'avoir été très abondante, ne laisse derrière elle qu'un bref épisode où le sang présente le tableau de l'anémie ferriprive.
Variétés cliniques
Dans le cadre des anémies ferriprives, il est possible d'individualiser quelques syndromes particuliers.
Anémie post-hémorragique chronique
Parmi les causes les plus fréquentes de l'anémie ferriprive, il faut citer les hémorragies chroniques : Elles sont le plus souvent :
- d'origine digestive (Ulcère gastrique, cancer gastrique, hernie hiatale par roulement, hémorroïdes et ankylostomiase...).
- d'origine gynécologique (Ménorragies et métrorragies, une menstruation normale représente en moyenne une perte de 50 mg de fer)
Il existe d'autres causes d'hémorragies chroniques, plus rares.
Chlorose (ou anémie hypochrome de la puberté féminine)
Propre au sexe féminin et survenant chez les adolescentes de 14 à 20 ans, la chlorose était très fréquente au début du XXe siècle mais a aujourd'hui pratiquement disparu. Même sans traitement, le pronostic est bénin. Trois facteurs interviennent dans sa pathogénie :
- l'établissement des premières règles qui sont quelquefois trop abondantes ;
- la poussée de croissance de la puberté qui va de pair avec un développement parallèle de la masse sanguine et crée à ce moment critique un accroissement momentané des besoins en fer.
- un régime très pauvre en fer dû aux habitudes alimentaires. C'est certainement cet élément diététique qui est le plus important dans la cause de la rareté actuelle de ce syndrome.
Anémie dite « hypochrome essentielle » ou la chlorose tardive ou encore la choranémie achylique de Kaznelson
Plus fréquente que la chlorose, elle est, comme elle, pratiquement liée au sexe féminin (9 cas sur 10); cette anémie frappe surtout les femmes entre 30 et 50 ans, ainsi que les personnes ayant une alimentation pauvre en fer.
Sa pathogénie comprend une combinaison en proportions variables des facteurs suivants :
- des grossesses et allaitements répétés ;
- fréquemment l'une ou l'autre affection gynécologique (myome, endométrite, hyperplasie glandulo-kystique) responsable de ménométrorragies chroniques ;
- un régime quelquefois déficient en aliments riches en fer ;
- l'achlorhydrie (ou du moins l'hyposécrétion) gastrique. Ce dernier facteur se retrouve avec une fréquence particulière. On a d'ailleurs noté le caractère souvent familial de l'affection ainsi que la fréquence avec laquelle, dans les familles atteintes, s'observent des cas d'anémie pernicieuse de Biermer.
Anémie hypochrome de la grossesse
Fréquente, même dans les classes aisées, elle s'observe plus souvent chez les plurigravides que lors d'une première grossesse. Sa fréquence, qui, dans nos régions, dépasse de loin celle de l'anémie hyperchrome de la grossesse, justifie la libéralité avec laquelle on peut administrer le fer aux femmes enceintes pendant la seconde moitié de la grossesse.
En fin de grossesse, on observe une dilution du sang sous action humorale, si bien que l'hémoglobine peut atteindre 120 g·L-1 mais on ne peut la laisser descendre en dessous. De toute façon, la découverte d'une hypochromie pose l'indication formelle pour la thérapeutique martiale.
Anémie hypochrome du nourrisson
Le colostrum et le lait maternel sont assez pauvres en fer. De plus lors de l'accouchement, le clampage précoce du cordon ombilical prive le nouveau-né d'une quantité significative de fer et d'hémoglobine qu'il aurait sinon reçu du placenta dans les trois minutes suivant l'accouchement[7]. Enfin, comme la masse sanguine du bébé se développe rapidement la première année de la vie, les réserves du foie, constituées durant la vie fœtale, s'épuisent rapidement après la naissance. Dès que l'alimentation comprend des jus de viande et autres sources de fer, en particulier après la 2de année, le danger d'anémie ferriprive est écarté, mais elle est assez souvent observée entre 4 - 6 mois et 2 ans, y compris (avec ou sans anémie) dans les pays dits « développés »[8],[9],[10].
Cette carence est fréquente, et peut être grave chez l'enfant prématuré ou chez le jumeau car ils naissent avec des réserves en fer insuffisantes. L'enfant trop longtemps soumis à un régime lacté intégral peut aussi être concerné. Même le nourrisson normal présente une chute du taux de fer sérique après l'âge de 6 mois : ce pourquoi les pédiatres recommandent de donner du jus de viande et des légumes dès cet âge.
Chez le nourrisson, une carence en fer a été associée à des problèmes de retard mental[10] et à des altérations du développement psychomoteur[8],[9],[11],[12],[13],[14],[15],[16],[17],[18],[19],[20],[21],[22] qui persistent malgré un traitement de fer à long terme[12],[23],[16],[17],[18],[19],[21],[22] même jusqu'à 19 ans[22].
Un faible taux de ferritine dans l'enfance a aussi été associée à :
- une altération de la mémoire de reconnaissance auditive[24] ;
- une moindre réussite aux tests mentaux et psychomoteurs à 5 ans[25] ;
- des troubles de l'attention visuelle et de l'acquisition des concepts[26] ;
- un risque plus élevé d'asthme[27] ;
- des troubles du sommeil (à long terme)[28],[16] ;
- des problèmes de maturation neuronale[29] ;
- un clignotement plus lent des yeux[30],
- des problèmes moteurs dans les extrémités supérieures des membres[23],
- la schizophrénie à l'âge adulte[18],
- des troubles émotionnels et psychosociaux[20] ;
- une altération à long terme de la réponse à la prolactine[31] ;
- des troubles auditifs et de la réponse visuelle[32].
Une revue d'études faites en 2004 a conclu qu'un clampage plus tardif du cordon ombilical pourrait réduire l'anémie ferriprive des nourrissons nés à terme, même dans les pays industrialisés, et ainsi d'éviter pour ces enfants les conséquences listées ci-dessus, pour toutes ou parties irréversibles à long terme[33].
Chez le nourrisson, le taux de ferritine et la mesure du volume de globules rouges en circulation mesurent mieux les effets hématologiques de la carence en fer que l'hématocrite du sang[34],[35]. Le délai entre la naissance et le clampage du cordon ombilical affecte aussi ces indicateurs car le nouveau-né peut encore recevoir du sang du placenta[34], notamment si le clampage est "retardé", c'est-à-dire que la section du cordon est pratiquée non pas dans la minute, mais après deux à trois minutes après la naissance ou quand les pulsations du cordon ont cessé, avec en revanche une augmentation du risque d'ictère nécessitant une photothérapie[7] ; avec un transfert de sang atteignant 80 mL une minute après la naissance et près de 100 mL 3 min après la naissance[36],[37].
Anémie ferriprive des affections gastro-intestinales
Elle peut s'observer dans les affections qui suppriment l'acidité gastrique (gastrectomie, achylies de toute nature) ou interfèrent avec la résorption intestinale (stéatorrhées, fistules gastro-coliques, résections étendues, etc.). Plus souvent cependant ces affections s'accompagnent d'une anémie macrocytaire due, généralement, à une déficience en acide folique. La découverte d'une anémie microcytaire hypochrome chez des sujets entrant dans cette catégorie devra inciter à rechercher une cause d'hémorragies chroniques (ulcère d'une bouche d'anastomose, cancer, etc.).
Anémie de l'ankylostomiase (ankylostome duodénale)
L'ankylostomiase se manifeste dans une atmosphère chaude et humide, donc dans les pays tropicaux mais aussi dans les mines de charbon. Elle n'entraine de l'anémie que si le régime alimentaire du sujet est pauvre en fer. S'il y a très peu d'ankylostomes, on observe une stimulation de l'érythropoïèse mais si, par contre, il y a beaucoup de parasites, on observe une anémie très grave (les ankylostomes mangent littéralement les villosités du duodénum.
Symptômes cliniques
On peut diviser la symptomatologie en deux ordres de faits
- l'anémie proprement dite,
- l'asidérose due à la carence en fer.
Anémie
Comme elle s'installe de manière insidieuse, l'anémie ferriprive est habituellement bien tolérée. Ses symptômes sont ceux de l'anémie pure. Le syndrome anémique associe à des degrés variables : pâleur, asthénie, dyspnée d'effort, céphalées, vertiges, acouphènes et lipothymie. Le teint est habituellement blanchâtre, exempt de nuance ictérique. La rate n'est en général pas palpable. On peut cependant sentir une pointe de rate dans 33 % des anémies hypochromes essentielles.
Asidérose
La carence en fer étend ses effets à toutes les cellules de l'organisme qui ont besoin de ce métal pour la synthèse d'un grand nombre d'enzymes, et notamment des cytochromes. Cette carence se manifeste par le syndrome d'asidérose, lequel frappe particulièrement les épithéliums qui, du fait de leur régénération continuelle, sont de grands consommateurs de fer. Les symptômes principaux sont d'ordre digestif et tégumentaire.
Signes digestifs
La glossite est fréquente, se manifestant par une sécheresse de la bouche, des sensations de brûlures[38]. La langue peut devenir lisse et luisante et peut présenter de petites ulcérations douloureuses. Dans l'ensemble la glossite sidéropénique est moins grave cependant que celle qui accompagne l'anémie pernicieuse ou anémie de Biermer.
L'œsophagite est fréquente aussi et donne lieu au syndrome de Plummer-Vinson, encore appelé « dysphagie sidéropénique de Waldenström ». Il s'agit d'une sensation de brûlure rétrosternale et d'une sensation d'arrêt des aliments dans le haut de l'œsophage, deux symptômes qui se manifestent immédiatement après chaque déglutition. À la radiographie on peut noter un petit défaut de remplissage de l'œsophage entre l'empreinte du cartilage cricoïde et l'empreinte de l'aorte. Ces signes cliniques et radiologiques disparaissent rapidement lors de la thérapeutique martiale, faisant ainsi la preuve de la cause.
Au niveau stomacal, on observe une hyposthénie gastrique c'est-à-dire une diminution du processus fermentatif de l'estomac se traduisant par des fermentations « anormales » plus fréquentes et plus intenses, une dilatation atonique de l'estomac et aussi une sécrétion chlorhydrique moindre : l'examen du suc gastrique après repas d'Ewald révèle de l'achlorhydrie dans 85 % des cas, et celle-ci est histamino-réfractaire dans la moitié des cas.
L'endoscopie haute trouve une gastrite superficielle ou atrophique dans 80 % des cas.
La constipation est fréquente.
Signes tégumentaires
La peau est sèche. Elle présente parfois de petits troubles de la pigmentation (par exemple du vitiligo, ou encore, pour les peaux noires, une teinte grisâtre due à une dépigmentation diffuse). Il existe souvent des crevasses au dos de la main et au niveau des commissures labiales. Un prurit rebelle a été également signalé mais paraît rare. Les cheveux et les poils se raréfient et grisonnent prématurément. Les ongles cassent facilement et présentent un aspect caractéristique : ils deviennent concaves, mats et striés dans le sens de la longueur.
Autres signes
La carence martiale, même sans anémie, peut se manifester par une asthénie[39], des troubles de l'attention ou de la concentration réversibles après supplémentation en fer[40].
On a signalé chez les sujets carencés en fer de nombreux dérangements endocriniens, particulièrement une insuffisance génitale (aménorrhée chez la femme, impuissance chez l'homme). Il peut favoriser l'apparition d'un syndrome des jambes sans repos[41].
Biologie
Examen hématologique
Mesures courantes
Le nombre de globules rouges est « en principe » diminué, puisqu'il s'agit d'une anémie, mais dans les cas légers, il peut rester dans les limites de la norme. Il est rare qu'il descende en dessous de 3 millions /mm³. Le taux sanguin d'hémoglobine s'abaisse davantage, l'anémie ferriprive étant hypochrome. L'indice de coloration (IC) est donc inférieur à 1 et le taux d'hémoglobine globulaire est généralement compris entre 15 et 20 pg (picogramme) (N = 29 ± 2 pg). L'hématocrite est également plus affecté que le nombre d'hématies et se situe entre 20 et 35 %, du fait du caractère microcytaire de l'anémie. Le volume globulaire moyen est souvent de l'ordre de 55 à 75 microns3 (N = 87 +- 5 %), du fait de la minceur et de la diminution du diamètre des globules. La concentration moyenne d'hémoglobine globulaire est abaissée, se situant souvent entre 25 et 30 % (N = 34 +- 2 %).
Examen du frottis sanguin
On notera surtout la pâleur de coloration des hématies, pauvre en hémoglobine susceptible de fixer l'éosine du colorant. Certains globules sont presque dépourvus d'hémoglobine et présentent une teinte polychromatophile. Beaucoup d'hématies ont un aspect « en anneau » du fait que leur hémoglobine n'occupe que la périphérie du disque globulaire, laissant tout l'espace central décoloré. On observe une microcytose mais du fait de l'anisocytose, on peut rencontrer une minorité d'éléments de diamètre normal ou même augmenté, portant une charge en Hb normale. La poïkilocytose est courante.
Taux de réticulocytes
Le taux de réticulocytes d'une anémie ferriprive non traitée est souvent normal, quelquefois abaissé ; il s'élève après une hémorragie et se maintient à des valeurs modérément élevées en cas de persistance du saignement.
Résistance osmotique
La résistance osmotique des hématies est souvent normale ou légèrement accrue.
Globules blancs et plaquettes
Il existe souvent une légère leucopénie avec lymphocytose relative, sauf après une hémorragie où il se produit une réaction leucocytaire neutrophile. Le nombre des thrombocytes est en général normal ou élevé, avec une thrombocytose réactionnelle.
Examen de la moelle osseuse
La ponction médullaire ramène en général une moelle richement cellulaire, dans laquelle le rapport granulo-érythropoiétique est abaissé par suite d'une forte hyperplasie de la lignée rouge. On s'aperçoit ainsi que la pauvreté du sang en hématies repose sur un blocage de la maturation.
Données métaboliques
Le taux du fer sérique est extrêmement abaissé, tombant souvent en dessous de 25 µg/100 ml. La concentration de la transferrine est au contraire augmentée, jusqu'au quadruple, de sorte que son taux de saturation devient minime. Le taux de ferritine est diminué. La protoporphyrine globulaire est augmentée. La bilirubinémie est basse, à cause de la réduction de la masse d'hémoglobine à cataboliser. Le plasma peut devenir quasi incolore. Les urines ont une teinte normale.
Un cas plus délicat est l'association d'une vraie carence martiale avec une maladie inflammatoire, cette dernière élevant le taux de ferritine sanguin.
Diagnostic
L'anémie ferriprive est la principale, mais non la seule anémie hypochrome microcytaire. Elle partage ces caractères avec les thalassémies, les anémies sidéro-achrestiques et quelques syndromes très rares. Elle se distingue de ces affections par deux caractères faciles à vérifier : le taux sanguin très bas du fer sérique et la réponse favorable au traitement martial. (On peut noter une crise réticulocytaire dès les premiers jours de traitement). Le diagnostic d'anémie ferriprive est fréquemment suggéré par le contexte clinique (hémorragies).
L'anémie inflammatoire est aussi hyposidérémique arégénérative et parfois microcytaire mais un taux de transferrine abaissé ou même normal élimine une carence martiale.
Traitement
Fer
Le seul traitement valable, qui est remarquablement efficace, consiste en l'administration de fer (« thérapeutique martiale »). On le donnera par la bouche sous une forme chélatée à une petite molécule organique qui assurera son passage aisé à travers les cellules épithéliales de l'intestin grêle (fumarate, ascorbate, gluconate, citrate ammoniacal de fer). Les sels ionisés sont plus irritants pour le tube digestif et ne sont pas mieux résorbés que les chélates.
Pour améliorer la tolérance digestive, on commence par une dose faible que l'on augmentera graduellement. Les comprimés seront ingérés au moment des repas : la résorption est moins bonne mais la tolérance est meilleure.
L'excès de fer peut passer dans les selles et les colorer en noir (sulfure de fer).
L'ingestion de sels de fer par de petits enfants peut avoir des suites mortelles (dose létale = 900 mg de fer-métal par kg). L'antidote est la desferrioxamine.
La réponse à la thérapeutique se manifeste dès les premiers jours par l'apparition de réticulocytes. La montée du taux d'Hb est plus lente : on gagne en général 0,17 g/100 ml d'Hb par jour, soit environ 1 g/100 ml par semaine. Le succès thérapeutique est assuré mais peut exiger plusieurs mois.
Indications de la voie parentérale = limitées aux quatre cas suivants :
- Fer per os = insuffisamment résorbé ;
- Intolérance digestive telle que l'état de nutrition du malade en est compromis
- Patient incapable d'assurer lui-même la régularité de son traitement : déficients intellectuels, etc.
- Cas d'urgence (par exemple anémie ferriprive constatée à la fin de la grossesse)
L'administration du fer par voie parentérale se fait uniquement par injections intramusculaires en effet, par voie sous-cutanée, il y a décomposition sur place d'une bonne partie du chélate, et par voie intra-veineuse, le fer est très toxique comme les autres métaux lourds (ceci est valable même pour les chélates).
Traitement accessoire
Les transfusions sont généralement superflues à moins qu'il n'y ait urgence ou en cas d'hémorragies persistantes. On ne donnera au début ni vit. B12, ni acide folique, ni aucun autre facteur érythropoiétique, généralement inutiles et susceptibles de brouiller l'interprétation de la réponse au traitement martial. L'exception est le syndrome de malabsorption intestinale, où la déficience porte davantage sur l'acide folique que sur le fer.
Surveillance du traitement martial
Une crise réticulocytaire est observée à partir du 5e jour.
La seule correction de l'anémie ne suffit pas : il doit aussi avoir normalisation de la transferrine et de la ferritine.
La persistance de l'anémie avec correction du syndrome biochimique doit faire rechercher une autre pathologie, par ex. une thalassémie mineure (électrophorèse de l'hémoglobine).
La persistance de l'anémie et du syndrome biochimique suggère un problème d'adhésion au traitement ou une malabsorption. L'injection IM, deux fois par semaine, de chélate de fer permet d'obtenir la guérison.
Articles connexes
- Hypoferritinémie
Notes et références
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